Un roman féministe avant-gardiste

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L’amant de Lady Chatterley est un roman qui a fait polémique en 1928. Mais qu’en penser aujourd’hui ? Je vais vous donner mon humble avis…

En 1928 ce roman écrit par l’écrivain D.H.Lawrence est jugé obscène, provocant et parfois même pornographique, notamment par la description d’un orgasme féminin. Ce récit sera interdit à la publication et ne verra le jour qu’en Italie où il sera malgré tout directement classé comme indécent. Mais aujourd’hui ce roman est considéré comme avant-gardiste. Il représente même un pas vers la libération féminine. En effet, Constance, l’héroïne, est une femme affirmée qui assume ses désirs sexuels. L’auteur met en une jeune femme libre et normalise ses besoins, lesquels sont très restreints à son époque.

Ce roman est donc le récit de la vie de Constance, une femme indépendante qui assume ses désirs. Elle se marie avec Clifford Chatterley. Malheureusement ce dernier perd l’usage de ses jambes après la guerre. Ils restent ensemble par amour mais Constance s’ennuie et a besoin de ressentir plus d’aventures et d’assouvir ses envies à travers diverses relations. C’est le cas avec le garde-chasse, Mellors. Dès lors l’auteur montre que l’amour platonique qu’apporte Clifford à sa femme n’est pas suffisant, elle désire aussi une vie sexuelle ! 

Cette histoire est aussi celle d’un ouvrier, Mellors, qui parle un patois qui n’est pas très distingué, et d’une bourgeoise, Constance, femme cultivée et sophistiquée. Ce sont deux personnes de classes sociales différentes qui arrivent à s’entendre et s’aimer. Pendant cette période des années 1920 le mélange des classes n’est pas envisageable, sans doute encore moins qu’aujourd’hui. Là encore D.H.Lawrence fait preuve de transgression, et sur ce point je trouve qu’il a très bien représenté l’écart de classes entre les deux protagonistes. 

L’auteur nous décrit leurs ébats comme une chose bénéfique pour la jeune femme. Oui, cela nous montre l’épanouissement et l’intérêt des relations sexuelles dans une relation amoureuse. Malheureusement Constance part en voyage à Venise avec sa sœur et apprend que son amant est parti retrouver sa femme. Au même moment elle se rend compte qu’elle est enceinte de Mellors. Elle lui écrit alors une lettre pour éclairer la situation et demande le divorce à Clifford, prétendant avoir rencontrer quelqu’un. Cependant la situation se complexifie encore puisque son mari refuse ce divorce ! Comment réagira-t-il face à toutes ces révélations ? Quelle sera sa réaction s’il apprend que l’amant de sa femme est Mellors, le garde-chasse ? Va-t-on assister à un drame passionnel ? A vous de le découvrir !

Un roman féministe !

Constance est un personnage très bien construit. Elle a sa propre façon de penser que l’on peut comprendre dès le début du roman où son adolescence – période où l’on affirme sa personnalité – est décrite. Constance est une femme qui affirme ses droits et qui connait sa valeur. Ce qui m’a surprise, c’est que l’auteur est un homme qui écrit sur la libération de la femme. On peut se demander si ses paroles sont légitimes, voire crédibles, mais honnêtement je trouve qu’il a bien illustré ses propos et ne dénigre pas la femme et ses envies. On peut facilement, en tant que femme, s’identifier à Constance. Elle s’est construite à travers plusieurs relations avec des hommes durant sa jeunesse pendant laquelle elle se découvre, comme toutes les femmes ! Et, ce qui est génial, c’est qu’à aucun moment dans l’écriture de Lawrence on sent une stigmatisation du corps de la femme ou de son comportement. Il dépeint les doutes que les femmes peuvent avoir à tout âge à cause de la société par le biais de plusieurs remises en question. Par exemple quand Constance doute de sa beauté au vu de son âge car elle ne se sent plus belle aux yeux des hommes.

Mais pourquoi rendre la femme aussi dépendante ?

D.H.Lawrence. Source : https://www.albaeditorial.es/ utores/d-h-lawrence/

Bien que ce roman dépasse les normes de son époque, on sent que Constance dépend de l’affirmation masculine. Elle a besoin de cette approbation qui pour moi est malsaine. Un passage m’a particulièrement marquée, celui où elle se regarde dans le miroir et qu’elle ne se sent plus belle car elle ne plait plus aux hommes, je cite : « au temps où son jeune allemand l’avait vraiment aimée, physiquement alors son corps était jeune ».  Pour vivre pleinement, les femmes ne doivent pas se sentir aimées à travers le regard de l’homme. Pour moi, c’est le principal message de ce roman. On comprend dans le cheminement de l’histoire que Clifford est antipathique avec elle, il dépend d’elle pour vivre mais ne lui apporte plus aucun soutien émotionnel. Ce qui ne me plait également pas c’est la façon dont l’auteur rend libre la femme dans son livre. Pour lui, la liberté passe par son affirmation sexuelle, il sexualise donc la femme pour lui donner des droits, pour être libre de ses choix. Oui, la femme a des désirs sexuels, comme les hommes, mais dans ce récit ces envies sont mises en avant pour montrer qu’elle est libre. Or une femme peut s’affirmer de plein d’autres manières, par son intelligence ou ses engagements !  Ce qui est, je trouve, une incohérence avec le fait que Constance dit elle-même : « la discussion était la plus grande chose ; l’amour, les rapports sexuels n’étaient qu’une sorte de retour à l’instinct ». Mais l’auteur décide de la représenter presque uniquement à travers le sexe, à la réduire à l’acte charnel, ce qui est fort dommage et me déplait. Cela renvoie l’image que la femme doit servir à quelqu’un avant d’être quelqu’un. Bien qu’à cette époque la femme est réduite au rôle d’épouse et de mère, Constance s’émancipe de toutes ces obligations. Cependant le fait qu’elle s’émancipe exclusivement grâce à son corps me pose problème même si pour l’époque cette émancipation est remarquable.

Le mélange des classes sociales

Ce roman brusque une autre norme et montre que deux personnes de milieux différents peuvent s’aimer et se comprendre. Ce qui est génial car cela brise le mépris de classe et la façon de penser des gens fermés d’esprit. Sur ce point je trouve que D.H.Lawrence montre extrêmement bien le fait qu’on aime la personne et pas l’image qu’elle renvoie ou son statut. Car, oui, en 1920 dans la bourgeoisie les mariages arrangés font partie « du jeu » et il est hors de question de se « mélanger » avec des personnes de classes inférieures. En cela ce roman brise les codes et on comprend à nouveau qu’il puisse faire scandale !

Que peut-on en retenir ?

Pour moi ce roman est intéressant car on voit le début des pensées féministes pour l’émancipation de la femme, il est super instructif !

Si vous aimez ce genre de récit où la femme et ses envies sont mises en avant, je vous conseille aussi Madame Bovary, un roman génial et avec du recul hyper intéressant à lire. On peut voir l’importance de nos libertés, de nos sentiments et l’effet qu’ils ont sur notre conduites.

Du point de vue du rythme, ce roman est très descriptif, ce qui peut rebuter. Dès le début il faut s’habituer au style d’écriture où chaque mouvement amène un développement. Ce style d’écriture permet cependant de bien visualiser les scènes et aide le lecteur à s’imaginer les scènes de vie. Ce qui permet de rendre la lecture plus immersive.

Selon moi, cette œuvre est vraiment une avancée vers le dénouement de la parole pour les femmes. C’est une œuvre en avance sur son temps. Et que dire de sa dénonciation de la stigmatisation des différentes classes sociales ! 

Bref, je vous conseille fortement de lire ce livre ! 

D.H.Lawrence .L’amant de lady Chatterley . édité en 1928 

Judith KACZMAREK, 1ère2