II – … Comporte 3 types d’agents économiques dont les modalités de financement diffèrent

C – Et l’État

Dernier agent économique, et non des moindre comme la crise du covid-19 le montre, l’État. Avant de se soucier des ressources et dépenses de l’État ou de leurs effets, il est utile de préciser ce que nous entendons par « l’État ».

La notion d’État peut avoir plusieurs définitions. Par exemple, en science politique, l’État va se définir comme un système de domination caractérisé par la formations d’institutions distinctes de la société, dotées de la personnalité morale et des moyens d’exercice de la souveraineté sur un territoire et sa population (1). Concrètement, l’état s’incarne dans des institutions comme le parlement ou le gouvernement. Ou encore dans des administrations publiques – les APU (2).

C’est de ces dernières que nous nous préoccuperons dans cette partie. Mais ici aussi, il faut faire une petite clarification. Il existe 3 types d’administrations publiques :

– l’État central dont, par exemple, l’administration de l’éducation nationale ou la police nationale font partie,

– les collectivités locales, comme le conseil régional ou les services municipaux des communes,

– les organismes de sécurité sociale, comme la caisse primaire d’assurance maladie qui prend en charge le remboursement d’une partie des frais de santé.

Or, selon que nous parlerons de toutes ces administrations ou seulement de l’État central, nous n’utiliserons pas nécessairement les mêmes termes économiques pour nommer leur endettement ou leur déficit par exemple. Pour simplifier, désormais, j’utiliserai le terme APU pour faire référence à l’ensemble des administrations et le terme « État » pour parler de l’État central.

Une dernière précision avant d’entrer dans la vif du sujet : l’État s’écrit avec un E majuscule et non minuscule, faute qu’il convient d’éviter dans vos œuvres futures …

Comme je l’indiquais, la crise sanitaire du Covid-19 a mis un coup de projecteur (ou remis) sur l’importance du rôle de l’État dans le domaine économique. Donnons deux exemples très simples : la commande massive de masque de l’État – 1 milliard annoncé le 28 mars 2020 (3) – et la mise en place d’un fond d’urgence pour les TPE (très petites entreprises) et les indépendants (4). Ce dernier, doté de 200 millions par l’État et les régions, doit permettre d’obtenir une aide pouvant aller jusqu’à 3500 €.

Mais pour financer ces mesures, c’est-à-dire engager des dépenses, il faut disposer de ressources. Nous le verrons, la différence entre les ressources, que l’on appelle des recettes, et les dépenses permet d’obtenir soit un excédent, soit un déficit.

Dans le cas des APU, nous parlerons de solde public, de déficit ou d’excédent public. Dans le cas strict de l’État, nous parlerons se solde budgétaire et de déficit ou d’excédent .

i. L’État finance son activité grâce aux prélèvements obligatoires et/ou l’emprunt en situation de solde budgétaire déficitaire

Débutons par un panorama général avec les APU. Le graphique ci-dessous nous permet de visualiser à la fois le niveau de dépenses, de recettes et le solde public exprimés en % du PIB. Pour que vous disposiez d’un ordre de grandeur en espèces sonnantes et trébuchantes, donc en €, sachez qu’en 2018, selon l’INSEE, le montant des dépenses des APU s’élevait à 1 318,6 milliards d’€. Avec la répartition suivante : 607,9 milliards pour les administrations de sécurité sociale, 260,4 milliards pour les collectivités locales et 538,2 milliards pour l’Etat. Vous le voyez, les dépenses publiques les plus conséquentes sont le fait des organismes de sécurité sociale. Elles représentent 46,1 % du total des dépenses publiques cette année là, c’est-à-dire des dépenses réalisées pour les retraites ou l’assurance maladie par exemple (5).

Et maintenant, notre graphique issu d’une publication de l’INSEE (6)

Comme vous pouvez l’observer, sur la période 1993 – 2018, les recettes sont systématiquement inférieures aux dépenses. Les APU ont donc un besoin de financement qu’exprime un solde public négatif . Pour se financer, les APU recourent aux marchés financiers. Elles émettent des obligations, donc s’endettent. Nous reviendrons sur ce point un peu plus loin.

Resserrons notre focale pour nous concentrer sur l’État. Même si le programme ne nous y invite pas, et pour votre culture citoyennes, je vais développer le thème du budget de l’Etat.

Commençons par les recettes. Vous en connaissez déjà certaines : ce sont les impôts. L’impôt sur le revenu par exemple. Les impôts rentrent dans la catégorie des recettes fiscales dont on distingue trois formes (7) :

  • Les impôts (ou taxes) sur la consommation comme la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et la Taxe Intérieure de Consommations sur les Produits Énergétiques (TICPE) dont nous nous acquittons lorsque nous achetons du carburant.
  • Les prélèvements sur les revenus. L’impôt sur le revenu (IR) est de ceux-là. Citons aussi , l’impôt sur les sociétés (IS)
  • Et enfin, les impôts sur la propriété et le capital. Par exemple la  taxe foncière que paient les propriétaire d’un logement ou encore l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) qui a succédé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Mais les moyens financiers de l’État sont complétés par des recettes non-fiscales. Par exemple, l’état perçoit des dividendes des entreprises dont il est actionnaire. Citons le cas de la Française des jeux (FDJ) et d’Aéroport de Paris (ADP).  Dans un article de Libération daté du 12 mars 2019, les journalistes Jean-Christophe Féraud et Franck Bouaziz indiquaient que […] bon an mal an, ces deux entreprises servent de généreux dividendes à l’État : 220 millions d’euros en 2017, dont 132 millions venant d’ADP (8). 

Ces moyens financiers sont engagés sous forme de dépenses. Le graphique ci-après nous donne une idée précise des missions assurées par l’état et les moyens qu’il y consacre.

Comme vous pouvez le constater, le principal poste de dépense est l’éducation qui représente à elle seule 21,9 % des dépenses de l’État.

Revenons maintenant à la question des besoins ou capacités de financement. Il se trouve que l’État est souvent un agent à besoin de financement. Lorsque cette situation s’observe, le solde budgétaire, soit la différence entre les recettes et les dépenses de l’État, est négatif. Il y a déficit.

Pour financer ce déficit, et donc les dépenses qui se cachent derrière, l’État est obligé d’emprunter, c’est-à-dire de s’endetter. La dette de l’État peut donc se définir comme l’ensemble des emprunts contractés par l’État et dont l’encours (le montant) résulte de l’accumulation des déficits de l’État dans le temps. Voici en quelques chiffres extraits du site de l’INSEE le montant de la dette de l’Etat (en France) :

Millards d’€ 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Administration publique centrale 1 634,4 1 684,2 1 763,4 1 831,8 1 905,1 1 976,7

Si nous y ajoutons la dette des autres APU, la dette totale des APU, la dette publique est la suivante :

Administrations publiques locales 188,8 196,7 200,1 201,2 205,7 210,3
Administrations de sécurité sociale 216,7 220,3 225,0 225,6 204,1 193,1
Total 2 039,9 2 101,3 2 188,5 2 258,6 2 314,9 2 380,1

Vous pourrez noter que la dette des administrations (ou organismes) de sécurité sociale décroit depuis 2017. Et que l’essentiel de la dette publique est le fait de l’État.

Or, l’intervention de l’État peut avoir des effets ambivalents.

Mais avant de voir cela, profitons de parler de dette pour aborder un point technique. Le taux de variation cumulé.


EXERCICE OBLIGATOIRE

Exercice à faire par ici => Taux_variation_cumulé.


ii. L’action économique de l’État peut avoir des effets contradictoires sur l’économie

Lorsque l’État décide de mettre en œuvre une politique publique, ce choix va avoir un (ou des) effets sur l’économie.

Prenons deux exemples pour illustrer cette idée. Mais auparavant, une petite définition : une politique publique peut se définir par l’ensemble des actions décidées par un gouvernement (plus largement par une autorité publique. Un conseil municipal par exemple). Une de ces politiques consiste à agir directement sur l’environnement économique : en diminuant le niveau des cotisations sociales par exemple, ou, comme nous l’avons vu plus haut, en proposant un soutien financier à des TPE et des indépendants. Mais en réalité, même les politiques publiques qui ne concernent pas le champ économique ont un effet sur ce dernier. Deuxième exemple : prenons l’éducation nationale qui met en œuvre la politique publique d’éducation. Pour qu’elle existe, il faut ne serait-ce que rémunérer les enseignant.e.s pour le travail réalisé. Les salaires perçus par les enseignant.e.s représente un revenu du travail qui sera pour partie épargner, pour partie consommer. Or, toute consommation suppose une production … Nous le voyons bien. Toutes les dépenses de l’État représente un revenu pour d’autres agents, revenu dont l’utilisation va stimuler la production économique. Cette idée de circuit économique est bien illustrée par cette petite vidéo de la Cité de l’économie (c’est par ici : le circuit). Ça vous changera de la représentation par le marché.

Nous pouvons résumer ce premier effet potentiel comme suit : les politiques publiques dopent la demande globale. Si les ménages et les entreprises disposent de plus de ressources alors ces agents vont consommer et investir davantage. L’augmentation des dépenses publiques va alors permettre d’accroître le volume de la richesse produite sur un territoire pendant une période donnée, c’est-à-dire le PIB (et la variation du PIB correspond à la croissance …).

Lorsqu’un gouvernement décide d’augmenter les dépenses publiques, on parle alors de politique de relance. Précision importante, l’intervention de l’État peut passer par une hausse des dépenses mais aussi par une diminution des prélèvements obligatoires. Dans cette situation, le mécanisme attendu est le suivant : moins de prélèvements implique plus de revenu disponible (pour les ménages) ou de profits (pour les entreprises) donc plus de consommation et d’investissement (9).

Si je m’en arrête là, je peux être amené à penser que l’intervention de l’État est a priori positive. D’où une question toute bête : pourquoi l’État n’intervient pas plus ? Et bien, une politique de relance par augmentation des dépenses publiques peut avoir un effet potentiellement négatif. On le nomme l’effet d’éviction. L’idée est simple : l’intervention de l’État va remplacer celle des autres agents économiques et non s’y ajouter. D’où un effet nul ou négatif. Description claire du mécanisme à l’œuvre par E. Pastol, professeur de SES. Attention, il est ici fait mention des APU et pas seulement de l’État. Mais le raisonnement vaut pour les deux situations.

Concrètement, si les ménages et les entreprises constatent que le gouvernement augmente les dépenses publiques, ils vont anticiper deux conséquences de ce choix politique :

– à court terme, c’est une bonne nouvelle. Les ménages vont pouvoir consommer davantage, les entreprises recevoir plus de commandes et peut-être investir davantage aussi.

– mais à moyen et long terme, si les administrations publiques augmentent leurs dépenses, elles devront certainement augmenter leurs recettes, pour équilibrer le solde budgétaire. Augmenter les recettes publiques, c’est augmenter les prélèvements obligatoires, augmenter les impôts et les prélèvements obligatoires.

Ce raisonnement, il peut être adopté par chef.fe.s d’entreprises et les ménages. Anticipant une potentielle hausse des prélèvements obligatoires, ils peuvent – j’insiste sur le « peuvent » – dépenser moins. Ils dépensent moins pour épargner davantage afin de faire éventuellement face à cette potentielle hausse des prélèvements obligatoires. Voilà le premier effet d’éviction, un effet d’éviction par la dépense, […] résumons-le ainsi […] la hausse des dépenses publiques engendre une baisse des dépenses privées.

Le deuxième effet d’éviction, c’est l’effet d’éviction financière et il est bien plus simple à comprendre. Les administrations publiques représentent un agent à besoin de financement parmi d’autres ; si elles augmentent leurs dépenses alors qu’elles sont déjà en déficit alors elles vont avoir besoin d’encore plus de fonds. Le risque est qu’elles captent une trop grande partie des fonds à disposition sur le marché des fonds prêtables. Les agents à capacité de financement aiment en effet prêter à des administrations publiques ; prêter à l’État, c’est sans risque ou presque. Alors si les administrations publiques augmentent leurs dépenses et accroissent ainsi leur demande de fonds sur le marché des fonds prêtables, le risque est que les entreprises à besoin de financement soient privées de fonds. Cet effet d’éviction financière […] : en cas d’augmentation des dépenses publiques, il peut y avoir un risque que les fonds disponibles soient captés par les administrations publiques au détriment des entreprises qui peineraient alors à se financer, diminuant ainsi l’investissement. Résumons l’effet d’éviction financière en une phrase : une hausse des dépenses publiques pourrait priver certaines entreprises de financement.

Ce chapitre prend fin ici. Il est donc temps de faire une synthèse de cette troisième partie du II.


EXERCICE OBLIGATOIRE ET NOTÉ (À ENVOYER)

Vous allez devoir faire la synthèse du II – C sous forme de schéma (ou de carte mental qui est une forme de schéma). Attention à ne rien oublier d’essentiel


(1) Lexique de science politique, vie et institutions politiques, 3ième édition, Dalloz, 2014

(2) Les APU peuvent se définir comme des organismes à but non lucratif dont la fonction principale est de produire des services non-marchand (c’est-à-dire gratuit ou quasi-gratuit) ou d’effectuer des opération de redistribution de revenu (ex. Pôle emploi pour les allocations chômage). Elles sont financé par les prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations sociales).

(3) Interview donnée par le ministre de la santé, Olivier Véran au JDD le 28 mars 2020 : https://www.lejdd.fr/Politique/le-ministre-de-la-sante-olivier-veran-au-jdd-il-ny-a-eu-aucun-retard-3958400

(4) Site du ministère de l’économie, les mesures en faveur des entreprises : https://www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises

(5) Il est fréquent d’entendre parler de la « nécessaire » bonne gestion des administrations, organismes de sécurité sociale inclus. Pour la petite histoire, en 2018, les recettes sont supérieures aux dépenses. L’excédent s’élève à 10,8 milliards d’€.

(6) Pour des données sur les recettes / dépenses des APU : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4161455#titre-bloc-15

(7) Présentation reprise du site www.lafinancepourtous.com

(8) Pour plus de détail : https://www.liberation.fr/france/2019/03/12/privatisations-l-etat-cede-adp-les-francais-dupes_1714694

(9) Un peu d’histoire : John Maynard Keynes (1883-1946) est un économiste britannique dont la thèse principale est que l’économie entre dans un sous-régime faute d’une demande globale (demande agrégée des ménages, des entreprises et des administrations publiques) suffisante. Il estime qu’une des missions centrales de la politique économique est alors de relancer cette demande par voie budgétaire, c’est-à-dire par augmentation des dépenses publiques.