L’éducation populaire conscientisante repose sur le partage d’expériences sociales vécues qui doivent être problématisées pour pouvoir parvenir à un processus de conscientisation.

1. Une pédagogie de la question

L’éducation populaire conscientisante s’appuie sur des pratiques dialogiques qui mettent en œuvre de la part de l’animateur ou de l’animatrice une capacité à avancer sous forme de questionnement socrastique.

C’est ce qui fait que l’éducation populaire conscientisante relève d’une pédagogie critique et non pas dogmatique. En effet, il ne s’agit pas de faire une leçon, mais plutôt de poser des questions de réflexion qui vont amener les personnes à problématiser leur expérience sociale quotidienne.

Ces questions conduisent à réfléchir sur l’existence de rapports sociaux de pouvoir qui structurent la société ou plus généralement sur le caractère systémique des problèmes sociaux et environnementaux.

Ainsi, Paulo Freire avec les paysans avec lesquels il travaillait dans le Nord-Este du Brésil posait des questions de ce type : « Qui cultive la terre ? A qui appartient la terre ? A qui revient l’argent des récoltes ? ».

En posant ces questions, la pédagogie critique de Paulo Freire amène les paysans à prendre conscience de l’existence d’un rapport capitaliste de production reposant sur la propriété privée des moyens de production. Les prolétaires dans la théorie marxiste sont ceux qui ne possèdent que leur force de travail, tandis que les capitalistes possèdent les moyens de production.

L’éthicienne Lyse Langlois met en avant que l’éthique de la critique – inspirée de Paulo Freire – conduit à problématiser la réalité sociale à partir de quatre questions :

« 1. Qui bénéficie de cette situation ? 2. Y-a-t-il un groupe dominant ? 3. Qui définit la façon dont les choses doivent être structurées ? 4. Qui définit ce qui doit être valorisé ou dévalorisé ? »

2. Problématisation de la réalité sociale et lutte contre le complotisme

L’éducation populaire conscientisante repose sur une pédagogie critique qui doit être clairement distinguée des critiques de type complotiste ou conspirationniste.

Au contraire, l’éducation populaire doit avoir pour mission de lutter contre ces types « d’hyper-criticisme » (comme les appelle le politiste Philippe Corcuff).

Ce qui distingue les deux formes de critique, c’est que le complotisme ou le conspirationniste cherche des intentions cachées, il raisonne en termes de complots et de manipulations.

Au contraire, la pédagogie critique s’appuie sur les sciences sociales critiques qui analysent des structures sociales, ce qui veut dire le fonctionnement de la société en particulier à partir d’enquêtes statistiques.

C’est pourquoi l’éducation populaire conscientisante suppose une formation en sciences sociales et doit s’appuyer dans sa lecture critique du monde sur des études empiriques scientifiques menées en sciences sociales sur les discriminations et les inégalités sociales en particulier.