Bonheur et plaisir

Suite de l’article où Julie et Catherine parlent du texte d’Epicure. Pour lire le début du dialogue sur le bonheur et le plaisir cliquez ici .
– De quel plaisir parle ce texte ? répétais-je à Julie qui n’avait pas compris ma question.
– De celui qui rend heureux ?
– Certes… Mais encore ? Tous les plaisirs sont-ils de même valeur selon Épicure ?
– Ben apparemment non… Il y a les bons et il y a les mauvais plaisirs non ?
– Oui, effectivement, notre auteur les classe. Enfin plus exactement il classe des désirs, non pas des plaisirs.
– Ce n’est pas la même chose, interrogea Julie ?
– Pas tout à fait… Tu ne vois pas la différence entre désir et plaisir ?
– Un désir c’est avant un plaisir non ?
– Si tu veux… Le désir est la tendance qui nous pousse vers quelque chose et le plaisir est la satisfaction qui en résulte quand ce but est atteint.
– Oui, on est bien, à ce moment là , et c’est cool… Enfin… On est heureux quoi !
– Ah ! Attention ! Être bien et être heureux ce n’est pas la même chose, tout comme il faut distinguer le plaisir et le bonheur!
– Pourquoi ? Si je suis bien, je suis heureuse, pourtant ! Et c’est difficile d’être heureux quand on est mal… suggéra Julie soudain perplexe.
– Reprends ton texte, lui conseillais-je. Regarde mieux. Épicure classe les désirs en divisant chaque groupe. On appelle cela une dichotomie, (du grec dicho, deux, et tomos, séparation), parce qu’il divise chaque classe en deux à chaque fois.
– Y a des désirs qui sont naturels et d’autres qui sont vains, continua Julie.
– Vain ça veut dire inutile, ce sont des désirs dont la satisfaction n’est pas utile pour la vie, voire dont la satisfaction est un mal pour notre existence.
– Et parmi les désirs naturels certains sont nécessaires, d’autres pas.
– Oui, voilà .
– Mais en tout cela ne fait que trois sortes de désirs, conclut Julie avec pertinence.
– Seulement trois sortes de désirs, mais il n’en reste pas moins qu’il existe de nombreux désirs à classer dans ces trois catégories… rectifiais-je.
– Par exemple ?
– Eh bien par exemple, les désirs vains sont multiples : avoir un rêve inaccessible, regretter le passé qui n’est plus, se préférer différents…
– Oui, mieux vaut vaincre ses désirs, me coupa Julie en accompagnant sa remarque d’un petit clin d‘oeil…
– Quant aux désirs naturels, c’est-à-dire non artificiels (comme le serait de trop manger, et de faire des excès) et nécessaires à l’existence, tu remarqueras que l’auteur distingue ceux qui sont bons pour le bien-être du corps et ceux qui sont bons pour le bonheur… Autrement dit nous sommes invités à ne pas confondre bonheur et bien-être physique.
– Le bonheur c’est mental alors ? demanda Julie.
Le bonheur est une satisfaction de notre esprit qui se trouve dans l’absence de trouble, dans la croyance en la continuité de mon bonheur : « Une fois cet état réalisé en nous, toute la tempête de l’âme s’apaise », dit Épicure. Parce le bonheur est ainsi selon lui, fait de paix et de tranquillité. Et c’est bien cela que tu voulais me dire, non ? Pour être heureux ici et maintenant il faut être sûr d’être heureux demain où qu’on aille et donc n’être troublé par rien.
– Bref le bonheur, c’est un peu un encéphalogramme plat ! Il ne se passe plus rien et il n’y a plus rien à l’horizon, non ?
– D’une certaine façon c’est un peu ça oui, le bonheur, admis-je.
– Hein ! S’exclama Julie, je ne m’en étais pas rendue compte avant, mais ça doit être mortel d’ennui le bonheur !!
– Je t’ai prévenu qu’il ne fallait pas confondre bonheur et désir ou bonheur et plaisir !
– Eh bien ! Fit Julie quelque peu dépitée. Je ne suis pas sûre d’être faite pour le bonheur, moi ! Parce qu’on dirait qu’il faut être immobile, ne plus rien ressentir, et moi au contraire, j’aime bien quand ça bouge ! Le bonheur c’est l’ennui non ?
– C’est vrai qu’il faut avoir acquis beaucoup de sagesse pour renoncer à ce qui peut détourner de la paix intérieure et empêcher d’accéder au bonheur, reconnus-je. Mais rappelle toi ce que nous avons dit: ou le bonheur dure, ou bien il n’est pas du bonheur. Or si je fais quelque chose qui peut remettre en cause cet équilibre (et un simple désir qu’on ne parvient pas à réaliser fera le même effet), j’anéantis mes chances de bonheur futur, donc de bonheur présent.
– A ce compte, on ne devait pas rire tous les jours chez Monsieur Épicure, plaisanta Julie.
– Ce philosophe de la période hellénistique c’est-à-dire de l’époque du déclin d’Athènes au III° siècle avant Jésus-Christ, vivait à un moment de grande crise économique et politique. Ce texte est en fait une lettre qu’il adresse à un disciple pour que celui-ci trouve le bonheur en dehors des plaisirs vains et matériels.
– En gros ça nous dit comment être heureux en dehors d’une société de consommation ?
– Oui si tu veux, répondis-je à Julie.
– C’est amusant, on dirait que ce texte a été écrit pour nous, pour nous ramener à l’essentiel et nous éloigner du superficiel.
– C’est souvent le cas avec les textes de philosophie, ils s’adressent aux hommes par-delà les époques et les conjonctures. Ils sont atemporels.
– Et pourtant, remarqua très finement Julie, quand Épicure a écrit sa lettre, il pensait à son actualité à lui. Dis moi, Katy, la philosophie, elle est là pour dire quelque chose sur notre vie, ou bien elle est là pour parler des hommes en général ?
– Et si elle faisait les deux ? proposais-je.
– C’est tout de même différent, objecta ma jeune voisine.
– Tu sais, je crois que la philosophie accepte les deux sans exclure aucune solution car les philosophes eux-mêmes restent « de façon atemporelle » divisés sur ce sujet !!

A suivre…

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LeWebPédagogique

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4 réflexions au sujet de « Bonheur et plaisir »

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