Le document authentique en classe de FLE

Nombre de dictionnaires, de répertoires de normes, d’encyclopédies présentent des définitions qui relèvent plus de la désignation ou de la description que d’une réflexion approfondie sur la notion de « document ». Depuis le latin « documentum » qui donne au mot des racines professorale (docere = enseigner), jusqu’à sa marginalisation par l’emploi (plus récent, plus fréquent, mais guère plus précis) du terme « information », il semble que la notion s’appuie communément sur deux fonctions : la preuve (la bien nommée « pièce à conviction » des juristes ou l’élément d’un dossier) et le renseignement (la représentation du monde ou le témoignage). L’archivistique contemporaine, par exemple, reconnaît ces deux fonctions en admettant pour le document une « valeur d’évidence », qui a un sens un peu plus large que la preuve juridique, et une « valeur d’information » qui correspond au terme renseignement ci-dessus.

Un très grand nombre d’autres travaux de recherche utilisent pour désigner des objets comparables un vocabulaire différent, parfois rigoureusement défini, souvent aussi sujet à des interprétations diverses. Ainsi, les chercheurs en informatique depuis l’étude des réseaux, en base de données, en fouille de textes, en recherche d’informations, en traitement automatique de la langue, jusqu’à l’ingénierie des connaissances ou encore les linguistes, les sémiologues, les psychologues de l’apprentissage, les sociologues de la culture ou de l’organisation, les économistes des médias ou de l’information, les juristes de la propriété intellectuelle, tous usent de vocables divers comme information, donnée, ressource, fichier, écrit, texte, image, papier, article, oeuvre, livre, journal, feuille, page etc. qui, bien entendu, ne sont pas synonymes, qui ont chaque fois une justification dans le contexte particulier de la  recherche concernée, mais qui ont un rapport (la plupart du temps non assumé) avec la notion de  « document ».

Enfin, les documents sont omniprésents dans notre vie courante (notamment au plan administratif et même dans l’activité scientifique). Ainsi la notion est intuitive pour chacun d’entre nous sans que nous ressentions le besoin de la préciser.

Ce flou fait aujourd’hui problème. En plus, le numérique bouscule profondément la notion de document sans que l’on puisse clairement en mesurer les effets et les conséquences faute d’en avoir au préalable cerné les contours. Du papier, le support le plus courant, au numérique, ces transformations se repèrent facilement, par exemple par l’aspect matériel, le traitement cognitif, la perception ou encore l’usage. Cette remise en cause, même si elle a été annoncée par les textes de quelques pionniers et préparée par la convergence de plus en plus manifeste entre l’écrit et l’audiovisuel, est toute récente, encore chaotique et sans doute sans retour. Il est probable que les nombreux chercheurs qui abordent ces questions sous de multiples facettes gagneraient à une vue d’ensemble leur permettant de se positionner plus lucidement.

Le document a été construit comme un objet, dont la concrétisation la plus banale est la feuille de papier, au cours d’un processus séculaire où se sont entrelacés outils, savoirs et statuts. Depuis quelques dizaines d’années avec le numérique, nous sommes entrés dans une phase nouvelle dont certaines caractéristiques sont en filiation directe avec la période précédente, tandis que d’autres marquent au contraire un changement radical et peut-être l’émergence d’une notion différente reprenant tout ou partie de l’utilité sociale de ce que nous appelions « document ». La manifestation la plus évidente du changement est donc la perte de la stabilité du document comme objet matériel et sa transformation en un processus construit à la demande, qui ébranle parfois la confiance que l’on mettait en lui.

Pour ce qui est le document authentique, les controverses sont aussi nombreuses, mais dans notre mémoire la perspective didactique sera privilégiée. Nous allons définir le document authentique comme un document écrit, sonore ou audiovisuel que le professeur collecte dans son entourage pour l’utiliser comme support des activités qu’il va proposer en classe. Ce document est dit authentique parce qu’il n’a pas été conçu à des fins pédagogiques et il est présenté aux élèves dans son état original. C’est par exemple une affiche, un tract, un dépliant, un prospectus, un livret, une page de magazine, une publicité, une chanson, un extrait d’émission radiophonique ou télévisée, un extrait de film, etc. Bref, tout document original utilisant la langue cible.

Le document authentique est théoriquement, dans l’approche communicative, le support de base de toute la progression. La progression pédagogique suit celle des actes de parole que l’on souhaite aborder. L’approche communicative s’appuie sur des situations de communication (d’où son nom). Celles-ci mettent en scène:

  • un émetteur (celui qui a quelque chose à dire);
  • un message (ce qu’il a à dire);
  • un récepteur (celui à qui s’adresse le message).

Le message répond à un objectif : l’acte de parole (par exemple: donner une consigne). Pour parvenir à cet objectif, l’émetteur doit utiliser des outils linguistiques appropriés au contexte (qui imposera alors les formes linguistiques, le registre de langue).

Une séquence en approche communicative s’articule donc ainsi :

a)      analyse de la situation de communication (où, quand, qui, à qui, quoi, pourquoi) ;

b)      répétition, imprégnation, reproduction ;

c)      mise en relief des outils linguistiques utilisés ;

d)      conceptualisation du fait de langue ;

e)      appropriation de celui-ci par des exercices ;

f)        production dans une situation différente de celle proposée comme exemple.

Cette analyse est essentielle car elle nous déterminera le moment dans la progression où l’utilisation du document est pertinente et permettra aussi un classement efficace des documents.

  • identification du document : écrit – oral – vidéo;
  • analyse communicative du document : émetteur – récepteur – circonstances – acte(s) de parole – contenu socioculturel ;
  • analyse linguistique du document : contenu morphosyntaxique – contenu lexical – contenu discursif ;
  • analyse formelle du document : organisation du document, typographies, images.

Evidemment, dans l’apprentissage et l’enseignement d’une langue étrangère nous ne pouvons pas ignorer le rôle des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TICE). Il s’agira donc de les intégrer dans les différents contextes (auto-apprentissage, enseignement à distance, salle multimédia ou classe traditionnelle) et comprendre ainsi leurs limites et leurs potentialités. L’ordinateur et les ressources multimédia constituent des outils incontournables pour les nouveaux enjeux didactiques.