Mercredi soir au Stromboli

Le 2 mars 2017 // Cinea Jenkins

Un conte radiophonique à écouter ici (durée : 8’36) :

et à lire ici :

           Dans une petite ville des États-Unis, il y a un restaurant italien où tous les locaux adorent manger. Quand on entre dans cette ville, on voit un parc sans les enfants, un musée qui est rarement ouvert, et une vieille station essence. Après on conduit pendant trois minutes, on tourne à gauche sur la rue principale où il y a beaucoup de bâtiments pour magasins, mais peu de magasins. Ce restaurant est caché entre deux magasins fermés. Dans le restaurant, la musique n’est pas forte, les lumières ne sont pas trop brillantes, et le parfum de la cuisine accueille tous les clients. Si un client y mange plus de deux fois, les serveurs retiennent son nom et lui parlent de sa vie. Finalement, la cuisine est la meilleure de la région ; tous les repas sont faits maison et avec attention.

Les mercredis soirs, quatre vieux hommes y dînent. Ils prennent toujours la table à côté de la fenêtre où on voit le magasin de robe de soirée qui est fermé et la banque avec la pancarte cassée. Leur serveuse est toujours la petite femme qui rit beaucoup et s’appelle Joy.

Aujourd’hui, elle a une queue de cheval qui balance comme une pendule quand elle emmène les quatre hommes à leur table. Après ils enlèvent leurs chapeaux et blousons, Joy se met à parler :

« Aimeriez-vous prendre la même chose que d’habitude? Un stromboli avec du fromage, des tomates, et du basilic pour toi ? » Elle indique du doigt le premier homme qui travaille encore sur sa ferme.

Il rit et il dit :

« Ouais ! Merci ! »

Puis Joy indique du doigt l’homme à gauche de l’agriculteur :

« Et des spaghettis pour toi ? »

L’instructeur retraité répond :

« Bien sûr. »

Ensuite Joy regarde à l’homme qui était entraîneur pour l’équipe du football américain du lycée, mais qui vend maintenant du miel sur le marché.

« Une pizza avec tous les ingrédients ? »

« S’il te plaît. »

Finalement Joy demande au dernier homme :

« Aimerais-tu prendre un stromboli à la viande ? »

Le policier retraité hoche la tête :

« Malheureusement je dois prendre une salade parce que ma femme me parle constamment de ma santé. Elle exige que je mange des aliments sains. »

Les autres hommes sourient, mais Joy dit :

« Vous ne sourirez pas quand vous mourrez avant lui » et elle part vers la cuisine.

Après son départ, les quatre hommes regardent fixement leurs mains en silence. Une chanson par Frank Sinatra  — une chanson de leurs enfance — est écouté dans la radio et ils commencent à parler de l’avenir :

« Nous allons mourir bientôt. »

« J’ai un rendez-vous avec le médecin presque toutes les semaines. » dit l’agriculteur tristement et les trois autres hommes font oui de la tête.

L’ancien entraîneur ajoute :

« Bobby Jones — il assistait notre école — il est mort mardi dernier. Il avait un problème de cœur. »  et puis tous deviennent silencieux.

À ce moment- là, Joy revient avec quatre verres d’eau et leur donne :

« Pourquoi êtes-vous si calmes? D’habitude vous n’arrêtez jamais de parler. »

« Nous venons de réaliser que nous devenons vieux. » répond l’instructeur retraité en buvant de l’eau.

Joy rit et dit :

« Ce n’est pas grave. »

« Pardon ? » demandent les quatre hommes en même temps.

« Vous avez de la chance parce que vous avez pu vivre dans cette ville quand c’était super. »

Les quatre hommes se regardent :

« Elle a raison. Rappelez-vous ! Ce bâtiment était une quincaillerie » dit l’agriculteur avec enthousiasme en frappant  la table avec le main.

Joy sourit et part, mais ils continuent de parler. Tous les autres clients arrêtent de manger et peuvent ainsi entendre les hommes discuter d’un temps meilleur :

« Oui ! Et il y avait un stand de glace devant la quincaillerie. »

« Nous y mangions des glaces tous les jours après l’école. »

« Et ce magasin de robe de soirée qui est fermé était un magasin de jouets. »

« Nous y avons acheté nos premiers vélos. »

Avec chaque phrase, les quatre hommes parlent plus vite et deviennent plus bruyants; on peut entendre eux dans la cuisine:

« Vous rappelez-vous quand quelqu’un a volé l’argent de cette banque ? »

« Ouais ! » crient les autres hommes.

« Alors, nous avions sept ou huit ans. »

« Combien d’argent avait été volé ? »

« Je pense que c’était 500.000 dollars. »

« Est-ce que la police a trouvé le voleur? »

« Non » dit le policier retraité « Quand j’ai pris ma retraite, il y avait encore une enquête sur le vol. »

« Tout le monde pensait que le voleur était le propriétaire de cette quincaillerie, pas vrai ? »

« C’est exact, mais personne ne pouvait le prouver parce que la police n’a jamais trouvé l’argent. »

« Est-ce que le propriétaire a déménagé l’année suivante ? »

« Oui, mais il n’a déménagé pas loin » ajoute l’ancien entraîneur. « Il a déménagé  dans une ville qui est à trente minutes de notre ville. J’y vends le miel et je le vois. »

« C’est très bizarre. Pensez-vous qu’il a encore l’argent ? »

« Non. La police l’aurait trouvé. »

« Donc, où est l’argent ? »

Les quatre hommes se regardent. Tout le monde dans le restaurant attend une réponse en silence. C’est le moment le plus calme de l’histoire du restaurant.

À ce moment-là, Joy revient avec les plats pour les quatre hommes :

« Bon appétit. »

Elle met les assiettes sur la table. Ils se calment et parlent normalement.

« Merci beaucoup. »

« J’ai faim. »

« Mangeons ! »

Les quatre hommes mangent et commencent à parler de leurs grands-enfants et les autres clients reprennent le dîner mais Joy retourne à la cuisine et dit au cuisinier :

« Combien paries-tu que l’argent volé est caché dans ce bâtiment ? »

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