Adolescence et toxicomanie

Depuis la seconde moitié du XXème siècle, la consommation de substances agissant sur le psychisme (appelées psychotropes) s’est beaucoup développée, notamment chez les jeunes, après les années 70. Les sensations d’euphorie, de détente ou de désinhibition engendrées artificiellement par des produits licites (alcool, tabac, médicaments) ou illicites (haschich, ecstasy, cocaïne, LSD, héroïne, etc.), s’avèrent particulièrement recherchées à l’adolescence. Cependant, la prise de psychotropes peut témoigner d’un malaise sous-jacent et représenter un grave danger sur les plans physique, psychique, familial et social. Comment, en tant que parent, saisir et dénouer le lien parfois mortifère qui unit un adolescent à la prise de toxiques ?

La consommation de psychotropes répond de plusieurs manières aux problématiques rencontrées par les jeunes à l’adolescence. Ainsi, la recherche de nouvelles expériences, le désir de dépasser les interdits édictés par les adultes, l’envie de tromper son ennui, le plaisir d’appartenir à un groupe, la possibilité de surmonter ses peurs et ses frustrations, font écho aux aspirations formulées à cet âge.

En outre, le recours à ces substances permet souvent de soulager un malaise plus ou moins conscient, en luttant notamment contre des tendances anxieuses ou dépressives. Pour Xavier Pommereau, psychiatre et auteur de Quand l’adolescent va mal (J’ai lu, 2003), l’adolescent recherche « l’apaisement et la distanciation face à un vécu difficile à assumer (…) en faisant s’estomper les frontières entre le réel et l’imaginaire ». 

Ainsi, le jeune qui manque d’assurance interne va tenter de retrouver, via une substance qu’il ingère et croit maîtriser, un sentiment de complétude et de toute-puissance illusoire. Il peut, par ailleurs, chercher à se mettre en danger pour se prouver qu’il est bien en vie. Ajoutons que la prise de toxiques apparaît fréquemment chez les adolescents qui souffrent de graves troubles de la personnalité, type psychose.

Si, de nos jours, 9 jeunes de 17 ans sur 10 déclarent avoir déjà bu de l’alcool et 5 avoir déjà fumé du cannabis, ces consommations ne relèvent pas toutes de la même gravité. La quantité des doses, la nature du produit choisi et la fréquence à laquelle l’adolescent y a recours ouvrent un large éventail de comportements plus ou moins à risque.

X. Pommereau distingue ainsi « les toxicomanies avérées », dans lesquelles la drogue devient un besoin quasi vital, et « les consommations plus ou moins occasionnelles ».

Les toxicomanies avérées entrent dans le champ des addictions, caractérisées, selon le psychiatre et psychanalyste Maurice Despinoy, par des « compulsions à s’engager dans des comportements qui ont des effets dangereux et par l’envahissement obsédant qui accompagne ces conduites »   (Psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Armand Colin, 2002).

D’après la définition de l’OMS, la toxicomanie (ou pharmacodépendance) constitue ainsi « l’état de dépendance, physique ou psychique, ou les deux à la fois, vis-à-vis d’un produit, s’établissant chez un sujet à la suite de l’utilisation périodique ou continue de ce produit. »

Peu à peu, le sujet développe une tolérance de plus en plus grande à la substance consommée, ce qui le conduit à augmenter les doses pour obtenir les effets recherchés ou pour éviter les manifestations physiques douloureuses entraînées par le manque (syndrome d’abstinence).

Cette consommation répétée et accrue modifie chez le sujet sa perception de la réalité : sa pensée devient floue, il se replie sur soi et devient intolérant, méfiant voire agressif. L’adoption de conduites marginales, délinquantes et le décrochage scolaire témoignent souvent de cet état.

Les consommations occasionnelles peuvent, elles aussi, s’avérer dangereuses car elles fragilisent parfois l’adolescent sur le plan psychique. En outre, la prise de drogue augmente les comportements à risques, tels que les rapports sexuels non protégés par exemple. Le nombre de morts par accident et suicide sous l’emprise de psychotropes renforce également ce constat : X. Pommereau précise ainsi qu’ « un jeune suicidant sur quatre a consommé de l’alcool ou du haschich avant d’effectuer son passage à l’acte ». Cependant, il ajoute qu’ « il ne faudrait pas en conclure que les jeunes ayant ces « expériences » sont ou risquent de devenir des toxicomanes », l’escalade dans la consommation ou dans le choix du produit (des drogues « douces » aux drogues « dures ») n’étant pas systématique. Il explique que « c’est parce que les premiers psychotropes employés « ne lui suffisaient pas », que le sujet a été amené à s’enfoncer plus avant dans la spirale de la drogue » (ibid). 

Comment réagir en cas de toxicomanie avérée ?

D’après M. Despinoy, « les démarches qui visent à obtenir une interruption rapide de l’usage de drogue sont illusoires, de même que les propositions de psychothérapie immédiate ». Il conseille de miser sur la pluridisciplinarité d’une équipe thérapeutique, avec des lieux différents (consultation médicale, clubs, foyers, service social…) qui constitueront un réseau pouvant offrir à l’adolescent d’autres choix que la drogue.

Selon lui, la psychothérapie seule ne peut fonctionner au départ, car l’adolescent se défend de tout ce qui pourrait rappeler une dépendance parentale, en soutenant ne pas avoir besoin d’aide personnelle. Cependant, le soutien proposé doit tendre, après les premiers mois du traitement, vers la psychothérapie, qui reste, à ses yeux, « le meilleur instrument d’une évolution favorable à long terme ». (ibid)

Comment réagir en cas de consommation occasionnelle ?

Il est tout à fait légitime de redouter, en tant que parent, qu’une consommation occasionnelle ne se transforme en toxicomanie avérée chez son enfant, et il se révèle d’ailleurs parfois difficile de tracer une frontière bien nette entre ces deux états. Ainsi, la consommation de cannabis, de plus en plus prisée chez les jeunes, offre, certes, des risques modérés de dépendance physique, mais elle peut se révéler néfaste sur les plans relationnel, scolaire et psychologique, le but premier de l’usager étant de « ne pas penser ». Le soulagement immédiat occasionné par ce produit n’est donc que temporaire, et les difficultés rencontrées par l’adolescent risquent souvent de s’aggraver .

Les parents doivent ainsi être sensibles à la chute des résultats scolaires, à un rétrécissement des centres d’intérêt, à un comportement agressif, détaché, parfois bizarre chez leur enfant, qui indiquent que sa consommation n’est pas seulement récréative. Ils doivent alors ouvrir le dialogue avec lui, quitte à s’adresser, s’ils ne savent pas comment aborder le sujet, à des centres spécialisés qui répondront précisément aux questions qu’ils se posent.

Dans la mesure du possible, il faut en effet éviter que la drogue ne devienne un sujet tabou au sein du foyer : faire semblant de ne pas savoir que l’adolescent prend ou risque de prendre des produits psychotropes, ou bloquer systématiquement la discussion pour des questions de principe, isole encore plus le jeune face à cette réalité.

D’après X. Pommereau, « la drogue occupe en fait la place qu’on lui laisse vacante. Faute d’aménager un espace vrai d’échanges et de conflits, de négociations et de compromis, de définitions des limites et de remises en question presonnelles, on crée le vide d’un no man’s land relationnel qui laisse le sujet seul, en proie à ses tumultes internes ».

Les parents qui découvrent que l’adolescent consomme des substances psychotropes doivent évoquer avec lui les risques, notamment pénaux s’il s’agit de produits illicites (jusqu’à 1 an de prison et 3750 euros d’amende), qui menacent tout consommateur. Cependant, l’évocation dramatisée des conséquences n’est pas ce qui modifie le mieux les comportements, surtout ceux des jeunes qui cherchent précisément à enfreindre les règles et qui se croient tout puissants.

Le dialogue doit tenter de mettre l’accent sur une  fragilité dont cette conduite témoigne peut-être, découlant parfois de problèmes familiaux. Les parents doivent alors réfléchir à leur implication potentielle dans la conduite adoptée par le jeune.

X. Pommereau conseille ainsi aux parents de se poser les 4 questions suivantes :

– « Que cherche à fuir l’adolescent concerné ? »

– « En quoi le climat familial pourrait-il être à l’origine de cette volonté d’échappement ? »

– « Peut-on en parler sans se remettre en question ? »

– « La honte du qu’en dira-t-on doit-elle empêcher que l’on sollicite une aide extérieure ? »

Il insiste enfin sur l’importance de « reconnaître et aimer le sujet tel qu’il est et non tel qu’il devrait être », expliquant que les mensonges de l’adolescent par rapport à la drogue signalent principalement son désir de satisfaire les attentes idéalisées de ses parents.

Laisser le dialogue ouvert, écouter avec bienveillance les motivations et aspirations de ses enfants sans céder aux considérations purement éducatives, pourrait favoriser la prévention contre la dépendance. Faute d’y parvenir, il serait bon d’avoir recours à un adulte extérieur (éducateur, médecin, psychiatre, psychologue…) pour qu’il puisse amorcer une discussion avec l’adolescent autour de ces problématiques.

Pour en savoir plus : 

http://www.drogues.gouv.fr/

Drogues Info Service : 0 800 23 13 13

Ecoute alcool : 0 811 91 30 30

Ecoute cannabis : 0 811 91 20 20

 

Nathalie Anton

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2 réflexions sur « Adolescence et toxicomanie »

  1. Merci pour ce texte fort intéressant. J’ai bien peur cependant, n’étant un expert ni en psychopathologie ni en psychotropes de ne pas tout saisir correctement.

    Cependant, j’ai toujours été fortement sceptique face à l’affirmation que toute consommation de substance toxique trouve sa source dans un problème psycho et que toute prise produit « un lien mortifère ».

    Comment, avec ce genre de jugement définitif, pouvez vous expliquer, par exemple, la simple prise de tabac. Je crois que cela concerne à peu près 40% des français, qui la plupart ont commencé à l’adolescence. Ont ils tous besoin d’un suivi psychologique pour dénouer ce lien mortifère?

    Ce genre de diagnostique est en fait totalement dépendant des normes sociétales. Parleriez vous aussi de « lien mortifère » pour la consommation traditionnelle de psychotropes dans certaines peuplades d’amérique du Sud ou d’Asie?
    Où placer l’alcool? Est-ce « mortifère » d’en consommer, disons une fois par semaine, lorsqu’on a 17 ans et « normal » lorsqu’on en a 30?

    Je crois que, pour les adolescent, cette hypocrisie qui tend à toujours les déresponsabiliser (en faisant de leurs pratiques, même lorsqu’elles ne sont, objectivement, pas problématiques, des symptomes d’une dépossession de soi)peut leur paraitre assez révoltante.

    Cependant, entendons nous, en aucun cas je nie que la prise de substance psychotrope peut être, chez les adolescent comme chez les adultes, le signe d’un malaise psycho, mais je trouve que ce genre de jugement sont souvent un petit peu trop définitif et peuvent parfois froler un certain hygiénisme.

  2. Vous avez tout à fait raison de rappeler que les normes varient en fonction des lieux et des époques, et qu’il est important de déterminer différents niveaux de gravité dans la relation qu’entretiennent les jeunes avec les psychotropes.

    Cet article ne s’adresse d’ailleurs qu’aux parents d’adolescents appartenant à notre société actuelle, et tente d’éviter autant que possible d’émettre un « jugement définitif » sur le thème abordé, en distinguant notamment les toxicomanies avérées et les consommations occasionnelles.

    Ainsi, l’adolescent qui consomme modérément, sans que ses relations affectives, ses résultats scolaires, son fonctionnement psychique n’en soient affectés et sans que cela n’alerte son entourage, ne devrait pas, a priori, faire l’objet d’inquiétudes particulières.

    Cependant, les risques physiques et psychologiques provoqués, voire recherchés (consciemment ou inconsciemment) lors de la prise de toxiques ne peuvent être occultés, et il serait peu responsable de nier qu’ils existent.

    Il ne s’agit en aucun cas de « déresponsabiliser » les adolescents, mais de pouvoir dialoguer avec eux en connaissance de cause, sans dramatiser, mais sans banaliser non plus, ni faire semblant d’ignorer l’interdiction dont sont frappés les produits illicites.

    En ce qui concerne le tabac, n’oublions pas que si ses effets psychotropes ne sont évidemment pas aussi puissants que d’autres substances, les risques physiques qu’il recèle sont avérés et la dépendance qu’il génère est loin d’être seulement physique.

    Je dirais, pour conclure, qu’il est essentiel de bien s’informer, de dialoguer et de rechercher la nuance pour pouvoir aborder ces problématiques complexes qui touchent au plaisir et à la mort, à l’intime et au collectif, à la liberté et à la loi, à l’autonomie et à la dépendance, soit autant de thèmes fondamentaux qui constituent un sujet et qu’un adolescent, en train de se construire, peut avoir du mal à intégrer.

    Nathalie Anton

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