Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Blog 30

Ceci est un complément à la page 121 (en bas) de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Apprendre par les tâches complexes : quelle évaluation par/pour les élèves ?

 

Développer les compétences des élèves, on l’a assez dit, c’est impossible. En revanche, on peut les placer en situation de développer eux-mêmes leurs compétences. Pour cela, rien de mieux voire rien d’autre que les tâches complexes. Mais quand placer celles-ci ? C’est à vous, réfléchissez-y deux minutes.

Avant les apprentissages, ou pendant ou après ? Les trois ! Mais la fonction ne sera pas la même.

Placer les élèves devant une tâche complexe avant les apprentissages sera l’occasion qu’ils prennent conscience de ce qu’ils ont à apprendre tant en termes de connaissances que de compétences. Cela permet d’introduire la séquence d’apprentissage[1].

La séquence peut continuer avec une autre ou d’autres tâches complexes. Celles-ci ont alors pour fonction de découvrir les ressources à apprendre, de les structurer, de commencer à les mémoriser en situation.

Après les apprentissages, la classe peut être amenée à réaliser une troisième tâche complexe dans laquelle ils devront réutiliser le plus possible des ressources apprises pendant toute la séquence. En fait, un nouvel apprentissage viendra se greffer là, celui de la mobilisation des ressources. Dans l’idéal, si le professeur disposait du temps nécessaire, une nouvelle tâche complexe pourrait être proposée aux élèves.

 

Roegiers estime que le plus facile à faire quand on n’est pas encore habitué à la pédagogie de l’intégration est de placer la tâche complexe à la fin des apprentissages. Il ajoute que quelques mois devraient suffire à l’enseignant pour intégrer la tâche complexe à ses ressources didactiques et qu’alors celle-ci trouvera aisément sa place au début et en cours d’apprentissage. Force est de reconnaître que les choses ne paraissent pas si simples. Les collègues savent à peu près tous expliquer ce qu’est une tâche complexe, beaucoup ont encore des difficultés à l’utiliser en classe. Les travaux interdisciplinaires sont peut-être un meilleur lieu didactique pour ce faire ?

 

Quel que soit le moment de la tâche complexe, comment l’évaluation vient-elle accompagner les apprentissages ? Et ici l’auteure ne parle pas de notes mais bien d’éléments d’évaluation. Les élèves ne sont pas des « carnets de notes sur pattes » mais des individus qui ont besoin de feed-back, d’informations et d’accompagnement pour construire leurs apprentissages. Une note ne fournit pas assez d’information pour pouvoir progresser. Il s’agit d’évaluer pour apprendre et non d’évaluer pour recevoir une note. Gare à « l’évaluationnite ». Il ne s’agit pas d’évaluer tout, tout le monde, tout le temps.  Les étoiles du tableau ci-contre illustrent par exemple des moments d’évaluation lors d’une séquence d’enseignement/apprentissage.

Il s’agit davantage d’enclencher un discours, un processus évaluatif. Les enseignants doivent prévoir des pauses évaluatives régulières, à tous les moments de la séquence.  Ils doivent inviter chaque élève à s’interroger. L’essentiel n’est pas de sanctionner par une note les apprentissages des élèves mais de co-construire avec eux et pour eux un catalogue, une banque de stratégies efficaces.

 

Cela peut suivre différentes modalités :

–  monologue de l’élève avec lui -même, qu’est-ce que je sais ? qu’est-ce que je ne sais pas encore ? qu’est-ce que je dois apprendre ?…

– échanges des élèves entre eux, comment on s’y est pris pour aller au bout ? ce qui a fonctionné et qu’on doit reproduire ? ce qui n’a pas été satisfaisant et qu’on devra éviter une prochaine fois ? ce qui nous parait positif dans ta production ? ce qui doit être amélioré…

– dialogue évaluatif élève(s)–professeur : ici, la parole du professeur n’est pas la plus intéressante.  Qu’il soit davantage secrétaire qu’orateur, par exemple pour repérer où se situent les difficultés des élèves et quel travail de consolidation il doit préparer pour la suite.

 

L’auto évaluation est d’un niveau taxonomique très élevé ; il s’agit d’une activité intellectuelle de haut niveau. Elle est pourtant indispensable, peut-être même la seule indispensable dans le cadre des apprentissages car on ne sait que quand on sait qu’on sait (ou qu’on a su). C’est donc une activité à mettre en place dès les petites classes et cela peut être tout simple, rapide et prendre la forme d’un questionnement du style « est-ce que j’ai réussi ma production ? Qu’est-ce qui me fait dire cela ? » ou encore si la classe a l’habitude des tableaux de réussite et de progrès « ai-je réussi à passer au niveau au-dessus ? A quoi devrais-je penser la prochaine fois pour progresser ? ».

 

Revenons au tableau ci-dessus et essayons de l’illustrer par une séquence d’apprentissage. Imaginons que la production finale attendue soit un exposé sur l’Europe de la révolution industrielle. Le professeur invite les élèves à lire la leçon dans le manuel et quelques élèves volontaires viennent faire le compte-rendu de leur lecture à l’oral devant la classe. Ensuite, en trios ou en quatuors, les élèves co-évaluent ce qu’ils ont entendu, avec ou sans CED selon qu’ils ont déjà travaillé l’oral dans ce cours ou dans un autre, en ayant pour consigne de relever tout ce qui a été positif. Quelques minutes suffisent suivies ou non d’un temps individuel pendant lequel chacun notera sur son cahier ce qu’il a retenu de cet échange à propos de l’oral, et non pas des savoirs à apprendre.

Puis les cours suivent leur cours, études de documents, lectures, recherches, travaux de groupes, apports magistraux ou autres. A la fin de la première leçon, chaque élève sur son cahier des apprentissages fait le point, par exemple: suis-je capable d’écrire une dizaine d’informations sur le sujet ? Ou bien: qu’est-ce que j’aimerai comprendre mieux pour en parler dans mon exposé de fin de chapitre ? A la fin de la deuxième ou troisième leçon, le professeur fait le point sur les ressources apprises par les élèves soit, par exemple, par un contrôle de mémorisation soit par un exercice de vrai ou faux, intéressant quand l’élève doit rectifier les réponses fausses, ou toute autre démarche. Il pointe où en sont ses élèves dans les apprentissages. Il peut également observer la classe au travail : qui utilise les atlas historiques de la bibliothèque ? qui sort régulièrement son cahier des apprentissages ? qui a emprunté un ouvrage documentaire au CDI ou dans la bibliothèque de la salle ? ou plus simplement qui lui pose des questions ? qui se reporte au tableau des niveaux de réussite et de progrès pour se souvenir de ce qu’il faudra faire bientôt ? Qui demande de l’aide aux « élèves-ressources » dans la classe pour une question d’orthographe ou d’indication chronologique ou autre ?

Que faire de toutes ces observations ? Un sujet d’échanges avec le ou les élèves dont le professeur a constaté qu’ils faisaient bien ceci ou cela. En incitant ceux qui oublient qu’ils disposent d’usuels dans la salle de classe de s’y reporter ou en vérifiant qu’ils savent se servir d’un atlas, au besoin de le leur expliquer.

Après trois ou quatre heures de travail en classe accompagnés de travaux personnels à l’extérieur, voici venir le temps des exposés oraux. Comment faire passer trente élèves ? En leur demandant de faire leurs exposés à un public restreint, en équipes. Ce sont alors les co-équipiers, après l’exposé et dans une discussion qui vont indiquer à l’orateur son positionnement dans le TNR. Le tableau ci-dessus indique « positionnement temporaire », non parce que celui -ci doit être validé par l’enseignant mais parce que l’élève aura d’autres occasions de faire des oraux et qu’il pourra donc continuer de progresser. Pour le collègue stressé à l’idée de ne pas vérifier lui-même, il pourra confier son téléphone portable à un responsable et celui-ci filmera une intervention dans son groupe. Ainsi le professeur ne verra pas et n’entendra pas tout le monde mais il pourra « contrôler » la qualité de ce qui a été dit.

 

[1] Xavier ROEGIERS, La pédagogie de l’intégration, De Boeck, 2012.

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Blog 28

Ceci est un complément à la page 106 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Le niveau auquel on évalue

 Quelle différence faites-vous entre ces deux consignes relevées dans un sujet de français :

  • « Quels sont les deux temps utilisés dans ce texte ? Relevez-les et justifiez leur emploi. (2 points) »
  • « Dans le geste de Roger (premier paragraphe), montrez ce qui a provoqué la colère de Gabrielle. (0,5 point) »

Quelle est celle qui a le plus haut degré de difficulté ?

 

C’est à ce sujet qu’après la seconde Guerre Mondiale, le gouvernement fédéral américain a confié à Benjamin Bloom[1] une recherche sur la pertinence des examens pour les étudiants d’université. Ce psychologue américain (1913-1999), spécialisé en pédagogie, a donc dirigé un groupe de psychologues à l’université de Chicago.

Cette recherche a débouché en 1956 sur « une hiérarchie de comportements intellectuels qui facilitent l’apprentissage et favorisent la maîtrise des concepts »[2]. Elle s’appelle la taxonomie des objectifs cognitifs de Bloom. Elle est traduite en français en 1969. Elle est liée au courant du behaviorisme qui correspond à la conception de l’apprentissage dite pédagogie par objectif (PPO).

La taxonomie est étymologiquement une loi de classement. Il s’agit donc ici de la hiérarchie entre les différents types de questionnements lors d’une évaluation. Elle ne fixe pas une hiérarchie entre les méthodes d’apprentissage. Chaque individu a un fonctionnement différent pour ce faire.

 

La taxonomie de B. Bloom

Niveau 1 : Mémoriser

Au sens strict : mémoire lexicale

Se constituer un vivier de connaissances par l’apprentissage par cœur

Faire resurgir, réciter comme un perroquet, chanter en japonais sans connaitre la langue

Niveau 2 : Comprendre

Au niveau le plus élémentaire

Pour la tester, on donne le matériau : exercices à trou, exercices sous forme de question vrai/faux ou exercices à modèles

Niveau 3 : Appliquer

Nécessite une lacune à combler

3 temps : identifier la situation, trouver l’abstraction (règle, propriété, définition, …), l’appliquer correctement au problème posé

Niveau 4 : Analyser

Extraire d’une situation complexe ou décomposer une situation en sous situations et les hiérarchiser

Niveau 5 : Synthétiser

Réunir les éléments pour former un tout (ex rédaction)

Production d’œuvre personnelle, de plan d’action, généralisations en mathématiques, …

Niveau 6 : Évaluer ou imaginer

Formuler des jugements, établir des critères, comparer des œuvres, …

Travailler sur la rigueur et la cohérence

 

Toujours d‘après Benjamin Bloom, les trois premiers niveaux forment le stade de la connaissance et les trois derniers le stade de la maitrise.

Revenons à nos exemples de départ.

  • « Quels sont les deux temps utilisés dans ce texte ? Relevez-les et justifiez leur emploi. (2 points) » ; niveau compréhension puis application.
  • « Dans le geste de Roger (premier paragraphe), montrez ce qui a provoqué la colère de Gabrielle. (0,5 point) » ; niveau analyse.

 

Une première remarque, les verbes utilisés étant des traductions littérales de l’anglais, ils prêtent à interprétation. En particulier le dernier « Évaluer » qui parle plutôt d’esprit critique et de créativité. De même, la mémorisation est ici lexicale, elle ne correspond pas à une mémorisation de compréhension qui est faite des liens avec ce qui est déjà connu.

Cécile Delannoy[4] ajoute maintenant un niveau intermédiaire entre les niveaux 1 et 2 qui est « Automatiser ».

 

Cette hiérarchie n’existe pas entre les niveaux 4 et 5. En effet, on est ici dans le fonctionnement individuel. Pour certains d’entre nous l’analyse est plus facile alors que pour les autres c’est la synthèse qui le sera. Le travail scolaire permet de travailler les deux niveaux donc à un stade assez élevé d’études, nous sommes autant capables de l’un que de l’autre.

Un petit test, utilisé en formation, permet de le vérifier en stage.

« Que voyez-vous dans ce dessin ? » :

A la question, les stagiaires donnent deux types de réponse :

Réponse 1 : une montagne, une tente, un triangle, un bec de canard vu avec une narine, un chapeau de clown, une pyramide …

Réponse 2 : une montagne avec un homme en bas, une tente avec l’entrée, deux segments avec un point, un chapeau de clown avec le nez, l’entrée d’une pyramide …

Au premier regard, certains ont une image synthétique de la globalité alors que les autres voient les éléments qui la composent et sont sur le niveau analyse. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Mais on peut penser que chaque professeur a tendance à demander à ses élèves ce qui lui semble le plus naturel ou à l’inverse ce qui lui semble le plus difficile … de plus, il peut aussi éprouver des difficultés à comprendre les erreurs des élèves qui sont les plus éloignés de sa manière de fonctionner. Il faut alors faire attention aux jugements abusifs.

 

Que peut-on utiliser pour mieux maitriser le niveau des consignes posées aux élèves ?

Pour évaluer, le professeur a besoin d’observer la production de l’élève. Celle-ci est déclenchée par un verbe d’action. En contre-exemple, la consigne « Trouvez les axes de symétries de figures géométriques » ne permet pas cette observation. Un élève qui dit ou écrit « J’ai trouvé » a-t-il réussi ce que la consigne demandait ? La réponse est embarrassante. En toute honnêteté, il faudrait répondre oui alors qu’il est impossible de savoir ce qu’il a effectivement trouvé. Les consignes de ce type sont maintenant très rares et à la place, on trouve : « Écrire sous la figure combien elle a d’axes de symétrie et les tracer lorsque c’est possible ». Cette fois, les réponses sont observables et peuvent être évaluées.

On devrait donc pouvoir repérer le niveau de difficulté d’une consigne aux verbes d‘action utilisés. Certains classent directement les actions dans le niveau taxonomique correspondant. C’est le cas de :

  • « Réciter le théorème de Pythagore » ou « Écrire la date de la bataille de Marignan » pour le niveau 1.
  • « Calculer la longueur AB en utilisant le théorème de Pythagore » ou la même question sans indication de la propriété à utiliser mais à la fin du chapitre la concernant. On est alors au niveau 3.

D’autres consignes impliquent de passer d’un niveau à l’autre. C’est le cas par exemple des études de document qui impliquent le niveau analyse suivi d’une rédaction de la réponse au niveau de la synthèse.

François Muller[5] propose sur son site un tableau pour identifier le niveau de complexité des objectifs pédagogiques. La richesse des différents niveaux à travailler avec les élèves est imposante.

Cette taxonomie permet de prendre conscience des exercices le plus souvent demandés à ses élèves et ainsi de s’obliger à varier pour que chacun puisse progresser sur tous les types d’exercices.

[1] Taxonomy of Educational Objectives, 1956, trad. : Taxonomie des objectifs pédagogiques, vol. 1 : Domaine cognitif, Presses de l’Université du Québec, 1975.

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Bloom

[3] Alain Lieury Cerveau & Psycho, n°41 S, 2010

[4] C. Delannoy, Une mémoire pour apprendre, Hachette éducation, 2007.

[5] http://francois.muller.free.fr/manuel/definirunobjectif/apports.htm

 

 

 

 

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Blog 27

Ceci est un complément à la page 100 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Un exemple : tâches complexe et arts plastiques

Ou comment la résolution d’une tâche complexe mène à une infinité de solutions, toutes valables.

Tâche complexe

Commençons par rappeler ce que l’on nomme tâche complexe. Il s’agit d’une production (la tâche) appartenant à une famille de situations (par exemple faire un croquis géographique). Il est conseillé de la placer après l’enseignement de plusieurs unités du programme. L’élève est alors en capacité de « mobiliser ses ressources » pour résoudre ce qui lui est demandé. C’est-à-dire choisir parmi tout ce qu’il a appris et expérimenté et sélectionner dans sa « boîte à outils » ce dont il pense qu’il aura besoin pour mener à bien cette tâche. C’est dans le choix et surtout dans la combinaison de plusieurs ressources que réside la complexité et non dans le degré de difficulté. Gérer une seule ressource définit une tâche simple –qui n’est pas nécessairement facile-, en « tricoter » plusieurs, est la caractéristique d’une tâche complexe. Il serait peut-être d’ailleurs temps d’abandonner ces termes de simple et complexe pour d’autres prêtant moins à confusion, par exemple tâche unique et tâche multiple. Ou encore tâche mono-ressource et tâche multi-ressources. La complexité évoquée ici est celle chère à Edgar Morin mais l’acception du langage courant nous trouble.

Tâche simple Tâche complexe
Gérer une seule ressource Gérer plusieurs ressources
Tâche unique Tâche multiple
Tâche mono-ressource Tâche multi-ressources

Continuons en rappelant à nos souvenirs qu’une ressource est ce dont dispose l’élève. Les ressources internes sont ce qu’il a appris, ce dont il dispose « les mains dans les poches », comme souvent en situation d’examen : ses savoirs, ses connaissances (14 Juillet 1789, prise de la Bastille ; la règle de l’accord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir), ses habiletés (analyser un énoncé, réaliser une eurécarte (appellation maison pour une carte heuristique) pour faire l’inventaire de tout ce qu’il sait, faire un plan au brouillon pour organiser ses idées, les couleurs et les figurés du langage cartographique…), ses attitudes (la volonté d’aller au bout d’une tâche sans se décourager, rechercher une certaine élégance de rédaction, soigner son travail…). Tout le nécessaire est dans la tête.

Ressources internes Ressources externes
Ses savoirs, ses connaissances

14 Juillet 1789, prise de la Bastille

La règle de l’accord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir

Ses outils

Feutre fin noir et crayons de couleur pour le croquis

Fiche méthode « Présenter un document »

Tutoriel « Images actives »

Recette « Pour faire les tartelettes amandine »

Son T.N.R. –tableau de réussites et progrès dit aussi N.R.P. –niveaux de réussite et progrès-

Ses habiletés

Analyser un énoncé

Réaliser une eurécarte pour faire l’inventaire de tout ce qu’il sait

Faire un plan au brouillon pour organiser ses idées

Les couleurs et les figurés du langage cartographique

Ses pairs

Son voisin de table

Ses camarades de classe

Ses coéquipiers

Ses attitudes

La volonté d’aller au bout d’une tâche sans se décourager

Rechercher une certaine élégance de rédaction

Soigner son travail

Les adultes autour de lui

Son professeur tout disposé à répondre à ses questions

Un autre de ses professeurs en cas de co-animation

Le professeur-documentaliste en particulier

Un assistant d’éducation

  Le monde !

Et ses outils numériques interactifs

Smartphone

Tweetlist et les réseaux sociaux

Internet

Les ressources externes sont, par conséquent, tout le reste, ce dont il peut disposer à sa convenance : ses outils (feutre fin noir et crayons de couleur pour le croquis ; fiche méthode « Présenter un document », tutoriel « Images actives », recette « Pour faire les tartelettes amandine », son T.N.R. –tableau de réussites et progrès[1]– dit aussi N.R.P. niveaux de réussite et progrès,  ses pairs comme son voisin de table sur le travail duquel il pourra jeter un œil pour se rassurer, ses camarades de classe auxquels il pourra demander des éclaircissements, ses coéquipiers, mais aussi les adultes autour de lui par exemple son professeur tout disposé à répondre à ses questions, un autre de ses professeurs en cas de co-animation, le professeur-documentaliste en particulier, un assistant d’éducation : le monde ! et ses outils numériques interactifs comme les Smartphone, tweetlist et les réseaux sociaux, Internet et sa merveilleuse encyclopédie en ligne à laquelle les élèves ne comprennent pas toujours grand-chose….

 

Nature morte à dessiner

Ces rappels faits, passons à l’objet éponyme de cette partie, tâche complexe et Arts Plastiques.

Il était une fois trois amies qui allaient au cours de dessin ensemble, Céline, Sophie et Annie. Un jour, le professeur installe une nature morte et leur propose de la dessiner. Voilà une belle tâche complexe, non ?

Chacune des trois va s’atteler à la tâche à sa manière, Sophie en fouillant dans ses affaires, Céline en attendant un café et Annie en tournant en rond. Ce sont trois élèves bien différentes : Sophie ne voit pas en 3D, Annie ne voit pas les couleurs et Céline est d’une créativité sans borne. Quelles sont leurs ressources internes ? Annie dessine depuis dix ans (merci la prof d’arts plastiques qui l’a traînée à Florence et obligée à dessiner les monuments comme les 50 élèves embarqués dans l’aventure : « on ne regarde bien une œuvre qu’en la dessinant, tu verras ». Vu.) et aime travailler sur du petit format pendant des heures. Sophie vient à l’atelier depuis quelques années, adore les couleurs et rend une des auteures malade de jalousie par sa maîtrise des proportions. Céline les a rejointes depuis l’année dernière, travaille très vite, sur du très grand format et sait détourner les compositions pour créer des fresques multicolores. Toutes les trois gèrent leurs ressources externes très différemment.

Sophie avant de commencer explore sa mallette et sort ses pastels tous neufs avec la ferme intention de les étrenner. La prof lui donne un papier tramé du plus bel effet. Sophie aime interpeler ses petites camarades pour leur demander ce qu’elles pensent de ceci ou de cela. Elle accepte voire recherche les remarques sur le rendu des couleurs, les volumes. Elle appelle régulièrement la professeure pour avoir un avis ou une aide. En quatre séances, de deux heures trente chacune, elle obtient ce qu’elle voulait, son premier pastel : ressemblant à la composition ET interprété.

Céline dessine une première fois la composition puis la réinterprète comme elle le fait à chaque fois. Il lui faut bien s’occuper étant donné que ses copines n’avancent pas et ont besoin que la composition reste exposée pendant de nombreuses séances. La professeure lui a donc proposé dès la première activité de septembre de reprendre le travail avec des lignes, des figures géométriques et des couleurs, beaucoup de couleurs. Au fil de l’année, Céline a donc développé un univers artistique bien à elle. En quatre séances, elle a produit une première production, grand format, au crayon puis cette seconde aux crayons de couleurs.

Annie, à force de tourner-virer une tasse à la main, s’est mise au travail, au crayon à papier, son outil de prédilection. Avantage puisqu’elle l’aime et inconvénient puisqu’elle peut gommer le moindre trait jusqu’à ce qu’elle obtienne l‘effet le plus proche de ce qu’elle cherche. Ce qui n’accélère pas sa vitesse d’exécution. Elle pose peu de questions à la prof, a du mal avec les proportions, puisqu’elle ne prend des mesures qu’une fois sur trois, et avec les perspectives qu’elle interprète à la chinoise quasiment tout le temps c’est-à-dire avec des lignes de fuite inversées. Elle reste une heure puis une heure et encore deux heures entières sur le sac en papier déformé sans être satisfaite. Ensuite, 1 h pour une pomme de terre, celle qui touche la bouilloire. Elle voudrait bien continuer mais la professeure n’en peut plus de manger des artichauts, des choux-fleurs de semaine en semaine. Au bout de quatre séances, ce n’est toujours pas terminé mais on siffle la fin de la partie.

Evaluation des trois productions

Si on était à l’école, le moment serait venu d’évaluer ces trois productions, de leur donner une valeur, pas une note. Ces dessins sont-ils réussis ? La tâche complexe a-t-elle été résolue ? Les dessinatrices ont-elles bien géré leurs ressources pour obtenir un résultat dont elles sont satisfaites ?

Pour répondre à cela, on pourrait utiliser les critères indiqués par François-Marie Gérard[2] : la pertinence, la correction, la cohérence et la complétude. Concernant la pertinence, c’est oui dans les trois cas malgré des différences flagrantes. On a bien un dessin et/ou une interprétation de la composition. Quant à la correction, c’est positif également. Pastels, crayons, gommes ont suivi les règles du genre, couleurs complémentaires pour placer les volumes, ombres. Ce qui ne signifie pas que ce soit parfait. On n’est pas aux Beaux-arts, non plus. La démarche des trois élèves est logique à chaque fois, suivant pourtant des itinéraires divergents selon l’expérience, le « métier », la sensibilité et les envies de chacune. Enfin la complétude. Une seule des trois a terminé son projet. Sophie a mené à bien sa première utilisation des pastels. Céline a terminé elle aussi son dessin mais s’est lancé dans une interprétation géométrique et colorée qu’elle n’a pas eu le temps de finir. Annie est la seule qui n’a pas accompli la mission fixée par la professeure, le dessin n’est pas terminé. Même s’il est fréquent en atelier de ne pas traiter l’ensemble de la composition et de laisser des « silences », des blancs, que l’œil se chargera de compléter. Dans ce dernier cas, trois des quatre critères sont évalués positivement. Le professeur peut donc estimer que c’est bon et qu’on peut passer à autre chose.

Tâche à accomplir : dessiner et interpréter la composition
  Sophie Céline Annie
Gestion des ressources internes Patience

Concentration

Rapidité

Créativité

Acharnement graphique

Démarrage façon diesel…

Gestion des ressources externes Aucune expérience du pastel

Nombreuses demandes à ses amies et à la prof

Crayons de couleurs Crayons à papier, gommes

Interactions avec ses pairs (peu..)

Peu de questions à la professeure

Qui a dit qu’évaluer les productions des élèves était long et difficile ? Dans la plupart des cas, évaluer une tâche complexe consiste à porter son regard sur quelques aspects de la production et de déterminer si « oui ou non ça passe ». Après, il n’y a plus qu’à renseigner son « carnet de bord de l’enseignant ».

La pertinence Est-ce que l’élève fait bien ce qu’il doit faire (et pas autre chose) ? Bref, a-t-il évité le hors-sujet ? Oui / non
 La correction Est-ce que l’élève fait BIEN ce qu’il doit faire, le fait-il correctement ? Utilise-t-il les outils comme on lui a montré ?  

Oui / non

La cohérence Est-ce que la démarche est logique ? Oui / non
La complétude Est-ce que la production est complète ? Oui / non

 

Métacognition

Toujours si on était à l’école, et si on suivait le processus « compétences- EPS » (voir partie 2, chapitre 2, p 73), on devrait arriver à la phase 4, les étirements c’est-à-dire celle du débriefing, de la métacognition/contrôle exécutif, de la régulation et de l’auto-évaluation.  « Evaluer, c’est s’évaluer » dit André de Peretti[3], il faudrait donc que chacune des trois élèves se livre à un petit temps de retour sur production. Par exemple à l’aide de ces trois questions simples :

Estimes-tu que ta production soit réussie ? Qu’est-ce qui te le fait penser ?

Ta production correspond-t-elle à ce que tu voulais faire ? Qu’est-ce qui ne te satisfait pas ? Comment l’expliques-tu ?

La prochaine fois, …

 

Apprendre, c’est semble-t-il prendre conscience de ce que l’on a fait, de ce que l’on sait, de la manière dont on s’y est pris en repérant les démarches efficaces et efficientes et les travers à améliorer[4]. En prendre conscience et les garder en mémoire ou du moins d’en avoir une trace afin de relire puis repartir du bon pied lors de la prochaine résolution de tâche complexe.

Céline s’est livrée gracieusement livrée à cette petite introspection :

Ma production est réussie, c’est joli. Je n’avais pas de projet à la base. J’ai recherché une harmonie de formes et de couleurs. Je suis satisfaite du résultat. La prochaine fois, j’essaierai de faire un effet de matière.

Sophie a également accepté l’exercice d’autoévaluation :

J’aime assez ma production car c’est la première fois que je travaillais sur un support granuleux. Je pense avoir réussi à reproduire ce que je voulais. Je suis assez satisfaite même si la pose de matière ne correspond pas à ce que je voulais. Ma production n’est pas suffisamment réaliste. La prochaine fois, je voudrais mieux travailler les effets de matière sur des supports différents.

Au tour d’Annie :

J’estime que ma production est réussie bien qu’inachevée. Les objets de la composition sont tous placés, relativement bien proportionnés les uns par rapport aux autres. Plusieurs sont en volume. La texture des oranges est rendue, celle des pommes de terre aussi.

Je voulais tout dessiner et surtout montrer les volumes de tous ces fruits et légumes. Je voulais travailler la surface du chou-fleur et essayer de rendre le côté floconneux des fleurettes. Je n’ai pas eu le temps). Je n’ai pas eu le temps -nonobstant le peu de temps dont je disposais ce mois-là- car je démarre trop lentement et je passe trop de temps sur un seul objet.

La prochaine fois, je pourrais démarrer plus vite (sauf que non, c’est une activité de loisirs, je ne passe pas un concours). Il faudrait que je ne passe pas plusieurs séances sur un même objet car la prof m’a fait remarquer que les lumières changent et marquent les ombres autrement, cela m’égare ensuite. Je pourrais aussi admettre que la perfection n’est pas de ce monde, que le dessin n’est pas une « photo d’identité » de la composition. Il va aussi falloir quand même que je me mette à prendre des mesures, c’est facile, je sais le faire en théorie… Il suffit de tendre le bras en tenant son crayon.

Et c’est exactement ce qu‘elle a fait la séance suivante sur un autre sujet !

Ainsi, face à une même tâche complexe, avec la même consigne, les trois élèves ont produit trois productions qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Que l’on peut considérer toutes comme évaluables positivement. La démarche a permis la mise en œuvre des ressources internes et externes de chacune des trois puis à la mise en projet sur un axe choisi par chacune d’elle pour une production future. Quoi de meilleur pour les apprentissages et l’implication que l’auto-détermination d’un futur objectif de travail ?

[1] Voir Partie 3, chapitre 2 : Utilisation des CED : niveaux de réussite et de progrès

[2] François-Marie GERARD, Evaluer des compétences, guide pratique, de Boeck, 2008, 1ère édition

[3] Cf. la vidéo tournée par Thierry Foulkes sur une idée de François Müller « Dix mots pour le changement en éducation … évaluer » https://www.youtube.com/watch?v=EujlJTT8kHQ&list=PL98D64821BE92DE36

[4] Nous n’écrivons pas « corriger ». Nous essayons de rester dans une démarche positive et d’envisager la suite des apprentissages comme une longue liste de progrès faisables. En classe, nous ne faisons pas de « remédiation », nous essayons de faire en sorte que les élèves fassent des progrès.

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Blog 4

Ceci est un complément à la page 19 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan .

Une interface entre la recherche et le terrain : la formation

Le délai de passage entre les résultats des recherches et leur mise en œuvre parait poser un problème. Survient alors la question qui fâche … qui est chargé de faciliter ce passage ?

Etant donné le peu de lectures professionnelles, didactiques et pédagogiques, d’un professeur lambda (d’ailleurs qui est-il ?), les auteures sont bien obligées d’indiquer que c’est le rôle de la formation. Les compétences des formateurs sont, depuis 2015, parues dans un Bulletin officiel[1]. Elles demandent en particulier de « mettre en œuvre des modalités pédagogiques et des techniques d’animation fondées sur la mise en action des apprenants : faire comprendre, faire dire, faire faire, faire collaborer. » Par exemple, on entend régulièrement des professeurs parler d’une formation sur le travail de groupe reçue en cours magistral… cela s’ajoute aux souvenirs que beaucoup de professeurs ont de leurs propres apprentissages scolaires. Il est d’ailleurs assez courant d’entendre des formateurs dire « Je vais donner un stage. » Ce n’est heureusement pas le cas de tous mais montre qu’il reste des progrès à faire. Il parait fondamental de mettre les professeurs en situation, de manière à ce qu’ils fassent l’expérience de ces pratiques. Ils vont ainsi mieux se les approprier pour pouvoir ensuite varier leurs postures dans leurs propres cours.

C’est ce que les auteures ont construit, par exemple, pour une formation de formateurs sur les problématiques liées à l’évaluation. Elles voulaient leur faire vivre la prise en compte de l’hétérogénéité du groupe dans une appropriation choisie et autonome en organisant plusieurs ateliers sur la journée.

Pour cela, elles ont rempli une affiche indiquant, suivant les temps de la journée, les différents thèmes des ateliers (Atelier 1 : Docimologie ; Atelier 2 : Taxonomie ; Atelier 3 : Pratiques innovantes, information des familles ; Atelier 4 : Evaluation positive) ainsi que les différentes modalités proposées (présentation par une des formatrices, travail en autonomie sur documents soit en groupes soit en lecture individuelle) ainsi que les noms des personnes ressources déterminées par une évaluation diagnostique pour chaque thème.

Chacun a alors construit son programme de la journée suivant ses acquis, ses besoins et ses envies de travail avec comme objectif de se mettre au point sur les questions de cette évaluation au minimum. Ce qui a permis de faire des choix éclairés par le diagnostic sans jugement de valeur sur ces choix.

La formation s’est terminée sur un débriefing de leur vécu pour verbaliser et intégrer cette façon de faire afin qu’ils puissent l’utiliser à leur tour dans leurs formations. En d’autres termes, il s’agit d’articuler les concepts avec les agir de terrain. On retrouve là la praxéologie dont parlait Philippe Meirieu dans l’extrait cité au début du chapitre. Ce n’est qu’un exemple de ce qui peut être mis en place dans en formations qu’elle soit initiale ou continue.

 

C’est sans doute à relier à ce que propose l’alternance intégrative (Gérard Malglaive, 1975, Daniel Chartier), ou interactive (Philippe Meirieu, 2006). S’appuyant sur l’anticipation, la formalisation, la personnalisation et la collégialité, elle permet au formé de devenir acteur de l’intégration de son apprentissage. Les situations de travail participent du processus d’apprentissage et l’évaluation s’appuie sur le référentiel de compétences[2].

Un article du Huffingtonpost[3] de mai 2016 analyse de la même manière les médiocres performances de notre système scolaire, l’un des plus marqué par le déterminisme social :

« Les failles du système français sont pourtant clairement identifiées : manque de formation des professeurs, rigidité et centralisme excessif, uniformité de l’enseignement dispensé et des moyens alloués. Pour Eric Charbonnier, expert à l’OCDE, la formation initiale et continue des enseignants, « est au cœur des systèmes qui fonctionnent bien. »

Espérons que le nouveau Certificat d’aptitude aux fonctions de formateur académique (CAFFA) pour le second degré sera accompagné d’une réflexion autour de ces changements de pratiques en formation.

[1]  Bulletin officiel n° 30 du 23 juillet 2015 ; © Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche > www.education.gouv.fr ; Annexe 1 Référentiel de compétences professionnelles du formateur de personnels enseignants et éducatifs

[2] http://www.education.gouv.fr/cid73215/le-referentiel-de-competences-des-enseignants-au-bo-du-25-juillet-2013.html

[3] http://www.huffingtonpost.fr/jeanmichel-arnaud/inegalite-ecole-reforme-education_b_10042388.html

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