Délibération du comité d’éthique éducative, XXIIe siècle.

Président * (P): – Le secteur recherche et développement souhaite nous proposer un nouveau projet pour lequel il désire un avis du comité d’éthique éducative.

Spécialiste d’éthique du secteur recherche et développement (RD) : – Voici le projet que nous soumet le comité d’éthique :

Cas : Le secteur recherche et développement se propose de développé de nouveaux humanoïds : les bioborgs. Ceux-ci sont constitués à partir de cellules vivantes artificielles et de composants electroniques. Les bioborgs sont donc comme des cyborgs, mais à l’origine ils ne sont pas composés à partir d’être humains, mais à partir de cellules de synthèses contenant de l’ADN artificiel. Les bioborgs sont des êtres dotés de conscience de soi. La question qui se pose est de savoir si les bioborgs pourront ressortir des conventions relatives aux droits humains, ce qui voudrait dire par exemple qu’ils seraient pourvu d’un droit à l’éducation par exemple. Les bioborgs se développent comme des êtres humains. Ils passent donc par l’enfance.

RD : – De notre point de vue, les bioborgs devraient bénéficier des droits humains dans la mesure où pour nous il ne nous semblent pas différents des êtres cyborgs ou être humains bioniques. La seule différence entre le bioborg et le cyborg humain, c’est que le bioborg n’a pas été conçu à partir de cellules humaines naturelles, mais à partir de cellules vivantes artificielles. Le bioborg est capable de ressentir de la souffrance et du plaisir. Il peut éprouver des émotions. Il est doté d’une conscience de soi. Il a également une intelligence générale et non pas spécialisée comme dans le cas des IA faible. De ce fait, il n’y a pas de différence ontologique pour nous entre le bioborg et le cyborg. Or nous accordons des droits humains au cyborg.

Défenseur des droits humains (DH) : – C’est une question épineuse. Tout le problème est de savoir si le bioborg est assimilable à un être humain et peut-être doté de droits comparables aux êtres humains. Ou si le bioborg peut-être certes dotés de droits, qui ne sont pas les mêmes que les êtres humains. La question est de savoir si les bioborgs sont assimilables aux êtres humains.

P : – Dans ce cas, y-a-t-il selon vous des différences entre le bioborg et l’être humain ?

DH : – Le bioborg a-t-il un génôme comme les êtres humains ?

RD : – Le bioborg a un génome, mais il est artificiel. C’est une forme de génome humain artificiel. Certains éléments qui n’ont pas été reconstitué artificiellement sont produits sous formes de composant électroniques.

DH : – Il me semble que les êtres humains ne naissent pas en étant des cyborgs. Les êtres humains ont des expériences entièrement biologiques, avant peut-être de devenir des cyborg dans certains cas.

RD : – Il existe des cas, lorsque l’enfant dès la naissance est atteint de certaines maladies, où nous avons recours à des opérations, qui le transforment en cyborg. Dans ce cas, il a des expériences cyborg dès sa naissance. Pour autant, nous ne refusons pas de le considérer comme un être humain.

DH : – Pour autant, je me demande vraiment si les bioborgs pourront avoir le même type de monde vécu que l’être humain. Peut-être effectivement pourront-ils des êtres conscients doués de raison. Mais pour autant, cela ne veut pas dire qu’ils auront le même monde intérieur qu’un être humain. Cela pour la simple raison que nous faisons déjà une différence entre le bioborg et l’être humain.

RD : – Est-ce que vous ne créez pas une humanité par trop unifiée ? Les êtres humains peuvent avoir également un monde vécu différent en fonction de leur cultures ou du fait d’être un homme ou une femme par exemple. La différence entre le cyborg et le bioborg est peut-être de même nature qu’entre l’homme et la femme, guère plus différente. Pour autant, nous ne nions pas que les hommes et les femmes appartiennent au genre humain.

P : – Le philosophe Kant considérait que ses théories concernant la raison pratique (ce qui veut dire la philosophie morale) était valable pour tout être raisonnable, ce qui veut dire pour des anges sans corps, comme pour des formes de vie extra-terrestres intelligentes. Peut-être que Kant aurait pu considérer que les bioborg auraient pu être considérés comme des êtres dotés d’une dignité plutôt que comme des choses. Mais ce que nous pose comme question le cas des bioborgs, c’est ce qui ferait la différence entre un être humain et un bioborg. Est-ce que cette différence ne tient qu’au fait que l’être humain est un partie un être naturel (même quand il est un cyborg), alors que le bioborg est entièrement artificiel ? Par les termes naturels et artificiels, j’entends dans un cas qu’il est apparu sous l’effet de l’évolution naturelle dans un autre cas, il est un production intentionnelle de l’être humain.

DH : Il me semble que c’est là que se trouve une différence importante. En effet, l’être humain n’est pas crée avec une intention humaine consciente comme un objet ou une œuvre d’art. Dans le cas du bioborg, il est né d’un désir humain conscient. Il s’agit pour l’être humain de se prouver qu’il peut créer un être vivant comparable à l’être humain. Il y a un désir démiurgique dans la création du bioborg.

RD : – En même temps, nous parents nous ont conçus et ils orientent également en partie notre existence par leurs choix. En outre, nous admettons une forme « d’eugénisme libéral »1. Les parents, s’il le souhaitent peuvent aller dans des centres de sélection qui leur permet de choisir des caractéristiques génétiques de leurs enfants : le sexe, la couleur des cheveux ou des yeux par exemple. Je ne vois pas une grande différence avec la création des bioborg.

DH : – Il me semble tout de même qu’il y a une différence de fond. Les bioborg constituent la création d’une nouvelle espèce d’être qui n’est pas à l’origine le produit de la selection naturelle.

RD : Soit, mais en quoi au quotidien, cela constitue-t-il une différence ? Pour moi, le bioborg au cours de son existence ne se distinguera pas vraiment d’un cyborg. C’est en cela que le bioborg doit pouvoir bénéficier des mêmes droits que les êtres humains.

P : – Je crois qu’il y a une différence de niveau de débat entre vous deux. J’ai l’impression que vous ne vous opposez pas tant sur le fait d’accorder ou non des droits, comparables aux humains, au bioborg. En revanche, là où vous ne vous accordez pas, c’est sur le fait de savoir s’il existe une différence ontologique entre le bioborg et l’humain. Il me semble que pour DH, le fait que le bioborg ne soit pas à l’origine un produit de l’évolution naturelle, mais une création humaine artificielle, introduit une différence existentielle dans l’être- là du bioborg.

————————————————————————————————————————

NB : Etres science-fictionnels :

Bioborg : Humanoid né de l’hybridation entre des cellules vivantes artificielles et des composants electroniques.

Cyborg : Hybridation entre l’être humain et la machine.

Posthumain : Le posthumain est un dépassement de l’être humain dans un autre être qui peut être obtenu par hybridation avec la machine et/ou avec d’autres êtres vivants (ex : animaux, aliens).

Robot humanoid : Robot ayant une apparence humaine sur le plan physique.

Transhumains : Humain augmenté sur le plan cognitif et/ou physique. Le transhumain peut ne plus craindre la maladie, la vieillesse ou la mort.

1Référence au philosophe Jurgen Habermas.