Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Blog 30

Ceci est un complément à la page 121 (en bas) de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Apprendre par les tâches complexes : quelle évaluation par/pour les élèves ?

 

Développer les compétences des élèves, on l’a assez dit, c’est impossible. En revanche, on peut les placer en situation de développer eux-mêmes leurs compétences. Pour cela, rien de mieux voire rien d’autre que les tâches complexes. Mais quand placer celles-ci ? C’est à vous, réfléchissez-y deux minutes.

Avant les apprentissages, ou pendant ou après ? Les trois ! Mais la fonction ne sera pas la même.

Placer les élèves devant une tâche complexe avant les apprentissages sera l’occasion qu’ils prennent conscience de ce qu’ils ont à apprendre tant en termes de connaissances que de compétences. Cela permet d’introduire la séquence d’apprentissage[1].

La séquence peut continuer avec une autre ou d’autres tâches complexes. Celles-ci ont alors pour fonction de découvrir les ressources à apprendre, de les structurer, de commencer à les mémoriser en situation.

Après les apprentissages, la classe peut être amenée à réaliser une troisième tâche complexe dans laquelle ils devront réutiliser le plus possible des ressources apprises pendant toute la séquence. En fait, un nouvel apprentissage viendra se greffer là, celui de la mobilisation des ressources. Dans l’idéal, si le professeur disposait du temps nécessaire, une nouvelle tâche complexe pourrait être proposée aux élèves.

 

Roegiers estime que le plus facile à faire quand on n’est pas encore habitué à la pédagogie de l’intégration est de placer la tâche complexe à la fin des apprentissages. Il ajoute que quelques mois devraient suffire à l’enseignant pour intégrer la tâche complexe à ses ressources didactiques et qu’alors celle-ci trouvera aisément sa place au début et en cours d’apprentissage. Force est de reconnaître que les choses ne paraissent pas si simples. Les collègues savent à peu près tous expliquer ce qu’est une tâche complexe, beaucoup ont encore des difficultés à l’utiliser en classe. Les travaux interdisciplinaires sont peut-être un meilleur lieu didactique pour ce faire ?

 

Quel que soit le moment de la tâche complexe, comment l’évaluation vient-elle accompagner les apprentissages ? Et ici l’auteure ne parle pas de notes mais bien d’éléments d’évaluation. Les élèves ne sont pas des « carnets de notes sur pattes » mais des individus qui ont besoin de feed-back, d’informations et d’accompagnement pour construire leurs apprentissages. Une note ne fournit pas assez d’information pour pouvoir progresser. Il s’agit d’évaluer pour apprendre et non d’évaluer pour recevoir une note. Gare à « l’évaluationnite ». Il ne s’agit pas d’évaluer tout, tout le monde, tout le temps.  Les étoiles du tableau ci-contre illustrent par exemple des moments d’évaluation lors d’une séquence d’enseignement/apprentissage.

Il s’agit davantage d’enclencher un discours, un processus évaluatif. Les enseignants doivent prévoir des pauses évaluatives régulières, à tous les moments de la séquence.  Ils doivent inviter chaque élève à s’interroger. L’essentiel n’est pas de sanctionner par une note les apprentissages des élèves mais de co-construire avec eux et pour eux un catalogue, une banque de stratégies efficaces.

 

Cela peut suivre différentes modalités :

–  monologue de l’élève avec lui -même, qu’est-ce que je sais ? qu’est-ce que je ne sais pas encore ? qu’est-ce que je dois apprendre ?…

– échanges des élèves entre eux, comment on s’y est pris pour aller au bout ? ce qui a fonctionné et qu’on doit reproduire ? ce qui n’a pas été satisfaisant et qu’on devra éviter une prochaine fois ? ce qui nous parait positif dans ta production ? ce qui doit être amélioré…

– dialogue évaluatif élève(s)–professeur : ici, la parole du professeur n’est pas la plus intéressante.  Qu’il soit davantage secrétaire qu’orateur, par exemple pour repérer où se situent les difficultés des élèves et quel travail de consolidation il doit préparer pour la suite.

 

L’auto évaluation est d’un niveau taxonomique très élevé ; il s’agit d’une activité intellectuelle de haut niveau. Elle est pourtant indispensable, peut-être même la seule indispensable dans le cadre des apprentissages car on ne sait que quand on sait qu’on sait (ou qu’on a su). C’est donc une activité à mettre en place dès les petites classes et cela peut être tout simple, rapide et prendre la forme d’un questionnement du style « est-ce que j’ai réussi ma production ? Qu’est-ce qui me fait dire cela ? » ou encore si la classe a l’habitude des tableaux de réussite et de progrès « ai-je réussi à passer au niveau au-dessus ? A quoi devrais-je penser la prochaine fois pour progresser ? ».

 

Revenons au tableau ci-dessus et essayons de l’illustrer par une séquence d’apprentissage. Imaginons que la production finale attendue soit un exposé sur l’Europe de la révolution industrielle. Le professeur invite les élèves à lire la leçon dans le manuel et quelques élèves volontaires viennent faire le compte-rendu de leur lecture à l’oral devant la classe. Ensuite, en trios ou en quatuors, les élèves co-évaluent ce qu’ils ont entendu, avec ou sans CED selon qu’ils ont déjà travaillé l’oral dans ce cours ou dans un autre, en ayant pour consigne de relever tout ce qui a été positif. Quelques minutes suffisent suivies ou non d’un temps individuel pendant lequel chacun notera sur son cahier ce qu’il a retenu de cet échange à propos de l’oral, et non pas des savoirs à apprendre.

Puis les cours suivent leur cours, études de documents, lectures, recherches, travaux de groupes, apports magistraux ou autres. A la fin de la première leçon, chaque élève sur son cahier des apprentissages fait le point, par exemple: suis-je capable d’écrire une dizaine d’informations sur le sujet ? Ou bien: qu’est-ce que j’aimerai comprendre mieux pour en parler dans mon exposé de fin de chapitre ? A la fin de la deuxième ou troisième leçon, le professeur fait le point sur les ressources apprises par les élèves soit, par exemple, par un contrôle de mémorisation soit par un exercice de vrai ou faux, intéressant quand l’élève doit rectifier les réponses fausses, ou toute autre démarche. Il pointe où en sont ses élèves dans les apprentissages. Il peut également observer la classe au travail : qui utilise les atlas historiques de la bibliothèque ? qui sort régulièrement son cahier des apprentissages ? qui a emprunté un ouvrage documentaire au CDI ou dans la bibliothèque de la salle ? ou plus simplement qui lui pose des questions ? qui se reporte au tableau des niveaux de réussite et de progrès pour se souvenir de ce qu’il faudra faire bientôt ? Qui demande de l’aide aux « élèves-ressources » dans la classe pour une question d’orthographe ou d’indication chronologique ou autre ?

Que faire de toutes ces observations ? Un sujet d’échanges avec le ou les élèves dont le professeur a constaté qu’ils faisaient bien ceci ou cela. En incitant ceux qui oublient qu’ils disposent d’usuels dans la salle de classe de s’y reporter ou en vérifiant qu’ils savent se servir d’un atlas, au besoin de le leur expliquer.

Après trois ou quatre heures de travail en classe accompagnés de travaux personnels à l’extérieur, voici venir le temps des exposés oraux. Comment faire passer trente élèves ? En leur demandant de faire leurs exposés à un public restreint, en équipes. Ce sont alors les co-équipiers, après l’exposé et dans une discussion qui vont indiquer à l’orateur son positionnement dans le TNR. Le tableau ci-dessus indique « positionnement temporaire », non parce que celui -ci doit être validé par l’enseignant mais parce que l’élève aura d’autres occasions de faire des oraux et qu’il pourra donc continuer de progresser. Pour le collègue stressé à l’idée de ne pas vérifier lui-même, il pourra confier son téléphone portable à un responsable et celui-ci filmera une intervention dans son groupe. Ainsi le professeur ne verra pas et n’entendra pas tout le monde mais il pourra « contrôler » la qualité de ce qui a été dit.

 

[1] Xavier ROEGIERS, La pédagogie de l’intégration, De Boeck, 2012.

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Blog 24

Ceci est un complément à la page 91 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Place de la langue française dans la construction des apprentissages

Le socle commun de 2015 a associé dans le domaine 1 quatre types de langages qui sont à la fois des objets de savoir et des outils. « Ce domaine permet l’accès à d’autres savoirs et à une culture rendant possible l’exercice de l’esprit critique ; il implique la maîtrise de codes, de règles, de systèmes de signes et de représentations. Il met en jeu des connaissances et des compétences qui sont sollicitées comme outils de pensée, de communication, d’expression et de travail et qui sont utilisées dans tous les champs du savoir et dans la plupart des activités. »

Pour la plupart des disciplines, il semble que les difficultés liées au français tiennent au vocabulaire, la polysémie des mots par exemple, à la syntaxe, à la construction du texte : expliquer, exposer chronologiquement, aller du concret à l’abstrait et à la compréhension des consignes, tâches, activités et attentes. Des pistes pour travailler la maîtrise de la langue sont d’ores et déjà exploitées par certains professeurs. On y trouve par exemple des pistes :

  • D’ordre méthodologique : comment lire un texte spécifique ? Comment écrire un texte spécifique ? Comment se représenter une tâche donnée ?
  • Langagières et cognitives :
    • L’orthographe et la correction syntaxique
    • Le lexique disciplinaire
    • Les outils linguistiques (outils de reformulation, connecteurs logiques, balisage du discours)

Essayons de préciser en détaillant ce que l’on retrouve dans toutes les disciplines : de l’oral, de l’écrit à lire, de l’écrit à produire.

 

De l’oral

Dans la classe, s’entrecroisent deux situations d’oral distinctes. D’une part, l’oral est celui de la communication ordinaire, de la vie courante entre tous les présents, professeur et élèves. Et d’autre part, l’oral est celui de la discipline enseignée, savoirs spécifiques et langue de scolarisation.

De la part du professeur, cet oral exige la clarté du langage, la rigueur du code et la stabilisation des consignes et méthodes de travail que l’on donne.

Dans la classe, chacun a son rôle :

L’élève Le professeur
–          Prend la parole

–          S’adresse à un public

–          Place sa voix

–          Pose une question

–          Répond à une question

–          Vérifie

–          Reformule

–          Refuse

–          Parle d’autre chose

 

–          Sollicite

–          Questionne

–          Donne une consigne

–          Distribue la parole

–          Régule la parole

–          Recentre

–          Relance

–          Encourage

–          Reprend

–          Réprimande

 

Dans un premier temps, l’oral permet de faire émerger les idées des élèves, d’amorcer une réflexion, de recueillir les résultats des groupes après leur démarche et d’engager des débats et si besoin, de rappeler des règles de vie en collectivité.

Toutes ces occasions permettent de travailler la maitrise de la langue. En particulier les temps d’exposition de production. Une évaluation informante et en cours de formation, si possible construite avec les élèves, leur permet de connaitre et d’intégrer les attendus puis de voir leurs progrès. (Cf. Utilisation des CED, niveaux de réussites et de progrès partie 3, chapitre 2)

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Blog 12 bis EASy’R

Il n’y a pas de « blog 12 bis » dans Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Mais cette partie-là n’est pas inintéressante.

1.     EASy’R ; un processus d’apprentissage ”idéal”

 

Dans son ouvrage Evaluer des compétences, guide pratique[1], François-Marie Gérard présente un processus d’apprentissage idéal[2] que l’auteure résume dans un jeu de mots E.A.Sy’R. Il s’agit de séquencer les apprentissages en quatre moments successifs : l’exploration, l’analyse, la synthèse et le réinvestissement. Attention, ces trois derniers termes n’ont pas la hiérarchie évaluative de la taxonomie des objectifs de Bloom, on est là plus proche de la valeur sémantique de ces verbes.

La phase d’exploration a pour objectif de faire découvrir ce qui va être étudié. On parlait naguère de « document d’accroche » en didactique de l’histoire-géographie. Mais ce peut être plus large que cela. Nous le verrons un peu plus loin. La phase d’analyse correspond à une étude approfondie, par exemple de documents qui permettent de « faire un tour » de la question. La phase de synthèse peut être la trace écrite, le résumé de ce que les élèves devront garder en mémoire, une fiche-méthode réutilisable. Enfin, la phase de réinvestissement est un moment de réutilisation des connaissances qui viennent d’être travaillées. Il ne s’agit pas là du fameux contrôle ou bilan ou évaluation. Quel que soit le nom qu’on lui donne, il n’est pas question ici de sommatif mais d’ancrage des connaissances.

Donnons quelques exemples. En géographie, en histoire et en mathématiques. Commençons par la géographie, en 6e pour le chapitre « Habiter un espace à forte contrainte ».

 

EASy’R en géographie, en 6e

Explorer

On pourrait commencer par le visionnage d’un court documentaire sur la vie d’une communauté humaine dans les Andes. Le professeur alors par quelque moyen que ce soit, magistral, cours dialogué ou autre, mais, attention, il s’agit d’une phase assez rapide, amène la classe à se demander ce qui va être étudié ? Quel type d’espace sera au programme ? Comment les hommes y vivent ? Ont-ils aménagé quelque chose de particulier ? Pourquoi constate-on tel fait ici et pas ailleurs ?

 

Analyser

Cette deuxième phase plus longue consiste à faire une « étude de cas », en fait l’étude d’un lieu. Par exemple, le Mato Grosso au Brésil. Localisons, situons puis essayons de caractériser ce lieu en utilisant, tout ou partie, au choix, une carte de la répartition de la population au Brésil, une photographie (mécanisation, défrichement, habitat de fortune, manifestations…), un graphique (production de lait, de soja, croissance de la population, superficies des défrichements…), un texte. La classe étudie les trois ou quatre documents sélectionnés par le professeur « à fond » sans perdre de vue les questions posées dans la phase d’exploration. Il ne s’agit pas d’étudier ce lieu pour lui-même. On pourrait même commencer à chercher des ressemblances avec les Andes et des différences.

L’idéal serait de pouvoir faire, d’avoir le temps, une seconde étude de cas peut-être plus rapide, sur une station de ski dans les Alpes ou dans les Rocheuses. Là encore chercher tout d’abord des caractéristiques, après avoir localisé et situé bien entendu puis des ressemblances et des différences avec les deux premiers lieux étudiés.

 

Synthétiser

Cette phase pourrait commencer par le rassemblement de tout ce qui a été collecté dans les deux premières sur un planisphère, dans un tableau à double entrée. Localiser certes mais aussi placer les informations type « pays riche/pays émergent/ pays en voie de développement », données bioclimatiques, répartition de la population.

Dans cette phase, en géographie, on change d’échelle. On passe de l’échelle locale à l’échelle mondiale. On se demande si tous les espaces à fortes contraintes ont les mêmes caractéristiques ? S’ils sont situés aux mêmes endroits ? Comment les Hommes y valorisent ou pas leurs contraintes ?

Une trace écrite élaborée avec les élèves ou par le professeur à partir de leurs idées permet de conclure par la définition d’un espace à forte contrainte, la typologie de ces espaces avec quelques exemples d’aménagements. Là encore, cette trace écrite peut être un texte, un tableau, une fiche-méthode, une liste des questions à se poser pour caractériser un espace.

Ici, le professeur de géographie devrait faire son contrôle-bilan, son évaluation finale, corriger, noter et apprécier si l’élève a appris/compris/travaillé et hop, il pourrait alors le sentiment du devoir accompli passer à un autre chapitre, d’une autre matière.

Et c’est ici que François-Marie Gérard préconise de différer encore le temps de l’évaluation (enfin, il ne le dit pas, c’est l’auteure qui le fait), FMG n’évoque même pas l’évaluation dans cette partie, en tout cas, pas la sommative.

 

Réinvestir

L’objectif de ce moment est la manipulation des connaissances acquises précédemment par les élèves afin qu’ils se les approprient. La question n’est pas de savoir s’ils ont appris leurs leçons mais plutôt de leur proposer d’utiliser celles-ci pour mieux les apprendre. Ce moment se passe encore en classe. Le professeur est donc là pour observer chacun, guider, relancer, étayer et désétayer. Avec ce chapitre on arrive à la fin de l’année, il va être temps que les élèves deviennent un peu plus autonomes dans leurs apprentissages et dans leur travail personnel en classe. Ceci-dit, mieux vaut étayer que regarder dormir.

Cette phase de réinvestissement est aussi une phase de mobilisation des ressources, à très court terme certes. Les savoirs engrangés dans la séquence sont utilisés, vivants et non lettres mortes.

Une troisième étude de cas est donc possible. Soit la même pour tout le monde, pourquoi pas en zone arctique ? Soit au choix des élèves, on ne reviendra pas sur l’efficacité de l’auto-détermination dans la motivation des élèves, soit au choix du professeur parmi un panel représentatif. On peut mixer les deux propositions.

 

Les collègues qui ont enseigné la géographie avant la réforme du collège ont reconnu ici la démarche inductive imposée par les programmes de 2008, sauf que ces programmes n’imposaient pas la phase de réinvestissement qui en fait toute l’efficacité pour les apprentissages. Les programmes de 2016 nous ont « délivré » de la démarche inductive. Pourquoi délivrer ? Dans le chapitre précédent[3] , nous nous sommes penchés sur la différenciation et la diversification pédagogiques.  Diversifier c’est aussi cela, ne pas se cantonner dans une procédure intellectuelle. L’inductif c’est bien. Le déductif aussi. L’hypothético- déductif c’est encore mieux.

 

 

EASy’R en histoire en 3ème

Cette séquence trouve sa place après l’étude de l’URSS de Staline qui a déjà permis, d’une manière ou d’une autre, de caractériser un régime totalitaire.  Elle a donc un double objectif : la réactivation des connaissances du précédent chapitre, de découvrir une autre dictature, et même un troisième puisqu’il s’agit d’apprendre à réfléchir et organiser des informations.

 

Pendant la phase d’exploration, les élèves reçoivent une vingtaine de petits textes numérotés sur une feuille recto-verso, à lire en travail personnel hors de la classe et ils doivent à réfléchir à un premier classement de ces textes. Les textes proposés sont la plupart du temps extraits de manuels, parfois très anciens, par exemple un article de l’Humanité du 4 novembre 1922 « Et Valenti fut tué » ou encore un extrait du règlement de Dachau ou bien une chronologie du Japon de 1927 à 1936[4]. Mais aussi « Pour rendre à notre peuple sa grandeur, il faut exalter la personnalité du chef et donner à celui-ci tous les droits »[5].

En classe, les idées de classement sont listées au tableau et les élèves les justifient. La plupart repère des origines géographiques et propose un classement en colonne, une par pays. Rare sont ceux qui vont au-delà. Une année, quelqu’un proposa un tri par nature des textes : témoignage, article de journaux, mémoires, chronologie, texte législatif. Aucun n’alla jusqu’à croiser ces deux idées pour élaborer un tableau à double entrée.

Pendant la phase d’analyse, les petits extraits sont étudiés un par un, en commençant par ceux illustrant le stalinisme (réitérer les connaissances par un apprentissage multi épisodique), en continuant par ceux issus du nazisme. On cherche à retrouver toutes les caractéristiques (les attributs, dans la démarche de Britt-Mari Barth[6]) avec les textes soviétiques puis à chercher quel texte de l’Allemagne nazie correspond à cette caractéristique.

S’il reste du temps, si la classe percute, on peut approfondir avec le fascisme et le Japon de Hiro-Hito[7] ou encore proposer un travail facultatif pour les plus curieux, continuer à classer les textes selon les attributs des dictatures.

La phase de synthèse est collective et consiste à créer un tableau comparatif des dictatures.

Le réinvestissement peut consister à fournir aux élèves un petit corpus pour répondre à la question suivante, « La France de Vichy est-elle un régime totalitaire ? ». Avant d’avoir étudié ce chapitre, bien sûr.

 

EASy’R en mathématiques

Un autre exemple concerne ici les mathématiques et plus précisément l’apprentissage de la programmation. La toute première séance se passe en salle multimédia, les élèves sont en binôme sur un ordinateur et se connectent au site « Une heure de code »[8]. Les élèves ont à écrire un programme, sous forme d’ordres en blocs, pour que leur personnage atteigne le but proposé avec plus ou moins de contraintes.  Ils peuvent faire autant d’essais qu’ils en ont besoin, sachant qu’un thème terminé leur permet d’en faire un autre dont le chalenge sera plus intéressant. Après la présentation de la progression à suivre, les quatre temps d’EASy’R se font au rythme de chacun, pratiquement sans intervention du professeur. Les élèves doivent proposer des agencements des blocs de consigne pour faire bouger leur personnage. Ils commencent donc par explorer les différentes commandes et ensuite analysent les effets de celles-ci. Les contraintes imposées, le nombre maximal de blocs à utiliser par exemple, les obligent à pousser leur analyse, à en discuter la pertinence et à adopter la procédure qui va permettre d’atteindre l’objectif.

A chaque fin de partie, le professeur demande aux binômes un retour sur les commandes utilisées et ce qu’elles ont permis de faire, on est dans la phase synthèse. Le réinvestissement est immédiat et se fait à plusieurs reprises car les parties suivantes intègrent les commandes qui viennent d’être découvertes. Il sera temps ensuite de passer au logiciel qui permet de travailler plus spécifiquement les points de programmes attendus. Mais les bases de la programmation sont atteintes pour chacun.

 

EASy’R pour permettre aux élèves de développer leurs compétences

La même démarche est utilisable pour le travail autour des compétences que le socle et les nouveaux programmes nous demandent de développer chez les élèves. Nous ne pouvons pas développer les compétences des élèves à leur place mais nous pouvons faire en sorte d’organiser notre enseignement en proposant des situations dans lesquelles les élèves vont pouvoir s’entraîner, conscientiser, auto évaluer et développer eux-mêmes leurs compétences.

Regardons ce que cela donnerait pour une compétence de plus en plus demandée par l’institution qui reste un sujet d’interrogation pour de nombreux collègues, l’oral en classe. Depuis l’année scolaire 2016-2017, l’oral fait même l’objet d’une épreuve du brevet. Comment pourrait-on utiliser EASy’R pour permettre aux élèves de monter en compétences et d’arriver sereins à l’examen ?

  1. Explorer : quelques élèves volontaires prennent la parole, par exemple pour un petit exposé, sans conséquence c’est-à-dire pas de notes.
  2. Analyser : qu’est-ce qu’une prestation orale réussie ? Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire ? Laisser la parole aux élèves. Noter ce qu’ils disent. En commentant le moins possible si on veut qu’ils s’approprient ces informations, ni même reformuler.
  3. Synthétiser : organiser les informations dégagées par les élèves dans une petite fiche, un tableau, un petit outil consultable A CHAQUE FOIS QU’IL Y A UN ORAL A FAIRE. Jusqu’à ce que l’élève n’en ait plus besoin. Il est plus efficace que ce soit le professeur qui fasse cette fiche à condition de rester très près des formulations des élèves. Il n’est pas impensable qu’un élève s’en charge.
  4. Réinvestir : s’essayer à la prise de parole en public, par exemple pour rendre compte d’un texte lu. Si possible, là encore, sans notation, avec une évaluation orale, collective, bienveillante, c’est-à-dire à la recherche de tout ce qui a été réussi, appuyée sur la fiche élaborée en phase de synthèse.

 

Quatre exemples de cette démarche d’apprentissage conçus par des collègues en stage interdisciplinaire sont consultables sur un des blogs de l’auteure[9].

Une proposition de l’auteure :

Pour la phase d’exploration, il est possible de visionner de « vrais » élèves de 3ème lors d’une prestation orale en classe[10].

Regardez Ziyad entre 2’59 et 3’25, Pauline (5’40-6’12) et Gwénaëlle (5’09- 5’27). N’oubliez de dire à vos élèves de ne pas se moquer car il a fallu beaucoup de courage pour prendre la parole devant une caméra, tous n’ont pas accepté de le faire.

 

En 2012-2013, cette démarche a été essayée, la classe de 3e qui a visionné les extraits a proposé comme critères d’un oral réussi « la langue (phrases correctes, langage soutenu), la voix (être audible, articuler, ton vivant, rythme adapté), la durée (5 minutes), le contenu (qui ait du sens, complet, intéressant, du vocabulaire, dans le sujet (pertinent, exact), et l’attitude (aucun geste parasite, on regarde le public, on connaît son texte sans réciter, sans lire, être convaincant). Ce sont ces critères qui ont été réutilisés tout au long de l’année en histoire-géo, en français, avec la professeure documentaliste lors de chaque moment d’histoire des arts. Lors de l’épreuve en mai 2013, selon les collègues, les prestations ont été plutôt meilleures que d’habitude. Pour qu’elles soient encore meilleures, il faudrait réfléchir à « élaborer un diaporama qui ne fera mourir d’ennui votre public ». Grâce à François-Marie Gérard, it could be easyer !

 

Les trois « R »

La lecture de ce qui précède montre des exemples des années antérieures. Depuis 2016-2017, l’auteure a modifié en EASY’RRR. En effet, développer une compétence, progresser, c’est long et difficile. Il faut à certains élèves plusieurs essais. C’est donc au(x) professeur(s)[11] là encore de faire en sorte d’organiser leur enseignement pour que les élèves y parviennent. En histoire-géographie-EMC, il est souhaitable que chaque chapitre soit l’occasion non seulement d’apprendre les ressources du programme, la prise de la Bastille mais aussi de développer les compétences au programme. L’auteure propose donc aux collègues en stage d’associer « un chapitre, une compétence », toute l’année. Grosso modo, à la trente-sixième semaine, chaque élève aura eu l’occasion de s’entraîner au moins trois fois (les trois R de EASY’RRR) pour chaque compétence. Il n’y aura plus qu’à évaluer les progrès et en prendre note. Nous y reviendrons dans la quatrième partie de cet ouvrage.

 

[1] François-Marie Gérard,  2008, Evaluer des compétences, guide pratique[1], De Boeck, 1ère édition

[2] page 25. Ceci est une invitation à lire ou relire ce chapitre de François-Marie Gérard, avec des exemples et des définitions, un exercice d’application et un de mise en œuvre personnelle.

[3] Partie 1, chapitre2, différencier/différencier

[4] L’auteure est au courant que ces dictatures ne sont pas au programme de 2016 ni même de celui d’avant.

[5] Ecrit dans la forteresse de Landsberg en 1923. L’auteur y fut détenu neuf mois.

[6] cf. dans ce chapitre, le texte précédent

[7] Qui ne sont pas au programme de 3ème.

[8] https://hourofcode.com/fr

[9] http://lewebpedagogique.com/anniedimartino/2012/11/22/permettre-a-nos-eleves-de-devenir-plus-competents-a-loral/

[10] Un film tourné par Thierry Foulques, « Compétences in vivo 2 », http://www.youtube.com/watch?v=d_9mDQ9qtuU

Séquence détaillée : http://lewebpedagogique.com/anniedimartino/2011/11/30/752/, « différenciation pédagogique en classe entière ». (Ce film a été tourné à d’autres fins, il n’a pas d’intérêt d’être visionné en entier avec votre classe).

[11] cf. partie 2, chapitre 2, Enseigner les tâches complexes : Piano à plusieurs mains

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