Une vie passée dans le souvenir

Les intéressants est un roman écrit par l’auteure américaine Meg Wolitzer paru en 2013 et traduit par Jean Esch. Salué par la critique à sa sortie, ce roman eut un tel succès qu’il a remporté le Prix des lecteurs du Livre de Poche en 2016. Je pense que sans le Prix littéraire Carnot je ne me serais jamais tournée vers ce style de roman où le personnage principal fait une introspection sur sa vie.

“Ils n’étaient tous que d’innombrables cellules qui s’étaient assemblées pour créer ce groupe si particulier”

Les Intéressants c’est l’épopée d’une jeune fille, Jules, et de son groupe d’amis sur 40 ans. Le point de départ : leur rencontre mémorable en 1974 dans le camp de vacances Spirit-in-the-Wood. Les Intéressants, c’est le nom qu’ils se sont donnés. Ils forment alors un groupe de cinq adolescents totalement singuliers composé de Ethan, génie de l’animation, Goodman et Ash, frère et sœur New-Yorkais issus d’une bonne famille, Cathy, qui n’a qu’un souhait, être danseuse, et Jonah, fils d’une star de la musique Folk. A ce groupe d’amis vient donc s’ajouter Jules. Mais que deviennent-ils une fois l’été 74 écoulé ? Les drames et les joies de la vie ne les épargneront pas : alors que Goodman sera confronté à des démêlés avec la justice, Ash et Ethan vont se marier et Jonah délaissera la musique. Mais que deviendra Jules ? Marquée par cette époque si joyeuse, elle reste figée dans ses souvenirs et décide de narrer leur histoire ! 

Les intéressants publié aux éditions Rue Fromentin. Source : https://0620056z.esidoc.fr/document/id_0620056z_72278.html

Des souvenirs désordonnés

Après un début de lecture difficile – j’ai dû recommencer le roman pour le comprendre puisque Meg Wollitzer a un style d’écriture particulier rempli de détails, parfois inutiles à mon sens, pour rendre le récit plus vivant – j’ai finalement apprécié cette œuvre. Le roman est construit sur le principe des flash-backs. Chaque chapitre commence dans le présent et nous transporte dans l’un des souvenirs de Jules. Mais ce qui m’a dérangé, et c’est selon moi le seul défaut du roman, c’est la non-organisation des souvenirs. En effet ils n’ont aucune chronologie et chacun d’eux est décrit sans le moindre cadre spatio-temporel. Bien que chaque souvenir soit bien choisi, lorsque Jules se remémore un moment passé de sa vie, elle le fait suite à une émotion qu’elle a ressentie étant jeune et qu’elle ressent au moment présent. Par exemple nous passons d’un souvenir de leur premier été à un souvenir vieux de seulement cinq ans sans réel transition. Cependant les souvenirs sont décrits avec précision ce qui est très agréable puisqu’on pourrait presque ressentir l’air frais de Spirit-in-the-Wood ou sentir la pollution et l’empressement de la ville de New-York !

Ces réminiscences sont vraiment le point central du roman puisqu’ils abordent la notion de destin. Jules se remémore son adolescence, période qui façonne l’avenir de chaque personne. C’est durant cette période que nous découvrons le monde, que nous essayons de le comprendre, parfois en vain. C’est aussi durant cette période que nous rencontrons celles et ceux qui auront une grande importance dans notre vie. Pour Jules ce sont les intéressants et chacun se façonne son propre groupe d’amis en même temps que sa personnalité. Pour la jeune fille c’est un choc lorsqu’elle découvre que ses amis – tous aisés – peuvent faire tout ce qu’ils veulent grâce à leur milieu sociale. Elle découvre alors les injustices sociales, celles qui font qu’elle seule affrontera la difficulté de l’ascension sociale et de la réussite. A l’inverse ses amis peuvent compter sur la place que leurs parents occupent dans la société. Mais l’avenir de chacun est-il pour autant tracé ? Non ! Et c’est ce que nous enseigne ce roman qui croise des destins faits de joies et de peines mais toujours complexes ! Le roman nous montre donc une chose cruelle : comment notre destin peut dépendre, d’une part, de notre milieu sociale, et de l’autre de notre volonté. Mais attention, avoir des prédispositions sociales ne signifie pas pour autant que l’on réussisse automatiquement sa vie. Cela nous est bien démontré tout au long du récit. Au final, l’argent de ses amis fera-t-il vraiment d’eux des personnes heureuses et accomplies ? C’est toute la complexité de ce roman. Au fil de notre lecture nous pouvons réellement ressentir les émotions de Jules et de ses amis, ce qui crée un certain attachement aux différentes personnes du groupe. Nous souhaiterions alors bien continuer à les suivre encore quelques années tant ils sont… intéressants !

Ce roman a été pour moi une bonne lecture, c’est pourquoi je lui attribue quatre étoiles.

Une bonne lecture à toutes et à tous !

Wolitzer Meg, Les intéressants, 744p. Le Livre de Poche, ISBN 978-2-253-18287-0

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