L’enquête par questionnaire (1)

La fameuse courbe de Gauss

 

En ces temps d’incertitude, nous voyons arriver des « enquêtes par questionnaire » destinées à mesurer l’impact du confinement sur les comportements et les modes de vie. Comme toutes les enquêtes quantitatives, elles se basent sur la construction d’un échantillon, réalisé à partir des réponses obtenues.

C’est cet échantillon qui va fournir la base sur laquelle nous allons nous appuyer pour valider ou invalider nos hypothèses. Cet échantillon est donc très important, et de sa constitution va dépendre sa représentativité.

La fabrique du questionnaire est un art. Elle repose sur une expérience et un savoir-faire. Il existe des ouvrages portant sur la construction du questionnaire, comme celui de François De Singly, et d’autres sur l’analyse des données quantitatives, comme celui de Olivier Martin. Cependant que l’étudiant en école d’architecture souhaiterait pouvoir recourir à un outil simple et rapide, dans l’espoir de valider ses a priori.

Mon propos ne sera pas de synthétiser les deux ouvrages présentés, mais d’essayer de donner quelques « trucs » pour réaliser un questionnaire efficace, simple et fonctionnel.

Comme le souligne François de Singly dans son introduction, « désormais ce sont plutôt les chiffres qui doivent orienter l’action des citoyens et qui servent d’argument majeur ». La production de chiffres est à la base de l’enquête quantitative, comme l’illustre la théorique courbe de Gauss. C’est la même courbe qui organise la distribution des A, des B, des C chez les étudiants. Comme vous pouvez le voir c’est une courbe très théorique et les scrutateurs attendent avec impatience que le pic des personnes atteintes du Coronavirus atteigne le plafond et redescende. (Même si la courbe des personnes contaminées n’est pas une courbe de Gauss, car elle est cumulative, on n’est bien d’accord.)

L’évolution des patients contaminés, guéris et décédés en France, https://gisanddata.maps.arcgis.com

Par exemple, le nombre d’hospitalisation ne fait que progresser, et nous sommes encore loin du plateau (ou du sommet) de la courbe. Dans la mesure où le confinement devrait permettre de réduire le nombre de personnes contaminées, l’amorce du plateau devrait se faire un jour, mais quand ? Pour nous aider à comprendre cette courbe, nous pouvons aller comparer d’autre courbes dans d’autres pays. Cependant, les politiques et le système de santé étant différents, nous ne pouvons pas comparer les données point par point.

Evolution globale du nombre de personnes atteintes du Coronavirus, https://gisanddata.maps.arcgis.com

Voyez la courbe générale des personnes contaminées par le Cornavirus qui amorce un début de cloche de Gauss. Si nous prolongeons cette courbe, par calque, plusieurs hypothèses se profilent. Mais nous n’avons aucune idée du sommet : se produira-t-il à 1, 2 ou 3 millions de personnes ?

Courbe des personnes atteintes du Coronavirus en Tchécoslovaquie, https://gisanddata.maps.arcgis.com

Cette courbe montre que dans un pays comme la Tchécoslovaquie, il est possible d’arriver au plateau après 2000 individus atteints et pas plus. Reporté à la population totale estimée, cela fait environ 18 cas pour 100.000 individus. C’est très approximatif. En France, nous sommes à 70 cas pour 100.000 individus. Cela soulève évidemment des questions comme la sincérité des chiffres et la validité des chiffres. Justement, c’est de cela dont il est question ici.

Je laisse le lecteur parcourir les ouvrages cités, pour aller plus loin. Dans l’enquête par questionnaire réalisés par les étudiants en architecture, la plupart cherchent en réalité à valider des hypothèses ou des affirmations, ou bien à chercher des points de vue différents, partagés, ou cumulatifs. La question de la légitimité de l’enquête ou de sa représentativité pèse peu, bien qu’elle soit toujours présente au moment du jury, par exemple lorsque les invités sont extérieurs à l’école.

Peut-on par conséquent s’affranchir de toute représentativité ou de toute légitimité ? Cela n’est pas certain, mais il faut alors expliquer en quoi l’enquête n’est pas représentative ou légitime.

L’idéal statistique et l’esthétique de la courbe de Gauss font défaut dans la crise que nous traversons à l’échelle mondiale. Car la politique de confinement vise à réduire le nombre de décès, estimé en première hypothèse à 2% de la population, soit 1.280.000 individus (j’ai entendu ça à la radio). C’est-à-dire que le plateau se situerait dans ce cas à la moitié, soit 640.000 décès, ce qui est énorme, et reprend les comparaisons que font les journalistes avec la grippe espagnole ou la peste. Les espoirs du confinement permettent d’envisager de réduire par 100 le nombre de décès dus au Coronavirus, soit 12.800 individus. Bien entendu, les chercheurs disposent d’outils beaucoup plus performants que la régression linéaire et l’extrapolation pour explorer les hypothèses.

Bref, un autre problème qui apparaît dans la constitution de l’échantillon, est le quota. Combien d’individus doivent participer à l’enquête pour établir une base solide ?

A l’échelle d’un quartier de milliers d’habitants, les étudiants se contentent souvent d’une dizaine de personnes. Par exemple, la population d’Empalot est estimée à 5.502 habitants en 2013.

La fiche émise par le SIG-Ville donne une répartition démographique de la population, en genre, en âge, qu’il faudra retrouver dans l’enquête, ou bien s’en distancer, et donne quelques indications pour notre questionnaire.

Nous devons savoir qui sont les enquêtés, homme ou femme, âge, avec une précision relative. Donc, quelques petites questions pour commencer :

• Genre; c’est important pour analyser par sexe (homme/femme);

• Date de naissance, juste l’année selon les besoins. Ce qui permettra de regrouper par tranche d’âge (0-4, 5-9, 10-14, etc. ou 0-14, 15-34, 35-54, etc.);

• Profession (ou le diplôme, le niveau scolaire, etc.);

Dans ce talon sociologique, on pose les questions essentielles pour pouvoir croiser les analyses.

Les étudiants en architecture cherchent davantage des variables qualitatives, qui sont souvent des points de vue, ou des idées nouvelles. Pour cela, il faut introduire des espaces de parole en commençant par :

• Selon vous, ou que pensez-vous de…

En mélangeant les questions quantitatives et les questions qualitatives, on obtient un amalgame qui permet à la fois de recueillir des idées nouvelles et de légitimer ses réponses. Les deux méthodes sont par conséquent complémentaires et bienvenues pour les architectes.

à suivre…

 

=> De Singly, François. Le questionnaire. Coll. L’enquête et ses méthodes, (1992), Armand Colin, 2006.

=> Martin, Olivier. L’analyse de données quantitatives, Coll. L’enquête et ses méthodes, Armand Colin, 2007

 

 

Chroniques d’un printemps perdu (2)

Claude Monet, Le printemps, 1886 © Fitzwilliam Museum, UK

 

par Marine Pradon

A Toulouse, Fer à cheval, Mardi 24 mars 2020

C’est le printemps, et c’est le premier printemps que nous passons confiné à la maison, pour tous. J’ai fait de France 5 et Arte mes chaînes de prédilection ces derniers temps, et si vous entendiez le nombre de podcast que j’écoute la nuit quand je ne trouve pas le sommeil, vous seriez surpris. Au final, ne va-t-on pas en sortir plus riches de cette crise ? Je crois que oui, parce que même en étant seul.e.s nous nous ouvrons aux autres. En tout cas, c’est l’effet que cela me fait. Je prends des nouvelles de mes proches. Je regarde des reportages sur l’histoire du monde et c’est fascinant. Quand on voit tous ces glaciers fondre et qu’on sait que c’est de notre faute, ça me brise le cœur. Je vous jure, j’ai peur.

Le monde entier a pris une pause dans un rythme effréné de transactions, de communications, de déplacements. Mais c’est un mal pour un bien, ça c’est certain. Pourtant, à la fin de cette crise combien serons-nous à avoir réellement pris conscience de ce qu’il s’est passé les 50 dernières années ?

J’habite la terre depuis 22 ans et j’ai l’intime conviction qu’elle souffre de plus en plus. Mais depuis 8 jours, le soleil brille et les oiseaux chantent à ma fenêtre. Les poissons sont revenus à Venise et l’eau est claire. J’ai peur qu’après cette pause imposée, tout reprenne son court habituel : destruction des forêts, extinctions d’espèces partout sur le globe, pollution, extraction de pétrole encore et toujours, discours politique « écologiste » sans jamais en voir un à la tête d’un pays. Ce ne sont que des exemples, mais je crois qu’il est temps d’accepter cette pause et de la prendre comme une chance. Sans oublier tout ceux qui se battent pour endiguer la propagation de ce virus et pour éviter de tuer nos proches, ou d’autres. On devrait tous se sentir concernés.

 

Jackson Pollock, Convergence, 1952, © DR

 

A Toulouse, Fer à cheval, Mercredi 25 mars 2020

Les rumeurs courent, mais le soleil brille toujours à travers les velux. Tout est toujours aussi calme, même si nous sentons que les esprits s’échauffent. Pays en ébullition, chaos incontrôlable diront certains. Mais tout repose sur nous, soyons des gens civilisés. L’annonce d’un confinement minimum de 15 jours a été prononcé il y a déjà 10 jours. Il a pris effet il y a 9 jours. Mais ce n’est que le début. Si les politiques peinent à prendre les décisions adéquates pour un confinement plus long et plus restrictif c’est simplement qu’ils réagissent en fonction de la population. Nous l’avons bien vu, le français n’est pas très discipliné, ça c’est certain. Et bien que le français tente de cacher son incompréhension en défiant les lois, il a peur. Alors c’est sans doute pour cela qu’on ne nous a pas annoncé un confinement immédiat de 6 semaines, ce qui se dessine pourtant à l’horizon. Parce qu’on a vu des milliers de gens se ruer dans les grandes surfaces à la recherche de PQ, de pâtes, et j’en passe… Imaginez alors l’ampleur que cela aurait pris si le président avait annoncé un confinement de 6 semaines. Etait-ce la bonne solution ? Je n’en sais rien. Tout ce que je sais aujourd’hui c’est que beaucoup ne comprennent pas, et que 15 jours cela paraît dérisoire à côté de nos amis chinois qui commencent à peine à sortir d’un confinement qui a duré 2 mois. C’est certain, un confinement de 15 jours fait bien moins peur qu’un confinement de 45 jours. Mais peut-être aurions nous réalisé l’ampleur de ce qu’il se passe sur notre territoire, et dans le monde entier.

Hier, mon cœur s’est arrêté de battre l’espace d’un instant. Madrid, ma ville de cœur, celle dans laquelle j’ai vécu 9 mois, est devenue un des foyers épidémiques les plus graves. Une patinoire a même été transformée en morgue. Cela me glace les veines, j’ai mal au cœur et j’ai envie de vomir.

 

Roy Lichtenstein :  » M-Maybe  » – 1965 – Huile sur toile, © DR

 

A Toulouse, Fer à cheval, Dimanche 29 mars 2020

Nous voilà confiné jusqu’au 15 avril (pour le moment…). Comme la solitude est anxiogène. Elle me permet de comprendre à quel point l’Homme est un être sociable qui puise sa force dans l’amitié, et l’amour. Le contact des autres commence à me manquer. J’ai envie de serrer ma mère dans mes bras, de rire avec mon père, d’embrasser mes amis. Bientôt 15 jours passés, je ne suis sortie que deux fois. Cette isolation nous pousse à nous tourner vers le seul lien qu’il nous reste avec l’exte?rieur : les médias et les réseaux sociaux.

Et je ne sais pas si cela nous est bénéfique. Tous les jours les mêmes discours, les médias contribuent à accroître cette atmosphère anxiogène. On nous parle de la situation alarmante en Italie, en Espagne, en France et surtout aux Etats-unis. Ces derniers sont touchés de plein fouet par ce « qu’ils » appellent « la vague épidémique ». Dans ce système inégal d’accès aux soins, les plus démunis sont en danger. Mais bien qu’aux Etats-unis l’accès aux soins soit réservés aux privilégiés, il s’agit d’un pays développé. Qu’en est-il de la situation dans les pays moins développés ? Qu’en est-il de l’Inde, de tous les pays d’Afrique, de l’Amérique Latine ? Ces pays où les conditions d’hygiène sont bien moins évoluées que dans nos pays occidentaux.

La moitié de la population du monde est confinée et je crois qu’aujourd’hui nous avons tous très peur. Hier, j’ai pris conscience que nous vivons dans un monde rude. Une crise sans précédent s’abat sur la terre entière, une guerre contre un ennemi invisible, pour citer Monsieur Macron. Les impacts de cette crise sont encore inconnus et sont à craindre. Et il y a une chose qui me fait particulièrement peur. Une conséquence de cette crise qui touche le fondement même de notre humanité. Hier soir, j’ai allumé la télé après avoir dévoré un livre de Jacques Expert, La théorie des six (un chef-d’œuvre soit dit-en passant). C’était l’heure du journal télévisé. A la fin de celui-ci, ils ont pris l’habitude de répondre aux questions des internautes en direct avec des professionnels de santé. Un homme a alors posé cette question : « Ma femme devient agressive avec les enfants, et les enfants deviennent envahissants, que faire ? » C’est alors qu’une psychologue prit la parole pour lui re?pondre. Et je suis choquée des propos tenus. Elle nous dit que évidemment ce n’est pas facile d’être une maman et d’avoir une profession, mais que c?a l’est encore moins dans ces conditions. Pourquoi ? Parce que la mère devient et je cite « une maman, la maîtresse d’école qui fait faire les devoirs, la cuisinière, la femme de ménage, la baby-sitter ». Elle dit ensuite que pendant ces temps de confinement, il faut essayer de partager les tâches du quotidien le temps de cette crise. Comment, aujourd’hui pouvons nous laisser un professionnel de santé dire de telles absurdités ? (professionnel, qui plus est, et une femme dans ce cas…) Non, la femme n’a pas à avoir cette étiquette, et encore moins dans ces moments. La femme n’est pas l’unique qui doit accomplir toutes les tâches du quotidien.

Comment la chaîne télévisée la plus regardée de France accepte-t-elle des propos comme ceux- là ? Non, la femme n’a pas à être réduite à cela. Et pour accentuer ce que je viens de vous raconter, figurez-vous que dans la même journée, au nom de la lutte contre la pandémie, de nouveau coronavirus Covid-19, les états du Texas et de l’Ohio ont ordonné la suspension de toutes les opérations médicales non-urgentes avec, dans leur viseur, les interruptions volontaires de grossesses (IVG). Manipulation idéologique ? Oui, je crois qu’on peut dire ça. Simone de Beauvoir disait « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes soient remis en question ».

Maman, j’ai peur.

Vers une mobilité viable, confrontation entre deux villes

Metro de Barcelone, réglementation respectée, mais insuffisante (rampe, hauteur, espace entre quai et train). © X Droits réservés

 

Comparaison entre BARCELONE et TOULOUSE

 

par Choukri MEHDI

La mobilité est un terme assez vaste, mais elle recouvre un ensemble de dispositifs et de dispositions afin qu’elle soit possible partout et pour tout le monde. Est-ce une réalité ? Ce qui nous amène à la question d’accessibilité suivante : est-ce que la mobilité est accessible à tout type de personnes, et principalement aux personnes en situation de handicap, partout dans la ville ?

Il existe des règlementations aujourd’hui, en termes d’accessibilité, qui permettent d’adapter les villes, notamment les espaces publics, les transports en commun et les établissements recevant du public. Ces réglementations sont des directives auxquelles on se réfère lorsqu’on veut réaliser des travaux ou lors d’une construction nouvelle.

Les réglementations les plus anciennes en France datent de 1975 :

  • 30 juin 1975 : Loi 75-534 d’orientation en faveur des personnes handicapées.
  • 9 décembre 1975 : Adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies d’une déclaration des droits des personnes handicapées.

Aujourd’hui, la loi la plus récente est celle du 11 février 2005, également appelée « Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » prévoyant qu’à compter du 1er janvier 2015, tout établissement recevant du public (ERP) doit être accessible à tous, y compris aux personnes en situation de handicap, quel que soit leur handicap. « Accessible » ne signifie pas seulement entrer et sortir de ces établissements, mais aussi que les prestations fournies doivent être adaptées.

Selon l’INSEE, 12 millions de Français sur 65 millions sont touchés par un handicap. Parmi eux, 80% souffrent d’un handicap invisible, 1,5 million sont atteints d’une déficience visuelle et 850 000 ont une mobilité réduite.

Personnes handicapées, souffrants d’une incapacité ou d’une limitation d’activité d’après l’Enquête HID de l’INSEE de 2001.

 

Brièvement, nous devons considérer tous les types de handicap : visuels, sensoriels, mentaux et physiques. Bien sûr, tout ceci sera détaillé dans mon mémoire.

La ville de Toulouse, est une ville en plein développement, qui tente devenir un exemple en ce qui concerne la mobilité, avec notamment la smart city. Une ville à petite échelle et avec moins de contraintes que des villes économiques comme Barcelone, où les circulations et les flux sont plus difficiles à gérer. Mais dans quels domaines la ville se mobilise pour devenir un exemple de capital de la mobilité.

En termes d’emplois, par exemple, il est intéressant de se pencher sur la ventilation des emplois réservés aux personnes handicapées. Comme nous le voyons dans le tableau ci-dessous, se sont les entreprises privées qui emploient le plus de travailleurs handicapés, ce qui tord le coup à une idée reçue qui concerne les emplois dans l’administration.

 

Du côté le l’école et de la scolarité, quelles placent sont réservées aux enfants handicapés durant toutes leurs études ? Le tableau ci-dessous donne une idée du nombre d’élèves concernés et de leur intégration dans le système scolaire ordinaire.

 

Les personnes handicapées face à la scolarité

La problématique d’aujourd’hui est qu’entre les réglementations et leur application  il y a parfois de gros écarts. C’est-à-dire que bien souvent, les réglementations sont respectées, mais elles sont inadaptées à leur usage. D’une manière, il faudrait vérifier et valider les différents cas pour pouvoir les utiliser sans difficulté ou sans être empêché de les utiliser. Comme l’illustre l’image en haut, il suffit d’un très léger écart pour que les accès soient inaccessibles.

Ce mémoire sera donc l’occasion pour moi de retravailler ces notions de mobilité, d’accessibilité et bien évidemment d’inclusion que l’on voit fleurir un peu partout comme si les choses étaient enfin réglées.

 

=> La loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées »

https://www.20minutes.fr/societe/1537391-20150211-loi-handicap-bilan-amer-dix-ans-apres-vote

Une ville juste est-elle possible ?

Une approche de la pauvreté à travers le logement

par Amandine Wartel

Depuis plus de 15 ans les gouvernements et leurs politiques d’une « ville sociale » (nous pouvons par exemple citer la loi Borloo ou encore récemment la loi Elan) ont échoué à faire diminuer la pauvreté, et l’on même aggravé; or globalement les pauvres sont en ville.

On compte 5 millions de logements sociaux(1) en France, il n’y en a jamais eu autant. Pourtant nous nous trouvons dans une « crise du logement » depuis une vingtaine d’années. Engorgées, saturées, les villes deviennent de plus en plus inaccessibles. Le parc du logement social insuffisant conduit les plus précaires à s’éloigner de plus en plus des centres, s’excluant chaque jour un peu plus.

 

Toulouse, métropole de l’Occitanie n’échappe pas à cette règle. Avec un taux de pauvreté de 18,6 % et un taux de chômage de 17,6 %(2), la ville rose abrite 73.000 pauvres(3). Cela fait d’elle la 3ème métropole hébergeant le plus de pauvres en France, après Paris et Marseille. La question de l’évolution du parc social se pose donc afin de perdurer et redonner une forme de mixité à cette dernière.

Toulouse compte douze Quartiers Prioritaires de la Ville. La construction massive dans ces lieux entre les années 1950-1989 où pas loin de 21.132 logements sociaux ont vu le jour pose aujourd’hui des questions de rénovations et de réhabilitations. Par la suite, l’essoufflement de ces hébergements pour les personnes à faibles revenus, entre les années 1989-2010, ont amené les politiciens à prendre des mesures afin de garantir un minimum de construction de logements sociaux. Malgré 12.573 bâtiments réalisés depuis 2010, ce parc reste insuffisant et pas loin de 14.800 personnes étaient toujours dans l’attente dans logements fin 2019.

 

 

« Dans le grand théâtre de la métropole, les injustices sociales se révèlent toujours plus sous la forme d’injustices spatiales. ». La Ville des Riches et la Ville des Pauvres : Urbanisme et Inégalites – Bernardo Secchi

(1) Insee 2018
(2) L’estimation des volumes et de la répartition des populations pauvres est réalisée par croisement entre les taux de pauvreté (données Insee), la population fiscale de 2013, les populations fiscales par critéres socio – démographiques issues des données de revenus fiscaux de 2011 et la population par type de ménage issue du recensement au 1er janvier 2013.
(3) Insee 2016

La recherche en archives numérisées

Maison de Maurice Archambaud en 1936, © Google Maps 2020

De chez soi, il est possible d’accéder aux archives numérisées d’un grand nombre d’établissements, comme des musées, des bibliothèques ou des archives municipales et départementales. Lorsque l’on travaille sur la ville, l’accès aux archives départementales peut nous être utile, comme par exemple, dans le cas des recherches des personnes.

Les registres d’Etat-civil conservent des données précieuses lorsque l’on souhaite faire la généalogie d’une famille. L’acte de naissance nous permet de connaître, selon l’époque, l’adresse de la résidence des parents, ainsi que les noms, l’âge et la profession des parents. En outre, l’acte peut comporter en mention marginal des annotations comme un mariage, un divorce et le lieu et la date du décès.

Les actes d’Etat-civil concernent également les actes de mariage et les actes de décès. De mon point de vue, c’est l’acte de mariage qui donne le plus d’informations, puisqu’il permet d’avoir les noms, prénoms, date de naissance, profession et adresse des parents des mariés. Cependant, il est difficile à trouver si n ne connait pas précisément la date du mariage.

L’acte de décès donne peu d’information, hormis le lieu et la date du décès. Il est souvent recopié en mention marginale sur l’acte de naissance, ce qui évite une recherche supplémentaire (mais pas toujours). Mais l’acte en lui-même renvoie à une date précise. Lorsque l’on ne connaît pas de date précise, on doit d’abord rechercher sur des tables décennales où sont enregistrées tous les actes, classés par Naissance, Mariage ou Décès (NMD) par ordre alphabétique et par période de dix ans.

Dans le cadre d’une recherche sur un grand coureur cycliste, Maurice Archambaud pour ne pas le nommer, je suis partie d’articles de presse diffusés sur Gallica, et des sources fournies par Google. Le site Wikipedia donne pour date de naissance le 30 août 1908 à Paris 14ème. L’année a été corrigée car il était indiqué 1906, comme on peut le voir sur d’autres sites. Pour vérifier cela, j’ai utilisé la table décennale du 14ème arrondissement de Paris.

Par bonheur, nous trouvons également le nom et la date d’une certaine Marguerite, née plus tôt et que nous supposons être sa sœur. Une vérification sera nécessaire directement à partir de l’acte de naissance.

8ème ligne lire : Archambaud Maurice Georges 1 septembre 1908

Dans les registres de l’Etat-civil, nous allons voir à la date du 1 septembre 1908 qui correspond au jour de déclaration de la naissance. Le père de Maurice, qui s’appelle Georges, a trois jours pour venir déclarer la naissance. Sur l’acte, c’est bien la date du 30 août qui est écrite.

Une bonne vue et de la patience sont des atouts nécessaires et utiles. La page des actes de naissances au 30 août 1908

L’acte de Maurice Archambaud se trouve en bas à droite. Il faut noter également que pour la ville de Paris, les actes sont répartis en deux volumes, numérotés pairs et impairs, ce qui multiplie les recherches, et les espoirs.

Acte de naissance de Maurice Archambaud, registre d’Etat-Civil du 14ème arrondissement de Paris

Voilà l’intérêt des mentions marginales, car nous y apprenons deux mariages, le divorce et le décès. Avec un peu de patience, parfois de chance et d’obstination, on arrive à construire un arbre généalogique qui, dans mon cas, me sert dans la négociation d’informations plus récentes avec un des fils encore vivant.

Extrait de l’arbre généalogique de la branche Archambaud, © NJ 2020

J’ai procédé de la même façon pour récupérer les informations sur ses deux femmes, Réjane Belval et Lydie Briant, à partir des actes de mariage. Comme il s’agit d’un personnage illustre, champion du record du monde de vitesse en novembre 1937, il est facile de recouper ces informations avec d’autres types d’archives, notamment celles du journal L’Auto ou le Miroir des sports que l’on trouve sur Gallica.

Pour arriver à la photo du pavillon de Clamart qui est présenté en première illustration, j’ai dû balayer le registre du recensement de 1936 de Clamart, en espérant trouver parmi les milliers d’habitants, le nom d’Archambaud.

Registre du recensement de 1936, page 130. Noter qu’il y a trois registres.

En haut de la page, nous avons le nom de la rue, et le numéro à gauche correspond au numéro de la maison. Les informations correspondent : nous avons bien Maurice né en 1908 et Réjane née en 1911 à Lille, une information qui, par ailleurs sera donné dans la presse au moment du mariage.

Tour de France 1937, Lille-Charleville, 1er juillet, Maurice Archambaud (à dr., équipe de France) vainqueur de l’étape et Robert Godard (Individuel français) arrivée deuxième [K274787] BNF-Gallica 2020
Ce travail qui peut paraître long n’est qu’une étape de cette recherche qui porte sur les valeurs mises en avant à travers la presse écrite pour qualifier l’épreuve de la course cycliste. Par là même on obtient une idéologie de l’abnégation, de la souffrance, de la ténacité, et de tous ces qualificatifs qui font du coureur cycliste et du sportif de compétition en général, un être extra-ordinaire.

Recherche en cours…

 

Chroniques d’un printemps perdu (1)

© Marine Pradon 2020

 

A Toulouse, Fer à Cheval, vendredi 20 mars 2020

par Marine Pradon

Aujourd’hui, je sens que la nature reprend ses droits. Le cosmos rétablit l’ordre des choses, il nous met en garde.

Enfermée depuis 4 jours maintenant, dans 17m2, je trouve un réconfort qui m’était jusqu’à présent inconnu. Bien que la solitude ne soit pas une habitude pour moi, je prends le temps de regarder par la fenêtre. La vue est dégagée, je vois au loin qu’il n’y a aucun nuage. Le chant des oiseaux, et le vent qui fait crépiter les feuilles sont les seuls bruits que j’entends, mère Nature qui se réveille ? Ou est-ce plutôt moi qui enfin écoute ce que jusqu’ici je n’entendais pas ? Tout est plus calme, tout est plus tranquille. J’ai pris le temps ces 4 derniers jours de lire un livre. Ce livre je l’ai traîné partout avec moi depuis deux ans, il m’accompagnait dans des voyages fous à l’autre bout du monde, au Pérou, en Bolivie, à Chicago.

Et pourtant je ne l’avais jamais ouvert. Vous savez pourquoi ? Parce que chaque minute était comptée, que le temps était toujours à autre chose. Le rythme de nos vies bouscule tout. Je me souviens alors d’un livre que j’ai lu il y a déjà bien 7 ans. La guérison du monde de Frédéric Lenoir. Bien que le discours soit alarmiste sur notre situation, nous disant que notre monde est malade, il nous conduit pourtant à voir qu’il y a des voies de guérison, une autre logique que celle quantitative et mercantile. Il plaide une redécouverte des grandes valeurs universelles : la vérité, la justice, le respect, la liberté, l’amour, la beauté. Il nous fait également part dans ce livre d’une réflexion, qui me semble doit entrer dans nos consciences, la conscience collective. A l’époque de nos grands-parents, les personnes se mariaient jeunes, la plupart d’entre elles ne connaissaient qu’une fois l’amour. Elles ne déménageaient que 1 ou 2 fois dans leur vie.

Aujourd’hui, nous nous marions, puis divorçons, peut-être plusieurs fois même. Quand je me rends compte qu’à 22 ans j’ai déjà déménagé 11 fois, je sens que quelque chose cloche. A l’heure où la terre s’est considérablement rétrécie, quand il ne nous faut pas plus de 6 heures pour rejoindre New York. Aujourd’hui nous retrouvons le temps, comme infini, que nous avons cru perdre et jamais retrouver. Ce temps on doit le saisir, et calmer le jeu. Cette pause imposée est une bénédiction, une respiration qui fait battre notre cœur plus grand. Hier soir j’ai vu une solidarité qui m’a émue. La nuit venait de tomber, j’ai alors passé la tête par la fenêtre. Toutes les lumières face à moi étaient allumées. C’est alors que j’ai aperçu des centaines de silhouettes au bord de leurs fenêtres et de leurs balcons. Dans un tumulte d’applaudissements qui faisait vibrer la ville entière, j’ai souri.

© Marine Pradon 2020

A Toulouse, Fer à Cheval, Lundi 23 mars 2020

Aujourd’hui je me réveille avec un mal de crâne colossal. Les allergies ont eu raison de moi. Évidemment en ces temps de confinement, apre?s e?tre passée au travers de l’épidémie du covid-19 (je crois), ce sont les allergies qui frappent à ma porte. Ce matin, j’ai pris des nouvelles de ma mère. Elle est si forte. Ma maman est infirmière. Tous les soirs elle part travailler à l’hôpital ; elle enfile sa tenue, son masque, ses gants et elle veille toute la nuit sur les patients de cardiologie. Récemment certains lits ont été réservés pour les patients souffrant de la pandémie qui ravage le monde en ce moment. Et vous savez, j’ai peur. J’ai peur toute seule dans mes 17m2 que ma mère soit infectée à 700 kilomètres de moi et que je ne puisse rien y faire. Hier je suis allée faire les courses et je suis indignée. Je n’avais pas mis le pied dehors depuis 6 jours car je n’en avais pas la nécessité. Mais les frigos étudiants ne sont pas extensibles. Alors hier, je suis partie, attestation dans la poche, acheter quelques légumes. On était dimanche, et j’ai croisé tout un tas de personnes faisant leur jogging, traversant le pont Saint-Michel à vélo, en voiture les fenêtres grandes ouvertes. Et là je suis restée quelques secondes dans le flou. C’était un dimanche comme un autre au final. Les gens continuaient leurs vies. Et je suis indignée. Quelles satisfactions tous ces gens retirent-ils de défier les paroles d’un politique, quelles que soient leurs aspirations ? Quelles satisfactions tirent-ils à braver les règles, tandis que tant d’autres s’efforcent d’endiguer cette pandémie et restent chez eux, confinés, comme prescrit ?

Les soignants nous mettent en garde tous les jours. Ils se tuent à la tâche et demandent sans cesse au gouvernement de renforcer les mesures. Et ma maman, elle est de ces gens-là. C’est ma maman, et je ne veux pas qu’elle fasse partie des victimes, ça non. Alors je reste chez moi, comme elle me le dit. Je lui écris tous les soirs avant qu’elle parte travailler. Je lui dis que je l’aime et de faire bien attention. Et du mieux que je peux de ma petite personne, je reste confinée pour ma maman et pour tous les autres, tous ceux qui sont là à faire en sorte que notre confinement ne soit pas un enfer. On ne manque de rien, en tout cas je ne manque de rien, et merci à tous ceux qui ont permis cela. Il n’y aura sûrement pas assez de ligne pour les citer tous. Mais aujourd’hui, j’ai envie de crier à celui qui se balade sans raison qu’il a tort et qu’il est égoïste. J’ai envie aussi de crier à ceux qui nous aident un grand merci. Et ces applaudissements, chaque soir, sont la preuve que la solidarité existe encore. C’est le cri de solidarité d’une ville que j’entends tous les soirs à 20h et qui me fait du bien.

La ville est un rêve : histoire d’un livre

La couverture en bilangue proposée

Par sérendipité, je tombe sur cette page d’un site de financement participatif bien connu. Une dessinatrice et écrivaine japonaise propose un livre sur la qualité de la ville, entre Tokyo et Paris, en collaboration avec un auteur français, Jean-Philippe Lheureux.

Voilà une thématique attirante, et en deux clic je tombe sur l’offre de l’ouvrage sur un site de vente par correspondante (mais pas le plus connu). Paru en octobre 2013, ce livre que je ne connaissais pas va m’être livré dans la semaine, si toutefois cette livraison est jugée « de première nécessité ». Mais s’agissant de la ville et du séminaire, pourquoi cet ouvrage ne pourrait-il pas l’être ?

Nos villes doivent continuer de vivre. Les injonctions au confinement bousculent nos représentations de la ville et nos rapports humains. La crise sanitaire s’annonce longue et nous devons trouver en nous les ressorts d’une humanité à reconsidérer et à reconstruire. Comment allons-nous nous saluer dorénavant ? Je pense que dans quelques semaines nous verrons arriver des livres sur cette guerre au Coronavirus. Et ce thème de la ville rêvée est tout à fait pertinent dans ses contradictions avec la conjoncture.

 

Page principale de la demande de participation financière et son résultat : 140% !

Pour le moment, je présente juste le projet issu du site de financement participatif. En allant se balader sur la page, on peut avoir une assez bonne idée de ce que l’on va trouver. Mais déjà, le rouge a cédé sa place au noir dans l’encrage du titre. Ce qui m’intéresse dans ce livre, c’est la rencontre entre deux cultures, deux sexes, et deux manière de voir le monde. Deux villes, deux points de vues, deux écritures, deux langages…

Version proposée à la vente

Les espoirs de financement ont été dépassés et l’ouvrage a pu voir le jour. Outre le fait de permettre de faire découvrir une illustratrice japonaise, je compte m’inspirer du concept pour m’aider à réfléchir sur le support illustration-texte, comme une forme possible de langage. J’attends aussi de lire les images et le texte pour m’approcher de cette proposition, et ensuite la rediffuser sur ce blog pédagogique.

J’attends donc la livraison…

 

L’économie du pigeonnier a-t-elle encore un sens aujourd’hui ?

Carte d’implantation des pigeonniers (extrait), d’après Raymond Laurans

par Thomas Audar

C’est à partir de cette problématique qui a évoluée de nombreuses fois que j’ai décidé de mener mes recherches sur les pigeonniers et notamment sur les pigeonniers du Tarn-et-Garonne qui semblent représentatifs pour évoquer la question de l’économie dans le département.

Réparties en grand nombre dans le sud, ces constructions font partie intégrante du paysage et forment le petit patrimoine rural que l’on connait bien. Au cours de mes recherches, il apparait que la plupart d’entre elles ont connu plusieurs phases de leur vie avant d’être aujourd’hui réaménagées et tirées d’affaire de l’oubli et du délaissement. Je me suis donc questionné sur ces différentes phases historiques, périodes pendant lesquelles le pigeonnier a joué un rôle à la fois utilitaire et symbolique.

Parcourir l’histoire m’a fait découvrir les richesses de ce petit patrimoine ne serait-ce que dans ses typologies. En effet, le Tarn-et-Garonne concentre non seulement un nombre important de pigeonniers, mais leurs particularités font que chacun d’eux possède des différences dans leurs formes. Certains sont rattachés à un corps d’habitations, la ferme, tandis que d’autres y sont vraiment éloignés. Il est d’ailleurs aujourd’hui parfois difficile de savoir à quelle ferme a appartenu tel ou tel pigeonnier au regard de sa distance vis-à-vis d’elle fortement variable. De plus, certaines fermes ont disparu et seul le pigeonnier présente encore un signe de vie.

Revue La Vie à la Campagne, 1905

 

Si des pigeonniers se retrouvent perdus en plein milieu des champs, c’est pour répondre à la volonté de ses hôtes de rester dans des endroits paisibles et Alfred Gritton préconisait de les « placer toujours sur un terrain sec et salubre, car, si les pigeons sont peu sensibles aux modifications de température, ils redoutent beaucoup l’humidité ». (Alfred Gritton, Revue La Vie à la Campagne, 1909-1926)

Exemple de randières, © Thomas Audar 2020

S’il apparait que le pigeonnier est synonyme de diversité, tous possèdent des attributs communs tels que les trous d’envols ou les randières qui respectivement limitent l’intrusion d’autres oiseaux plus gros dans le pigeonnier et qui évitent l’ascension de prédateurs terrestres dans la caisse (volière plus communément). Intéressons-nous toutefois au Pied-de-Mulet, ce pigeonnier méridional qui tire son nom de la forme de sa toiture à 2 pans inclinés de la même manière et dont sa base rectangulaire mesure souvent 4×5 m ou 6×5 m de côtés. Construit entre 1820 et 1850, ce pigeonnier a rapidement connu ses années de gloire pour ses qualités intrinsèques : économique à la construction, capacité importante de boulins (cavités à l’intérieur du pigeonnier pour nicher les pigeons), forme banale, mais efficace, car mono-orientée à l’encontre des vents dominants, rez-de-chaussée de 20 ou 30m2 pouvant servir de lieu de stockage … Il apparaît ainsi comme une construction vernaculaire tout à fait pragmatique, nécessaire à la vie paysanne. En effet, si ce petit patrimoine s’est aussi bien répandu sur nos terres c’est pour une raison simple. Droits jusqu’alors réservés aux seigneurs, ce n’est qu’à partir de 1789 avec la fin des privilèges que tout à chacun pouvait bâtir son propre pigeonnier.

Le premier avantage de ce dernier est de fournir de l’engrais. En effet, la colombine, matière fécale produite par les pigeons « donne un engrais de grande chaleur, préférable à tous les autres fumiers pour améliorer les sols argileux froids » comme il était inscrit dans Corps complet d’agriculture de M.Hale. Les paysans qui s’en servaient pour leurs cultures y voyaient un intérêt économique particulièrement intéressant. C’était un moyen de fournir de l’engrais sans pour autant se préoccuper de la vie du pigeon que quiconque n’avait besoin de nourrir. Cet animal se nourrissait de céréales et notamment de blé qu’il trouvait dans les champs alentour. D’ailleurs, si l’on se penche sur la carte de la France agricole de la période antérieure au XIXème siècle, on constate une adéquation entre la répartition des terres à blé, et la concentration en pigeonniers. J’ai donc voulu voir par le calcul ce que représentait la quantité de colombine amassée pour l’exemple d’un pigeonnier de 320 boulins situé à Valence d’Agen. Au résultat, le pigeonnier permet d’amasser 2400kg/ an de Colombien soit, 48 hectolitres. Or, le site internet Cours d’agriculture, des engrais végétaux explique que 25 hectolitres de fientes par hectare sont nécessaires pour les cultures de lin, de colza.

Pigeonnier, © Thomas Audar 2020

Un pigeonnier comportant 320 boulins pourrait réaliser tous les ans la production d’engrais pour 2 hectares de champs qui lui permettrait de multiplier les rendements des cultures en les faisant grossir plus vite. Cependant, ce que l’on doit comprendre c’est s’il était question d’une production personnelle ou d’une production qui permettait de faire tourner l’économie du pays en la revendant. La réponse de trouve dans LA CRISE AGRICOLE A LA FIN DU XIXe SIÈCLE, EN FRANCE, Essai d’interprétation économique et sociale de Jean Lhomme qui disait qu’en «1892, il existe encore en France 3,5 millions d’exploitations s’étendant sur moins d’un hectare ! Et l’on songera qu’à la même date, les établissements qualifiés officiellement de « petits » et couvrant des surfaces de 0 à 10 hectares, forment 85 % du total des établissements et 26 % de la superficie cultivée. » Ces données nous montrent alors que la quantité de colombine par an était suffisante pour les agriculteurs qui, pour la plupart, ne possèdaient pas plus d’un hectare de terre.


Le pigeonnier demeurait également essentiel pour l’économie, car il avait une vocation de garde- manger. Apprécié pour ses qualités gustatives, le pigeon était un met de choix, à l’encontre de la viande rouge qu’il était difficile de trouver pour manger.

Cette première phase d’utilité du pigeonnier a vite été remplacée par une seconde phase qui ne lui était pas réservée. Effectivement, avec l’arrivée des produits azotés et la découverte des phosphatières en 1865 au hameau de Cos près de Caylus par Jean-AndréPoumarède, médecin et chimiste à Caussade, l’agriculture se tourne vers cet engrais miracle qui s’épuise toutefois dans la région dès 1887. Ajouté à cela, le département diversifie ses cultures et ses terres deviennent de plus en plus maraichères. Les pigeons sont alors contraints de quitter les pigeonniers, car la nourriture qu’ils cherchent se trouve de plus en plus éloignée. Ceci n’est pas la seule raison, on peut la rapprocher d’une seconde raison que l’on repère dans l’Essai d’interprétation économique et sociale qui évoque une crise agricole. Celle-ci n’impacte pas directement l’économie tirée des pigeonniers, au contraire; elle invite à une réflexion sur les moyens de transport qui permettent d’importer des marchandises lointaines et à bas prix au lieu de favoriser l’économie des cultures de proximité. Cela provoque directement un impact sur les productions céréalières et notamment le blé qui devient un produit d’import.

C’est justement à cette période que les activités diffèrent dans les pigeonniers. Ce que j’appellerai la seconde phase est en réalité une seconde utilisation du pigeonnier pour un usage lié à l’économie rurale. En effet, je reprends pour exemple le pigeonnier de Valence d’Agen qui a connu cette seconde phase pendant laquelle le rez-de-chaussée de ce dernier à été utilisé comme lieu de stockage de vin dans des cuves. La particularité de son architecture érigée en a fait un endroit où les paysans pouvaient verser le contenu de leurs récoltes de raisin du haut du premier étage, c’est-a?-dire au-dessus des cuves. Mes recherches m’ont d’ailleurs fait prendre conscience que c’était aussi un endroit pour placer du bétail, des lapins entre autres dont les ventes étaient parfois inscrites sur les murs.

Plus généralement, la localisation en pleine nature de ces pigeonniers était propice pour stocker du matériel agricole. Cette troisième et dernière phase et d’ailleurs encore visible dans le département et notamment vers Réalville (82). Les propriétaires ont investi les lieux de matériel, de bois, dont ils se servent l’été pour allumer des BBQ ou l’hiver pour se réchauffer au coin de la cheminée. Bien que distant d’un modèle économique visant à gagner de l’argent avec son bien hérité, d’autres pratiques plus contemporaines ont vu le jour comme la transformation du pigeonnier en gîte ou meublé de caractère. Ne voyons-nous pas en ce sens, un moyen d’attirer du monde dans les campagnes le temps d’une saison ? Peut-on toujours parler d’une économie de subsistance lorsque le pigeonnier est loué tel un habitat de vacances ? Mes entretiens avec les personnes possédant des pigeonniers destinés à la location ont été révélateurs d’une pratique qui se développe encore, mais qui n’est pas viable économiquement. En effet, les travaux de restaurations et de maçonneries représentent une enveloppe colossale pour un simple particulier. Plusieurs dizaines de milliers d’euros sont nécessaires pour restaurer l’extérieur du bâtiment…

Il est alors compréhensible que beaucoup de propriétaires préfèrent délaisser leur bien plutôt que d’engager des frais pour le voir sous un nouveau jour. Pourtant, des aides de L’État sont mises en place pour rénover le petit patrimoine rural comme en témoigne la communauté des communes et le département qui versent chacun d’eux 3.708 €. La région quant- à elle alloue une enveloppe de 10% du prix des travaux extérieurs comprenant la maçonnerie, les menuiseries, l’électricité et les peintures extérieures. Cette somme est encore plus importante lorsqu’elle est délivrée par l’organisme des gîtes de France dès lors que le patrimoine reçoit un label. D’autres aides peuvent aussi être additionnées pour garantir une préservation du patrimoine.

Néanmoins, on peut supposer que l’enjeu majeur n’est pas forcément la préservation de la culture architecturale vernaculaire, mais plutôt l’économie tirée du tourisme grâce au patrimoine. Si autant de fonds sont attribués pour la sauvegarde, c’est parce que la France est une destination touristique majeure. Les étrangers y trouvent une certaine authenticité; ils y trouvent tout le confort de l’habitat classique au sein d’un cadre de verdure où le paysage est souvent magnifique. En effet, en dominant les autres bâtiments par leurs hauteurs, les pigeonniers savent vers quoi regarder pour attirer de plus en plus de monde à la recherche de calme. L’économie du pigeonnier est donc relativement à modérer dès lors qu’elle se retourne vers le tourisme qui comme on le sait n’est effectif que pendant un semestre. Les bénéfices tirés de la transformation d’un pigeonnier sont donc très en deçà des coûts de réhabilitations. C’est pourquoi il faudrait des années pour se dégager de véritables revenus de cette pratique comme me l’expliquait la propriétaire du pigeonnier de Valence d’Agen…

La géographie au secours de la pédagogie

Gustave Courbet, Le ruisseau de la Brême, 1865, Musée des Beaux-arts de Besançon

 

Histoire d’un ruisseau est un livre écrit par le géographe Elisée Reclus (1830-1905) vers la fin du XIXè siècle (en 1869). Réédité par Actes Sud en 2005, ce petit texte, disponible également sur Gallica mérite une attention particulière en cette période de remise à plat des outils pédagogiques.

De la source au fleuve, en passant par la grotte ou le moulin,  — ce qui sans doute aura inspiré Georges Perec pour Espèce d’espace — nous nous arrêterons sur les considérations pédagogiques :

 » Dans nos écoles et nos lycées, nombres de professeurs, sans trop le savoir et même croyant bien faire, cherchent à diminuer la valeur des jeunes gens en enlevant la force et l’originalité à leur pensée, en leur donnant à tous même discipline et même médiocrité ! Il est une tribu des Peaux-Rouges où les mères essaient de faire de leurs enfants, soit des hommes de conseils, soit des guerriers, en leur poussant la tête en avant ou en arrière par de solides cadres de bois et de fortes bandelettes; de même des pédagogues se vouent à l’œuvre fatale de pétrir des têtes de fonctionnaires et de sujets, et malheureusement il leur arrive trop souvent de réussir. Mais, après les dix mois de chaîne, voici les heureux jours de vacances : les enfants reprennent leur liberté; ils revoient la campagne, les peupliers de la prairie, les grands bois, la source déjà parsemée des feuilles jaunies de l’automne; ils boivent l’air pur des champs, ils se seront impuissant à faire disparaître de leur cerveau les souvenirs de la libre nature. Que le collégien sorti de la prison, sceptique et blasé, apprenne à suivre le bord des ruisseaux, qu’il contemple les remous, qu’il écarte les feuilles ou soulève les pierres pour voir jaillir l’eau des petites sources, et bientôt il sera redevenu simple de cœur, jovial et candide. »

Rappelons que ce texte date de 1868 et qu’à cette période, la pédagogie est encore loin d’avoir acquis une expertise telle que nous la connaissons aujourd’hui. Aussi, ne pourrait-on pas profiter de cette période de liberté pédagogique pour susciter des vocations nouvelles, des intérêts particuliers et nous adapter aux circonstances qui nous sont imposées.

=> Elisée Reclus, Histoire d’un ruisseau, récit (1868), coll. Babel, Arles : Actes sud, 2005, 224 p.

La vie des gens vue de divers points de vue

J’aimerais présenter plusieurs restitutions à propos de la vie des gens.

http://retro-hd.com/critiques/cinema/721-la-vie-des-gens.html

Paru en 2015, un documentaire d’Olivier Ducray qui durant l’année 2013 a suivi le travail d’une infirmière circulant à trottinette dans la ville de Lyon. Elle s’occupe des personnes dépendantes, soit par maladie, soit par accident, soit par vieillesse, et circule à travers la ville. 4290 kms parcourus à trottinette pour aller de foyer en foyer. Un regard, une humanité…

La Vie des Gens Textes de François Morel La vie des gens, texte de François Morel, illustration de Martin Jarrie, Editions Les Fourmis Rouges 2013

En 2013, se met en place ce projet autour d’une résidence d’artiste. Martin Jarrie, peintre et illustrateur, est accueilli en résidence en région parisienne (Saint Gratien 95). En voyant le résultat, sa femme, l’éditrice Valérie Cussaguet, lui propose alors d’éditer les quinze portraits en un ouvrage, et demande à François Morel d’inventer un texte. Ces quinze portraits donnent lieu à quinze récits de vie assez percutants.

La vie des gens, François Morel, et Martin Jarrie, Les Fourmis Rouges, 2013

« Elsa

« J’aimerais changer. Et c’est le moment ou jamais. C’est ce que je me suis dit l’autre nuit quand je n’arrivais pas à dormir. Aurélie est grande. Pour l’instant Cédric a un bon travail. Mais quand je vais à Pôle Emploi, ils ne me voient pas comme une personne… »

Ce qui est intriguant dans ce livre et dans ces textes, c’est que cette réalité augmentée ne se distingue pas d’une réalité propre. Ces portraits sont si « vrais » qu’ils pourraient très bien être vrais. Quelque part, ils le sont, car François Morel a puisé dans son imaginaire, dans son entourage et dans son expérience. Mais je me dis quand même que les personnes qui ont prêté leur image à ce jeu de portrait n’ont peut-être pas apprécié leur histoire. C’est par conséquent un peu dérangeant de tricher avec une réalité qui n’a souvent pas besoin d’être inventée.

Revenons un peu en arrière, en 2005, Jacques Winderberger, très connu pour son approche de la société et de l’image publie un recueil de photographies qui retrace son expérience de 1969 à 2002. Des images qu’il a prises montrant des gens dans leur quotidien. En arrière fond, les paroles de la chanson de Léo Ferré. Derrière toutes ces formes de représentation, la question de comment montrer la vie des gens reste en suspens. Allier l’écriture et le dessin (ou la photographie) permet d’en dire un peu plus, d’aller plus loin dans la description parce que l’image apporte ce supplément d’âme que le texte a du mal à approcher. Si l’image témoigne à sa façon, le texte précise et rend plus vivant. Ce rapport étroit entre l’image et le texte est à questionner, surtout chez celles et ceux qui se demandent encore comment traduire leur terrain, en restant au plus près des gens qu’ils ont croisés.

 

Pierre Fournier, La vie des gens, Ed. du Square, 1971

Les années 70 nous offrent aussi leur regard du monde dans un contexte de guerre froide où l’affrontement entre les Russes et les Américains est encore très présent. La bande dessinée offre aussi cette possibilité de raconter un point de vue en image et en récit.

 

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