Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Blog 22

Ceci est un complément à la page 56 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan. (Le 1er « blog 22 »!)

Quand on surveille un Gr.App., on peut être surpris par les remarques des élèves. Afin de les aider, le professeur écrit au tableau les matières au programme du jour ou affiche l’emploi du temps numérisé. En même temps, il demande : « qu’avez-vous appris ? » Souvent, les réponses sont sidérantes mais pas inattendues :

– Rien, on a fait des exercices

– On n’a rien appris car on a passé l’heure à faire une compréhension orale.

– On a corrigé la dictée/les exercices/ un travail/etc.

– on était sur les ordinateurs.

Sans soupir de désespoir, le professeur commente qu’un exercice sert à apprendre ou réviser une notion ; qu’en corrigeant tel ou tel travail, on peut avoir personnellement tout à coup réalisé quelque chose et donc appris ; qu’à propos de la compréhension orale, on pourrait au moins expliquer quel en était le sujet, quelques termes retenus. Pour l’instant, cela relève de l’incantation humaniste sans portée pédagogique. Pour faire bref, les élèves en écrivent à peine plus sur le cahier d’apprentissages.

Et pourtant, en classe, quand le professeur, d’histoire par exemple, demande en début de cours d’ouvrir le cahier des apprentissages et de résumer ce qu’on sait déjà sur tel chapitre, les élèves écrivent assez longuement. Voilà un paradoxe qui mériterait d’être étudié de manière plus approfondie.

Lors d’une séance de Gr.App. encadrée par l’auteure le 4 décembre 2015, avec des élèves de 4e, certains dans Neo Alta pour la deuxième, une « bonne » question a (enfin) été posée.

« Est-ce qu’on doit écrire ce qu’on a fait ou bien ce qu’on a appris ? »

Un petit débat « sauvage » s’est engagé entre quelques élèves duquel il ressort que travailler ou apprendre c’est pareil. Mais pas pour la même raison. Pour les uns il semble qu’ils ne font pas la différence entre les deux activités ; et pour les autres, en faisant, on apprend. L’heure avançant, le professeur a demandé d’écrire « ce qu’on ne savait pas avant ou dont on n’était pas sûr et que maintenant on sait, on en est plus certain. »

Si on se reporte aux extraits des cahiers d’apprentissage de Camille et Arthur, élèves de 5e, donc première année dans Neo Alta, on peut constater une évolution assez nette au cours de l’année entre « j’ai fait » et « j’ai appris ».      Cf les cahiers de Camille et d’Arthur dans le blog 21.

En Septembre, Camille n’a manifestement pas compris à quoi sert ce cahier. Elle l’oublie souvent probablement puisqu’on peut lire bien peu de dates dans la marge alors que la classe dispose d’un Gr.App hebdomadaire. En octobre, elle commence à raconter ce qu’elle a fait dans la journée. C’est en novembre qu’on voit apparaître quelque chose qu’elle a appris mais qui n’a rien de scolaire: sa camarade lui a montré comment dessiner un chien. A partir de fin novembre, enfin, elle commence l’inventaire de ce qu’elle a « retenu » des cours: des éléments de grammaire, le calme indispensable dans les vestiaires[1], le partage de l’empire de Charlemagne.

Arthur, après la même démarche que Camille lors de la première séance, dès la semaine suivante peut commencer à écrire ce qu’il sait. Dès la fin septembre, il repère ses difficultés « je ne sais pas nager avec la planche ». Une page de la deuxième moitié de l’année montre une très forte évolution. le garçon fait la liste des ressources qu’il a mémorisées du cours d’histoire. Pour la géométrie, il reproduit ou réinvente le schéma des angles d’un triangle rectangle.

Dans les deux cas, on constate que le cahier d’apprentissage est devenu un outil, un objet personnel: chaque élève y a mis des dessins, parfois des couleurs. Camille comme Arthur expriment leurs émotions. Ils écrivent avec des abréviations, aucun des deux ne tient vraiment son cahier avec soin. Ce cahier des apprentissages n’est pas destiné à être ramassé, lu, évalué. ainsi, ce que signifie le grand point d’interrogation rouge en regard des nombreuses ressources écrites par Arthur concernant l’art roman ? N’est-il pas certain d’avoir tout retrouvé ? Ne voit-il aucun intérêt à apprendre cette leçon ?

 

A la fin de l’année 2015, les 5e et 4e Neo Alta ont répondu à un sondage sur leurs méthodes de travail, notamment pour apprendre leurs leçons. Hélas, seuls deux élèves de 5e et une seule en 4e font référence au cahier d’apprentissage ! Faut-il en déduire que c’est un outil inefficace ? L’auteure fait deux autres hypothèses. Un Gr.App hebdomadaire, c’est trop peu pour que les élèves se saisissent d’une nouvelle manière de travailler. D’autre part, trop peu de collègues de la structure utilisent ce cahier en début de cours pour réactiver le cours précédent ou pour répondre à la « question du jour » ou encore pour faire relire un petit résumé que chacun aurait écrit en fin de l’heure d’avant. On voudrait faire passer le message qu’un cahier d’apprentissage ne sert à rien qu’on ne s’y prendrait pas autrement. A la décharge des collègues, faisons une troisième hypothèse. L’enquête menée auprès des élèves montre que pour apprendre les leçons ils s’accrochent à cette bonne vieille méthode du « je la lis » y compris les 4e dont la plupart ont déjà une année dans Neo Alta. Si la seule lecture suffisait pour apprendre, cela se saurait. Malgré les efforts en classe et en Gr.App de quelques collègues, il est très difficile apparemment de faire changer les pratiques des élèves. Cela se vérifie également des pratiques pédagogiques. Les collègues de Neo Alta sont volontaires, attentifs à leurs élèves, prêts à travailler en équipe ; cependant tous ne parviennent pas à transformer leurs pratiquer, à essayer autre chose, malgré les trois stages de formation continue qui ont accompagné la mise en place de cette expérimentation.

Est-ce pour autant qu’il faille abandonner les cahiers d’apprentissage ? Non. Voilà un outil peu coûteux, un ancien cahier auquel il reste des pages fait l’affaire, simple à utiliser pour les élèves, peu chronophage pour les enseignants. L’auteure a la certitude d’une réelle plus-value pédagogique, constatée dans ses cours. Pour que les élèves s’en emparent, il faut plus de temps. Sans doute également pour les collègues.

[1] Longue discussion des professeurs avec les classes. Ensuite il n’y avait plus le temps d’aller dans l’eau.

 

posted by anniedim in Non classé and have No Comments

No comments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

buy windows 11 pro test ediyorum