Comment expliquer l’évolution du taux de change USD / euro depuis 2011 ?

http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=87749

Dans cet article mise en ligne le 29 octobre, Patrick Artus montre comment l’analyse économique peut rendre compte des évolutions de cours de change entre l’euro et le dollar US (USD) depuis la mise en circulation de l’euro (2002 pour la mise en circulation de la monnaie fiduciaire, c’est à dire les billets en euros alors que la mise en circulation scripturale, sur les comptes bancaires a été effective dès 1999 pour 11 pays de la zone).

Il n’existe plus à l’heure actuelle de taux de change fixes pour les principales monnaies de la planète. Cela signifie qu’il n’existe aucun accord politique ni traité ratifié entre les autorités politiques et monétaires des pays de la zone euro et des Etats-Unis pour déterminer la valeur de l’USD par rapport à l’euro. Ce sont par conséquent les mécanismes du marché qui établissent le taux de change des monnaies (combien faut-il d’USD pour acheter un euro sur le marché des changes ?) et ce taux de change est bien entendu susceptible d’évoluer en continu (graphique 3 tiré de l’article de P. Artus).

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On observe que dès la mise en circulation de la monnaie fiduciaire en euros (2002), l’USD s’est fortement déprécié par rapport à l’euro : entre 2002 et 2008, il faut de plus en plus d’USD pour acheter une euro sur les marché des changes (0,9 USD pour un euro en 2002, plus de 1,5 en 2008). Soulignons que la lecture de la courbe est contre-intuitive : sa hausse signifie une perte de la valeur de l’USD par rapport à l’euro. Depuis 2008 en revanche et au delà des variations conjoncturelles, le changement d’orientation du marché des changes est significatif : l’USD s’apprécie fortement pour atteindre une situation en octobre 2015 où il faut à peine 1,15 USD pour acheter un euro.

La théorie économique enseigne que la valeur d’une monnaie dépend sur la longue période de la dynamique de croissance du territoire concerné, de sa capacité à générer une inflation faible ainsi que de sa capacité à maintenir sa balance des paiements en équilibre. En d’autres termes, Plus un territoire s’enrichit rapidement par rapport aux autres, plus son inflation est faible par rapport aux autres et plus il attire des capitaux et vend des marchandises en grandes quantités sur les autres territoires, plus sa monnaie a tendance à prendre de la valeur sur le marché des changes. Or, Artus montre que la situation USD / euro et donc la situation Etats-Unis / zone euro est atypique : depuis 15 ans, la dynamique de l’économie américaine est plus soutenue que celle de la zone euro, il devrait y avoir, selon ces hypothèses un taux de change orienté vers l’appréciation continue de l’USD depuis 2002 ce qui n’est pas le cas entre 2002 et 2008 en particulier.

Tout ceci me semble à nouveau montrer à quel point la réflexion épistémologique est essentielle : Artus rappelle indirectement que les situations économiques que l’on observe sont toujours une combinaisons de nombreux mécanismes (le réel est complexe et foisonnant disait Gaston Bachelard !) qu’il convient d’isoler pour en apprécier le poids relatif. Dans le cas d’espèce, il existe des déterminants connus qui expliquent l’appréciation récente de l’USD outre le simple fait que la dégradation de la balance des paiements des Etats-Unis se soit interrompue dans la période récente. Pour l’essentiel, ces déterminants tournent autour de la question des anticipations du marché et de la confiance que les agents accordent dans le contexte institutionnel. La crise récente de la zone euro et son dysfonctionnement institutionnel majeur autour de la question grecque conduisent à une perte de confiance dans la qualité des crédits qui sont émis par les banques des pays périphériques de la zone (Grèce mais aussi Portugal ou Espagne par exemple). Dès lors, les flux internationaux de capitaux (FIC) générés par les grands banques de la planète et les fonds de pension qui cherchent à placer l’épargne de leurs adhérents qui s’orientent traditionnellement vers la zone euro sont freinés et se redirigent vers les Etats-Unis (anticipation d’une nouvelle crise en Europe autour d’un autre pays ? Encore autour de la Grèce ?). Or, lorsque les FIC entrent sur un territoire, ils contribuent à faire croitre la valeur de la monnaie de ce territoire sur le marché des changes (l’épargne des ménages chinois est placée en USD aux Etats-Unis et non en Yuans !). En fin de compte, ce sont bien les difficultés à créer un contexte politique et institutionnel stable dans la zone euro qui empêche de rééquilibrer son système économique d’ensemble ce qui explique, in fine, la montée de l’USD sur le marché des changes.

Précisons pour finir que P. Artus ne propose pas simplement des considérations générales dans son article mais des hypothèses précises qu’il confronte à une étude minutieuse des faits (voir les nombreux graphiques) ce qui le conduit à proposer une synthèse à la page 6 de l’article.

Bonne lecture !

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