Concevoir pour le développement de l’activité créative de l’imagination

 

Les cycles d’activité créatrice de l’imagination

Par « cycle de l’activité créatrice de l’imagination », Vygotski entend un double processus d’internalisation et d’externalisation qui rend compte de l’exploration de l’enfant de son environnement et de l’externalisation du produit de son imagination et de ses émotions par diverses ressources (écrit, dessin). Les éléments sur lesquels l’imagination se construit sont extraits de la réalité. Dans l’intimité de l’enfant, ils subissent une réélaboration, et se transforment en produits de l’imagination qui retournent à la réalité, formant ainsi une nouvelle force active transformatrice de cette réalité.

Le modèle intègre quatre phases : l’exploration, l’inspiration, la production et le partage. La première phase du modèle NAM concerne l’exploration de l’enfant de son environnement, qui peut être soit médiatisée par des instruments matériels diversifiés (livres, jumelles, marteaux, microscope), soit médiatisée par des relations sociales. Comme le montre Vygotski (2010), l’imagination se construit à travers des éléments de la réalité qui sont rassemblés par l’expérience. Le cycle de l’activité créatrice de l’imagination se fonde sur la richesse et la variété de ces expériences. Durant cette phase, les impressions sont perçues comme un tout et seront par la suite dissociées. Cette dissociation implique que l’on donne de la pertinence à certains éléments et qu’on l’en écarte d’autres (Vygotski, 2010).

Dans la phase d’inspiration, les impressions reçues durant la phase d’exploration du monde extérieur sont des touts complexes qui comprennent une grande quantité de parties différentes. Pour que les manifestations ultérieures de la fantaisie opèrent, la dissociation ou la division de ce tout complexe en ses parties est fondamentale comme le dit Vygotski (2010). La dissociation implique aussi de donner une pertinence à certaines caractéristiques et pas à d’autres.

Durant la production, les éléments choisis préalablement vont être exploités pour produire un nouveau contenu à l’aide de diverses ressources. Cette phase se réfère notamment au mécanisme d’association qui est un moyen de réunir les éléments dissociés et transformés. En d’autres termes, durant la production, les objets qui auront été identifiés et choisis comme étant pertinents sont retravaillés pour produire de nouveaux contenus, et c’est aussi l’occasion d’explorer différents moyens d’expression et de découvrir ceux qui correspondent le mieux aux besoins et intentions expressives. De plus, la production offre une occasion d’externaliser le produit de son imagination et de ses émotions par diverses ressources (l’écrit, le dessin).

Enfin le cycle de l’activité ne sera complet que lorsque l’imagination aura pris corps, sera cristallisée en images externes (Vygotski, 2010). C’est la phase de partage qui pourra consister pour les enfants à raconter leurs histoires aux autres. Cette dernière phase du cycle ferme la boucle ouverte par la première phase : du monde réel vers l’imaginaire qui retourne ensuite vers le monde réel suffisamment partagé pour qu’il devienne objet d’expériences pour autrui, dernière phase concluante de l’imagination créatrice comme l’a décrit Vygotski (2010).

 

Privilégier tous les modes d’expression

Les artefacts peuvent privilégier et empêcher certains modes d’expression. Le cahier de vie papier privilégie le collage, l’écrit, les dessins et le coloriage. Il permet une certaine flexibilité puisque l’espace de la page peut être utilisé librement (des compositions linéaires en constellation, ou en spirale), la page octroie la possibilité de superposer des éléments de différente nature (coloriage, écrit, collage, etc.). En revanche, cet artefact ne permet pas l’enregistrement de sons, mélodies, mimes. Ceci permet de pointer les caractéristiques que devrait supporter la conception d’un instrument numérique au service du développement de l’enfant. Il devrait conserver la flexibilité de la page papier (diversité des compositions, superposition) tout en privilégiant d’autres modalités d’expression telles que l’enregistrement de symboles sonores, d’images animées, de musiques sans pour autant fixer, figer les récits finaux. Nous rejoignons ici les axes de conception privilégiés par Decortis, Rizzo, Daele, Polazzi et Saudelli (2001), Ackermann (2004), Yarosh, Radu, Hunter et Rosenbaum (2011) qui préconisent de concevoir des technologies qui donnent plus de possibilités que la dimension écrite et linguistique en ouvrant vers la possibilité d’articuler le mime, le dessin, la musique. Dans la perspective instrumentale, nous reformulerions ceci en identifiant la zone potentielle de développement des enfants et en interrogeant la possibilité pour chaque enfant, au sein de cette zone potentielle de développement, de déployer ses schèmes de prédilection parmi l’éventail des schèmes « raconter » (conter, chanter, mimer, danser, etc.). Ainsi un tel dispositif, accompagnerait chaque enfant dans l’expression d’une expérience en développant au passage des ressources qui lui sont singulières au cours de son chemin de développement.

Extrait de. : « Penser et concevoir pour le développement du sujet tout au long de la vie : de l’enfant dans sa vie quotidienne à l’adulte en situation de travail  » – Françoise Decortis, Anne Bationo-Tillon et Lucie Cuvelier

PDF des extraits présentés, développer l’imagination

PDF complet : Penser et concevoir pour le développement du sujet tout au long de la vie…

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