Jan 19 2022

Vox Romana : Rubrique Culturelle :

Renaissance de l’intellect : la Bibliothèque joue au Phénix

 

 

      Après les incidents de la feue bibliothèque de notre cité bien-aimée, la volonté de nos dirigeants de faire renaître l’esprits des penseurs qui forgèrent la civilisation avancée dans laquelle nous vivons, est décidée. Ce projet n’étant pas des plus communs, notre envoyée spéciale Iris Cato est donc allée à la rencontre de nos souverains, Antoine et Cléopâtre, afin connaître les raisons d’une telle entreprise :

 

 

« Bonjour, vos Éminences. »

A & C- « Bonjour, à vous mademoiselle. »

« Vous n’êtes pas sans savoir que votre décision a réveillé les esprits de nos concitoyens, qui souhaitent pour beaucoup connaître certains des détailles du projet dans lequel vous vous lancez. Comment, et quand vous est venu cette idée ? »

A- « Et bien, nous étions en croisière sur les fleuves qui parcourent notre beau pays. Je feuilletais une reproduction d’un des parchemins du vénérable Aristarque de Samos, intriguant astronome aux théories fantasques, quand je remarqua une incohérence dans le texte : deux mots qui se suivent, mais ne font sens. Et tandis que je poursuivi ma lecture, je remarqua des anomalies semblables. Une fois, deux fois, trois fois, et à force de compter inconsciemment les apparitions de ces absurdités manuscrites, j’en dénombra cent, milles, et ainsi de suite. Frustré des incohérences de discours que le texte me présentait, j’appela ma dulcinée, et lui parla de ce détail. Elle me fit part de ces pensées, et de fil en aiguille, nous vînmes à cette conclusion : il faut restaurer la bibliothèque de notre cité. »

C- « Quant à moi, nez au vent, j’étais en train de songer à la matinée où j’étais tombée nez à nez avec une de mes vieilles amies, qui lisait un livre d’une auteure qui m’était inconnue. « De qui est-ce », lui demandais-je ? « D’Hypathie d’Alexandrie, une professeure qui réédite les écrits de nos auteurs. Il y en a si peu … », me répondit-elle. Lui demandant de quoi elle parlait, elle m’agita le livre sous le nez, m’expliquant à quel point les auteures manquaient. Pensant quelle me menait par le bout du nez, je lui rétorqua que cette affabulation ne tenait pas debout, et qu’il en existait bien d’autres. Mais au fur et à mesure de la conversation, l’envie de lui rire au nez me passât. Quand Antoine m’interpellât pour me parler de son problème, je lui parlât de mon idée avant que l’occasion ne me passe sous le nez. Il fut tenté d’en lever du nez, mais finit vite par baisser le nez, et commença à examiner l’idée. » 

« Justement, vous ne nous avez pas précisé, dans quels buts spécifiques avez vous pris cette importante décision ? C’est tout de même un projet d’une grande envergure, il est donc compréhensible que le peuple s’interroge sur les intérêts de cette entreprise. »

A- « C’est en effet compréhensible et tout à fait naturel, je ne vais pas leur jeter la première pierre. De mon point de vue, il est important de mettre à exécution ce projet car notre capital culturelle nous manque cruellement, et construire ainsi une bibliothèque rassemblant tout le savoir du monde mettrait en valeur notre patrimoine, ferait de notre ville une destination touristique de premier choix, et permettrait de confirmer notre souveraineté culturelle et intellectuelle dans ce même monde. Bien sûr, cela sera long, car il faudra réunir tous les savants et les penseurs actuels, mais cela sera profitable sur le long terme. D’ailleurs, nous avions organisé un concours en secret , pour savoir qui ferait les plans de la nouvelle bibliothèque, et c’est Vitruve qui remporta cette chance inouïe. »

C- « Pour ma part, je donne à ce projet un sens de justice sociale, car il semblerait que bien trop peu d’auteures ne montrent le bout de leurs nez, et il faudrait donc rééquilibrer la balance en en introduisant d’avantage. Et cela fera d’une pierre deux coups, notre projet permettrais à d’autres futures auteures de lever le nez de leurs habituelles besognes, et de sentir à plein nez le parfum de la poésie, de la littérature, des fables, des théories ou même des textes d’idées, cela fait longtemps que l’on n’y a pas vu de nouveaux nez…

« Et enfin, que dites vous à vos détracteurs populaires qui contestent et remettent en question votre projet ? »

A- « Qu’ils m’interrogent, qu’ils me demandent, que l’on discute et argumente pour qu’ils m’expliquent la raison de leurs doutes. »

C- « Et bien, tout ces nasillards qui, pour un oui ou pour un non, se bouffent le nez, qui se plaisent à mettre leur feutre de travers, se battre, ou faire un vers, n’osant pourtant jamais mettre le nez dehors, mais le mettant partout pour dénicher quelques moqueries de commères, ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, et devraient comprendre, plutôt que de se mettre des coups dans le nez, car ils se rendront compte plus tard, qu’il n’auront pas eu le nez creux, et que la moutarde leur monte au nez, je m’en fiche. » 

« Très bien, je vous laisse, l’envoyée de la rubrique people veut vous voir. »

 

 

De ce points de vue, de tels constructions semblent nécessaires. Mais cela a tout de même fait des vagues parmi les gens du peuple, de telles décisions ayant le don de faire émerger des avis controversés et conflictuels parmi nos concitoyens. Et c’est ici que nous retrouvons Lucius Lurco, qui est parti à la rencontre du peuple pour les interroger sur leurs opinions :

 

 

Interview d’Aegidius Curvus, Forgeron :

« Pour être tout à fait honnête, moi, j’y connais pas grand chose dans les livres, et les trucs comme ça, mais ce que je sais, c’est qu’un tel projet va coûter, coûter en argent, et en temps. Et le temps, c’est de l’argent. Et pendant que temps et argent seront dépensés là dedans, Rome s’agite contre notre beau pays. Alors non pas que je soit contre toutes ces machins, mais je pense qu’il y a plus urgent à faire. »

Interview de Daphné Poplicola, oratrice :

« Alors autant je suis favorable à ce que notre bibliothèque nationale soit remise sur pied, autant les raisons qui la motivent me paraisse obscures, voir dangereuses dans leurs prolongement. En effet, il n’y a pas de mal à ajouter du sang neuf. Mais privilégier des femmes auteures car il y en a moins que des auteurs, cela me dépasse. Un livre se lit, s’achète sur son contenu, et non pas sur la personne qui l’a écrit. Cela ne ferait qu’ajouter des conflits, faisant passer les femmes  auteures pour des parvenues, alors que ce n’est sans doute pas le cas. Sinon, le projet en lui-même n’est pas une mauvaise idée. »

Interview de Renatus Bibaculus :

« Hep, t’as pas deux drachmes, j’ai plus de kykeon dans ma bouteille… »

 

Les avis sont divisés, entre le peuple et nos dirigeants, mais nous laissons les dieux en juger, et l’avenir nous donnera ce qu’il jugera bon pour nous. Merci d’avoir lu cette rubrique culturelle, présentée par Lauriana Fimbria, à votre service.