Le projet

Lycée Jean Michel, Lons-le-Saunier, Jura :

Mme PEPIN, professeur d’Espagnol

 

Lycée Victor Considérant, Salins-les-Bains, Jura :

M. OBIN, professeur de Lettres modernes

 

Lycée Champlain, Chennevières-sur-Marne, Val-de-Marne :

Mme PATIN, professeur de Lettres classiques

 

La naissance du projet :

 

L’idée de travailler sur l’esclavage a germé au hasard d’une conversation, lorsque nous nous sommes aperçu que le sujet du stage du plan académique de formation effectué par Mme Pépin rencontrait les connaissances de civilisation antique de Mme Patin et l’un des axes d’étude privilégiés de l’Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité, laboratoire de recherche en langues anciennes et histoire de l’Université de Franche-Comté. En effet, nous avons découvert, grâce au stage « esclavage et captivité dans le monde hispanique » du 11-02-2013 animé par M. Rudy Chaulet, le personnage d’Épiphane Dunod ainsi que la place qu’avait occupée la Franche-Comté dans l’esclavage à l’époque antique. Il nous a alors paru évident qu’un travail commun était possible en langues anciennes et en espagnol, et qu’il serait intéressant d’y associer l’Université de Franche-Comté. L’enjeu du projet, tel que nous l’avons élaboré alors, était de montrer aux élèves que la Franche-Comté occupait une place particulière dans le commerce des esclaves, contrairement aux idées reçues ; l’Histoire devait ainsi les concerner, puisqu’elle avait eu lieu dans leur entourage géographique immédiat.

Le travail préparatoire que nous avons effectué nous a convaincues que le projet pouvait parvenir à une grande ampleur. Nous avons alors commencé à travailler en équipe autour de notre thème, et d’imaginer mettre en place le projet sur des établissements différents : notre collègue de Lettres modernes, M. Obin, enseignant à Salins-les-Bains, s’est engagé dans notre projet.

Un premier obstacle s’est présenté à nous : Mme Patin, mutée dans l’académie de Créteil, a connu son poste au lycée Champlain de Chennevières-sur-Marne. La distance devenait donc un frein à notre projet, notamment parce qu’elle rendait plus difficilement imaginable les conditions d’intervention et de partenariat avec l’Université de Franche-Comté, alors même que la section de langues anciennes avait été la première à nous suivre sur le projet. Mais, après un temps de réflexion, il nous est apparu intéressant de poursuivre le projet malgré le caractère inter-académique que cela lui imposait. Il nous a même semblé que la rencontre entre lycéens de la région parisienne et lycéens de petites villes de province pouvait avoir son intérêt, et cela parce que le projet pouvait tous les concerner par son thème. Il s’agirait alors d’intégrer les classes de Français et les groupes de langues anciennes de 2nde de Mme Patin.

C’est dans cette perspective que nous avons travaillé, même si le projet a perdu, de fait, de son ampleur compte tenu des contraintes qui se présentaient à nous. Nous avons ainsi mis en place notre blog. Ce blog devait nous permettre de mettre en ligne les travaux de nos élèves afin qu’ils soient partagés par tous, les travaux des uns étant complémentaires des travaux des autres. Une seule sortie a été organisée : Mme Pépin a emmené ses élèves visiter le fort de Joux (Doubs), lieu de détention de Toussaint Louverture.

 

Les objectifs du projet :

 


 

  1. Le choix du sujet :

Épiphane Dunod :

Notre projet devant être centré au départ sur la Franche-Comté, nous avons choisi de travailler sur le personnage d’Épiphane Dunod, méconnu et pourtant précurseur dans la lutte qu’il a menée contre l’esclavage des Noirs. Le lien avec la Franche-Comté était d’autant plus net qu’Épihane Dunod est de Moirans-en-Montagne, c’est-à-dire d’une petite bourgade proche de Lons-le-Saunier. Le lien géographique était donc assuré de façon très nette. L’œuvre d’Épiphane comportait un autre avantage à nos yeux : elle est rédigée en latin et a été traduite en Espagnol, alors même que sa traduction française est presque introuvable. Ce personnage pouvait donc constituer une figure de proue importante pour notre projet et incarnait parfaitement l’esprit de notre travail : l’interdisciplinarité et l’ancrage franc-comtois.

Nous avons maintenu le travail sur Dunod en langues anciennes malgré la mutation de Mme Patin à Chennevières-sur-Marne. Il faut dire que cet auteur méconnu présentait un autre intérêt : il permettait de rappeler aux élèves que le latin était encore pratiqué comme une langue vivante au XVIIe siècle et leur donnait ainsi l’occasion de travailler sur un texte de latin très tardif, ce à quoi ils sont peu habitués. Le latin du XVIIe siècle étant en outre plus proche de notre syntaxe française, le travail sur Épiphane Dunod permettait de les convaincre que leurs connaissances morphologiques et syntaxiques leur permettent de naviguer sans peine dans un texte long.

Dépolitisation du thème et développement de l’esprit critique :

Le travail sur l’esclavage, de façon plus générale, devait permettre d’après nous de préciser les connaissances des élèves sur un sujet qu’ils maîtrisent mal et de déconstruire leurs préjugés et leurs a priori. Cette déconstruction des préjugés pouvait paraître plus importante encore pour les élèves du lycée Champlain, où la mixité est bien plus importante que dans les lycées jurassiens. Cette impression ne s’est d’ailleurs pas démentie. Le jour où un élève de Seconde 2 au lycée Champlain, a levé la main pour demander « Mais Madame, les esclaves ont-ils toujours été noirs ? » sous les rires gênés de certains de ses camarades tout autant incapables de répondre à la question, il a paru évident que le travail entrepris était loin d’être inutile.

Cette déconstruction des préjugés a eu pour corollaire un travail sur la dépolitisation du sujet. Il ne s’agissait pas de soulever des polémiques, mais bien plutôt de travailler sur les éléments qui peuvent les provoquer. C’est en cela que le travail sur l’argumentation, à l’étude en Français en 2nde et en 1ère, paraissait particulièrement intéressant. Le hasard du calendrier et des faits divers a voulu que le travail sur l’esclavage rencontre l’affaire Dieudonné. Dans ce contexte, prendre le temps de travailler précisément sur l’ironie du texte de Montesquieu « De l’esclavage des Nègres » prenait un sens aigu, et cela d’autant plus que Dieudonné, ne comprenant pas la dimension ironique du texte de Montesquieu ou faisant croire qu’il ne la comprend pas, a accusé la France d’accorder les lettres d’honneur à notre auteur qu’il accuse d’esclavagisme.

  1. Le travail en interdisciplinarité :

Chaque discipline apportant sa pierre à l’édifice de notre travail, le blog a constitué pour nous et pour nos élèves le lieu où se réalisait la synthèse de ce travail. Nous avons construit nos activités autour d’une complémentarité qui rendait le travail de chacun utile pour les autres. Ainsi les élèves de 1ère de Salins-les-Bains devaient apporter aux élèves de 2nde de Champlain la lecture du conte philsophique de Saint Lambert Ziméo qui était dans leur liste de textes de l’Épreuve Anticipée de Français, tandis que les élèves de 2nde de Champlain apportaient à ceux de 1ère de Salins la lecture de textes de l’Abbé Grégoire et de Sénèque pour que ces textes complètent les textes étudiés en vue de l’EAF. De la même façon, les latinistes de Champlain apportaient aux élèves du lycée Jean Michel l’étude d’un texte d’Épiphane Dunod, tandis que les élèves du lycée Jean Michel apportaient aux latinistes de Champlain leur travail sur la biographie d’Épiphane Dunod.

Parallèlement à ce travail de complémentarité entre les groupes d’élèves impliqués, chaque classe a publié un certain nombre d’articles permettant de créer une vaste base de données : le blog met en commun toutes les lectures faites par les élèves sur le thème de l’esclavage ainsi qu’un certain nombre d’éléments historiques et civilisationnels. L’ensemble permet ainsi à chacun de préciser ses connaissances selon son intérêt ou son type de curiosité.