Stéphane Mallat

Stéphane Mallat,

Stéphane Mallat

 

héritier

de Joseph Fourier

 

       Les spécialistes le connaissent, il entre maintenant franchement sous les projecteurs : Stéphane Mallat a été nommé professeur au Collège de France où il donne sa leçon inaugurale le 11 janvier 2018. Cette leçon inaugurale sera en quelque sorte le coup d’envoi des commémorations du 250e anniversaire de la naissance de Joseph Fourier.

       Stéphane Mallat a contribué d’une manière fondamentale au développement de la théorie des ondelettes avec des applications comme l’imagerie médicale, la détection des ondes gravitationnelles, le cinéma numérique, le codage numérique. Il a travaillé avec Yves Meyer pour développer l’analyse en multirésolution. Il a travaillé aussi dans les domaines de la musique synthétique et la segmentation d’image ; ses recherches actuelles portent sur l’apprentissage profond. Son cours au Collège de France est titré : « L’apprentissage face à la malédiction de la grande dimension. »

            Spécialiste du traitement des images donc, Stéphane Mallat ouvre son cours de l’École polytechnique (« Une exploration des signaux en Ondelettes », Editions de l’Ecole Polytechnique) par un chapitre1 « Introduction à un monde transitoire », dont le paragraphe 1.1 s’intitule tout simplement « Le Paradis de Fourier », la suite de l’histoire passant par la transformée à fenêtre glissante de Gabor pour arriver aux ondelettes, célébrant dès sa préface sa « rencontre avec Yves Meyer, dont l’éthique et la créativité m’ont donné une vision totalement différente de la recherche et de l’enseignement ».

            Ces précisions permettent au lecteur de comprendre pourquoi, dans le paragraphe liminaire nous avons associé Stéphane Mallat et Joseph Fourier.

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Rencontrer Fourier

Rencontrer Fourier au XXe siècle

     Joseph Fourier a prouvé dans les salons de la préfecture de l’Isère qu’il savait être mondain, tenir une conversation brillante et s’adapter à tous les publics. Qu’en était-il un siècle et demi plus tard ? Qu’en est-il aujourd’hui ? Le lycéen de série L qui souhaite rencontrer Joseph Fourier peut lire avec fruit l’introduction à la Théorie de la chaleur. Joseph Fourier y expose en français courant les idées qui sous-tendent son projet… il n’est pas certain cependant que ce lycéen voie la profondeur d’un discours qu’Yves Meyer, prix Abel 2017, présentait dans une conférence donnée le 18 juin 2000 comme un programme pour les générations futures. Selon Yves Meyer, ce programme a fécondé la recherche mathématique du XIXe siècle, puis une fois les bases mathématiques consolidées, les recherches de mathématiques et de sciences physiques du XXe siècle et maintenant du XXIe.

     Les lycéens de série S ne seront pas mieux armés que leurs confrères de série L pour aller au-delà de l’introduction de la Théorie de la chaleur. Les calculs que Fourier présente ensuite dans le corps de son ouvrage ne commenceront à être accessibles aux étudiants qu’après qu’ils auront suivi les premières années du programme de mathématiques de l’enseignement supérieur.

     Un mathématicien à qui je demandai ce qu’était la Transformation de Fourier m’a répondu « un dictionnaire ». Dictionnaire pour traduire une fonction exprimée dans une base à deux, trois ou n dimensions en une base à un nombre infini de dimensions ? Ai-je bien compris ? De toute façon, cette réponse concise, me reste insatisfaisante, me manquent les connaissances nécessaires en mathématiques. Je dois faire confiance au jugement enthousiaste des spécialistes pour apprécier la profondeur des innovations portées par Joseph Fourier.

     Le récit ci-dessous montre le cheminement de Pierre-Michel Duffieux dans sa rencontre avec Joseph Fourier. On y découvre comment ce chercheur a transposé de la chaleur à l’optique les méthodes de calcul de Fourier. Ce cheminement laborieux permet de mieux comprendre le propos d’Yves Meyer évoqué ci-dessus ; il permet de mieux apprécier cette remarque de Jean-Pierre Kahane « … je ne lis plus Fourier comme autrefois. Autrefois, avec l’impertinence de la jeunesse et la caution de mes aînés, je le traitais de haut. Aujourd’hui, je cherche ce qu’il veut dire et comment il a pu y arriver si bien. »

Comment j’ai pris contact

avec la transformation de Fourier

Pierre-Michel Duffieux (1891-1976)

     J’avais un peu étudié la transformation de Fourier à Bordeaux, pendant le premier trimestre de l’année scolaire 1918-1919, au cours d’Analyse Supérieure du Professeur Cousin, à la demande de mon chef militaire, le Professeur Henri Bénard. Celui-ci me fit appliquer les équations de Fourier à la mesure de coefficients de conductibilité thermique par la propagation en régime variable. Ce fut ma première publication scientifique. J’y parlais de Fourier : j’étais visiblement prédestiné, mais quand je le retrouvais 15 ans plus tard, je l’avais complètement oublié. Je fus obligé d’aller préparer l’agrégation à Paris, en octobre 1919 : Bénart [sic] fut nommé à Paris au P.C.B. et à partir d’octobre 1920 je fis de l’Optique à Marseille puis à partir de 1927 à Rennes. Là, Fabry m’obtint suffisamment de crédits pour monter le meilleur matériel interférentiel à ondes multiples. Celui dont j’avais eu l’usage à Marseille était instable, les lames petites et de qualité médiocre. En Angleterre, en Allemagne, en France on ne me promettait que des plans à A/5, exceptionnellement A/10. Steibelt, qui venait de quitter Jobin, me promit du A/20. En taillant les lames dans du quartz excellent, avec un anneau de garde pour éviter la doucine des bords, il me fit un couple au 1/40e de frange, un second au 1/20e de frange, un troisième de qualité internationale qu’il me promit de retoucher. J’avais mis au point une méthode d’établissement de la topographie des lames d’air au 200e de frange dès le début du travail; cette topographie était très compliquée.

d’après Wikipedia

 

     Je dus abandonner la suite : en Hollande Ostwald monta une équipe d’un genre tout à fait moderne. Il rassembla une vingtaine de spécialistes, compétents, actifs et coopératifs comme on sait l’être en Hollande. En France… et en province, il fallait renoncer. Rassurez-vous mon matériel de Rennes était encore bon quand mon élève et successeur Jean Viénot entama ses recherches sur le laser. Mais pour moi, les interférences, c’était fini. Mais en 1934 Fabry m’avait dit : « Ostwald utilise la formule de Van Cittert pour les corrections des défauts de planéité de ses lames d’interféromètre. Je l’ai essayée jadis, elle ne vaut rien ». Elle consistait à remplacer le cosinus de la formule des franges:

I (x)= (1-r)/ (1-2rcos x +r²) par l’approximation classique : cos x = 1 – x²/2

     La période des franges s’étend de -? à + ?, le maximum, « la frange » , est centré sur x = 0 et la formule ainsi corrigée est utilisable sur 30° ou 40° autour du maximum. « Cherchez quelque chose qui fasse intervenir toute la période », ajouta Fabry. Je lui garde, pour cette remarque, une reconnaissance et une estime que rien de ce qui nous a séparés depuis n’a pu éteindre. Il me disait cela au début de 1934. Aux grandes vacances, heureusement assez longues en ce temps-là pour que l’on puisse travailler, aussi bien professeurs et chercheurs qu’élèves, je me mis à l’œuvre. C’était difficile et je commençais par les aberrations des franges de deux ondes du Michelson. Au milieu de novembre, après les examens bretons, qui duraient, j’ai envoyé une note avec deux équations l’une en sinus, l’autre en cosinus, donnant : la première la condition de parallélisme optimum, l’autre la position des plans parfaits que l’on pouvait substituer aux surfaces réelles, avec toutes les corrections accessoires désirables.

d’après Wikipedia

    Le surlendemain matin, Fabry me téléphona à Rennes : « Qu’est-ce que c’est que ces équations ? ; où les avez-vous trouvées ? Je ne les comprends pas et aucun des opticiens que je connais n’en voudra. Trouvez autre chose, mais ça non ; ça ne passera jamais à la Revue d’Optique » .

     J’allais dans mon amphithéâtre vide, qui avait un long tableau noir et 36 places assises pour 70 P.C.N. habituels ; les autres s’asseyaient, les jambes pendantes, sur la galerie haute qui courrait sur trois côtés et servait au garçon à ouvrir et fermer mes six fenêtres. J’écrivis mes deux équations sur le tableau, je m’assis en face et je les regardai. Dieudonné vint me voir pour raisons de service. « Qu’est-ce que vous faites de ces équations ?

_ Je m’en suis servi pour étudier les aberrations des franges du Michelson et Fabry me demande où je les ai trouvées et qu’est-ce que c’est.

_ Mais ce sont les équations de la transformation de Fourier, série, et réduites au premier terme ! ». C’était vrai, et à travers 15 ans d’abandon je revis le cours de Cousin de1918. Je pardonne à Dieudonné son mépris pour Euclide et son cri de guerre nicéen : « Mort au triangle » .

     J’eus en janvier un troisième secours. Je m’étais remis à Fourier. Dieudonné m’avait vu en première vitesse et fait passer en seconde, mais en janvier suivant une visite presque banale me mit définitivement en 4e et je n’eus plus qu’à m’occuper moi-même de l’accélérateur.

d’après Wikipedia

     Un matin où j’étais très libre, je reçus un ingénieur de l’Institut d’Optique qui représentait la maison Mader-Ott. Il me montra des appareils de mathématiques et les catalogues de la maison Mader. Je lui pris tout de suite un très beau planimètre d’Amsler. Il me proposa un dispositif nouveau qui en faisait un analyseur harmonique, plus lent que le Corradi, mais beaucoup moins cher et en réalité plus rapide quand on ne demandait que les premiers harmoniques. Tandis qu’il montait les deux appareils, je feuilletais la notice qu’il m’avait ouverte et j’eus tout de suite une révélation hallucinante. Il y avait sur le catalogue la série type de Fourier :

F (x) = a0/2 + a1 cos 2 ? (x/p) + a2 cos 2 ? (2x/p)  + ….

Mais je lui substituais la série bien connue que je venais d’enseigner à mes élèves de licence et que je regardais depuis 2 mois :

I(x)= 1/2 + r cos 2 ? (x/p) + r² cos 2 ? (2x/p) + ….

     Ce mélange des deux séries ne me troubla pas et je me dis : « Si tu multiplies tous les rn par les an, tu pourras représenter par cette série toutes les déformations de franges que tu voudras ; la relation entre F(x) et I (x) est une question de mathématiques pures ».

     J’achetais immédiatement l’analyseur avec toutes ses roues dentées ; nous fîmes les factures en trois exemplaires dont un sur timbre et le représentant de Mader-Ott (Bavière), qui rentrait à Paris eut l’obligeance de me laisser l’analyseur tout monté sur la table. Il est actuellement à Besançon aux travaux pratiques du certificat de licence.

     Quant au catalogue décisif de 1935, je l’ai demandé récemment à M. Bulabois qui a eu longtemps la conduite des travaux pratiques. Il l’avait mis de côté, en ayant fait venir d’autres. Comme je regardais la page de couverture assez sale, mais pas trop, il me dit : « Il a beaucoup servi ». C’est ce que je désirais.

     J’ai écrit en 1963 dans l’Education Nationale : « Il y a eu deux parts dans ma vie : j’ai d’abord cherché ma voie, puis un jour, comme cela, brusquement, je l’ai trouvée. J’ai eu quelques secondes pour choisir, j’ai choisi et depuis cet instant-là, je travaille toujours dans la même direction ». C’est à la lecture de ce catalogue que je faisais allusion.

Les an constituent une fonction ponctuée f0(u), u étant la fréquence courante et les rn une autre fonction ponctuée que je désigne par i0(u) . Je connaissais donc la deuxième équation de la convolution

f0(u) . i0(u) = f’0(u), mais je n’avais aucune idée de la première F(x) ? I(x) = f’(x)

     J’avais trop peu l’habitude de ce type de calcul pour me tirer vite d’affaire. J’étais d’autre part engagé dans des travaux de spectroscopie avec mon collaborateur Léon Grillet. Je fis donc beaucoup de courbes, d’intégrations graphiques et mécaniques, mais deux ans après j’avais compris. Un an de plus pour trouver la fonction I(x) des franges en ondes multiples et en 1938 j’envoyais, sur sa demande, à M. Guadet, Directeur de la Revue d’Optique, un article qu’il publia. J’avais mis sur le marché la dissipation homogène ; devenue depuis la convolution, qui est un nom beaucoup plus joli et qui fait penser aux liserons de l’été.

     Mais je dus cesser toute relation avec Charles Fabry. Il me restait heureusement Aimé Cotton qui me suivait depuis l’Ecole Normale.

     La dissipation homogène m’ouvrait directement le rôle de la diffraction dans les images. Je commençais naturellement par les images incohérentes, ou plutôt d’objets incohérents. M. Uffel, jeune candidat à Polytechnique, auquel son père, mobilisé à Rennes pendant la drôle de guerre, m’avait demandé de donner du travail, m’analysa et dessina les transformées de Fourier des figures de diffraction de la fente et de l’ouverture circulaire. Ces spectres étaient visiblement limités. En 1941, A. Cotton me pria d’exposer ces résultats dans une réunion de la Société de Physique, Place Saint-Germain-des-Prés. Personne ne me demanda d’explication, personne ne me discuta. On me laissait tomber.

     Mais après la séance, devant des demis, à la brasserie qui est en face des Deux-Magots, Fleury et Darmois qui connaissaient les pensées générales m’expliquèrent. Le silence était dû au fait que personne n’avait rien compris ; les opticiens n’avaient qu’une vague idée de Fourier et de ses mathématiques ; on ne les enseignait pas en certificat de licence. Fleury, qui comptait bien prendre la succession de Fabry à la direction de l’Institut d’Optique me demanda d’écrire pour ses ingénieurs un exposé des théories de Fourier utiles à l’Optique.

     Ce qui, dans tous les travaux, tous les aperçus que j’eus avant 1944 sur les prolongements optiques de la transformation de Fourier, parut en 1946 dans un ouvrage intitulé, en imitation de Norbert Wiener L’Intégrale de Fourier et ses applications à l’Optique. Des parties qui n’avaient pu être incorporées faute d’argent et de papier, parurent en 1945-46 dans les Annales de Physique.

     Cotton m’avait dit, en me donnant son opinion sur le manuscrit : en France vous mettrez dix ans pour réussir… à condition que vous reveniez d’Angleterre. M. Maréchal devança, très seul, les dix années prévues, mais enfin j’abandonne la suite de cette histoire au japonais Kubota, à l’australien Steel, aux suédois Ingelstam et Djurle, à l’américain Stroke, à l’anglais H.H.Hopkins qui me ramena ostensiblement en France et m’enleva Jean Viénot pour deux ans afin qu’il le prenne mieux sur place.

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kelvin et fourier

Quand Kelvin cite Fourier

Tadeusz Sliwa nous propose cet extrait de : « Le mathématicien et le chaman, les yeux fermés« , entretien entre Cédric Villani, Davi Kopenawa, Bruce Albert et Michel Cassé. Catalogue de l’exposition Mathématiques. Un dépaysement soudain, 2011. Paris: Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, pp. 44-51. (livre est écrit en anglais – photo avec jaquette en français)

    « Ce qui fait frémir les mathématiciens, ou qui les met carrément en transe, ce ne sont pas les images ou les arrangements de syllabes, ce sont les relations entre objets mathématiques, les symétries inattendues, les liens invisibles. Des relations si belles que l’on est tout de suite convaincu de leur réalité, frappé par une aveuglante évidence.

     Qu’est-ce qui est beau pour un mathématicien ? ou pour un scientifique ? Lord Kelvin parlait avec émerveillement du « grand poème mathématique » de Fourier. Un poème de concepts, où l’on représente géométriquement les signaux de toute sorte, où même le feu est régi par des équations, où un univers d’une complexité insondable se résume en quelques formules bien senties. La concision, la puissance, le pouvoir explicatif font partie de la beauté mathématique. Les équations aux dérivées partielles sont puissantes car elles résument en un objet compact un monde continu d’une complexité effarante, et elles se retrouvent dans tous les aspects du monde. Les équations aux dérivées partielles, depuis le premier jour du monde jusqu’à la fin du monde… »

Cédric Villani : né le 5 octobre 1973 à Brive-la-Gaillarde (Corrèze), est un mathématicien et homme politique français, directeur de l’Institut Henri-Poincaré de l’université Pierre et Marie Curie et professeur à l’université Claude-Bernard-Lyon-I. Il reçoit la médaille Fields en 2010. Spécialiste de l’analyse, il travaille sur des problèmes issus de la physique statistique (équation de Boltzmann, amortissement Landau), de l’optimisation (problème du transport optimal de Monge) et de la géométrie riemannienne (théorie synthétique de la courbure de Ricci). En juin 2017, il est élu député pour le mouvement La République en marche ! dans une circonscription de l’Essonne.

Davi Kopenawa : Davi Kopenawa est un chef chaman écologiste humaniste porte-parole emblématique international de la communauté d’Amérindiens Yanomami, de la forêt amazonienne du Brésil et de la sauvegarde de la nature et de l’environnement mondial. Il est né en 1956 dans une communauté d’Amérindiens Yanomami en pleine forêt amazonienne et perd rapidement la plupart des membres de sa famille alors qu’il n’est encore qu’un enfant.

Bruce Albert : ethnologue, spécialiste de l’anthropologie amazoniste, auteur du Retour aux sources.

Michel Cassé :  né à Fleurance (Gers) en 1943, est un astrophysicien, écrivain et poète français. Astrophysicien au CEA (Commissariat à l’énergie atomique), et à l’Institut d’Astrophysique de Paris (CNRS), il est spécialisé dans la physique stellaire, la nucléosynthèse, l’étude des rayonnements et la physique quantique. Dans ses ouvrages, il se préoccupe des relations entre l’homme et l’univers, abordant tous les domaines de la connaissance, les philosophies, les religions, et la poésie qui n’est jamais absente.

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Fourier des cordes aux ondelettes

Fourier : des Cordes aux Ondelettes

Fourier :

des Cordes aux Ondelettes

Des cordes aux ondelettes. L’analyse en temps et en fréquence avant et après Fourier. Un inverseur de l’équation de la chaleur de Fourier : le calorimètre à conduction

Bernard Escudié (†), Claude Gazanhes, Henri Tachoire, Vincenç Torra. Préface de Bernard Picinbono. Publications de l’université de Provence, 2002, 482 pages

 

Il y a eu le travail de défrichement de Jean-Pierre Kahane, les récompenses obtenues par Daubechies puis par Meyer ; progressivement, l’analyse harmonique a élargi son influence. Son impact est aussi assourdissant auprès des spécialistes, qu’il est inaudible au grand public.

            Nous avons déjà déploré ici le déficit pédagogique qui confine toute explication des théories de Fourier à un auditoire hyper spécialisé, fin connaisseurs des équations différentielles.

            L’ouvrage peut aider à sortir de ce confinement et donner à entendre l’intérêt et l’étendue des domaines d’application de l’analyse harmonique. On doit se faire une raison, sans bases mathématiques solides, il n’est pas question d’envisager la compréhension de l’analyse harmonique, ici, cependant, la large place faite à la description des méthodes, à l’évolution historique des objets d’étude, les illustrations permettent de toucher du doigt l’importance de cette branche d’étude ; pour le chercheur c’est l’occasion de prendre du recul et de replacer ses recherches dans un cadre plus large.

     L’œuvre de Joseph Fourier constitue une pierre angulaire. Elle joue un rôle pivot par la rupture qu’introduit dans la Théorie de la chaleur une méthode fructueuse qui ouvre la voie aux recherches tant théoriques que pratiques qui vont féconder la science des XIXe, XXe et maintenant XXIe siècles. Par elle, le concept de fréquence, qui trouve son origine au temps de Pythagore, atteint sa maturité ; elle ouvre la voie au traitement du signal, à l’analyse en temps et en fréquence, à la construction d’analyseurs et de synthétiseurs de la parole et de la musique. Les grands progrès théoriques sont illustrés essentiellement par des problèmes d’acoustique. Une large place est faite aux des moyens pratiques qui, avant l’apparition des ordinateurs, ont permis de déterminer les coefficients de la décomposition de Fourier. Chaque système amène son lot d’applications techniques : l’analyseur et le prédicteur de marées de lord Kelvin (187Smilie: 8), l’analyseur de Koenig permettant la visualisation du signal de parole (1867), les systèmes de repérage de sources sonores par l’acoustique (début XXe siècle) entre autres. Du début du XXe siècle aux années 1960, ce champ de recherches profite de l’évolution générale des techniques développées pour les calculateurs analogiques ou numériques.

      Un des mérites des auteurs est de trouver un bon équilibre entre explications techniques et illustrations pratiques qui permettent à l’honnête homme de notre époque de suivre le fil du discours et d’apprécier les vertus pédagogiques de l’exposé.

     Il est appréciable de trouver les éléments biographiques et contributions de scientifiques, d’une kyrielle de chercheurs moins illustres que Fourier ou Kelvin : Blondel (1863-193Smilie: 8), Tian (1880-1972) ou encore Calvet (1895-1966), souvent négligés.

     L’ouvrage montre comment l’évolution du traitement du signal a lancé un grand nombre d’applications et de nouveaux instruments repris dans diverses disciplines, et comment l’analyse spectrale s’est nourrie de concepts émanant de branches de savoir a priori éloignées.

 

Merci à Loïc Petitgirard, La revue pour l’histoire du CNRS, 2003, mis en ligne le 7 mars 2006, consulté le 5 août 2017.

 

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Jean-Pierre Kahane

Jean-Pierre Kahane

La Société Joseph-Fourier en deuil

Jean-Pierre Kahane

Jean-Pierre Kahane, président d’honneur de la Société Joseph-Fourier est décédé. Mathématicien français de renom, professeur émérite à l’université Paris-Sud, Jean-Pierre Kahane est né le 11 décembre 1926 à Paris. Fils du biochimiste Ernest Kahane et le frère du cinéaste Roger Kahane, il est décédé à Paris le 21 juin 2017.

Il fut, en 1972–1973, président de la Société mathématique de France qui lui rend hommage sur son site.  Ancien élève de l’École normale supérieure (promotion 1946), deuxième président de l’université Paris-Sud de 1975 à 1978, il est membre de l’Académie des sciences (section mathématique) depuis 1998. Il fut aussi président de la Mission interministérielle de l’information scientifique et technique (MIDIST) de 1982 à 1986 ; président de l’Union rationaliste de 2001 à 2004 ; directeur de Progressistes, la revue du Parti communiste français consacrée aux sciences, au travail et à l’environnement.

Il œuvra largement à la reconnaissance des travaux de Fourier et contribua largement à en populariser l’emploi. La Société Joseph-Fourier lui en est particulièrement reconnaissante.

Il reçu de nombreux prix et distinctions :

1972 : Prix Servant

1995 : Médaille Émile-Picard

2016 : Grand officier de la Légion d’honneur Grand officier de la Légion d’honneur (commandeur en 2002) ; un colloque a eu lieu cette année-là en son honneur.

On lui doit entre autres :

Séries de Fourier et Ondelettes, avec P.-G. Lemarié-Rieusset (Cassini)

Lectures on mean periodic functions (Bombay, Tata Institute, 1959).

Ensembles parfaits et séries trigonométriques, avec Raphaël Salem (Hermann, 1963).

Some random series of functions (Heath, 196Smilie: 8) (2e éd. revue et augmentée, Cambridge, 1985)

Séries trigonométriques absolument convergentes (Springer, 1970)

« Académie, école et mathématiques », Repères-IREM 53, 2006, p. 56-64.

Le Mathouriste qui l’a connu lui rend ici un hommage plus personnel.

L’Institut de France organise, le 18 décembre 2018 un colloque pour honorer sa mémoire

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Fourier et les académies

Fourier et les Académies

L'Institut de France, 23 quai de Conti

L’Institut de France, 23 quai de Conti

   Pour le grand public, l’Académie se confond avec l’académisme, cet attachement excessif à l’enseignement conventionnel reçu dans une Académie. L’Académie a alors le goût suranné des vieilles choses poussiéreuses. Les rapports de Fourier et de l’Académie (ou plutôt des académies) relèvent d’une tout autre dimension. Joseph Fourier est entré très tôt, dès 1778, sans vraiment s’en apercevoir, bien avant son élection à l’Académie des sciences en 1815, dans l’orbite des Académies et il leur est resté indéfectiblement lié.

Fourier, l’élève brillant repéré par l’Académie

     Joseph Fourier est scolarisé, sans doute dès l’automne 1778, à l’École royale militaire d’Auxerre. Il a dix ans. L’orphelin, va trouver, grâce à cette école, une famille de substitution en l’Académie, à laquelle il restera toujours attaché. Cet attachement explique son passage à Saint-Benoît-sur-Loire, et se manifeste à travers ses élections en 1815, 1816 et 1826.

     C’est en 1775 que le Roi a érigé le collège d’Auxerre en Collège Royal Militaire. Il ouvre à la rentrée de 1776 ; le corps enseignant est constitué de bénédictins de Saint-Maur. En sa qualité de Collège Royal Militaire, le collège est parrainé par l’Académie qui y exerce, dirions-nous aujourd’hui, une mission d’inspection. « Signalons d’ailleurs que c’est l’examinateur, souvent un mathématicien de renom, qui se déplaçait pour interroger les candidats [i.e. : les élèves du collège] sur place. »[1] On peut imaginer que ces cessions d’examen sont l’occasion de contacts fructueux entre les enseignants locaux et des savants de renom. En 1788, Fourier nomme explicitement Lagrange et Condorcet [2]. Les rapports entre l’Académie et le Collège d’Auxerre expliquent comment les travaux du jeune Fourier se trouvent tout naturellement soumis à l’examen critique de l’Académie. En réponse à l’intérêt que suscitent ses travaux auprès des académiciens, tuteurs du Collège d’Auxerre, Joseph Fourier intègre le monastère de Saint-Benoît-sur-Loire, une étape pour devenir professeur comme les enseignants, bénédictins de Saint-Maur, qu’il a rencontrés au Collège.

Fourier dans le creuset de l’Académie

Si quelques membres de l’Académie, à titre personnel, ont eu maille à partir avec les révolutionnaires (Lavoisier et Condorcet n’étant pas des moindres), l’Institution, en temps que telle, est une des rares institutions d’Ancien Régime à avoir traversé la tempête révolutionnaire. Les écoles fondées par la Révolution : l’École normale, l’École polytechnique, que Fourier fréquentera toutes deux, sont impulsées et animées par des académiciens. Au cours de l’expédition d’Egypte, Fourier, au sein de la délégation scientifique, sera en contact étroit avec des académiciens. Durant trois ans sa fonction de secrétaire de l’Institut d’Egypte lui permet d’approfondir les liens qu’il entretient avec les grands noms de la science française.

     Les activités du Préfet de l’Isère auraient pu éloigner Fourier des préoccupations académiques. Il n’en est rien. Dès 1808, il présente à l’Académie des sciences la première mouture de sa Théorie de la chaleur et profite d’un déplacement à Paris pour rencontrer Laplace ès qualité d’académicien, et tenter de le convaincre de la fiabilité des méthodes de calcul qu’il a développées dans ce traité.

       Louis XVIII, qui avait conservé Fourier comme préfet de l’Isère après la première abdication, a pu s’estimer trahi de sa soumission à l’Empereur lors du retour de l’Ile d’Elbe et lui en garder rancune. A l’époque de la Seconde Restauration, Fourier, de retour à Paris, a certainement pris toute la mesure de l’inanité de l’action politique. Libéré de toute charge il renoue vers ses amis académiciens. Les liens tissés au cours des quarante ans passés sont très profonds et solides.

Fourier au service de l’Académie

     L’Auxerrois est en effet élu une première fois académicien libre le 27 mai 1816[3]. Le 29 mai 1816, l’Académie est avisée que le roi Louis XVIII n’approuve pas cette élection. L’Académie obtempère, mais montre cette indépendance des pouvoirs qui lui a permis de traverser la Révolution : ne voulant pas priver d’accueillir dans ses rangs un savant de première grandeur, qu’elle a déjà entendu[4], qui aurait pu tutoyer les plus grands : Lagrange, Euler[5]… et à distance bien sûr (ils n’étaient pas contemporains) d’Alembert[6], Isaac Newton[7] lui-même et qui sera honoré par tous les grands qui viendront après lui[8], elle confirme sa volonté par une nouvelle élection, de plein droit cette fois, le 12 mai 1817, (pour la section de physique générale). Élection confirmée par le roi le 23 mai 1817.

Fourier n’est pas un ingrat. Le reste de sa vie sera consacré, à plein temps, à l’Académie. En 1822, à la mort de Jean-Baptiste Joseph Delambre, il en devient Secrétaire perpétuel pour la section des sciences mathématiques. Cette position lui permet alors de faire publier, sans rien changer à la rédaction de 1811 un peu boudée par des savants dubitatifs quant au bien fondé des méthodes, sa Théorie analytique de la chaleur. [L’avenir donnera raison à Fourier contre Lagrange, Laplace, Monge et Lacroix ; contre Biot et Poisson : les méthodes de calcul qu’il préconise sont légitimes et trouvent de nombreuses applications dans des domaines variés].

En 1826, il est élu à l’Académie Française au fauteuil n° 5.

-:-:-:-:-:-:-:-:-:- Notes -:-:-:-:-:

[1] Daniel Reisz, Claude-Louis Bonard, Bulletin de la Société de Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne, tome 153, 2017, p. 18.

[2] Lettre de Fourier à Bonard 11 mai 1788 : « Je pense bien que sitôt que M. de Montuclas vous aura répondu, vous ne manquerez pas de m’en donner avis. Vous pourriez aussi me mander les nouvelles mathématiques, physiques, astronomiques, etc. M. de Guénadeuc [peut-être Baudoin de Guémadeuc ?] est à portée de vous en instruire. Je voudrois savoir si le marquis de Condorcet a fait imprimer ce qu’on dit qu’il a écrit sur les calculs modernes ; s’il est vrai que lui, M. de la Grange et d’autres académiciens, employeront huit mois de l’année pour visiter les Écoles militaires je ne puis me résoudre à le croire. »

[3] Une classe dite d’« académiciens libres » comporte dix membres qui tout en bénéficiant d’un droit de présence ne touchent pas d’indemnité ; ils sont élus comme les autres académiciens.

[4] « A seize ans et demi je fus nommé professeur de mathématiques à l’école militaire d’Auxerre, les mémoires que j’écrivis 4 ans après et que je lus à l’Académie des Sciences de Paris indiquent assez un goût exclusif pour ce genre de recherche. » Fourier, lettre au député de l’Yonne Villetard, 1795

[5] « Il résulte de mes recherches sur cet objet que les fonctions arbitraires même discontinues peuvent toujours être représentées par les développements en sinus ou cosinus d’arcs multiples, et que les [solutions de l’équation de la chaleur] qui contiennent ces développements sont précisément aussi générales que celles ou entrent les fonctions arbitraires d’arcs multiples. Conclusion que le célèbre Euler a toujours repoussée. » Fourier (1805), cité par I. Grattan-Guinness

[6] « À l’égard des recherches de D’Alembert et d’Euler, ne pourrois-je point ajouter que s’ils ont connu ces développements, ils n’en ont fait qu’un usage bien imparfait, car ils étoient persuadés l’un et l’autre qu’une fonction arbitraire et discontinue ne pourroit jamais être résolue en séries de ce genre. » Fourier , Lettre à [probablement] Lagrange

[7] « Hier, j’ai eu 21 ans accomplis; à cet âge Neuton et Paschal (sic) avaient acquis bien des droits à l’immortalité. » Fourier, lettre à Bonard, professeur de Mathématiques à Auxerre , 1789

[8] Ainsi, Helmholtz « La multiplicité des diverses formes de vibration qu’on peut obtenir ainsi en composant des vibrations pendulaires n’est pas seulement extraordinairement grande; elle dépasse toute limite assignable. C’est ce que le célèbre physicien français Fourier a prouvé dans une loi mathématique, que nous pouvons formuler de la manière suivante, en l’appliquant à notre sujet: toute forme quelconque de vibration, régulière et périodique, peut être considérée comme la somme de vibrations pendulaires, dont les durées sont une, deux, trois, quatre, etc… fois moins grandes que celle du mouvement donné. […] Les amplitudes des vibrations simples composantes […] peuvent être déterminées, ainsi que l’a montré Fourier, par des méthodes de calcul particulières qui ne comportent pas une exposition élémentaire. Il en résulte qu’un mouvement donné, régulier et périodique, ne peut être décomposé que d’une seule manière, en un certain nombre de vibrations pendulaires. »   Helmholtz, Théorie Physiologique de la Musique (1863)

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Intermède monastique pour Fourier

Intermède monastique pour Fourier

A partir de témoignages d’époque, nous tentons ici de cerner l’état d’esprit de Joseph Fourier lorsque, après avoir terminé ses études, il fut novice à Saint-Benoît-sur-Loire.

Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, photo A. Juhel

    En 1787, le jeune Fourier, âgé de 19 ans se présente aux portes de l’abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire. Il va faire connaissance avec la maison mère des religieux qui lui ont donné le désir d’apprendre. Orphelin à l’âge de dix ans, il s’est formé aux études, littéraires d’abord[1], scientifiques ensuite, à Auxerre, dont l’école militaire était dirigé par les bénédictins de Saint-Maur, dépendant de l’abbaye de Fleury.

     Le choix pour l’avenir est restreint : l’entreprise familiale (une échoppe de tailleur) a été démembrée dix ans plus tôt lorsque le père est mort[2] ; son goût pour les études aurait pu le conduire vers une carrière militaire[3], mais son extraction roturière lui en ferme les portes (en cette période prérévolutionnaire, le pouvoir se raidit et n’est pas enclin au laxisme). Pas de carrière militaire donc, reste le noviciat avant des vœux définitifs et la perspective d’enseigner plus tard dans un collège, à l’instar de dom Rosman à Auxerre.

     C’est de son plein gré, en connaissance de cause, que Joseph Fourier a pris le chemin de Saint-Benoît[4], contre l’avis de ceux qui le connaissant, apprécient ses compétences et pensent que ces qualités seront gâchées dans ce couvent où quelques moines animent une communauté sur le déclin, loin du lustre des siècles passés ; Joseph n’a cure de ces préventions et revendique son choix[5]. D’un caractère accommodant, il ne redoute pas les contraintes de la règle bénédictine.

     Les nuits sans sommeil, à étudier les ouvrages de mathématiques[6] en latin, en grec ou en anglais ont détérioré la santé de Joseph. A défaut de progresser dans le savoir, à Saint-Benoît, la régularité de la vie monastique va lui permettre de se refaire une santé[7]. Mais ce qui lui manque très vite, c’est la confrontation au savoir, au savoir vivant, à la recherche. Au collège d’Auxerre, puis en rhétorique à Paris, au lycée Montaigu et à nouveau à Auxerre, en temps que professeur cette fois, il a goûté à la science en train de se construire, au plaisir de comprendre ; il a eu l’occasion d’entendre et de communiquer avec des savants illustres. A Saint-Benoît, il ne trouve dans la bibliothèque qu’ouvrages liturgiques, traités doctrinaux, compilation de vies de saints… pas d’ouvrages de sciences ni de mathématiques[8]. La correspondance permet un maigre lien avec les contemporains qu’il a découverts dans sa vie antérieure, mais elle est souvent décevante : des lettres restent sans réponse[9], les mémoires adressés aux académiciens se perdent[10].

            Les mois passent, le noviciat de Joseph s’achève ; le futur moine qui a fait le tour de ce que peut lui offrir l’abbaye est un peu déprimé[11]. Il se préoccupe encore de mathématiques, mais le cœur n’y est plus[12], il sent que de ce côté l’avenir lui échappe et note ironique et désabusé au bas d’une lettre où on le voit préoccupé de ses travaux sur la résolution des équations indéterminées : « Hier j’ai eu 21 ans accomplis. A cet âge Neuton et Paschal avoient acquis bien des droits à l’immortalité. »[13].

     Le bruit de l’orage révolutionnaire qui gronde est vaguement perceptible derrière les murs de l’abbaye[14][15]. Pourtant, deux semaines avant que Joseph prononce ses vœux définitifs, en novembre 1789, le siècle s’impose aux congrégations religieuses[16]. On peut penser que c’est sans grand regret que Joseph abandonne le morne quotidien de la vie conventuelle. Il revient à Auxerre et reprend pour un temps du service dans l’établissement où il s’est formé, devenu collège. Collège, dont maîtres et élèves vont participer du bouillonnement révolutionnaire et, Joseph, bon orateur, auréolé du prestige de ses brillantes études, va tout naturellement se trouver propulsé au cœur de l’action et devenir, grâce à sa faconde, le porte-parole des Auxerrois acquis à la Révolution. La page de Saint-Benoît est définitivement tournée.

[Les lettres de Joseph Fourier adressée à Bonard ont été léguées à la ville d’Auxerre par son fils Alphonse vers 1858, années où elles furent publiées dans le bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne ; elles sont conservées à la Bibliothèque Municipale d’Auxerre que nous remercions de nous avoir permis de les consulter. Celle du 22 mai 1788 dont nous avons extrait beaucoup des renseignements rapportés ici  comporte trois pages [1][2][3].]

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Toute sa vie Joseph Fourier a fui les affrontements, leur préférant les compromis gagnant-gagnant établis à partir d’une analyse objective des situations de conflits. Joseph Fourier n’a jamais été un rebelle, il va se plier docilement à la règle et la suivre pendant deux ans. L’acceptation de la règle n’est pas gage d’une croyance religieuse très enracinée : rien dans les documents qui nous sont parvenus ne laisse penser que Fourier fut croyant très engagé.  En témoigne Champollion-Figeac qui le connut préfet de l’Isère : « Il est certain que Fourier parlait avec plaisir d’un saint de son nom et de sa famille, le bienheureux Pierre Fourier, surnommé le père de Matincourt, fondateur de l’ordre des religieuses chanoinesses chargées de répandre l’instruction parmi les jeunes filles, et qui mourut en 1640. Il me sut quelque gré de lui avoir procuré le portrait du saint homme béatifié par le pape Innocent X, et son histoire, énumérant ses miracles, imprimée plusieurs fois en français et en latin, à Paris et à Augsbourg.

Fourier montra le portrait du bienheureux au roi d’Espagne Charles IV, amené aussi par les révolutions, comme les papes Pie VI et Pie VII, dans l’hôtel de la préfecture à Grenoble. La nécessité de se tirer d’un grand embarras, et non pas la vanité, inspira cette démarche singulière à Fourier. Il avait fait meubler avec les soins les plus attentifs, les plus prévoyants, les appartements du roi et de la reine d’Espagne ; mais à l’heure du coucher, le roi fit demander à Fourier de lui prêter son crucifix ; on avait oublié de placer ce signe religieux dans la chambre du roi ; il était onze heures, il fallut courir à l’Église voisine qui était fermée, et en attendant Fourier alla porter ses excuses au roi sous la protection de son saint arrière-grand-oncle»

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A l’attention du lecteur : Le site du Mathouriste consacre un large chapitre à la vie et à l’œuvre de Joseph Fourier. Le lecteur curieux pourra le consulter avec fruit.

[1] Arago (18/11/1833 – Eloge funèbre de Joseph Fourier) : « Fourier fut admis à l’étole militaire que dirigeaient alors les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Il y fit ses études littéraires avec une rapidité et des succès surprenants. Plusieurs sermons fort applaudis à Paris dans la bouche de hauts dignitaires de l’Église, étaient sortis de la plume de l’écolier de douze ans. Il serait aujourd’hui impossible de remonter à ces premières compositions de la jeunesse de Fourier, puisqu’en divulguant le plagiat il a eu la discrétion de ne jamais nommer ceux qui en profitèrent. »

[2] Archives de l’Yonne, BMS (1760-1791), 5 Mi 106/6, vue 137. Eglise Saint-Pèlerin d’Auxerre : « Le 2 avril 1778, a été inhumé Joseph Fourier, âgé d’environ 55 ans, tailleur d’habits de profession, demeurant ordinairement sur la paroisse de Saint-Regnobert et trouvé dans l’eau près les Grands Moulins. La justice ayant déclaré que l’inhumation serait faite le même jour et dans cette église, en présence de ses enfants, parents, amis et voisins qui ont signé ou déclaré ne savoir le faire de ce requis. Lesquels nous ont aussi déclaré qu’il était veuf en dernière noces de Germaine LEBEGUE. [Signent :] COLOMBAT ; BENOIST ; BERTELLEMIS ; LEBRIS. TIXIER ; CARRÉ ; F. MARTIN ; DUFRESNE, prieur de Saint Pellerin. »

[On peut raisonnablement conjecturer que le père de Joseph -déprimé après le décès en 1776 de son épouse ?- a mis fin à ses jours. Le libellé peut être  comparé avec le libellé d’une inhumation ‘ordinaire’ rédigée par le même desservant] : « Le 29 septembre [1777] est décédé en cette paroisse Edme JOINON, arpenteur, veuf d’Anne BOURTIN, âgé de 77 ans, muni des sacrements de l’église et a été inhumé au cimetière avec les cérémonies ordinaires en présence de ses trois fils et autres parents soussignés avec nous. »

[3] [11 mai 1788, lettre de Fourier à Bonard :] « Dans [cette] école militaire dirigée par des moines, l’esprit des élèves ne devait guère flotter qu’entre deux carrières : l’Église et l’épée. Ainsi que Descartes, Fourier voulut être soldat ; comme Descartes, la vie de garnison l’eût sans doute bientôt fatigué; on ne lui permit pas d’en faire l’expérience. Sa demande à l’effet de subir l’examen de l’artillerie, quoique vivement appuyée par notre illustre confrère Legendre, fut repoussée avec un cynisme d’expressions dont vous allez être juges vous-mêmes : « Fourier, répondit le ministre, n’étant pas noble, ne pourrait entrer dans l’artillerie, quand il serait un second Newton ! » [Arago]

[4] [11 mai 1788] : « En somme je suis loin jusqu’ici de me repentir d’une démarche que j’ai faite contre l’avis de bien des personnes. »

[5] [11 mai 1788] : On m’a fait quelquefois la grâce de me pardonner un silence trop long; j’espère de vous la même indulgence. Cette maudite qualité me suit partout, vous la nommerez comme vous voudrez; tant il y a que j’aime et que j’estime infiniment les personnes et que je ne leur écris pas. Au reste je ne fais tort qu’à moi, c’est un plaisir de moins et vous savez que j’ai fait trêve avec le plaisir. Je me permettrai peu de détails sur ma situation présente sunt bona mixta malis. J’assiste aux Éludes aux classes, aux récréations, aux leçons d’arithmétique nous sommes bientôt aux fractions toutes ces minuties et mille autres ne me rendront ni moins content ni moins heureux. Je n’ai pas voulu me consacrer aux plaisirs, mais bien à l’étude et à la religion. L’estime et l’amitié consolent de tout.

[6] [11 mai 1788] : « J’ai fait des mathématiques et des sciences une étude si exclusive, qu’il ne me reste pour la littérature que du goût et très peu d’acquit. »  On peut penser que Fourier a lu (en anglais) Maclaurin et  Saunderson ; quant au latin, sur le portrait du Musée d’Auxerre où il est représenté en habit de préfet habit de préfet, on devine derrière lui Platon et Cicéron alors qu’il tient à la main les Principia de Newton.

[7] [11 mai 1788] : Je paye avec usure à Morphée toutes les nuits que je lui ai dérobées à Auxerre il ne reste plus le temps de vivre quand on dort 8 heures et ce ne sont pas là les nuits de Descartes. Ma santé est aussi bonne qu’elle peut l’être le repos et la régularité de la vie contribueront sans doute à l’améliorer.

[8] [22 mars 1789, lettre à Bonnard :] Un malheur bien plus sensible pour moi, c’est le manque de livres. N’est-ce pas être condamné à l’ignorance que de ne pouvoir lire d’autres ouvrages que les siens. C’est une privation dont toute la philosophie ne peut consoler. Je n’ai de livres à lire qu’un chétif exemplaire de Montagne auquel il manque des feuillets que je suis réduit à deviner; je m’occupe un peu de grec; vous croirez bien que c’est plutôt pour lire Euclide et Diophante que Pindare et Démosthène.

[9] [11 mai 1788] : J’attends des nouvelles. Je serai charmé de connaître l’avis des géomètres.

[10] [11 mai 1788, lettre de Fourier à Bonard :] « J’ai examiné votre solution de cette petite question d’analyse, elle est très élégante; le résultat est conforme au mien, et ne l’est guère à celui de M. de Guistiniani; il faut l’en consoler malignement je lui écrirai peut-être ces jours-ci; je voudrais savoir comment il s’acquitte de son nouvel emploi, quel est à ce sujet votre avis et celui de dom Laporte et de ses écoliers. Je ne sais encore si je pourrai vous envoyer, par l’occasion qui se présente, un certain mémoire que je ne puis en conscience garder plus longtemps, car il est bien à vous, je ne l’oublie pas. »

[11] [septembre 17789 :] Ma santé n’est pas brillante, j’ai toujours l’estomac bien faible et le sommeil difficile depuis cinq semaines. Je pense quelquefois que j’ai acheté bien cher de bien frêles connaissances et dont j’aurai peine à trouver du débit.

[12] [22 mars 1789 :] J’ai encore travaillé ces méthodes d’élimination; il n’est pas difficile de reconnaître combien celles dont on fait usage sont défectueuses, mais il l’est beaucoup de leur en substituer de meilleures. Vous voyez bien qu’il faudroit que j’eusse sous les yeux l’ouvrage de M. Bézout sur le même sujet. Seul et sans secours on peut méditer mais non découvrir souvent de fuir les hommes on en devient meilleur, mais non plus savant ; le cœur y gagne et l’esprit y perd.

[13] Lettre datée du 22 mars 1789. L’orthographe des noms propres ‘Neuton’ et ‘Paschal’ est peut-être conforme aux usages de l’époque ;  on peut penser aussi que Fourier indique  comme un clin d’œil à son ancien professeur, avec cette orthographe inusitée qu’il ne faut pas prendre la remarque à la lettre. Fourier était-il capable d’une ‘blague’ de potache de cette sorte ?

[14] [11 mai 1788] : Quant aux nouvelles politiques qu’on se batte qu’on se déchire, etc.

[15] [22 mars 1789 :] Dans le moment où tout retentit de la nouvelle du jour, vous n’attendez cependant pas de moi que je vous en entretienne; il n’y a pas longtemps que je sais que les États se tiendront à Orléans, et je l’ignorerois peut-être encore, si je ne savais que le Père prieur y est actuellement pour contribuer à l’élection.

[16] L’Assemblée constituante, par décret du 2 novembre 1789 met les biens de l’Église, dont les biens des congrégations, à la disposition de la Nation : La motion Talleyrand-Mirabeau fut adoptée par 568 voix contre 346 voix, il y eu 40 votes nuls et environ 300 députés absents ou émigrés à l’étranger. La motion décrétait en ces termes : « Que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation, à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d’après les instructions des provinces. »

Par le décret du 13 février 1790, elle interdit les vœux monastiques et supprime les ordres religieux réguliers. Le décret concerne 100 000 membres du clergé non rattachés à une paroisse, soit les deux tiers du clergé considéré comme non « utile ». Les critères d’« utilité » étaient les sacrements et le soin des âmes, l’enseignement, les soins aux malades et infirmes et les secours aux indigents. La Convention, par le décret du 18 août 1792 supprime les congrégations séculières, principalement enseignantes et hospitalières. [voir ici]

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Yves Meyer au-delà de Joseph Fourier

© Yves Meyer – B. Eymann – 2015 Andrew Ostrovsky

Fourier, un programme toujours actuel

et un chercheur couronné :  

Yves Meyer, prix Abel 2017

 

     Le chercheur de l’École normale supérieure, Yves Meyer, reçoit le prix Abel 2017 pour « son rôle crucial dans le développement mathématique de la théorie des ondelettes ». Les travaux qui lui valent cet honneur se situent donc dans le droit fil des travaux de Joseph Fourier.

     L’Académie norvégienne des sciences et des lettres vient d’attribuer le prix Abel 2017 au mathématicien Yves Meyer, de l’Ecole Normale Supérieure. Ce prix est attribué pour l’ensemble d’une œuvre ; l’Académie norvégienne des sciences et des lettres dans son annonce précise cependant qu’il a été donné « pour son rôle majeur dans le développement de la théorie mathématique des ondelettes ». Le site images des mathématiques a rendu compte de cet événement.

     C’est la quatrième fois que ce prix de 675 000 euros, soit 6 millions de couronnes norvégiennes, attribué chaque année depuis 2003, récompense un mathématicien français. Yves Meyer, membre de l’Académie des sciences en France et membre associé de la NAS, académie des sciences des Etats-Unis, est déjà récipiendaire de nombreux prix dont le prix Gauss de l’Union mathématique internationale. Yves Meyer a d’abord travaillé sur des problèmes en théorie des nombres avant de s’intéresser à l’analyse harmonique, qui consiste à décomposer un objet mathématique complexe en une série d’ondes plus simples. Il a ainsi participé à la construction de la théorie des ondelettes avec Jean Morlet, Alex Grossmann, Ingrid Daubechies et Stéphane Mallat. Yves Meyer s’est ensuite intéressé à des problèmes mathématiques liés à la mécanique des fluides. Comme le rappelle une biographie publiée par l’Académie des Sciences lors de l’annonce de son prix.

     Pour faire connaissance avec Yves Meyer, il est aussi possible de suivre une conférence qu’il a donnée en 2000  sur la révolution numérique et les ondelettes, conférence qui est conservée à l’Université de tous les savoirs. Dans cette vidéo, en introduction à son exposé, le conférencier lit deux pages extraites du discours préliminaire à la Théorie de la chaleur qu’il nous présente comme un programme proposé dès 1822 aux futures générations de savants pour explorer l’univers par l’analyse mathématique et dont on recueille aujourd’hui les fruits. C’est un vibrant hommage qui est rendu à Fourier, une filiation pour les travaux menés.

     Nous avons déjà évoqué ici les travaux d’Ingrid Daubechies. Rappelons brièvement, sans entrer dans des explications détaillées, le principe des ondelettes et pour ce faire nous suivrons Marie Farge et Stéphane Jaffard dans leur présentation des Ondelettes. L’analyse de Fourier donne accès aux fréquences étudiées, mais ne permet pas de connaître l’instant d’émission ni sa durée [l’analyse d’un thème musical rendra compte des divers instruments, mais indiquer quand et suivant quelle durée chaque instrument intervient]. L’analyse par ondelettes donne accès aux instants d’émission et à leur durée, par contre, elle est imprécise sur l’ordre de grandeur des fréquences [dans notre thème musical on sait quand et combien de temps chaque instrument joue, mais sans savoir quelles notes]. L’utilisation de fenêtres glissantes permet l’accès aux trois paramètres fréquence, instant d’émission, durée. La précision peut être améliorée par l’utilisation de fenêtres adaptatives.

Un exemple trouvé ici de résultats du traitement du signal obtenu par ondelettes (wavelet).

De nombreux auteurs travaillent dans ce domaine ;

toujours actuel, citons le livre de Gasquet et Witcomski, paru en 2001 chez Dunod.

 

 

 

Ou encore sur le Net le cours de Valérie Perrier  : Application de la théorie des ondelettes, Laboratoire de Modélisation et Calcul de l’IMAG, Institut National Polytechnique de Grenoble (Enseignement UNESCO, Traitement du signal et des images numériques, Tunis, ENIT, 14-18 mars 2005)

 

 

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Fourier sur la lune

Le quotidien auxerrois l’Yonne Républicaine honore Joseph Fourier dans son édition du 9 mars 2017 à l’occasion du bicentenaire de son admission à l’Académie des sciences. L’angle choisi par Grégoire Molle pour la présentation en une est un peu insolite ; il incite le lecteur à se rendre en pages intérieures pour y découvrir un rappel assez complet de ce qui doit être porté à la gloire de Joseph Fourier.

Un Auxerrois a fait

son trou sur la lune

Grégoire Molle – gregoire.molle@centrefrance.com

   

YR-9 mars 2017, une

Insolite : Un cratère lunaire a pris le nom du scientifique Joseph Fourier, né à Auxerre au XVIIIe siècle. Plus de 1 500 cratères de la lune portent un nom. L’un d’eux est baptisé du nom de Joseph Fourier, mathématicien né dons la ville d’Auxerre.

Environ 10 % des cratères lunaires ont été baptisés du patronyme de personnalités françaises. Parmi eux, un Icaunais, né à Auxerre le 21 mars 1768 : Jean-Baptiste Joseph Fourier.

Les travaux scientifiques du mathématicien auxerrois ont notamment concerné la propagation de la chaleur. Il a montré que cette propagation, dans les corps solides, peut être analysée à travers des séries mathématiques qui portent son nom, d’après l’encyclopédie Britannica.

     Trente Français : En plus de ces séries, un cratère porte également le nom de ce scientifique depuis la première moitié du XIXe siècle, quand deux astronomes de l’époque, Wilhelm Beer et Johann Heinrich Mädler élaborent une carte du satellite de la Terre. Trente noms de Français figurent alors parmi ceux présents sur cette carte, affirme Jean-Michel Faidit, qui a détaillé ses recherches dans le livre Ces Français dans la Lune.

La nomenclature officielle des noms de cratères lunaires est créée en 1935 par l’Union astronomique internationale (UAI), une organisation dont les 12 727 membres sont des astronomes professionnels. C’est cette institution qui est, encore actuellement, responsable nommer les cratères de la Lune. Aujourd’hui, 164 de ces cavités sont nommées d’après des Français, et deux d’après des Françaises, dont Marie Curie.

Jean-Baptiste Joseph Fourier est considéré comme l’un des premiers scientifiques à avoir écrit sur les principes de l’effet de serre. Son Mémoire sur les températures du globe terrestre et des espaces planétaires « est effectivement considéré aujourd’hui comme portant les bases de la compréhension de l’équilibre thermique des atmosphère planétaires », écrit Jean-Louis Dufresne, membre du Laboratoire de météorologie dynamique, dans son article Jean-Baptiste Joseph Fourier et la découverte de l’effet de Serre.

     Des chercheurs : « Il a vraiment posé les bases de ce qu’on appelle la physique du climat », affirme l’auteur de cet écrit. Les chances de nommer un cratère lunaire sont faibles. Rose Hayward, qui gère la base de données pour un groupe de travail dédié à la nomenclature du système planétaire, affilié à l’UAI, dit que ce sont généralement les chercheurs qui proposent ces noms. «  Bien que le public puisse tout à fait suggérer des noms, le nombre de noms suggéré est bien supérieur au nombre de noms nécessaires », écrit-elle dans un courriel.

L’héritage de Fourier

reste d’actualité

Cette année marque le 200e anniversaire de l’entrée du scientifique Jean-Baptiste Joseph Fourier à l’Académie des sciences. Né à Auxerre, où il fut élève et professeur à l’École royale militaire locale, Jean-Baptiste Joseph Fourier a donné son nom à un lycée et à une rue de sa ville natale.

En 1789, le scientifique présente un mémoire sur la résolution d’équations algébriques, devant l’Académie des sciences, selon le site Internet de cette institution. En 1812, l’Institut national des sciences et des arts récompense ses travaux sur le mouvement de la chaleur dans les corps solides par le grand prix de mathématiques de l’Institut.

En 1817, Jean-Baptiste Joseph Fourier est élu et confirmé comme membre de l’Académie des sciences, dont il devient secrétaire perpétuel pour les sciences mathématiques en 1822. Près de dix ans plus tard, le scientifique entre à l’Académie française. Il était également membre de la Royal Society of London.

Le scientifique a parfois suscité l’indignation de ses pairs, rappelle Jean-Pierre Kahane, membre de l’Académie des sciences et auteur de l’article Le retour de Fourier. Ses travaux sur les fonctions et les intégrales trigonométriques étaient « très mal admis par une partie des mathématiciens de cette époque, » assure-t-il.

L’héritage du scientifique peut être trouvé dans les mathématiques, les sciences physiques, ainsi que dans la biologie. «On ne connaîtrait pas la structure des ribosomes si on n’avait pas mobilisé l’analyse de Fourier pour ça, d’après Jean-Pierre Kahane. Il y a maintenant une découverte de tout ce que Fourier a fait» et était resté méconnu, continue-t-il. Pour lui, le rapprochement récent des mathématiques et des sciences physiques peut expliquer la réhabilitation de Fourier, qui a travaillé dans ces deux domaines.

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Jules Verne : Dans Autour de la Lune, Jules Verne fait dire à Barbicane que le moment est venu de « vérifier la température de l’espace, et voir si les calculs de Fourier ou de Pouillet sont exacts. »

Un chiffre : 4,55 en milliards d’années, l’âge de la Terre, établi notamment grâce à l’équation de la chaleur due à Joseph Fourier.

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Victor Cousin et Joseph Fourier

Victor Cousin et Joseph Fourier

Victor Cousin a succédé à Joseph Fourier au siège numéro cinq de l’Académie française. Suivant la tradition, à sa prise de fonction, il a prononcé un éloge de son prédécesseur. Victor Cousin a fréquenté Joseph Fourier entre 1825 et 1830. Outre l’éloge, on retrouve dans l’édition de ses œuvres complètes les souvenirs qu’il a gardé de Joseph Fourier sous forme de  Notes additionnelles.

Victor Cousin

   Les notes additionnelles sont beaucoup plus riches et documentées que l’Eloge. Les détails qu’elles fournissent, quand ils ne sont pas de première main, sont puisés aux meilleures sources. Manifestement, elles ont alimenté les biographies ultérieures de Joseph Fourier. Elles se divisent en six notes :

  1. Jeunesse de M. Fourier jusqu’a son départ pour l’Egypte.
  2. M Fourier en Egypte, et la préface de la description de l’Egypte
  3. M. Fourier, préfet de l’Isère.
  4. 1814 a 1815. Les Cent Jours. Bureau de statistique de la préfecture de la Seine. L’Académie des sciences. L’Académie française.
  5. Mes relations avec Fourier pendant les dernières années de sa vie.
  6. De la Théorie de la chaleur.

            Sur ce site, nous avons évoqué comment les calculs de Fourier s’introduisirent dans la détermination de l’âge de la Terre. Fourier lui-même ne s’est, jamais exprimé sur ce point et, après sa mort, en 1830, Arago dira : « …parmi les formules de Fourier, il en est une, destinée à donner la valeur du refroidissement séculaire du globe, et dans laquelle figure le nombre de siècles écoulés depuis l’origine de ce refroidissement. La question, si vivement controversée, de l’ancienneté de notre terre, même en y comprenant sa période d’incandescence, se trouve ainsi ramenée à une détermination thermométrique. Malheureusement ce point de théorie est sujet à des difficultés sérieuses. D’ailleurs la détermination thermométrique, à cause de son excessive petitesse serait réservée aux siècles à venir.»

     La discrétion d’Arago et de Fourier s’explique en se replaçant dans l’esprit de l’époque : l’église s’en tient encore à la lettre de ce qui est écrit dans la Bible. L’exégèse du moine, Ussher, dans les années 1650, avait fixé à 4004 avant Jésus-Christ la date de la Création. On comprend combien le mot prêté à Bonaparte : « Du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent. » est iconoclaste. Bonaparte disait à sa manière que le travail Jéhovah de créant l’homme et la femme au jardin d’Eden a sans doute été perturbé par les coups des carriers qui à la même époque bâtissaient les pyramides.

     Les compétences de Fourier en matière de calcul laissent penser qu’il a pu tenter un essai de datation. Fourier garde là-dessus un silence pudique, mais il s’ouvre tout de même des résultats à Victor Cousin qui écrit dans sa sixième note additionnelle : « Voulez-vous savoir, en effet, combien à peu près cette matière enflammée que fut la terre à son origine, a pu mettre de temps à se refroidir dans un degré appréciable ? Supposez-la échauffée à telle température qu’il vous plaira d’imaginer, et devinez ce qu’en ce cas il lui faudra de temps pour se refroidir tout juste autant que le ferait en une seconde une sphère d’un mètre de diamètre semblablement composée et semblablement échauffée. Quel nombre d’années répond, pour notre terre, à la seconde pour cette petite sphère ? Douze cent quatre-vingt mille années. Voilà pour nous l’équivalent de cette seconde. »

1 280 000 ans pour que la Terre se refroidisse de la même façon que le ferait une sphère d’un mètre de diamètre en une seconde. Nous sommes bien dans un ordre de grandeur actuellement admis pour l’âge de la Terre. Cette évaluation était absolument inadmissible du vivant de Joseph Fourier.

 

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