PJRL : les projections se poursuivent et les avis se façonnent

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« Ceci n’est pas une palme. » Voilà la subtile inscription qui réside sur les affiches de The Square. Ces cinq petits mots résument si bien ce film… The Square

c’est la Palme d’Or qu’on ne soupçonnait pas. Controversé à Cannes, c’est pour l’audace du réalisateur Ruben Östlund que le film a été finalement récompensé. Ceci n’est effectivement pas une palme, c’est plus grand, c’est à la fois visionnaire et profondément ancré dans le présent, c’est hors norme. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, The Square ne rentre pas dans le « carré ». 

 

            The Square, c’est la vie d’un conservateur de musée d’art contemporain qui doit gérer la communication de sa nouvelle exposition, The Square, sur le thème de la confiance en l’autre et avec le mot d’ordre : « Le carré est un sanctuaire de confiance et de bienveillance. En son sein, nous avons tous les mêmes droits et les mêmes devoirs. » Par la remise en question du protagoniste sur ses aspirations, sa vie d’homme, de père, le spectateur se questionne à son tour sur sa propre vie.

 

 

            The Square, c’est avant-tout une satire de l’Art. « If you place an object in a museum… If we took your bag, and placed it here, will that make it art ? ». Le réalisateur se moque de tout ce qui fait « l’art moderne ». Des tas de gravats peuvent-ils être considérés comme artistiques ? Un carré dans le sol ? Une phrase sur un mur ? Des chaises empilées ? Il veut montrer l’absurdité dans laquelle tombe parfois l’art, et pour cela il se lance dans une caricature très parlante.

 

            Aussi, c’est un film qui nous fait réfléchir sur notre condition, nos comportements en société. Pour que celui-ci ait en quelque sorte une fonction de « catharsis », le réalisateur pose un personnage dans un environnement précis et le laisse évoluer afin de l’observer. Il laisse une grande place à son spectateur grâce aux thèmes qu’il traite, lui accorde de l’importance : alors que nous sommes assis face à un écran, un carré, on est interne à l’histoire, tel un figurant. En effet, cette ignorance de l’autre, ce non-altruisme, on en est coupable chaque jour. Chaque matin, on fait le choix d’ignorer les autres. Avec The Square, on se remet en cause, on « repense » nos actes. The Square dénonce. C’est pour cela qu’il déçoit certains. L’Homme n’est pas « admirable » dans ce film : j’en ai pour preuve une scène mémorable et perturbante, celle dans laquelle une cinquantaine d’individus inactifs laissent une agression sexuelle se produire. Alors que la situation paraît surréaliste, on se rend compte que la même chose s’est produit sur un plateau télé en France, il y a moins de dix ans. Ce sont ces dénonciations, ces accusations qui me font aimer ce film. Le réalisateur s’engage et défend des causes très actuelles.

 

            Ruben Östlund s’autorise à traiter avec ironie et légèreté ces sujets, en mettant en scène son personnage dans des situations plus loufoque

 

s les unes que les autres, en coupant la dynamique d’une scène avec l’arrivée d’un élément qui semble hors-sujet et qui laisse le spectateur perplexe. Le ton du film est très ambivalent, on rit, on a peur, on a pitié, on rit encore, on s’apprête à pleurer… Ce film effleure les émotions. On ne les vit pas toutes à la même intensité. Le rythme est différent de tout ce que j’ai vu jusqu’alors au cinéma, les scènes se prolongent parfois jusqu’à un sentiment de gêne, de lassitude qui est vite rattrapé par la scène suivante. Ruben Östlund s’applique à trouver la limite du spectateur, en poussant à bout les scènes et les actions, en épuisant son sujet pour finalement rebondir de façon inattendue. Je trouve ce moyen d’établir une proximité avec le spectateur brillant.

            Les gros plans, souvent utilisés, servent encore le film, offrant un rythme soutenu et focalisant notre attention là où elle doit être. De subtils clins d’œil à la forme du carré jalonnent le film et ont généralement un effet oppressant sur nous, spectateurs : le cadre dans l’entrée de l’appartement ou encore les cages d’escaliers vues du dessus particulièrement prisées puisque des plans récurrents des escaliers font surface à différents moments.

            Enfin, que serait ce film sans ces acteurs ? Beaucoup de personnages se croisent dans l’histoire, et gravitent autour de Christian. Le film possède un casting impressionnant : Claes Bang, Elisabeth Moss, et Dominic West mais j’ai été particulièrement marquée par la prestation que donne le jeune Elijandro Edouard, qui joue une victime « collatérale » des actions de Christian, et qui possède un rôle central dans la prise de conscience de ce dernier. Autre performance à saluer, celle de Terry Notary, « l’homme singe » qui livre une scène dure et préoccupante lors d’un gala.

            The Square fait partie désormais des films indispensables à voir pour la riche réflexion qu’il suscite autour des préjugés, de la négligence et de l’altruisme.

 

 

 

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