Despues de Lucia : à l’école, l’enfer, c’est les autres…

Primé au dernier festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard, et sorti ce mercredi 3 octobre sur nos écrans, le film du réalisateur mexicain Michel Franco, Despues de Lucia,  expose de manière implacable le harcèlement subi dans son nouveau lycée par Alejandra, une adolescente mexicaine dont le père a choisi de déménager après la mort accidentelle de sa femme. J’en ai rédigé le livret pédagogique que je vous livre aujourd’hui.

« Le machisme des garçons, la jalousie des filles, la conformité du groupe adolescent et l’isolement d’Alejandra constituent le terreau de ce harcèlement collectif, renforcé d’un côté par une consommation excessive d’alcool et l’usage des nouvelles techniques de communication (Internet, téléphones portables), et nourri de l’autre par l’absence, l’aveuglement et la négligence saisissants des éducateurs.

Protégeant un père accablé par le deuil et ne souhaitant pas le décevoir, Alejandra essaie d’affronter seule une situation dont la perversité lui échappe : les moqueries, les insultes, les humiliations, les agressions se succèdent, s’intensifient, et brisent tous ses efforts désespérés pour raisonner ou éviter ses amis devenus ses bourreaux.

Loin d’être un lieu de vie, le lycée se révèle alors être un lieu mortifère où se déchaîne impunément la violence grégaire d’adolescents encadrés de manière formelle et machinale par des adultes distants et détachés.

 Placés eux-mêmes dans le rôle de témoins, les spectateurs sont alors invités à s’interroger sur cette passivité ayant rendu possible le calvaire d’Alejandra. Car il ne s’agit pas de savoir si un tel supplice est crédible, la réalité en ayant maintes fois apporté la triste preuve, mais plutôt de comprendre comment le harcèlement peut s’enraciner et se développer dans la durée, dans l’indifférence ou à l’insu de tous les membres, élèves comme adultes, de la communauté scolaire.

Qu’est-ce que le harcèlement entre pairs en milieu scolaire ?

Si le mot «harcèlement» semblait jusqu’alors réservé à une pression exercée entre adultes, il s’applique aujourd’hui à des relations entre élèves dont la violence peut avoir des conséquences physiques et psychologiques dramatiques sur les jeunes, comme le montre sans détour le film de Michel Franco.

Désigner sous ce terme un phénomène scolaire encore méconnu et souvent minimisé par les éducateurs permet d’en saisir la gravité, et invite tous les acteurs de l’Ecole à le prendre au sérieux : il n’est plus possible de balayer d’un revers de main les «petites» histoires de récréation ni d’attendre des élèves qu’ils  règlent seuls leurs problèmes entre eux.

Les recherches montrent en effet que quelles que soient l’origine sociale et la taille de l’établissement, 1 élève sur 10 est victime de harcèlement à l’école, c’est à dire, d’une violence intentionnelle, «répétée, verbale, physique ou psychologique, perpétrée par un ou plusieurs élèves à l’encontre d’une victime en position de faiblesse.» (Refuser l’oppression quotidienne : la prévention du harcèlement à l’École. Éric Debarbieux, 2011). Le terme anglo-saxon Bullying – de Bull, «le taureau»-, utilisé dans de nombreux pays pour définir le harcèlement entre pairs, évoque ainsi parfaitement l’aspect collectif et oppressant de ce type d’agression.

La violence exercée sur la victime est multiforme : physique (coups, dégradations…), morale (menaces, moqueries, insultes, pressions pour agir contre son gré…), directe (en face à face), et / ou indirecte (propagation de rumeurs…). A cet égard, le développement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux (MSN, blogs, e-mails, réseaux sociaux, téléphones portables) facilite le harcèlement, en donnant aux agresseurs l’opportunité d’agir en tout lieu,  à tout moment et de façon anonyme : dans After Lucia, personne ne sait qui a posté la vidéo sur Internet ni qui envoie des SMS insultants à Alejandra. Pouvoir agir en toute impunité, loin de la victime sans percevoir sa souffrance, et avec une capacité de diffusion maximale via Internet, constituent les caractéristiques de ce que l’on appelle aujourd’hui le cyberharcèlement.

Avec plus de 90% des enfants de 9 à 16 ans connectés à Internet, il apparaît donc crucial d’engager à l’école des actions d’information et de prévention sur les risques associés à  son usage.

Les conséquences du harcèlement entre pairs

Le harcèlement à l’école produit des effets négatifs avérés et à court et long termes sur le développement, la santé et la scolarité des jeunes impliqués dans ce processus, qu’il s’agisse des victimes, des agresseurs ou des témoins. Ces conséquences constituent des signes auxquels les éducateurs doivent se montrer sensibles pour déceler une situation de harcèlement potentielle.

Des victimes à protéger

Les victimes de harcèlement souffrent de troubles divers pouvant être d’une extrême gravité. On relève ainsi des perturbations physiques (maux de tête, maux de ventre, insomnies…),  comportementales (agressivité, conduites à risques, prise de toxiques…), psychologiques (perte de l’estime de soi, angoisses, repli sur soi, dépression, idées suicidaires…), et scolaires (isolement social, absentéisme, phobie scolaire, difficultés de concentration et de mémorisation, baisse des résultats, décrochage…).

Incapables de savoir comment réagir, les victimes peuvent alors adopter des comportements hétéro- ou auto-agressifs extrêmement violents pour répondre aux pressions qu’elles subissent : des recherches montrent ainsi que 75 % des jeunes ayant ouvert le feu aux Etats-Unis en établissement scolaire ont eux-mêmes été précédemment harcelés, et que les victimes de harcèlement présentent 4 fois plus de risque de suicide que les autres élèves.

Des agresseurs à accompagner

Exercé dans l’ombre et en relative impunité, le harcèlement favorise chez les agresseurs l’émergence de conduites anti-sociales. La spirale d’omnipotence dans laquelle ils s’installent détruit peu à peu leur conscience morale et les études montrent que ces comportements violents voire délinquants risquent de perdurer sur le long terme, affectant leur épanouissement social et personnel. Il est important de garder à l’esprit qu’un agresseur est parfois lui-même une ancienne victime, et que la sanction prononcée doit moins culpabiliser que responsabiliser. Seul un accompagnement sur le long terme permet de sortir du schéma stéréotypé agresseur / victime.

Des témoins à responsabiliser

Le harcèlement implique toujours un cercle de témoins qui le stimulent, l’acceptent ou y participent plus ou moins activement. Quand l’abus de pouvoir semble toléré par la communauté scolaire, ces élèves témoins développent une vision négative de l’école et des adultes incapables de les protéger. Des sentiments de défiance et de peur conduisent ainsi très rapidement à la dégradation du climat scolaire, dont la mauvaise qualité est facteur potentiel de violence et de baisse des résultats.

Prévenir le harcèlement : le rôle des éducateurs

Les victimes de harcèlement osent rarement demander de l’aide à leur entourage, et aux adultes en particulier. Comment expliquer ce silence étonnant et presque choquant ?

Plusieurs raisons, souvent imbriquées et complexes, expliquent le mutisme des jeunes victimes. D’abord, un rapport de forces favorable aux agresseurs, plus nombreux, plus influents ou tout simplement plus forts physiquement. Ensuite, la honte et culpabilité des jeunes harcelés qui se sentent différents ou vulnérables, et qui essaient de régler seuls ce qu’ils pensent à tort relever d’un conflit passager. Enfin, le manque de confiance dans la solidité des éducateurs ou dans leur capacité à protéger les victimes : les jeunes peuvent avoir peur de décevoir les adultes, penser qu’ils ne les prennent pas au sérieux, ou encore craindre de se faire punir ! C’est pourquoi, la vigilance, le soutien et la bienveillance des éducateurs sont indispensables pour prévenir et lutter contre le harcèlement en milieu scolaire. Les parents et les professeurs doivent être conscients que ce phénomène existe, reconnaître ses manifestations, connaître ses conséquences, pour donner aux jeunes des clés permettant de sortir du schéma victime-agresseur(s)-témoins, destructeur aussi bien pour les individus que pour la collectivité. »

Nathalie Anton

Pour aller plus loin…

Site du Ministère de l’Education nationale : http://www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr/

Guide pratique pour lutter contre le cyber-harcèlement entre élèves : http://media.education.gouv.fr/file/09_septembre/58/6/guide-cyberharcelement_190586.pdf

Harcèlement le reconnaître, le prévenir, le traiter : http://media.education.gouv.fr/file/09_septembre/60/0/2011_harcelement_eleves_brochurev2_190600.pdf

Les Dix Commandements de la violence à l’école. Eric Debarbieux. Odile Jacob. 2008.

 

Harcèlement scolaire : témoignage littéraire

Rendus publics ce mardi 25 octobre, les résultats de l’enquête nationale de victimation réalisée en 2011 auprès de 18 000 collégiens révèlent que 10 % d’entre eux seraient victimes de harcèlement en milieu scolaire.

Quatre articles ont déjà été publiés sur ce thème :

– La cyber-violence à l’école

– Intimidation et harcèlement

– Le harcèlement scolaire 

– Harcèlement, le chiffre qui tue

Nous avons choisi aujourd’hui de publier le témoignage littéraire d’un élève harcelé, afin de donner corps à cette problématique.

Dans La Confusion des Sentiments (nouvelle de S. Zweig publiée en 1927 et déjà citée dans l’article consacré à l’effet enseignant sur la réussite des élèves), le narrateur relate le le récit douloureux que lui livre son vieux professeur à propos de ses humiliations vécues dès le plus jeune âge en raison de son inclination homosexuelle :

« D’abord sa voix plana, immatérielle, dans la pièce, comme une trouble fumée issue de l’émotion, comme une allusion incertaine à des événements secrets (…). Je vis d’abord un jeune garçon, timide et replié sur lui-même, un jeune garçon qui n’ose dire un mot à ses camarades,  mais qu’un désir physique, confus et impérieux, attire précisément vers les plus jolis de l’école. Cependant, lors d’un rapprochement trop tendre, l’un d’eux l’a repoussé avec irritation ; un second s’est moqué de lui décochant un mot d’une odieuse netteté et, pire encore, tous deux ont cloué au pilori devant les autres ce désir aberrant. Et aussitôt une unanimité de raillerie et d’humiliation l’exclut, plein de confusion, de leur joyeuse camaraderie, comme un pestiféré ; aller à l’école devient un calvaire quotidien et lui, si tôt stigmatisé, voit ses nuits rongées par le dégoût de soi-même : l’exclu éprouve comme une folie et un vice déshonorant sa passion (…) qui pourtant ne s’est précisée que dans des rêves. »

Les brimades et les insultes qui touchent 200 000 collégiens en France ont toutes en commun l’incapacité à tolérer la différence. Cet extrait montre très bien comment à la souffrance générée par les moqueries et les rebuffades s’ajoute le sentiment de honte chez la victime, convaincue par le nombre et l’insistance de ses agresseurs de sa propre responsabilité.

Il est donc très important de ne pas minimiser le phénomène, et d’intervenir pour mettre un coup d’arrêt à de tels agissements, jugés parfois à tort comme de simples jeux d’enfants.

Nathalie Anton

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Harcèlement scolaire : le chiffre qui tue

Les 2 et 3 mars derniers se sont tenues à Paris les assises nationales sur le harcèlement à l’École, en présence du Ministre Luc Chatel et sous la direction d’Eric Debarbieux. Dans le rapport remis par le second au premier le 11 avril sur ce thème, un chiffre reflète cruellement la gravité de cette violence insidieuse subie et répétée par les élèves :

« Une victime de harcèlement en milieu scolaire qui ne bénéficie pas du soutien des adultes parce qu’elle n’a pas parlé de son problème ou parce que les adultes pensent qu’il ou elle doit apprendre à se défendre seul et qu’il s’agit de simples chamailleries entre enfants présente quatre fois plus de risque d’attenter à sa vie qu’un autre enfant. »

De quoi donner envie de poursuivre avec l’ensemble de la communauté éducative la réflexion sur un sujet qui est décidément loin d’être mineur…

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