« Herculine Babin : archéologie d’une révolution », Catherine Marnas, 2022

 

Dans la salle Jean Vauthier du TnBA, c’est le destin d’une jeune fille qui se joue. Un homme est assis, il lave ses mains, doucement. Il se lève, se dirige vers un lit, le découvre de ses draps blancs. Là, la jeune reprend son souffle, elle renaît : Herculine Barbin.  Catherine Marnas, metteure en scène et directrice du TnBA, questionne le genre à travers le destin tragique de la première hermaphrodite, s’appuyant sur les mémoires de cette dernière écrites par Jean-Michel Foucault.

« J’ai beaucoup souffert et j’ai souffert seul. Seul, abandonné de tous. » Que fait-on lorsque l’on a à peine vingt ans et que la vie nous pousse dans le monde des hommes… alors que l’on est née fille ? Herculine Barbin s’est battu contre lui-même, contre la société entière, contre une vie qui l’a laissé. Ce destin tragique devient plus qu’une réflexion du XIXème siècle, se transposant à notre monde contemporain. Catherine Marnas bouleversée par cette histoire se lance dans une adaptation où le combat pour le droit à la différence se poursuit, aujourd’hui plus que jamais. Elle confie : « Je n’avais jamais réalisé l’ampleur du sujet avant de voir de plus en plus de jeunes confier leurs troubles à notre jury. Je me suis demandée ce que cela racontait de notre monde. »

Comment ne pas saluer la performance des deux comédiens ? Herculine est un rôle sur mesure pour Yuming Hey. Il nous transporte dans son interprétation tantôt émouvante, tantôt transcendante. Il nous captive dans son regard, dans ses gestes, dans son individualité toute entière. Yuming Hey vit dans le corps d’Herculine Barbin. A ses côtés, Nicolas Martel interprète différents personnages faisant éruption dans la pièce. Lui aussi, nous captive. Son jeu polyvalent, ses chants et sa sensibilité nous convainquent dès les premières minutes de la pièce.

Avoir vu Herculine Barbin : archéologie d’une révolution c’était faire face à un véritable touchant et plus que marquant.

 

Metteuse en scène : Catherine Marnas

Avec Yuming Hey et Nicolas Martel

Avec la complicité de Vanasay Khamphommala et Arnaud Alessandrin

Conseil Artistique : Procuste Oblomov

Assistanat à la mise en scène : Lucas Chemel

Scénographie : Carlos Calvo

Son : Madame Miniature

Lumière : Michel Theuil

Costumes : Kam Derbali

Production : TnBA

Coproduction : La Comédie de Caen – CDN de Normandie

Par Orakoch SRIJUMNONG

Témoignage de Shana, ancienne élève de Daguin, sur son expérience post-bac

Il est important pour les élèves appartenant à cette préparation de découvrir les témoignages d’étudiants ayant réussi à rentrer à Sciences Po Bordeaux, mais aussi ceux de candidats qui ont échoué. Il est en effet crucial de savoir rebondir dans le cas où, et c’est malheureusement le cas pour la majorité des candidats, la porte de l’IEP resterait fermée.

Shana, ancienne élève du lycée Fernand Daguin, a accepté de nous livrer son expérience quant aux épreuves d’admission de cet institut, et quant à son parcours qui nous l’espérons vous inspirera.

 

Pourquoi vouliez-vous intégrer l’IEP de Bordeaux ? Quels sont les éléments qui vous ont attirés dans cette formation ?

S.Z : J’ai voulu intégrer l’IEP de Bordeaux car en plus de la proximité avec mon domicile, le contenu de l’enseignement qui y est dispensé m’a vraiment attirée. La diversité des cours a, pour moi été le facteur déterminant pour que je candidate. Économie, sciences humaines, sciences sociales, histoire, droit, et même des ateliers artistiques, j’aurais eu l’occasion de m’épanouir dans plusieurs domaines, ce qui me semble tout de même plus compliqué dans une filière qui se concentre sur une discipline particulière.

 

Comment avez-vous préparé l’entrée à cette école ?

S.Z : J’ai acheté des annales « préparer le concours science po », j’ai lu des blogs d’anciens candidats, j’ai beaucoup révisé avec des quizz de culture générale et je me suis, bien entendu, vraiment impliquée en cours.

 

Que vous a-t-il semblé difficile dans cette préparation ?

S.Z : L’idée que mes chances d’entrer dans l’IEP étaient faibles a vraiment été quelque chose de difficile dans ma préparation. De nature assez anxieuse j’ai été mise à rude épreuve et souvent je me suis dit « Tu fais probablement ça pour rien ». Aussi le fait de me comparer aux autres ne m’a pas aidée à tel point que parfois j’en ai oublié mes propres qualités.

 

Quels conseils donneriez-vous à un lycéen préparant l’IEP de Bordeaux ?

S.Z : Ne pas tout miser sur Sciences Po. N’oubliez pas de choisir d’autres projets au cas où. Et surtout ça ne sert à rien de se comparer aux autres pour se déprécier. N’hésitez pas non plus à solliciter vos enseignants, ils sont là pour vous aider à progresser.

 

Quels étaient les alternatives à ce projet ?

S.Z : J’ai demandé des licences en histoire et en LLCER anglais un peu partout en France pour pouvoir retomber sur mes pieds en cas de refus de Sciences Po.

 

Que faites-vous maintenant ?

 S.Z : Je suis en L1 histoire à l’université Bordeaux Montaigne avec une mineure en Littérature et civilisation anglaise et américaine.

 

Etes-vous satisfaite de votre orientation ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?

S.Z : Malheureusement je pense avoir fait mon choix trop vite en ayant mes résultats sur Parcoursup et je compte me réorienter en licence de LLCER anglais. La licence d’histoire ne m’intéresse pas autant que je pensais, j’aurais aimé apprendre de nouvelles choses, travailler sur des périodes dans le temps et dans le monde que je n’ai jamais vues auparavant.

 

Avez-vous un projet professionnel en tête ? Si oui, lequel ?

S.Z : Au cours de mon premier semestre à l’université je me suis rendue compte que ce qui me manquait le plus du lycée était le fait de pouvoir m’exprimer en anglais. Je comptais déjà travailler dans l’enseignement alors je souhaiterais devenir professeure d’anglais en lycée si possible. 

 

Par Baptiste Guedon

L’art de perdre, Alice Zeniter

L’art de perdre d’Alice Zeniter

 

 

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Fiche identité de l’œuvre :

Titre : L’art de perdre
Auteure : Alice Zeniter
Date de parution : 16 août 2017
Editions : Flammarion
Genre : Roman
Distinctions : Prix Goncourt des Lycéens, prix littéraire du Monde, prix Landerneau des lecteurs, prix des libraires de Nancy
Nombre de pages : 606

 

 

Ce roman publié en 2017 a été écrit par Alice Zeniter, dramaturge, metteuse en scène et femme de lettres franco algérienne née le 7 septembre 1986 à Clamart. Elle est également l’auteure de Sombre dimanche, prix des lecteurs de l’Express et prix de la Closerie des Lilas et de Juste avant l’Oubli, prix Renaudot des lycéens. Cependant, c’est bien son cinquième roman L’art de perdre qui se distingue au sein de sa bibliographie. Celui-ci a en effet été récompensé par de nombreux prix littéraires remarquables tels que le prix Goncourt des lycéens de 2017 et le prix littéraire du Monde. Il a de ce fait reçu un accueil de la critique exceptionnel ainsi que du lectorat français. En outre, il constitue pour l’écrivaine elle-même une partie de sa quête identitaire.

Effectivement, cette œuvre décomposée en trois parties a pour point de départ l’insurrection indépendantiste en Algérie française dès les années 1950. Ainsi, ce roman retrace le parcours d’une famille provenant de Kabylie qui a fait le choix de quitter l’Algérie à sa libération en 1962 pour la France.

Dans la première partie intitulée L’Algérie de papa, une famille menée par l’aîné, Ali travaillant avec ses frères dans les terres montagneuses de l’Algérie encore française est introduite. Ali est à l’origine du tournant que prend sa vie et celle de toute sa famille quand il fuit l’Algérie laissant derrière lui l’image d’un traître pour les membres du FNL(Front de libération nationale algérien) s’étant battus pour s’affranchir de la colonisation française.
A travers son histoire, un premier aspect particulièrement important du roman est mis en lumière, celui de la complexité de ce conflit qui, pour longtemps, a été maintenu sous silence. Seulement, une fois arrivés en France, bien qu’ayant fait le choix de suivre ce pays, lui et sa famille ne sont pas jugés comme suffisamment français et, dans les camps de transit, ils se sentent enfermés, délaissés et bien-sûr dépaysés. Une contradiction s’élève alors, il ne sont plus Algériens mais pas vraiment Français pour autant. Comment se reconstruire avec le sentiment d’être désormais apatrides ?

Cela amène la question de l’intégration étudiée dans la deuxième partie, La France froide, durant laquelle on suit l’évolution du fils aîné d’Ali, le brillant Hamid qui fait le choix de se détacher progressivement du passé de sa famille et de se mêler à la population française en intégrant ses moeurs, son langage et ses coutumes. Il se rend rapidement compte qu’en tant qu’immigré il doit sans cesse redoubler d’efforts. Il se bat pour être accepté et vient même jusqu’à intérioriser certains stéréotypes et mythes racistes tel que celui du “bon arabe”. Il cherche à tout prix à renvoyer une image de jeune adulte sérieux et ne causant pas de troubles pour se confondre à ces concitoyens. Mais à quel prix se fait cette intégration ?

Enfin, la troisième partie met en scène la troisième génération de cette famille catégorisée comme harki, celle menée par la fille d’Hamid, Naïma. Celle-ci apparaît comme étant le double littéraire de l’auteure, elle-même descendante de harkis. Naïma souffre du silence qui s’est installé autour de la relation entre l’Algérie et sa famille. Elle se sent perdue et comme incomplète ne connaissant rien de son pays d’origine. Elle réalise que l’essence d’un pays, d’une origine ne se trouve pas dans le sang mais bien dans ses valeurs, dans ses pratiques, dans son héritage. Un pays se doit d’être raconté, il nécessite de cette manière un réel devoir de transmission.
Elle finit par partir pour l’Algérie pour une mission d’abord artistique liée à son travail dans une galerie parisienne mais finit par accomplir ce à quoi elle aspirait sans même le savoir depuis toujours : retourner sur les traces de sa famille. Ce voyage lui permet de ne plus se représenter l’Algérie seulement à travers de vagues témoignages familiaux ou par des recherches arbitraires. Elle peut enfin construire sa propre vision de l’Algérie.

Ce roman passionnant est raconté par une narratrice extérieure à l’histoire, ce qui rend ses lignes universelles. Il soulève de nombreuses problématiques sur le devoir de mémoire, l’identité ainsi que sur le long chemin vers l’intégration. Ces thématiques sont encore aujourd’hui au cœur de nos sociétés et s’y intéresser est une absolue nécessité. L’écriture est touchante et parvient à aborder brillamment l’histoire intergénérationnelle de cette famille de harkis partagée entre ses racines et son nouveau pays. A propos de ce roman, l’auteure dit “je voulais combler les vides de mon silence”. Elle suit alors la trace de Naïma qui cherche à percevoir les multiples aspects de cette Algérie en mouvement.
La lecture de cette œuvre est particulièrement agréable et conduit à l’éveil de la conscience du lecteur.

Julie Colliou, TG07, cheffe de la rubrique “On a lu”