FIFH de Pessac : Le Jeune Karl Marx, Raoul Peck

Critique de la critique critique

Par Julie Colliou, élève de terminale 7 et membre de l’atelier critique du Festival international du film d’histoire de Pessac

Un an après le succès d’ I am not your negro, Raoul Peck relève avec Le Jeune Karl Marx le défi de représenter la figure de l’homme avant celle du philosophe. Il vise ainsi à humaniser Marx (August Diehl) en allant au-delà de son travail et en s’intéressant davantage au contexte de l’une de ses œuvres majeures, Le manifeste du parti communiste. Le film le suit ainsi au cours de ses jeunes années (1843-1848).

Peck dresse un portrait simple du personnage en le montrant dans des situations quotidiennes banales. On y perçoit ses failles, ses qualités mais aussi ses tourments et on parvient à entrer dans son intimité. Les scènes avec sa femme et ses filles sont touchantes et permettent de le voir sous un angle nouveau, assez peu abordé. Son caractère passionnel qui se ressent dans ses écrits est développé à travers sa relation d’une complicité extraordinaire avec son épouse (Vicky Krieps). Cet aspect fusionnel se manifeste à l’écran par des regards, des sourires ainsi que par une confiance totale en l’autre.

L’élément central du film n’est pas seulement le développement des idées politiques mais aussi son amitié naissante avec Engels (Stefan Konarske), qui demeurera à ses côtés jusqu’à la fin de sa vie. Ce choix installe le climat d’un buddy movie centré sur ces deux révolutionnaires que tout semblait au premier abord opposer. Engels transparaît en effet comme un être libre, plein de fougue là où Marx semble plus torturé par ses recherches et par sa théorie récente de la lutte des classes. Cet antagonisme révèle la complémentarité qui leur sera hautement bénéfique au cours de leur carrière.

Suivant ce principe, contrairement à ce que le titre semble indiquer, Marx n’est pas le seul protagoniste du film. On y observe en effet l’importance de son ami, Engels à qui il s’associe dans la ligue communiste ainsi que celle de sa femme qui participe activement à sa carrière et qui lui assure un soutien affectueux mais aussi politique. Celle-ci provient de la haute aristocratie allemande mais fait le choix de s’affranchir de son titre en s’engageant pour ce qui lui paraît plus juste. Elle met de ce fait en avant des valeurs d’amour, de mérite et de justice sociale.

Suivant le principe du buddy movie, Raoul Peck parvient à remettre l’œuvre de Marx au goût du jour en proposant une vision du philosophe et surtout de l’ami, du conjoint, du père, accessible à tous. Le film n’en est que plus divertissant et ne se résume ainsi pas seulement à la simple contextualisation de la pensée marxiste et du principe de lutte des classes.

La scène de sa deuxième rencontre avec Engels appuie cette idée puisqu’on le voit s’amuser auprès de ce jeune homme qu’il apprend tout juste à connaître et avec qui les échanges sont pleinement spontanés. Une forme d’insouciance juvénile transparaît également lorsqu’ils prennent la fuite devant les autorités, qu’ils s’engagent dans une direction différente pour finir par se retrouver, à bout de souffle.

On peut néanmoins reprocher au cinéaste le manque de singularité et de prises de risque quant à au récit qui suit de manière trop linéaire le parcours de Marx, Engels et Jenny.

Le réalisateur le conclut par la publication solidaire du Manifeste du parti communiste suivi par une multitude d’images d’archives, de vidéos, de témoignages qui mènent progressivement à l’époque contemporaine. Ainsi, avec en fond la chanson iconique de Bob Dylan « Like a rolling stones » qui modernise le récit, on constate l’impact toujours perceptible de Marx, d’Engels et de leurs actes qui tendent  à changer le monde et de leur théorie de la lutte des classes.

 

Le Jeune Karl Marx

France, 2017

Réalisation Raoul Peck

Scénario Pascal Bonitzer, Raoul Peck

Production Agat Films & Cie, Velvet Film, Rohfilm, Artémis Productions

Distribution Diaphana Films, Neue Visionen Filmverleih, Cinéart

Montage Frédérique Broos

Musique Alexei Aigui

Durée 1h57

Sortie 27 septembre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *