France : une nouvelle lecture des dynamiques territoriales

Une équipe de géographes redessine l’espace urbain en fonction des flux et des réseaux entre territoires.
Article paru dans lemonde.fr le 16/11/2017

A propos des villes : « au lieu de regarder leur répartition et leur localisation , il s’agit de se pencher sur leurs articulations et leurs interdépendances, de passer de la ville-territoire  à la ville-réseaux.

La patrimathèque, l’histoire du patrimoine en vidéos

Patrimathèque est une plateforme multimédia qui a pour objectif de faire découvrir le patrimoine français grâce à des archives audiovisuelles. Développée par la Fondation des sciences du patrimoine, en partenariat avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et en partenariat avec le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines de l’Université Paris-Saclay

Exemples liés aux programmes de géographie :

Bilan de l’edc sur Dakar (Nouveaux programmes 1ère)

Le schéma de synthèse

(Cliquer sur l’image pour télécharger la version animée)

 

Une recomposition effective? Des certitudes et incertitudes.

Les certitudes :

  • Les nouvelles infrastructures autoroutières ont changé la donne (Sortie de Dakar, liaisons avec les villes secondaires de proximité). Les opérations immobilières en banlieue se sont démultipliées et ont attiré la classe moyenne en quête d’espace et d’acquisition foncière. Une recomposition de l’espace sociale est ainsi en cours.
  • Le nouvel aéroport mis en service en décembre 2017 rapprochent les usagers de l’arrière pays et des zones touristiques. Cela contribue à un meilleur équilibre du territoire (L’ancien aéroport de Yoff était situé dans l’agglomération dakaroise)
  • Le TER (Train express régional) est sur le point d’être mis en service et devrait donc assurer une liaison rapide entre Dakar et les points névralgiques du plan d’aménagement (la Ville Nouvelle puis l’aéroport ultérieurement)
  • La Ville Nouvelle de Diamniadio sort de terre de manière effective. Les investissements étrangers y affluent de Chine, d’Inde, de Turquie et des Etats Unis entre autres. Des entreprises y sont implantées, des événements s’y tiennent régulièrement (Dakar Arena, Centre International de Conférence). Toutefois, en dépit de constructions fort nombreuses, cela reste pour l’heure (2019) une ville fantôme, vide de résidents.

Les incertitudes

  • Diamniadio, Ville Nouvelle ou banlieue nouvelle?

Si le pari du déploiement d’activités ne laisse guère de doute (cf exemple de la « sphère ministérielle » qui devrait à terme déplacer plusieurs milliers de fonctionnaires), on peut s’interroger sur l’aspect purement résidentiel. Les liaisons autoroutières et ferroviaires peuvent inciter les personnels à ne pas quitter leur logement dakarois et opter ainsi pour des migrations pendulaires sur un schéma ville banlieue inversé.

  • Diamniadio, Ville Nouvelle ou ghetto chic?

Les constructions résidentielles présentent certes différentes gammes (Haut standing, moyen standing) mais elles restent néanmoins en complet décalage avec le niveau de vie moyen du pays. Le projet pourrait donc à terme être ressenti par une grande partie de la population dakaroise comme un symbole d’exclusion sociale. (Retournons le slogan de l’affiche publicitaire :« Diamniadio, ce n’est pas pour nous! » )

  • Dakar en perte de vitesse?

En même temps que sort de terre la Ville Nouvelle, les opérations immobilières (logements et bureaux) ne cessent d’éclore au sein même de Dakar. Le grand bâtiment de résidence administrative à proximité du Palais présidentiel vient d’être totalement rénové à grands frais. Une grande salle de spectacle et un musée d’art africain ont été récemment inaugurés en plein centre ville. Quant à la vie nocturne, elle a certes connu un déplacement du centre ville au quartier chic des Almadies mais cela reste bien ancré dans l’agglomération de la capitale.

  • Transports : décongestion ou saturation?

Les nouvelles autoroutes offrent pour l’heure une certaine fluidité mais qu’en sera-t-il lorsque Diamniadio fonctionnera réellement avec l’exécution de tous ses projets? Les TER suffira-t-il à répondre aux besoins de migrations pendulaires démultipliées?

  • Une recomposition nécessairement partielle

A l’image de Médina -quartier populaire, héritier d’une longue histoire, empreint d’une forte identité- on a bien conscience que la grande majeure partie de l’agglomération dakaroise ne saurait être concernée directement par des perspectives de recomposition à l’échelle régionale.

Dakar victime d’une croissance urbaine mal contrôlée

Le passé récent : une croissance urbaine mal contrôlée, une agglomération prise au piège de l’enfermement.

Les phases de la croissance urbaine étudiée à travers un SIG (Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire)

A mettre en relation avec la croissance du nombre d’habitants

La construction d’une autoroute barrée par le tissu urbain.(Image GE datée de 2011 montrant l’étendue de la zone urbanisée à détruire)

Schéma simplifié

Comprendre une métropole africaine par ses origines coloniales (L’ex de Dakar)

Comprendre Dakar par ses origines coloniales. (2ème moitié du XIXème S et 1ère moitié du XXème S)

Bilan : les leçons d’une histoire. Qu’est-ce que Dakar nous apprend de l’histoire coloniale sous la IIIème République?

  • Née sous le IInd Empire (1857), Dakar s’est développée sous la IIIème R sans rupture apparente. Elle illustre donc une forme de continuité d’un régime à l’autre dans le domaine colonial
  • Sa création témoigne de l’intensification des échanges transatlantiques et des progrès de la navigation maritime (Une escale sur la route Europe-Brésil)
  • Son développement dynamisé par sa fonction portuaire combinée au transport ferroviaire illustre un changement de dimension dans la politique coloniale de la France. La translation de Gorée -l’île comptoir- à Dakar, fondée sur le continent, montre la volonté d’une conquête intérieure contrôlée depuis la ville principale. Ce processus a abouti à faire de Dakar la capitale de l’AOF, oeuvre de la IIIème R, en 1903.
  • L’édification d’une ville « à l’européenne » montre de quelle manière la France a puexporter une manière de vivre et des pratiques culturelles (Ex : champ de courses) y compris dans des colonies qui n’étaient pas considérées comme des colonies de peuplement.
  • Reflet d’une réalité coloniale en déni des idéaux républicains, Dakar a aussi illustré une société urbaine fondée sur la ségrégation, renforcée en particulier par les risques d’épidémies. Cette politique de ségrégation a également révélé des capacités de réaction au sein de la société indigène sous forme de violences et d’affrontements. Elles ont généré des solutions négociées mettant en évidence les limites d’un pouvoir exclusivement coercitif.
  • A titre de mise en perspective, on a constaté que l’amorce d’un aménagement urbain social dans les années 1950 (SICAP)  incarnait une sorte de 2ème âge colonial dans l’esprit de la IVème République, soucieuse d’atténuer la ségrégation. La particularité de la colonisation sous la IIIème République se lit ainsi davantage en regard de son époque ultérieure qu’antérieure.

Transition de l’histoire à la géographie : quel héritage la ville coloniale a-t-elle laissé à la ville d’aujourd’hui? Télécharger le schéma et sa légende

Pourquoi a-t-on besoin d’histoire pour une étude géographique? L’exemple d’un quartier emblématique de Dakar

Situation d’accroche : Youssou N’dour chante « Médina » à Paris-Bercy.(Cibler un extrait d’une ou deux minutes).

En lien avec le 1er chapitre du thème 1 sur les métropoles en réseau , on met en avant les liens culturels qui peuvent exister d’une métropole à l’autre (Dakar-Paris). Loin d’un village global qui effacerait les spécificités locales, la mondialisation ici mise en scène s’accompagne d’une identité culturelle bien affirmée : le Sénégal est dans le style musical (Mbalax), le décor (Pirogues), la tenue vestimentaire (boubous en bazin), la langue pratiquée (Wolof), les danses traditionnelles. Les acteurs sur scène communient avec un public essentiellement composé de la diaspora sénégalaise comme en témoignent les dialogues en wolof.

La chanson « Médina » désigne le quartier dont Youssou N’Dour est lui-même issu sans jamais l’avoir quitté ni renié malgré sa réussite planétaire. Elle en vante les vertus du courage et de l’espoir en dépit d’une existence difficile. « Médina » est aujourd’hui un quartier populaire de Dakar, accolé au centre ville. Les conditions de vie y sont certes modestes mais sa marque principale est avant tout la fierté d’y appartenir ou d’en être issu. « Medina boy » est au Sénégal une expression consacrée pour vanter la vaillance. Né de la peste de 1914 tel un camp de ségrégation, foyer de bidonvilles jusqu’aux années 1960, Médina s’affirme aujourd’hui comme un symbole d’appropriation en opposition à la ville d’origine coloniale.

Voilà qui peut introduire un regard interne sur la réalité d’une métropole : les identités et organisation territoriales relèvent d’une histoire qui mérite que l’on s’y penche pour mieux comprendre la ville d’aujourd’hui et de demain.