L’énigme insoluble

Un monologue, une psychologie exacerbée, une réflexion sans pareille : c’est ce que nous propose Cédric Bonfils dans sa pièce : Votre regard. Une pièce aussi géniale que complexe.

Tout au long de celle-ci, on nous propose une réflexion : mais que se passe-t-il ? Du début à la fin de cette pièce la même réflexion : mais qu’est-il arrivé à cette femme : cette femme qui a crié, pleuré, et qui maintenant est allongée, seule, sur le canapé dans son appartement ?

Et puis il y a cet immigré, à ces côtés, qui parle d’elle sans même la connaître. Un immigré au bord du gouffre : sans papier, sans toit : sans attache. Il semble au bord de la psychose. On décèle pourtant chez lui une intuition démesurée.

Et puis il y a tous ces détails : elle a un enfant, une vie bien remplie, un appartement, apparemment pas de mari. Mais est-ce cela la réalité ? Nul de nous ne peut le savoir. On se base uniquement sur la perception et l’intuition du narrateur.

On découvre durant la lecture de cette oeuvre deux personnages mais vus par un seul des deux, deux personnages qui n’ont presque rien en commun hormis cette part d’eux qui en fait des êtres humains en proie à la souffrance, la solitude, ou la peur.

Néanmoins on constate un tour de force remarquable de la part du dramaturge qui tout au long de la pièce, nous amène à nous demander : 

  1. Est-elle décédée ou dort-elle simplement ?
  2. Si elle est décédée : comment est-elle morte ?
  3. L’a-t-on tuée ?
  4. S’est-elle tuée ? Avait-elle des problèmes ?
  5. Était-elle un problème ?
  6. Pourquoi cet homme est-là ?
  7. Qui est-il réellement ?

 Que s’est-il passé ? 

Votre regard, mise en scène de Guillaume Béguin, représentation au théâtre Poche de Genève ( du 2 octobre au 5 novembre 2017). 

Source : http://www.leprogramme.ch/theatre/votre-regard/sloop4%C2%A0murmures/geneve/poche-gve

En finissant cette pièce de théâtre on a une impression de vide, comme s’il manquait une pièce au puzzle, et c’est là que notre esprit commence à vagabonder. Un semblant de casse-tête chinois qui libère l’esprit tout en le faisant imploser de questions.

J’ai vraiment adoré cette lecture grâce notamment à l’usage d’un seul narrateur, qui devient le seul et unique personnage, mais aussi grâce à sa propre perception des choses qu’il apporte tout au long de l’oeuvre. J’ai beaucoup apprécié également la psychologie apportée au personnage. Un véritable coup de cœur pour l’humanité présente : différente chez chacun mais semblable à tout être humain.

Je recommande cette pièce à tous ceux qui aiment réfléchir et qui aiment la complexité que peut receler une œuvre, ou encore à ceux qui aiment le mystère poussé à son paroxysme…

Bonfils, Cédric. Votre regard. Espaces 34, 2016. 33 p.

Marie-Jeanne DÉMOLIN 1L

 

Je déteste, Tu détestes, Il déteste… Est ce que vous détesterez ?

Comment donc puis-je vous parler de cette oeuvre que je ne qualifierais pas comme telle ! Occident ou la pièce où l’on retrouve le plus de personnages racistes, xénophobes… Cette pièce où l’on parle du proxénétisme comme de la violence, de l’alcoolisme ou encore d’une crise maritale renforcée par une crise de la quarantaine des deux côtés. Mais Occident c’est avant tout, un homme, une femme, beaucoup de vulgarité… Même constat que pour Alpenstock du même dramaturge : un pièce difficile à comprendre, et surtout à suivre !

Mais pourquoi, me direz vous, outre le fait qu’il y ait la présence d’un vocabulaire peu soutenu, détestes-tu cette pièce ?

Je n’aurai qu’une seule réponse à donner : Tant de vulgarité pour si peu de contenu, je trouve cela affligeant ! Les descriptions des personnages ne m’ont pas beaucoup plus emballé ! Entre un homme alcoolique, qui roule non pas à l’alcool mais plutôt à la bêtise ! Entre son racisme permanent, son manque de respect à l’égard des femmes, entre autres : tout chez ce personnage a attisé ma haine. Sa femme, bien que cynique, un trait que j’apprécie chez un personnage, m’a dérouté parfois par son manque de répartie.

Parlons maintenant des émotions que ce texte m’a fait ressentir… eh bien… Si peu positives ! A part une blague qui m’a fait décrocher un sourire, non pas qu’elle soit drôle, mais un peu de légèreté dans un contexte lourd de vulgarité  ne fait pas de mal ! Je vous la cite car c’est peut-être le seul point qui vous restera de ce texte qui ressemble plus à une torture qu’un plaisir :

« Quel jour on est ?

Jeudi jusqu’à minuit. Sauf s’il pleut.

Sauf s’il pleut ?

Parce qu’alors on est un jour plus vieux. »

Il serait déloyal vis à vis d’autres dramaturges d’affirmer que ce texte ne vaut rien, car c’est faux. D’autres le trouveront à leur goût, mais leur goût n’est pas mien. Je n’ai trouvé ni plaisir, ni intérêt à le lire. Je vous recommande juste de le lire pour vous faire votre propre opinion.

En allant faire le tour d’autres avis, j’ai vu que certains le qualifier de « comique » mais malheureusement de mon côté j’ai beaucoup de mal à imaginer la force comique du texte. Ce n’est définitivement pas mon préféré !

 Photographie issue de la mise en scène de cette pièce par Cécile Marc.

 

 

PAS D’ETOILE

De Vos, RémiAlpenstock : suivi de occident. Actes Sud, 2006. 87 p.

Marie-Jeanne DEMOLIN, 1èreL

1..2..3 fenêtres, 1..2..3 étoiles, et toi et moi sur un toît

Adèle et Stella ont 17 ans et habitent toutes deux Calais dans le Nord de la France. Elles ont chacune traversé des moments difficiles. Deux histoires différentes mais qui les unit par une amitié sans faille. Stella a perdu sa mère, jeune, 12 ans exactement. Son père, lui, avait déserté, mais avec le temps est revenu. Une famille loin de la parfaite petite famille qu’on peut imaginer. Adèle a également une vie difficile, une mère au chômage, cinq frères et sœurs, une maison où l’on arrive pas à joindre les deux bouts et où l’on vit grâce en grande partie grâce aux allocations familiales. Et voilà que maintenant Adèle est enceinte et que son petit- ami est parti. Voilà un nouveau défi pour cette fille fragilisée par la vie.

Image de la mise en scène de Jacques Descorde lui même, représentation au Théâtre du Nord à Lille.

Alors, par moment, les deux filles se retrouvent sur le toit d’un immeuble, l’immeuble de Stella. Stella y compte les lumières qui vacillent dans le lointain, comptant le nombre de fenêtres derrière lesquelles les lumières sont allumées. Un peu à l’image de Rain man, elle compte et recompte. Adèle est aussi là sur le toit. Les deux filles se confient l’une à l’autre, sur leur vie, et s’imaginent parfois, sur ce même toit, une autre vie, une vie d’adulte, vie qu’elles ne sont pas prêtes à accepter.

Livre plaisant mais sans plus, une histoire que je qualifierais de « bateau » et pas extraordinairement originale. Juste, ce qui m’a frappé, ce sont ces deux adolescentes, foudroyées par le malheur, les ennuis qui s’accumulent si bien qu’à la fin on a l’impression d’avoir un poids sur les épaules comme si on incarnait les personnages eux-mêmes. Une fin très triste, comme une boucle qui se referme, on commence avec le titre puis on finit avec cette fin. Tout est dit, tout est fait, le rideau est tiré. Cependant on doit reconnaître l’utilisation des blancs, des silences, qui créent toute une ambiance à ce texte. Le langage reste courant, parfois familier, mais sans que cela me choque. Les sentiments sont véhiculés surtout par les blancs et les pauses qui rythment la pièce. A vrai dire, je pense que joué, ce texte doit être encore plus fort qu’à l’écrit.

Je vous conseille de le lire tout de même, même si cette pièce n’en égale pas d’autres, elle reste une claque et une leçon de vie.

Descorde, JacquesJ’ai 17 ans pour toujours. l’école des loisirs, 01-03-2011. 62 p.

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Marie-Jeanne DEMOLIN, 1èreL

Grande école mais tout finit par se savoir

Paul, Agnès, Pierre-Arnault, Bernard ou encore Emeline sont les protagonistes de cette pièce, qui, je dois dire, est un peu folle. Paul, Pierre Arnault, Bernard et Emeline font Maths sup’ tandis qu’Agnès fait Normale Sup’. Le petit groupe de garçons forme une collocation, d’une mixité totale, entre fils de bourgeois et fils de petite bourgeoisie, tous travaillent dans un seul optique, réussir les études qu’ils ont entrepris. Mais que serait une école et les études sans les femmes? Emeline et Pierre-Arnault sont, depuis peu, en couple. Les autres ne pensent pas vraiment aux femmes. Mais Agnès et Paul partagent quelque chose que l’on ne peut définir, ni de l’amour, ni de l’amitié, quelque chose de particulier et d’indescriptible. Entre trahisons, coup de couteau, études, règlement de compte, colères et pleurs, amour et amitié, cette pièce vous en fera voir de toutes les couleurs. Réunis par la même école, nous assisterons à de nombreux débats où les garçons exposent leur point de vue et dans lesquels on comprend que ces derniers vivent dans des dimensions diamétralement opposées.

Mise en scène de la pièce par Jeoffrey Bourdenet au théâtre des Béliers Parisiens.

Il m’a été difficile d’entrer dans cette histoire où la mise en place des personnages et de la situation est un peu trop longue à mon goût. Le style d’écriture est particulier, très classique. Si j’ai aimé les réflexions proposées par ces jeunes gens sur leurs études et leurs choix de vie, je n’ai pas accroché plus que ça avec leur personnalité. C’est drôle, mais j’ai eu tendance à voir comme une demande expressive de l’auteur de choisir un camp : le camp Pierre-Arnault et Emeline ou bien celui de Paul et Agnès. Et bien moi, à tout dire, j’étais plutôt comme Bernard, dit « Chouquet », sans avis spécial. Je ne savais pas trop où j’étais mais une chose pour sûre : j’y étais. Je n’ai pas apprécié cette pièce plus que ça. J’ai plutôt apprécié les débats de ces étudiants sur leur études, comment ils y étaient arrivés et comment ils voyaient les choses et le monde qui les entoure.

Un bilan plutôt mitigé, pas fan de l’histoire mais il faut reconnaître que le texte est intéressant.

Besset, Jean-Marie. Grande école. Actes Sud, 01-11-1995. 74 p.

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Marie-Jeanne DEMOLIN, 1èreL

Corrélation entre bien et mal : quand la maladie les rassemble

Monsieur Blocq est condamné, une mort lente mais sûre l’attend. Dans un élan de fausse bonté, il cède ses biens, à savoir ses entreprises, à ses employés, cadeau qui se révèle empoisonné… Cependant une condition est à respecter : ils doivent créer un événement en l’honneur de leur patron (détesté) chaque année ! Et là c’est le hic : peu de gens sont pour cette idée de pièce de théâtre qu’Estelle a suggérée. C’est à reculons que les employés vont se contraindre à cette obligation, et ce, tout en étant pris dans la tourmente de ce que c’est que de gérer une entreprise…

M. Blocq, Estelle, Chi, Alain, Adeline, autant de personnages qui vous entraîneront dans cette histoire ubuesque où la mort, l’amour, le meurtre ou encore la maladie tiennent place de maîtres. Vous découvrirez une pièce de théâtre contemporaine qui vous surprendra autant par sa chute que par l’originalité de son histoire. Estelle est-elle vraiment celle que nous croyons ; une simple vendeuse à l’allure simple ? Cette histoire vous étonnera grandement !

Extrait de captation de  Ma chambre froide écrite et mise en scène par Joël Pommerat lui même : 

Source : Youtube – https://www.youtube.com/watch?v=vNtuPYTndWI

Mise en scène pour la représentation au théâtre de l’Odéon à Paris dans le cadre des Ateliers Berthier du 07 au 24 Juin 2012.

Même si l’histoire et la chute constituent des points forts, j’ai trouvé le vocabulaire trop familier. Certes nous nous situons dans la classe du prolétariat mais je ne trouve pas que ce vocabulaire donne une bonne image de cette classe. Même s’il démocratise le texte, je suis au regret de dire que celui-ci, peu conventionnel, m’a quelque peu dérangé, mais pas au point de me faire détester la pièce. Mais pourquoi celui-ci m’a-t-il dérangé ? Parce que je ne trouve pas qu’il soit destiné à un texte écrit. Peut-être à l’oral celui-ci passe mieux mais ici je ne trouve pas qu’il se justifie. Tout au plus, cela donne un aspect bourru au texte.

J’ai détesté la lourdeur de la pièce, le manque de légèreté, peut-être voulue, certes, mais que j’ai profondément haï ! Je n’aime pas cette espèce de tableau de la société actuelle, entre un prolétariat submergé de travail, les femmes rabaissées aux yeux de tous, la violence, et le patron sadique, riche à souhait qui utilise sa puissance pour en user auprès de sa salariée. Somme toute un tableau, pas si loin de notre réalité, mais… que de LOURDEUR !

Aussi on peut relever que le découpage des actes et des scènes peut parfois être perturbant pour un lecteur novice en matière de pièce de théâtre. Le fait de couper une scène tandis que celle ci n’est pas aboutie peut-être déstabilisant.

Pour résumé, j’ai trouvé cette pièce plaisante mais sans plus. J’ai apprécie l’histoire et l’écriture à juste titre mais ça n’a pas été un « coup de coeur ». Cependant celle-ci demeure intéressante, notamment par la mise en abyme théâtrale qui est au cœur de l’histoire.

Si vous voulez en apprendre plus sur cet auteur et metteur en scène qu’est Joël Pommerat : 

Pommerat Joël, Ma chambre froide, éditions Actes Sud.

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Marie-Jeanne DEMOLIN, 1èreL

Dans la solitude des champs de coton ou quand le commerce devient un échange d’idées…

Cette pièce nous plonge dans un univers qui lui est si particulier. Un quiproquo entre un dealer et un acheteur, qui tourne vite vers une surenchère d’idées, de principes, de valeurs et de fondamentaux. Vous, lecteurs, vous vous y reconnaîtrez, au détour d’une pensée, d’une idée…

L’injuste, le juste, l’illégal, le légal, la filiation, l’amitié, l’imprévisible, le désir, les sentiments : tant de thèmes abordés avec une approche originale, celle du quiproquo. D’une seule et simple querelle, nous, lecteurs, sommes projetés dans un univers à la réflexion subtile qu’elle soit de portée idéologique ou philosophique. Présence d’intéressants points de vue pour deux personnes que tout oppose et que les idées éloignent…

L’objet d’échange devient abstrait et non pas concret comme on aurait pu se l’imaginer. Histoires de désirs refoulés, qu’il soit question de l’objet concret ou de la pensée abstraite…

Ci-dessous différents extraits de vidéos montrant différentes mises en scène du texte initial :

Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, mise en scène par Roland Auzet.

https://www.youtube.com/watch?v=1BJeTyPR7EY

Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, mise en scène par Charles Berling.

Une écriture fine et un style unique ont su conquérir mon cœur. J’espère qu’il en sera de même pour vous ! Même si vous êtes réticent aux pièces de théâtre, vous serez subjugués par la beauté de l’écriture et les pensées véhiculées par le texte.

Bernard-Marie KOLTÈS disait :

« Faire du théâtre est la chose la plus superficielle, la plus inutile du monde, et du coup on a envie de la faire à la perfection. »

Je crois qu’avec cette pièce le pari est réussi. Maintenant à vous d’en juger…

Koltès, Bernard-Marie. Dans la solitude des champs de coton. Minuit, 2004. 60 p.

Marie-Jeanne DEMOLIN, 1èreL