Education populaire et lutte contre les oppressions sociales :

le groupe d’encouragement (« Brave space »).

Quelle peut-être la définition d’une éducation populaire émancipatrice ?

Une éducation populaire émancipatrice peut être définie comme une éducation populaire qui développe la capacité collective des personnes à lutter contre les oppressions sociales : le classisme, le racisme, le sexisme, le validisme…

On peut rapprocher cette conception de l’éducation populaire de ce qui est développé dans le cadre de l’intervention féministe intersectionnelle : elle vise à développer la conscientisation des femmes victimes de violences sexistes et à développer leur pouvoir d’agir.

Qu’est-ce qu’un groupe d’encouragement (« brave space » bell hooks ) ?

Un groupe d’encouragement (ou « brave space ») doit être distingué d’un safe space. Dans le safe space des personnes socialement dominées se retrouvent dans un espace sécurisé pour partager des expériences sociales vécues. Dans le « brave space », ce partage d’expérience sociale vécue constitue une base pour développer une dialogue critique respectueux. Ce dialogue critique à plusieurs objectifs :

– le premier est la conscientisation des différentes personnes participants au groupe et la reconnaissance mutuelle des oppressions différentes vécues par chacun et chacune.

– le deuxième est le développement d’une lecture critique cohérente du monde social : la prise de conscience de l’existence de problèmes sociaux systémiques (au niveau macro-social)

– le troisième objectif est la capacité à développer le courage moral de faire entendre une voix dissidente et de s’engager dans des mouvements collectifs de transformation sociale.

Quel est le rôle de l’animateur/trice de tels groupes ?

Son rôle est de favoriser :

– l’expression des expériences sociales vécues dans un cadre respectueux

– d’encourager chacun et chacune à faire entendre sa voix propre.

– de favoriser la problématisation de la réalité sociale afin de favoriser un reframing (recadrage) nécessaire à la conscientisation : passage d’une interprétation micro-sociale des situations d’oppression à une interprétation systémique, ce qui veut dire macro-social.

– de favoriser un dialogue critique qui développe la cohérence de la pensée.

– d’aider à déconstruire les empêchements à agir qui ont été socialement intériorisés (comme la naturalisation des réalités sociales).

Y-a-t-il des activités complémentaires aux brave spaces ?

Ce travail d’empowerment peut être complété par une formation aux droits (droit de la non-discrimination, droits humains), des pratiques de création visuelle (pour favoriser l’imagination d’autres possibles), de jeux de rôle (pour développer la capacité à agir en situation)…

Présentation du fonctionnement et de l’organisation d’un espace d’encouragement

(« Brave space »)

La notion de « groupes d’encouragement » renvoie à celle de « brave space » développée par bell hooks :

« Mais je dois vous interrompre parce qu’en fait, je suis assez critique de la notion de sécurité dans mon travail, et ce que je veux, c’est que les gens se sentent à l’aise en cas de risque (…) Et donc pour moi, je suis très intéressée par ce que cela signifie pour nous de cultiver ensemble une communauté qui permette le risque, le risque de connaître quelqu’un en dehors de nos propres limites, le risque qu’est l’amour – il n’y a pas d’amour qui n’implique un risque. Je suis un peu méfiant parce que les Blancs aiment évoquer les «espaces sécuritaires » [Safe space] ». (bell hooks “A Public Dialogue Between bell hooks and Laverne Cox ).

Objectifs : Le « groupe d’encouragement » vise à aider des personnes à faire face à des situations sociales d’oppression : sexisme, racisme, classisme, LGBTphobie, validisme… en particulier dans les situations de travail et plus largement dans les rapports avec des institutions (militantes, administrations, médicale….)

Principes de fonctionnement:

1. L’expérience sociale vécue : Le respect de l’expérience vécue des personnes les premières concernées. L’expérience vécue n’est pas un simple ressenti, mais s’appuie sur des expériences sociales.

2. Le dialogue critique respectueux : il ne s’agit pas de développer un safe space, qui respecte les ressenti de chacun et chacune, mais un espace d’encouragement où se développe la cohérence intellectuelle élargie et la cohérence pratique. Cela suppose que les échanges ne portent pas sur les personnes, mais sur la cohérence des arguments.

« L’intégrité est présente lorsqu’il y a conformité ou accord entre ce que nous pensons, nous disons et faisons. » (bell hooks, 2010).

3. Le courage moral : Le brave space vise à développer le courage moral en particulier par le fait de développer sa capacité à faire entendre une voix propre.

« Lorsque nous osons parler d’une voix libératrice, nous menaçons même ceux qui peuvent au départ prétendre vouloir écouter nos paroles. Dans l’acte de surmonter notre peur de la parole, d’être perçu comme menaçant, d’apprendre à parler en tant que sujet, nous participons à la lutte mondiale pour mettre fin à la domination. » (bell hooks).

Organisation du groupe d’encouragement :

Le groupe d’encouragement comprend entre 5 et 15 personnes. Il s’adresse à des personnes qui sont prêtes à participer à un dialogue critique respectueux et qui acceptent de faire entendre une voix propre (si ce n’est pas le cas, il vaut mieux opter pour un safe space).

L’animateur/trice du groupe a pour rôle de favoriser la problématisation sociale, de développer les conditions d’un dialogue critique qui visent à développer des pistes pour résister à des situations d’oppression.

Ressources théoriques : Sociologie des rapports sociaux, théorie sociale critique, pédagogie critique existentielle, éthique de la critique ect….