FIFH : Miss Marx, Susanna Nicchiarelli

Une flamme mal ravivée

Par Orakoch Srijumong, élève de terminale et membre de l’atelier critique du Festival international du film d’histoire de Pessac

Pour son 4ème long métrage, Susanna Nicchiarelli s’attaque à la figure méconnue d’Eleanor Marx, fille cadette de Karl Marx. La réalisatrice met en avant, tant bien que mal, la femme brillante et intelligente que Tussy, comme ses proches l’appelaient, était. Elle met ainsi en lumière ses combats politiques sur le travail des prolétaires et son activisme féministe. Sa passion pour Edward Aveling causera sa fin. Susanna Nicchiarelli raconte ce pan de l’histoire moderne en l’accompagnant d’une musique punk-rock, afin de créer un effet anachronique.

Le film s’ouvre par un gros plan sur le visage d’Eleanor, bercé par les guitares et les cris de « Wave of History » des Downtown Boys. Le ton est donné. Le personnage principal nous apparaît déjà comme en marge de sa société. Elle nous est montrée comme visionnaire, à la tête du mouvement féministe. Elle se distingue par ses costumes moins habillés et plus colorés, synonyme de sa part d’excentricité, marquée durant l’entièreté du film. Très colorées, les images sont belles, comme dans la scène où les cendres d’Engels sont jetées : le paysage bucolique (une barque sur une rivière mouchetée de rayons de soleil) apporte de la douceur et un moment de calme au film. Avant que « l’Internationale » entonnée a capella par le cortège se transforme, dans la scène d’archives qui suit, en hymne punk. Le calme côtoie ainsi toujours la tempête, comme dans la relation toxique dans laquelle la jeune Marx se trouve, nous montre bien les malheurs qu’a pu rencontrer l’héroïne durant sa vie.

Filmer et raconter le destin d’Eleanor est un choix judicieux et une prise de risque importante, mais qui ne paye pas vraiment. Voir Miss Marx c’est faire face à un univers décalé accentué par la bande-originale moderne au film mais qui n’est pas en adéquation avec les idéaux politiques véhiculés, au lieu de renforcer ceux-ci, elle crée simplement un décalage qui ne produit pas grand-chose. La musique exprimant la rage et la vivacité de Tussy crée des fractures, que l’on ne peut rater, avec son personnage aux allures calmes. Nous pouvons aussi regretter que le long métrage soit plus centré sur son histoire d’amour avec Edward Aveling que sur les combats menés par E. Marx. Bien que les acteurs soient convaincants, on s’attend au départ à une mise en scène et des dialogues plus concrets, nous éclairant sur la vie d’Eleanor Marx. Les scènes s’enchaînent et se brouillent, nous laissant parfois dans une incompréhension totale. À la fin du film, Tussy, après qu’Aveling soit enfin rentré après des mois, délivre un long discours sur la condition des travailleurs et des femmes de son siècle, puis se met à danser comme une folle sur un nouveau morceau des Dowtown Boys. Dans la séquence suivante, elle se suicide, ce qui ne peut que laisser dubitatif.

Sur le papier, le fait de faire un biopic sur une femme avant-gardiste semble être une bonne idée, mais les choix forts de mise en scène de Susanna Nicchiarelli rendent le long métrage confus. On ne s’attarde que trop peu sur Eleanor Marx et ses idéaux, et plus le film avance, plus l’intérêt disparaît. Il ne reste finalement qu’une impression de fadeur et d’ennui.

 

Italie, Belgique, 2020

Réalisation : Susanna Nicchiarelli

Image : Crystel Fournier

Décors : Igor Gabriel, Alessandro Vannucci

Son : Aldriano Di Lorenzo

Durée : 107 minutes

Casting : Ramola Garai (Eleonor Marx), Patrick Kennedy (Edward Aveling), John Gordon Sinclair (Friedrich Engels)

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