de Fourier à Daubechies

De Fourier à Daubechies

      A l’instar de Joseph Fourier, 205 ans après lui, Ingrid Daubechies (1954-…) est promue baronne et anoblie, en 2012, par le Roi des Belges, ce qui donne l’occasion au journaliste du Monde David Larousserie d’informer ses lecteurs du parcours de la scientifique.

 

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Le lecteur de ce blog assez assidu pour suivre les recommandations de lecture qui y sont proposées aura déjà eu l’occasion de faire connaissance avec la mathématicienne.

La transformée de Fourier

     En effet, le titre de baron n’est pas le seul lien qui rapproche Fourier et Daubechies. Au début du XIXe siècle, Joseph Fourier a établi une théorie de la transformation des fonctions qui porte aujourd’hui son nom et que tous les étudiants de mathématiques, de physique, tous les techniciens du son, de la musique, de l’image connaissent. Fourier a développé une théorie, nous l’avons dit ; cette théorie est restée longtemps aux fonds des placards, flottant seulement dans l’inconscient de quelques mathématiciens. Son application conduit en effet rapidement à des calculs décourageants lorsqu’on ne dispose que de papier et crayon. Les premiers ordinateurs même étaient impuissants à calculer les coefficients permettant de transformer une fonction quelconque et une somme infinie de sinus et de cosinus.

Les choses ont cependant évolué. Lorsque les mathématiciens ont pu obtenir de petits ordinateurs avec lesquelles ils pouvaient jouer, ils ont expérimenté, laissé courir leur imagination autour des transformées de Fourier.

La transformée de Fourier avec fenêtre

     Ainsi, une transformation de Fourier (TF) cache l’information sur le temps. Une sirène, la parole, la musique ont des fréquences changeantes, la TF donne le nombre de fréquences contenues dans le signal, mais se tait sur l’instant d’émission. L’information n’est pas perdue -la TF est réversible- elle est masquée sous le flot des coefficients de la série infinie des sinus et cosinus. L’analyse de Fourier, irréprochable en théorie, est inadaptée aux signaux qui changent brusquement de manière imprévisible.

Une solution pour contourner ce problème est de décomposer le signal en fenêtres de temps étroites (travaux de Dennis Gabor, dès 1945). La comparaison des coefficients d’une fenêtre à l’autre permet de repérer les changements brusques du signal initial.

Des petites ondes pour fenêtre

     Avec de petites ondes, il est possible de décomposer un signal en temps et en fréquence. Les ondelettes indiquent non seulement quelle note il faut jouer, mais à quel moment la jouer. Ce fut l’objet des travaux de Morlet (vers 1975), puis de Meyer et Grossmann à partir de 1985.

 Les ondelettes fonctionnent donc comme un microscope qui permet d’avoir localement une vision précise de fonction. Ceux qui ont déjà une fois utilisé un microscope savent combien il est difficile d’avoir une vision panoramique avec cet instrument. Pour lire une fonction décrite par les ondelettes, il faut développer une grammaire, établir des stratégies, des outils.

L’apport d’Ingrid Daubechies porte sur le développement de ces outils d’analyse. Les extraits ci-après du livre de Barbara Burke Hubbard, Ondes et ondelettes, donneront une idée du domaine de recherche d’Ingrid Daubechies :

 ——

(extrait d’Ondes et ondelette, de Barbara Burke Hubbard, Belin, 1992, p.109, 112, 113)

un nouveau langage acquiert une grammaire

« Deux concepts faisaient défaut : le concept d’ondelette et le concept de moments nuls. L’aspect orthogonal était aussi absent. Burt et Adelson calculaient les coefficients, mais ils ne les interprétaient pas comme une base orthogonale. Ils ont eu toutefois un énorme instinct. Ils ont donné un exemple où le moment est nul… […]

 Le temps retrouvé : les ondelettes de Daubechies

Mallat avait d’abord proposé son algorithme rapide en utilisant les versions tronquées d’ondelettes infinies construites par Guy Battle et Pierre-Gilles Lemarié-Rieusset. Une nouvelle sorte d’ondelette orthogonale à « support compact » permet d’éviter les erreurs qu’entraîne cette troncation. Ces ondelettes, construites par Daubechies, ne sont pas infinies ; elles sont nulles partout, sauf dans un « support » limité : entre -2 et 2, par exemple.

Elles sont aussi, à l’opposé des ondelettes de Morlet ou de Meyer, de véritables créatures de l’ère informatique : les ondelettes de Daubechies ne peuvent être construites à partir de formules analytiques , on les fabrique à l’aide d’itérations.

Une itération consiste à appliquer successivement une opération sur le dernier résultat obtenu ; itérer (x à x² – 1) à partir de x = 2, donne 3, puis 8, puis 63… La transformation en ondelettes rapide est une itération, puisqu’elle utilise chaque fois la dernière version du signal lissé comme nouveau point de départ. Itérer est ce qu’un ordinateur fait le mieux : « on donne une seule commande et puis on boucle ; ça va très vite dit Meyer.

 En apparence, une telle itération est simple, mais il n’est pas si facile de la comprendre. Les itérations non linéaires, telles que x² – 1, sont l’équivalent, en temps discret, des équations différentielles non linéaires, rebelles à tout effort d’analyse. Pendant longtemps les mathématiciens avaient prudemment pris le parti de n’y pas penser, tant ces itérations sont difficiles. Depuis une vingtaine d’années, avec l’aide des ordinateurs, ils ont appris à les utiliser pour créer, à partir de logiciels simples, des objets extraordinairement complexes, tel que les ensembles de Julia ou de Mandelbrot, produisant ainsi les belles images de « chaos » et de systèmes dynamiques.

Néanmoins nombre de mathématiciens restent mal à l’aise face aux itérations. Selon Meyer, l’idée de les utiliser pour construire des fonctions explicites ne leur est pas familière. « En revanche, dit-il, pour les gens qui travaillent avec les ordinateurs et qui font du traitement du signal, les méthodes itératives sont extrêmement naturelles. »

Mallat étudiait la vision artificielle ; pour lui l’usage des ordinateurs était presque naturel ; il imagina de construire les ondelettes par une méthode itérative. Il a suggéré cette approche (également inspirée des algorithmes pyramidaux de Burt et Adelson) dans son article sur la multirésolution. Il n’est toutefois pas allé au bout de cette idée. « Mallat lance les idées brillantes, qui font travailler deux cents, trois cents personnes, puis il passe à autre chose, constate Meyer. C’est Ingrid Daubechies, avec sa ténacité et sa puissance de travail, qui est parvenue à la réaliser. »

Daubechies, de nationalité belge, a travaillé en physique mathématique avec Grossmann, en France ; puis elle a travaillé, à l’Université de New York, sur la mécanique quantique.

« Son rôle a été essentiel, raconte Grossmann. Ses contributions sont très importantes, mais elles sont également abordables et utilisables par diverses communautés. Elle sait parler aux ingénieurs comme aux mathématiciens, et sa formation en mécanique quantique est une bonne influence. »

Daubechies connaissait la multirésolution de Meyer et Mallat. « Yves Meyer m’en a parlé à une conférence. Je réfléchissait déjà à certaines de ces questions, et leur travail m’a intriguée », dit-elle. Avec les ondelettes infinies de Meyer, calculer un seul coefficient d’ondelette nécessitait beaucoup de travail. Daubechies voulait construire des ondelettes plus faciles à utiliser. Elle était exigeante ; en plus d’orthogonalité et de support compact – deux contraintes tellement opposées qu’on doutait de la possibilité de les réconcilier -, elle tâchait d’obtenir des ondelettes régulières, avec des moments nuls.

« Je me demandais, pourquoi n’existerait-il aucune méthode possédant ces caractéristiques, raconte Daubechies. Cette question m’a passionnée ; une période de travail intense a suivi. A l’époque, je connaissais peu Yves Meyer. Quand j’ai obtenu la première construction, il s’est montré très enthousiaste ; quelqu’un m’a signalé qu’il en avait parlé au cours d’un séminaire. Je savais que c’était un mathématicien brillant ; j’ai pensé, mon Dieu, il est en train de comprendre les choses bien plus vite que moi… Je sais aujourd’hui qu’il ne se serait jamais attribué le mérite de la découverte, mais à l’époque je sentais que c’était urgent. Je travaillais d’arrache-pied. A lu fin de mars 1987, j’avais tous les résultats. »

 les multi-ondelettes

lngrid Daubechies créa les premières ondelettes orthogonales à support compact utilisant des itérations : une ondelette de Daubechies est la limite d’un processus itératif et ne peut pas être créée à partir de formules analytiques. Depuis, d’autres chercheurs ont découvert qu’on peut obtenir des ondelettes orthogonales à support compact à partir des fonctions explicites, à condition d’utiliser plusieurs fonctions d’échelle.

L’analyse murtirésolutionnelle qui en résulte, avec des fonctions d’échelles et des ondelettes multiples, n’est pas soumise aux mêmes limitations que les ondelettes de Daubechies : on peut par exemple, créer des ondelettes orthogonales et symétriques, à support compact. (La symétrie est souvent considérée comme un atout en traitement d’image ; la seule ondelette symétrique de Daubechies est l’ondelette de Haar, qui est discontinue.)

 

 

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Ondes et ondelettes

Ondes_Burke_bOndes et ondelettes,

la saga d’un outil mathématique

Barbara Burke Hubbard, Belin, Pour la Sciences,1995, 235 pages, 14×21

Divers niveaux de lecture, une bibliographie copieuse à la fin de chacun des cinq chapitres, un index : le livre de Barbara Burke Hubbard mérite d’être recommandé.

     Le lecteur naïf y découvrira le cheminement allant des propositions de Joseph Fourier aux dernières avancées (1995) dans le domaine du traitement du signal. Chemin faisant, il élargira sa compréhension de la notion de fonction, pourra entrevoir comment les mathématiciens explorent les espaces de dimensions infinies, comprendra les liens qui unissent parole, musique, son, image, imagerie médicale, analyse et filtrage du bruit…

     Il verra comment une idée révolutionnaire, émise dans le cadre très particulier de la transmission de la chaleur dans un solide, se développe et s’impose dans des domaines très divers, s’applique à de larges pans de la recherche pure et de la recherche appliquée, devient un élément incontournable de la formation de tout scientifique.

 Quelques citations :

p. 139 «  Il est peu probable que les ondelettes aient un impact sur les mathématiques pures aussi révolutionnaire que celui de l’analyse de Fourier. »

p. 175 «  Les contributions des ondelettes à l’analyse du signal sont d’ordre technique, mais aussi conceptuel. Selon Marie Farge, elles « nous ont obligés à réfléchir sur la signification de la transformation de Fourier, à comprendre que tout type d’analyse conduit au mélange du signal et de la fonction analysante. » …. L’analyse de Fourier est adaptée aux signaux périodiques réguliers ; l’analyse par ondelettes convient aux signaux non stationnaires, qui présentent des pics ou des discontinuités. »

 

     L’historien des mathématiques trouvera dans ce livre une base de référence pour situer les apports des uns et des autres dans la théorie des ondelettes. Théorie dont les éléments furent établis, découverts et redécouverts plusieurs fois ; en effet, elle s’applique à des domaines divers où les chercheurs progressent à leur rythme sans faire le lien au départ avec les avancées de leurs homologues dans des domaines différents.

Le mathématicien élevé, dès le biberon à penser Transformée de Fourier, restera peut-être sur sa faim, les développements mathématiques sont en effet réduits et l’auteure n’entre pas dans le détail des démonstrations… ce qui est sans doute une qualité.

 

Sommaire

Introduction

  1. L’analyse de Fourier
  2. Un poème transforme notre monde
  3. La recherche de nouveaux outils
  4. Un nouveau langage acquiert une grammaire
  5. Les applications
  6. Au-delà des ondelettes

Liste des articles complémentaires

  • L’analyse mathématique.
  • La transformation de Fourier.
  • La convergence des séries de Fourier.
  • Calculer les coefficients de Fourier à l’aide d’intégrales
  • La transformation de Fourier rapide
  • La transformation en ondelettes continue
  • L’orthogonalité et les produits scalaires
  • Voyages entre espaces fonctionnels
  • La multirésolution
  • Les algorithmes pyramidaux de Burt et Adelson
  • Les multi-ondelettes
  • La transformation en ondelettes rapide
  • Le principe d’incertitude de Heisenberg
  • La mécanique quantique
  • Les ondelettes et la vision
  • Quelle ondelette?
  • Les ondelettes, la musique et la parole
  • La meilleure base
  • La transformation d’information

Appendice

A. Les lettres grecques et symboles mathématiques

B. Quelques définitions trigonométriques

C. Les intégrales

D. La transformation de Fourier les différentes conventions

E. La transformée de Fourier d’une fonction périodique

F. Exemple de base orthonormale

G. Le théorème d’échantillonnage une démonstration

H. Le principe d’incertitude de Heisenberg: une démonstration

Bibliographie

Index

 

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Fourier dans Science et Avenir

Fourier honoré par Science et Avenir

     Le numéro 208 (juin 2014) de la revue Science et Avenir consacre un dossier à 17 équations qui ont changé le monde. De Pythagore à Einstein en passant par Newton, Maxwell et Euler, ces lois contribuent à améliorer notre vie quotidienne, permettant d’ériger des ouvrages architecturaux, de perfectionner l’imagerie médicale ou de conquérir l’Univers.

     Dans ce dossier, une pleine page (p. 36-37) est consacrée à Joseph Fourier. La page est titrée la Transformée de Fourier, avec en sous-titre Le Couteau suisse de la physique ; elle rend un bel hommage à l’académicien auxerrois, Joseph Fourier, dont Martin Andler (université de Versailles-Saint-Quentin) vante les mérites, énumérant les applications industrielles où elle intervient et les domaines de la science pour lesquels la Transformée de Fourier se révèle un incomparable outil de recherche.Sc_&_Av_208

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Des séries à la transformation de Fourier

Des séries à la transformation de Fourier

 Merci à Nicotupe pour l’article « Fourier… Transformation ! » où il développe largement le traitement de l’image et qui a inspiré celui-ci.

         Sur ce blog, nous nous sommes naturellement déjà penchés sur les séries de Fourier ; elles ont été présentées dans un article et nous avons aussi renvoyé, dans un autre article, à animations et travaux pratiques qui permettent de tester ses idées à l’aide d’un simulateur qui donne une illustration de ce que sont les séries de Fourier.

         Armé de ses connaissances de lycée, le lecteur admet facilement qu’une fonction périodique quelconque, peut être représentée par une série de Fourier. Qu’en est-il pour une fonction quelconque ?

        Les gentilles ondulations de nos sinus et cosinus peuvent-elles suivre la toute naïve fonction parabolique lorsqu’elle qui grandit jusqu’à l’infini ?

        La transformation de Fourier permet de calculer les coefficients à donner aux séries sinus et cosinus pour obtenir une réponse positive. Ces coefficients jouent le rôle d’un dictionnaire qui permet de passer dans tous les cas et d’une façon unique de la fonction initiale à sa représentation en série de Fourier, celle-ci est aussi unique naturellement. Le parcours inverse est possible, partant des séries de Fourier, la transformée inverse permet de déterminer la fonction. (Les coefficients forment une base libre). Selon les avantages que l’on y trouvera pour la question à traiter, on utilisera alors indifféremment la fonction initiale ou sa transformée en séries de Fourier.

     Si vous avez admis sans sourciller l’assertion ci-dessus, la suite va vous paraître triviale.

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L’évolution de l’intensité lumineuse le long de la droite qui traverse cette photo est une fonction. La transformée de Fourier permet de représenter cette fonction en une série de sinus et cosinus.

Plus généralement, tout fichier électronique (texte, image ou son) est une fonction… que l’on peut représenter après transformation de Fourier en une série de sinus et cosinus.

 

Les domaines où la transformée de Fourier s’applique et apporte un surcroît de compréhension et d’efficacité sont donc nombreux (tout particulièrement en électronique, mais pas seulement).

La musique, domaine sur lequel portaient les premières études, utilise largement la transformée de Fourier pour compresser des fichiers (le format MP3 lui doit beaucoup).

Nous avons vu, sur ce blog, comment la transformée de Fourier est utilisée pour la maintenance de systèmes rotatifs.

Le traitement de l’image est un des domaines de prédilection de la transformée de Fourier. Pour s’en convaincre, et commencer à comprendre comment, on peut lire l’article de Nicotupe sur Podcastscience.

On verra aussi que la transformée de Fourier ne pouvait trouver sa pleine application à l’époque de Fourier où, faute de moyen de calcul, elle est restée à l’état de concept. Il fallut attendre 1965 et la découverte, par Cooley et Tukey, des méthodes de calcul efficaces de la FFT (la Fast Fourier Transform – Transformée de Fourier Rapide- pour les intimes) pour que la puissance de calcul des ordinateurs se donne libre cours et fasse de la transformée de Fourier un élément incontournable de tous les labos.

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Genèse des séries trigonométriques

L’histoire des séries trigonométriques

vue par B. Riemann (1854)

    Pour son habilitation à l’Université de Göttingen, B. Riemann a présenté un mémoire intitulé « Ueber die Darstellbarkeit einer Funktion durch eine trigonometrische Reihe » qui ne fut publié qu’en 1867, après sa mort. Il fut traduit en français sous le titre « Sur la possibilité de représenter une fonction par une série trigonométrique » pour paraître en 1873 dans le Bulletin de la Société mathématique et astronomique. Ce mémoire a pour objet d’étendre les critères de convergence des séries trigonométriques élaborés par Dirichlet en 1829 à des familles de fonctions plus larges.

     Ce mémoire commence par un texte d’une quinzaine de pages où B. Riemann fait l’historique des séries trigonométriques depuis d’Alembert jusqu’à ses propres travaux. C’est ce texte qu’on trouvera ici : L’histoire des séries trigonométriques. Il est d’une lecture exigeante, mais on peut toutefois le parcourir avec profit sans trop s’attarder sur les difficultés techniques.

     Ne serait-ce qu’à cause du prestige de B. Riemann, ce texte a été cité, copié, repris de multiples fois jusqu’à devenir en quelque sorte une histoire « officielle ». Pourtant il n’est pas exempt de critiques. On reproche en particulier à B. Riemann d’être peu explicite sur le développement des fonctions analytiques et il est muet sur le calcul des coefficients de ces séries, calcul pourtant explicite tant chez Euler que chez Jacobi et a fortiori chez Fourier.

 

Source : Gallica Œuvres mathématiques de Riemann

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Bilan 2013 Perspectives 2014

Bilan 2013, perspectives 2014

[ Vous pouvez demander le compte-rendu complet par courriel à sjf89@laposte.net ]

21/12/2013 :

A l’appel de Daniel Reisz, les membres actifs de la Société Joseph Fourier se sont réunis le samedi 21 décembre 2013 à la Maison Paul Bert à Auxerre. Ils ont rapidement approuvé les rapports d’activité et financier 2013 présentés par monsieur Reisz avant de se pencher vers les projets 2014.

Deux sujets ont été plus particulièrement évoqués :

a) journée Fourier à Auxerre

Le principe d’une journée d’étude consacrée à Joseph Fourier a été retenu à la date du 31 mai 2014, soit à l’Université d’Auxerre, soit à l’ESPE. Au cours de cette journée, quatre conférences sont prévues sur le thème « Le Savant dans la cité », développant :

   – le parallèle entre Fourier et Navier, deux Bourguignons, orphelins très tôt, qui ont fait une brillante carrière scientifique ;

   – les liens entre Fourier et Laplace ;

   – Paul Bert ;

   – Monge, vu à travers sa correspondance politique.

En marge des conférences, l’actualité de Fourier sera traitée par l’exposition du CCSTIB, un diaporama sur la maintenance des machine en rapport avec les calculs de Fourier, une exposition rendant compte de travaux sur le son.

Tadeusz Sliva informe l’auditoire que l’Université d’Auxerre organise en février 2014 une semaine du son au cours de laquelle seront développées les techniques de pointe du traitement du signal, techniques faisant largement appel aux méthodes de Fourier.

La préparation de cette journée doit associer les Sociétés auxerroises, les établissement et leurs élèves intéressés.

Les orateurs sont invités à donner au préalable un résumé de leur intervention ; les actes de la journée seront mis en ligne sur le site de l’association et publiés en fascicule pour conserver la mémoire des travaux.

 

b) réalisation d’un livre sur Joseph Fourier

Les participants avalisent le découpage du projet de livre sur Joseph Fourier présenté par Jean Dhombres. La parution pourra avoir lieu fin 2014 si le manuscrit est remis à l’éditeur (Hermann) courant septembre 2014.

Les auteurs des 62 sections réparties sur 9 chapitres ne sont pas tous pourvus, loin de là, Jean Dhombres souhaite que des plumes se révèlent, sachant que pour ce livre grand public, format à l’italienne, une large place est réservée aux illustrations.

Une réunion d’étape est prévue le 5 avril 2014.

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Série de Fourier

 

DEVELOPPEMENT D’UNE FONCTION PERIODIQUE
EN SERIE DE FOURIER

[La version .pdf de cet article est disponible ici.]

 La décomposition d’une fonction périodique en série de Fourier est un secteur classique de l’analyse mathématique. On trouvera donc dans bien des manuels et aussi sur Internet des exposés en bonne et due forme. Mais pour être compris ces exposés nécessitent des connaissances mathématiques du niveau d’une classe préparatoire ou des deux premières années universitaires.

L’objet de ce texte est d’accéder, sans technicité autre que celle d’un honnête bachelier, à l’idée de ce qu’est le développement d’une fonction périodiques en série de Fourier. Quitte à irriter quelques puristes on s’appuiera beaucoup sur les représentations graphiques et on évitera autant que faire se peut toute technicité inutile à une compréhension élémentaire de la situation. Pour bien comprendre les enjeux il est bon d’avoir au moins les connaissances présentées dans le texte « Fonctions périodiques« .

 Un exemple.

 L’idée directrice est la suivante : Une fonction périodique, de période P, peut, sous certaines conditions, être approchée avec autant de précision qu’on le désire par une somme de sinus et de cosinus, de période P, P/2, P/3, P/4,… c’est à dire de la fondamentale P et de ses harmoniques P/2, P/3, P/4,..

 Pour fixer les idées on va regarder un exemple historique dû à L. Euler en 1754. Soit la fonction périodique f(t), de période 2?, définie par sa donnée sur l’intervalle [-?; ?], par  f(t)= t/2 et représentée graphiquement ci-dessous :

img_01

Envisageons à présent la fonction : s1(t)=sin t , et comparons là graphiquement à f(t) :

img_02

On n’a pas envie de considérer la sinusoïde comme une approximation de la fonction f(t), encore que…..

Faisons un pas de plus et comparons graphiquement la fonction f(t) à la fonction :

s2(t)=sin t – 1/2 sin 2 t

 img_03

 

Il y a incontestablement un saut qualitatif : cette nouvelle fonction commence à être une approximation sensible, certes encore grossière de f(t).

Encore un pas avec :

s3(t)=sin t – 1/2 sin 2t + 1/3 sin 3t

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Bref, on s’aperçoit que l’approximation est de plus en plus précise, même si la fonction « approximante » reste continue à l’endroit où la fonction initiale présente une discontinuité (un saut)

Il est aussi intéressant d’observer le spectre de ces approximations. Ci-dessous, par exemple, celui de :

s4(t)=sin t – 1/2 sin 2t + 1/3 sin 3t – 1/4 sin4t

avec la fondamentale en 1 et les harmoniques en 2, 3, 4.

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On reste évidemment sur sa faim. « Pourquoi ? » « Comment ? «  

 

Un second exemple : 

Soit la fonction f(x), de période 2?définie, sur [-?; ?] par : 

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et représentée graphiquement ci-dessous :

img_07

Les trois premiers termes de son développement en série de Fourier sont :

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Comparons :

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La qualité de l’approximation est telle qu’on ne distingue plus les deux courbes !

En zoomant sur une pointe, on peut mieux se rendre compte:

img_10

ou encore en ne regardant que la courbe approximante :

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Un troisième exemple (utilisé par Fourier).

 Soit la fonction f(x), de période 2? définie sur [-?; ?] par : 

img_12

et représentée graphiquement ci-dessous :

img_13

 

Les cinq premiers termes de son développement en série de Fourier sont :

 img_14

Comparons : 

img_15

On a déjà une assez bonne approximation.

 Vers une généralisation.

Les trois exemples précédents sont très parlants mais on ne sait pas comment ont été trouvées les harmoniques en jeu, ni leurs amplitudes (leurs intensités) respectives. Déterminer cela nécessite des techniques mathématiques d’un niveau qui dépasse celui choisi pour ce texte. On ne peut que renvoyer vers des livres ou des exposés sur Internet. Mais pour la beauté de la chose donnons quand même un aperçu des formules et quelques commentaires.

Soit donc une fonction f(t) de période 2?. Le but est de l’approcher par une somme de la forme :

img_16où les a0, a1, a2, …an  et les b0, b1, b2, …bn   sont donnés par les formules suivantes :

img_17

Deux questions, liées, se posent alors : Comment ces formules ont-elles été obtenues? Comment s’en servir? Les réponses à ces questions dépassent le cadre de ce texte. A la première nous donnerons quelques repères historiques dans le paragraphe suivant. Une réponse partielle à la seconde peut s’énoncer ainsi :

Lorsque la fonction f(t) est d’une grande simplicité les techniques classiques du calcul intégral permettent parfois de calculer directement les coefficients a0, a1, a2, …an  et les b0, b1, b2, …bn. A vrai dire pour la plupart des fonctions que l’on rencontre dans la pratique un tel calcul n’est pas possible, mais les méthodes de calcul numérique, surtout à l’ère de logiciels de calcul très sophistiqués, permettent d’obtenir des valeurs numériques satisfaisantes.

Un peu d’histoire.

 Les séries trigonométriques apparaissent au XVIIIème siècle avec le problème des cordes vibrantes. Il s’agit d’étudier les vibrations d’une corde tendue entre deux points fixes A et B lorsqu’on la fait vibrer par un moyen quelconque. Ce problème se met en équation sous la forme d’une équation aux dérivées partielles que voici :

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dont les solutions ne sont pas élémentaires.

Le premier à s’y frotter est d’Alembert en 1747. Euler s’y attaque en 1748. Mais leur points de vue divergent sur la notion même de fonction . La première solution « explicite » est donnée, en 1758, par Daniel Bernoulli qui affirme que la solution générale est de la forme :

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Cette solution fut immédiatement critiquée par Euler qui montre qu’une conséquence du résultat de D. Bernoulli serait que toute fonction serait représentable par une somme de la forme :

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et que donc la solution proposée par D. Bernoulli manque de généralité. Une autre controverse très vive opposera D. Bernoulli à d’Alembert.

Plus tard Lagrange reprend avec ses propres méthodes le problème et les points de vue d’Euler, d’Alembert et D. Bernoulli, sans arriver, lui non plus, à surmonter toutes les difficultés. La situation n’est pas mûre, en particulier parce que le concept de fonction n’est pas encore clarifié.

On peut dire qu’on en reste là jusqu’en 1807 où Fourier présente à l’Académie des Sciences un mémoire sur la théorie de la chaleur. Dans ce mémoire il propose un théorème selon lequel toute fonction arbitraire peut être représentée par une série trigonométrique et exhibe, sous certaines conditions restrictives, les formules citées dans le paragraphe précédent. Ces résultats  furent accueillis par Lagrange avec « enthousiasme et incrédulité ». Un exposé plus précis et plus développé de cette question paraît en 1822, dans l’œuvre maîtresse de Fourier, la Théorie analytique de la chaleur.

 

Restait à préciser dans quel cas et de quelle façon la série de Fourier ainsi trouvée converge vers la fonction à approximer. Il paraît évident que Fourier avait là dessus une vision tout à fait correcte, mais il est vrai qu’il n’en a jamais publié une démonstration générale valable dans tous les cas. C’est en cela qu’au cours de la fin du XIXème siècle et au début du XXème, Fourier fut parfois considéré comme un mathématicien peu rigoureux, un mathématicien de seconde zone ! Réputation qu’il traînera jusqu’au milieu du XXème siècle !

 Cette question, nature de la convergence et conditions précises de convergence des séries de Fourier, fut repris d’abord par Poisson qui s’appuiera sur des travaux du mathématicien suédois Abel, puis par Cauchy. Mais il faudra attendre 1829 et le mathématicien allemand Lejeune-Dirichlet pour avoir la première démonstration rigoureuse des résultats de Fourier. Cette démonstration apparaîtra comme une véritable pierre de touche pour tout un développement important de la théorie des fonctions.

 La postérité contemporaine de Fourier fera l’objet d’un autre texte.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Fonctions périodiques

  FONCTIONS PERIODIQUES

On peut accéder au texte pdf de cet article ici : FONCTIONS PERIODIQUES .

L’objet de ce texte est de rappeler succinctement quelques propriétés élémentaires des fonctions périodiques. Ces fonctions sont essentielles en particulier pour pouvoir accéder au développement d’une fonction périodiques en série de Fourier. Quitte à irriter quelques puristes on s’appuiera beaucoup sur les représentations graphiques et on évitera autant que faire se peut toute technicité inutile à une compréhension élémentaire de la situation.

On suppose connu la notion de fonction. Ici, sauf mention contraire, la variable sera désignée par la lettre t (sous-entendu : t est le temps). Ces fonctions peuvent être définies par une formule mathématique (Exemple : f(t) = + 5t -3) ou par la donnée d’un enregistrement numtérique ou graphique d’un phénomène physique (Exemple : ?(t)=température d’un patient enregistré en continu, C(t)=courbe du chômage,…).

Pour une bonne perception des choses on fera très souvent appel à la représentation graphique d’une fonction.

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 Définition d’une fonction périodique. 

On dit qu’une fonction f est périodique, de période P, si pour toute valeur de t on a f (t + P) = f (t)

Soit, graphiquement :

img_04  

On peut dire plus savamment que la courbe représentative de la fonction f est invariante par la translation de vecteur :P_ivect

–   img_vecteur i est le vecteur unitaire de l’axe des t.

La quantité h=1/P s’appelle la fréquence de f. C’est en quelque sorte le nombre de périodes par unité de temps. Ex : Si P = 0,2  alors h = 5 hertz (hertz est l’unité utilisée pour les fréquences)

Remarque 1 

Si f est périodique, de période P, f sera aussi périodique de périodes 2P, 3P, …., kP. ( P est souvent la « plus petite période »)

Remarque 2 

Dans la réalité beaucoup de fonctions ne sont connues ou utilisées que sur un intervalle  et ne sont donc pas périodiques. Afin de pouvoir appliquer à une telle fonction les outils relatifs aux fonctions périodiques, le mathématicien va la rendre périodique en la reproduisant « périodiquement par translation » comme on le voit sur la figure ci-dessous. La période sera alors P=b-a.

img_05b 

Sur la figure, la fonction n’était défini que sur l’intervalle [2;6]

Somme de deux fonctions périodiques 

Il est facile de voir que la somme de deux fonctions de même période P est encore une fonction de période P.

img_06

Sur la figure les deux fonctions bleue et rouge ont pour période 2. Leur somme, courbe vert gras, est elle-même de période 2.

 Si on est en présence de deux fonctions périodiques, l’une de période P, l’autre de période P‘ et si (cf remarque 1) P et P’ ont un multiple commun P*, alors leur somme est une fonction périodique de période P*.

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La courbe bleu est de période 2, la rouge de période 3. La courbe vert gras « somme des deux courbes » bleue et rouge, est périodique de période 6, multiple commun de 2 et 3.

 Fonctions trigonométriques

Parmi les fonctions périodiques les plus fréquentes et les plus utiles figurent les fonctions trigonométriques sinus et cosinus. Peu importe ici leur définition mathématique. Rappelons simplement leurs représentations graphiques, sinus en rouge, cosinus en bleu.

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Elles sont toutes deux de périodes 2? et la courbe représentative de l’une se déduit de l’autre par une translation de vecteur :

img vecteur

 Dans la pratique on se sert plutôt de la forme : f(t)= sin 2?t      f(t)= cos 2?t 

Elles sont alors de période et de fréquence 1 et aussi de la forme : f(t) = sin ?t           f(t) = cos ?t

dont la période 2 ?/? peut s’adapter à toute valeur par un bon choix de ?

 

Un peu de musique: Fondamentale et harmoniques.

    Ce qui va suivre est tout à fait général mais, afin de fixer les idées, on va s’appuyer sur les sons musicaux pour mettre en place les notions de fondamentale, d’harmoniques, puis de spectre. 

    Lorsqu’on entend une même note, jouée avec la même intensité, sur une flûte, un saxophone ou un hautbois, on reconnaît chacun des instruments. La hauteur et l’intensité ne suffisent donc pas pour caractériser un tel son. La hauteur correspond à une vibration sinusoïdale appelée fondamentale. On appelle harmoniques de cette fondamentale les vibrations dont les fréquences sont multiples de la fréquence fondamentale. Lorsque un instrument joue une note fondamentale, différentes parties de l’instrument entrent en résonance plus ou moins fortes selon des vibrations harmoniques et c’est l’ensemble de la fondamentale et de ces harmoniques qui va donner le timbre qui caractérisera le son d’une flûte , par rapport à celui d’un saxophone ou d’un hautbois.. Un synthétiseur sait quelles sont les harmoniques caractéristiques de tel ou tel instrument et, modulo un réglage, saura reproduire « synthétiquement » le timbre de chacun d’eux. Pour figurer cela on utilise souvent le spectre de la vibration analysée. Ci-dessous deux spectres distincts de la même fondamentale de fréquence h. En abscisse sont alignés les harmoniques de cette fondamentale: 2h, 3h, 4h, 5h,… Chaque segment vertical est proportionnel à l’intensité avec laquelle cette harmonique intervient pour faire le timbre.. Les deux spectres sont différents et rendent donc compte de deux timbres différents.

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On a fait là une toute petite intrusion dans ce qu’est l’analyse spectrale, partie essentielle de l’analyse de Fourier. On a aussi mis en place un certain nombre de notions qui vont nous permettre de comprendre le chapitre : Décomposition d’une fonction périodique en Série de Fourier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Comprendre Fourier, systèmes linéaires invariants

Comprendre Joseph Fourier – préliminaires 3 – systèmes linéaires invariants

 

Comprendre Joseph Fourier

Notion de système linéaire invariant

La catégorie « pédagogie » dans ce blog dédié à Fourier, sa vie, son œuvre, ne vise pas à présenter avec rigueur et exhaustivité un cours sur l’œuvre mathématique de Joseph Fourier, mais à planter quelques jalons pour orienter le lecteur. L’œuvre de Joseph Fourier aborde à un niveau élevé des questions délicates de la généralisation de notions qui n’ont été vraiment utilisées qu’à partir de la fin du XIXe siècle et ont donné leur pleine mesure à la fin du XXe siècle. Ces deux points (difficulté et exploitation tardive) ont entraîné, hors de milieux très étroits de spécialistes, une longue méconnaissance de l’homme et de son œuvre. Aujourd’hui encore, bien que les transformées de Fourier soient utilisées dans de multiples applications qui seraient inefficaces sans elles, Fourier reste inconnu du grand public.

Nous présentons quelques billets concernant les domaines de pensée où l’apport de Joseph Fourier a été déterminant pour le développement de la science des XXe et XXIe siècles. La pensée de Joseph Fourier nécessite très vite une bonne maîtrise des dérivées partielles, des équations différentielles, toutes techniques étudiées après le baccalauréat dans les grandes écoles scientifiques ou les sections mathématiques des facultés de sciences. Nous supposerons que nos lecteurs maîtrisent les seules mathématiques exigées au baccalauréat, aussi n’entreront nous pas dans le détail de démonstrations ardues, nous en tenant souvent à des généralités accessibles à l’honnête homme.

 En préliminaire, nous reviendrons d’abord sur des notions très souvent utilisées par Joseph Fourier, soit implicitement, soit explicitement. Ces notions sont toujours plus ou moins sous-jacentes et imbriquées : Préliminaire1 : Angle droit ; Produit scalaire ; Fonctions orthogonales – Préliminaire2 : – Notion de vecteur – Préliminaire3 : Les invariants en mathématique

Quelques considérations en marge de la transformée de Fourier

Avant de percevoir l’intérêt de la transformation de Fourier, il convient d’avoir en tête (sans vouloir entrer dans le détail) quelques notions de bases préliminaires concernant : les systèmes linéaires invariants, le produit scalaire, les fonctions orthogonales, le spectre d’une fonction (pdf).

 a) Systèmes linéaires invariants

Système linéaire : est linéaire un phénomène qui respecte la somme et la proportionnalité.

exemple : la dérivée d’une fonction est un système linéaire :      (f + g)’ = f’ + g’       et     (?f)’ = ? f’

Système invariant : est invariant un système qui se reproduit toujours de la même façon, ne dépend pas du moment où on effectue l’expérience.

D’un point de vue mathématique la fonction exponentielle est un invariant en ce qui concerne sa dérivée :

(ex)’=ex et (e?x)’=?e?x

Autre type d’invariant, mais au niveau de la dérivée seconde cette fois pour les fonctions sinus et cosinus :

(cos x)’à – sin x                   (cos x)’’à – cos x

(sin x)’à cos x                      (sin x)’’à – sin x

 ou avec (cos ?x)’= – ? (sin ?x)

Les fonction sinus et cosinus sont des familles stables par dérivation.

 [Si les système linéaires invariants se rencontrent fréquemment, ils ne sont pas universels : les phénomènes chaotiques ne rentrent pas dans ce cadre. Il importe donc de vérifier au cas par cas si l’on est en présence sur un système linéaire invariant.]

 Les propriétés des fonctions sinus et cosinus vont être d’un grand secours pour analyser les phénomènes linéaires invariants.

Remarque : en passant par l’écriture complexe, on a :             ei? = cos ? + i sin ?

Les fonctions périodiques et exponentielle peuvent jouer un rôle symétrique – Laplace utilise d’ailleurs la fonction exponentielle dans la transformée qui porte son nom – les particularités de calcul conduisent à utiliser l’une ou l’autre. Nous nous attacherons à présenter le cas où l’avantage revient à Fourier.

 

Ainsi, en va-t-il lors de la somme de carrés :

Alors que l’utilisation de l’exponentielle à la façon de Laplace conduit à des calculs inextricables, l’utilisation de la méthode de Fourier aboutit par la disparition des termes en sinus et cosinus à des calculs d’une grande simplicité :

f= ?1sin ?1x + ?2 cos ?2 x + ?3 sin ?3 x….

?f2 = ?21 + ?22 + ?23 ….

Vérifions cette propriété sur un exemple accessible à un élève de terminale : soit f(x)=3sin(x)+4cos(x)

f²(x)=9sin²(x)+16cos²(x)+24sin(x)cos(x) [application de l’identité (a+b)²=a²+b²+2ab]

Or, 2sin(x)cos(x)=cos(2x), cos²(x)=(1+cos(2x))/2 et sin²(x)=(1-cos(2x))/2,

donc : f²(x)=9(1+cos(2x))/2+16(1-cos(2x))/2+12cos(2x)

=(9+16)/2+(9-16+12)cos(2x)=(9+16).(1/2)+5cos(2x)

Or, une primitive de cos(2x) est G(x)=sin(2x)/2, (G’(x)=2cos(2x)/2=cos(2x))

Donc, l’intégrale de 0 à 2? de cos(2x) vaut G(2?)-G(0)=sin(4?)/2-sin(0)/2=0-0=0

Remarque : intégrer de – ? à ? reviendrait au même. En multipliant par 2 et en divisant par ?, cela redonne évidemment 0

De plus, l’intégrale de 0 à 2? de la fonction constante 1/2 vaut 2?/2= ?

En multipliant par (9+16) et en divisant par ?, on retombe bien sur 3²+4²

?f2(x)= 3²+4²

 

 ?f2 apparaît très fréquemment, ainsi, par exemple, en physique quand il est question d’énergie.

 La somme : ?f2 = ?21 + ?22 + ?23 …. n’est pas sans rappeler la formule de Pythagore : a2 = b2 + c2 . On peut considérer ?f2 comme une généralisation (cf. paragraphe ‘dimension infinie’) de la formule de Pythagore à des espaces vectoriels où les vecteurs possèdent plus de deux coordonnées.

Considérant la variété et la richesse des applications de la formule de Pythagore, il n’est alors pas étonnant, de trouver pour sa généralisation par Fourier autant de domaine divers.

Fourier et la généralisation en mathématique :

Fourier a toujours manifesté un penchant notoire pour la généralisation. Les solutions particulières d’un problème l’intéressent médiocrement. Il se saisit des questions dans leur globalité.

 » Aujourd’hui bien plus que naguère, les mathématiciens apprécient la portée des grands programmes visionnaires, qui ne sont jamais complètement formalisés. Ils apprécient également les procédés de calcul effectifs, auxquels l’informatique et les ordinateurs ont donné une portée nouvelle. Fourier entre en résonance avec la façon actuelle ce concevoir le travail mathématique. Si j’en juge par moi-même, je ne lis plus Fourier comme autrefois. Autrefois, avec l’impertinence de la jeunesse et la caution de mes aînés, je le traitais de haut. Aujourd’hui, je cherche ce qu’il veut dire et comment il a pu y arriver si bien. » [Jean-Pierre Kahane, août 2005]

La première étude de Fourier sur la détermination des racines d’une équation est emblématique de sa démarche : plutôt que de prolonger les études connues sur les solutions des équations de degrés un, deux, trois et quatre par l’étude des degré suivants, il s’attaque d’emblée au cas général de degré n d’où n’importe quelle solution se déduira.

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Comprendre Fourier, vecteur

Comprendre Joseph Fourier – préliminaires 2 – vecteur, produit scalaire

Comprendre Joseph Fourier

Qu’est-ce qu’un vecteur ?

La catégorie « pédagogie » dans ce blog dédié à Fourier, sa vie, son œuvre, ne vise pas à présenter avec rigueur et exhaustivité un cours sur l’œuvre mathématique de Joseph Fourier, mais à planter quelques jalons pour orienter le lecteur. L’œuvre de Joseph Fourier aborde à un niveau élevé des questions délicates de la généralisation de notions qui n’ont été vraiment utilisées qu’à partir de la fin du XIXe siècle et ont donné leur pleine mesure à la fin du XXe siècle. Ces deux points (difficulté et exploitation tardive) ont entraîné, hors de milieux très étroits de spécialistes, une longue méconnaissance de l’homme et de son œuvre. Aujourd’hui encore, bien que les transformées de Fourier soient utilisées dans de multiples applications qui seraient inefficaces sans elles, Fourier reste inconnu du grand public.

Nous présentons quelques billets concernant les domaines de pensée où l’apport de Joseph Fourier a été déterminant pour le développement de la science des XXe et XXIe siècles. La pensée de Joseph Fourier nécessite très vite une bonne maîtrise des dérivées partielles, des équations différentielles, toutes techniques étudiées après le baccalauréat dans les grandes écoles scientifiques ou les sections mathématiques des facultés de sciences. Nous supposerons que nos lecteurs maîtrisent les seules mathématiques exigées au baccalauréat, aussi n’entreront nous pas dans le détail de démonstrations ardues, nous en tenant souvent à des généralités accessibles à l’honnête homme.

 En préliminaire, nous reviendrons d’abord sur des notions très souvent utilisées par Joseph Fourier, soit implicitement, soit explicitement. Ces notions sont toujours plus ou moins sous-jacentes et imbriquées : Préliminaire1 : Angle droit ; Produit scalaire ; Fonctions orthogonales – Préliminaire2 : – Notion de vecteur – Préliminaire3 : Les invariants en mathématique

 

Les vecteurs ont été introduits progressivement en sciences, notamment dans l’étude des forces. Dans ce cadre, un vecteur est la composante d’une force sur les dimensions de espace euclidien (R², plan à deux dimensions) ou de l’espace à trois dimensions, R3. Leur étude purement algébrique a commencé à être explorée par William Rowan Hamilton (1805 – 1865) qui publie en 1843 sa découverte du corps des quaternions, de dimension quatre.

 En s’affranchissant des restrictions à R² et R3, la définition du vecteur peut être élargie et s’appliquer à de nombreux domaines. Le calcul vectoriel définit les règles applicables dans tous les cas, quel que soit le champ de définition du vecteur.

 Nous prendrons quelques exemples inhabituels de vecteurs pour montrer la généralité de la notion.

 Exemple 1 :

Un questionnaire médical demande la température corporelle et la tension artérielle. Ces deux données forment un vecteur à deux composantes sur un espace vectoriel à deux dimensions. Ce vecteur permet de classer les patients en ‘potentiellement sain’ ou ‘potentiellement malade’.

 Il est possible d’enregistrer les deux données ci-dessus en continu pour un même patient. Cet enregistrement est une fonction du temps qui est définie dans l’espace vectoriel défini ci-dessus.

 Exemple 2 :

Questionnaire sociologique à quarante items (du type agent recenseur : sexe, âge, profession, locataire/propriétaire…. ) fournit un autre exemple de vecteur (sur un espace vectoriel de dimension quarante).

 Il peut sembler anachronique de lier le nom de Fourier à la notion de vecteur, cependant, outre que Fourier avait certainement une assez claire vision de ce qui deviendra un vecteur, les développements du calcul vectoriel doivent beaucoup aux théories de Fourier.

Produit scalaire

Sur R² : aux vecteur u = (u1, u2) et v = (v1, v2), on associe le scalaire (le nombre)

<u.v> = u1 v1 + u2 v2

Le produit scalaire est maximum en valeur absolue si les vecteurs sont colinéaires : |<u.v>| = |u1 v1 + u2 v2|

Ce maximum du produit scalaire est un moyen de déterminer si deux vecteurs ont même direction.

 En terme de relevé de données : des vecteurs (ensemble de données) seront d’autant plus dépendants que leur produit vectoriel sera maximum ; cette remarque ouvre le champ de l’étude de la corrélation des données enregistrées.

Le produit scalaire se généralise naturellement aux espaces vectoriels autres que R².

b) Généralisation du produit scalaire :

Hors de toute prétention géométrique plane, on généralise la notion de vecteur :

u = (u1, u2,….)             v = (v1, v2,….)

les un  vn sont alors des valeurs en nombre indéfini qui peuvent être des mesures, discrètes ou continues, d’un ou plusieurs paramètres.

Si le relevé de ces mesures n’est plus ponctuel, mais s’effectue de façon continue, la série des un devient une fonction. En tant que fonction elle est approchable selon les méthodes de Fourier, il est alors loisible de l’écrire comme somme de sinus et cosinus. Lorsque la fonction est périodique, on parle de Série de Fourier (et on peut égrener les coefficients des sinus et des cosinus). Lorsque la fonction n’est pas périodique, on parle de transformée de Fourier (il n’existe alors pas de fondamentale, toutes les harmoniques sont présentes ; le calcul des coefficients est alors ardu et la détermination des coefficients nécessite le recours à la puissance de calcul des ordinateurs).

Le produit scalaire se généralise :  <u.v> = u1 v1 + u2 v2 +…. + un vn

 Une des propriétés du produit scalaire est d’être nul lorsque les vecteurs sont orthogonaux.

Réciproquement, sa nullité implique des directions orthogonales.

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