Une présentation de Joseph Fourier

Présentation de Joseph Fourier

Le 14 avril 2022, à la Bibliothèque Universitaire du Creusot,

Fabrice Riblet, présente « Joseph Fourier »

aux élèves du collège Les Epontots , de Montcenis (Saône-et-Loire).

Posted in actualité

Tombeau de Fourier

La tombe de Joseph Fourier

(par Alain Juhel *)

     Mars 2022, bonne nouvelle au cimetière du Père Lachaise (Paris): la tombe du grand mathématicien a été rénovée! A gauche, son état antérieur (avec une inclinaison due à un affaissement, comparez à la tombe juste derrière…Smilie: ;), à droite, le résultat de la restauration, et au centre, le croquis original d’architecte, montrant la vue en élévation.

     Voici trois ans que la Société des Amis de Joseph Fourier, inquiète de l’état d’abandon, avait entamé les démarches de reprise de la sépulture. Mais un délai réglementaire de trois ans était imposé avant qu’on pût entreprendre la moindre chose. Peu de temps avant le deuxième constat, en septembre 2021, je [Alain Juhel*] retrouvai aux Archives de l’Académie des Sciences le dossier complet de projet du monument, incluant plan, devis, liste des souscripteurs (à voir sur ma page Fourier) que la Société a pu remettre à la Conservation du cimetière. La qualité de ces documents, saluée comme rare pour une tombe du XIXème siècle, a convaincu la Conservation d’une prise en charge des travaux, financés par la Ville de Paris.

     Il ne reste plus qu’à remplacer le buste… du docteur Chaussier, qui n’avait rien à faire là, par un moulage du buste de Fourier conforme au croquis, et dont quelques exemplaires (Auxerre, Grenoble, Ecole Polytechnique) permettront de parachever une restitution parfaite. Enfin, Fourier ne sera plus un (très!) illustre inconnu au Père Lachaise, à quelques mètres de la tombe (dûment signalée) de Jean-François Champollion, pour qui il avait joué le rôle d’éveilleur et de protecteur, en lui évitant la conscription qui, à l’occasion des guerres napoléoniennes, aurait risqué de priver la France de son génie décrypteur de hiéroglyphes.

     Il reste encore beaucoup de lieux de mémoire à créer ou raviver : sa statue fondue à Auxerre, à Paris une plaque au lieu de son dernier domicile et enfin une rue à son nom, un timbre commémoratif,… et jusqu’à une Panthéonisation amplement méritée -n’est-il pas le nom de scientifique le plus écrit dans le monde d’aujourd’hui?- Saluons ce premier pas, et espérons que les suivants ne tarderont pas trop…

affiche de chantier, que l’on pouvait lire sur place à la mi-mars 2022

* professeur de mathématique, membre de l’association Société Joseph-Fourier, il est le  signataire de ce post, initialement publié sur le réseau Linkedin.

Posted in activités associatives, actualité, hommages

Fourier chez lui

Fourier chez lui

      La SSHNY vient de publier, dans l’opus 156 de son bulletin, le compte-rendu de ses travaux pour l’année 2018-2019, illustré en couverture la reproduction d’une étude, de 1842, du peintre Eloi Firmin Féron, travail préparatoire au tableau du musée des Beaux-arts de Strasbourg, représentant Les Funérailles du général Kléber au Caire, Oraison funèbre de Joseph Fourier.

      Cette couverture annonce le compte rendu de la conférence, donnée le 6 octobre 2018, par le Président de la SSHNY, Alain Cattagni, p. 120 à 135, titrée « Jean Baptiste Joseph Fourier dans l’expédition d’Égypte, 1798-1801 ».

Le cadre

Le 6 octobre 2018, c’est devant une assemblée attentive, réunie dans les locaux légués par le poète Marie Noël qu’est prononcée la conférence d’Alain Cattagni. La maison, chargée d’histoire, où l’architecture, le mobilier, l’atmosphère, chaque objet, évoquent des temps anciens, très loin, qu’on croyait disparus, oubliés, mais qui restent, ici, bien vivants, n’est pas sans évoquer les quelques réunions de la Société d’émulation d’Auxerre à laquelle Joseph Fourier, en 1790-1791 participa avant d’être aspiré par la tourmente et projeté sur le rives du Nil, en 1798. C’est en quelque sorte chez lui (même si stricto-sensu il n’a pas fréquenté cette maison) qu’un épisode de la vie de Joseph Fourier est évoqué.

Le sujet

Du point de vue militaire, la campagne d’Égypte (juillet 1798-septembre 1801) ne fut pas une réussite : un chef, Bonaparte, qui revient en France secrètement, abandonnant, dès le 22 août 1799, ses armées aux bons soins de Kléber. Kléber assassiné, le 14 juin 1800. Le général Menou, qui bon gré, mal gré, prend les rênes jusqu’à l’organisation du départ du gros des troupes survivantes fin août 1801.

De ce fiasco militaire, l’équipe des savants fit un triomphe scientifique, les quelques 160 savants et artistes rendirent compte au monde entier de l’émerveillement qui les avaient saisis devant ce qu’ils avaient découvert au milieu des sables.

Joseph Fourier y prit sa place, toute sa place. Son expertise en mathématique ne l’aidant pas sur le terrain, il s’occupa donc du lien et de la communication, assurant tout d’abord la sortie des 116 numéros du Courier de l’Égypte, puis en convainquant les savants d’oublier leurs droits individuels pour participer à un ouvrage commun (1799-1801), en rassemblant leurs contributions (1800-1821) en organisant la publication de ce qui fut la « Description de l’Egypte ou Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l’expédition de l’armée française », publié entre 1809 et 1830, avec au final, l’Empereur étant mort en exil, l’approbation du Roi !

Fourier est à sa place, mais pas inactif. Le poste qu’il occupe, en Égypte, l’amène au contact des instances dirigeantes ; Monge d’abord, qui lui laisse carte blanche pour choisir les élèves de l’École polytechnique et participe à sa nomination comme secrétaire de l’Institut du Caire , Bonaparte, qui se souviendra de ses qualités en le nommant, en 1803, préfet de l’Isère, un département qui n’était pas gagné aux idées nouvelles. Kléber, dont la disparition crée un vide d’amical  compagnonnage, avec qui, entre autre, il mûrira l’idée de la Description de l’Égypte. Avec qui aussi, il contribuera à régler le quotidien autant qu’à penser la construction d’un monde idéal comme il le précise dans le discours funèbre qu’il prononce le 17 juin 1800 : « Il [Kléber] s’est appliqué à régler les finances, et vous connaissez les succès de ses soins. Il en a confié la gestion à des mains pures et désignées par l’estime publique. Il méditait une organisation générale qui embrassât toutes les parties du gouvernement ; la mort l’a interrompu brusquement au milieu de cet utile projet. ». Menou qu’il accompagna pour négocier avec les anglais les conditions de l’évacuation.

Fourier utilise son charme naturel lors des négociations auxquelles il participe sachant prendre « dans le sens de l’épi » tant Mourâd Bey et Sitty Nefiçah que les Anglais William Richard Hamilton ou Hutchinson et le commodore Sidney Smith. Ce dernier jugeait charmante la compagnie de Fourier qu’il revit ensuite, fort amicalement, à Paris.

L’esquisse préparatoire au tableau, représentant Fourier en train de prononcer l’éloge funèbre du général Kléber, et qui a été reproduit sur ce calendrier de l’année 1903 édité par une entreprise strasbourgeoise (mis en ligne par Gallica)

Posted in activités associatives Tagged

Fourier et le Lautaret

 Fourier et le Lautaret

     Au cours de la période où il a été préfet, à Grenoble, Joseph Fourier s’est préoccupé de deux importants chantiers. D’une part, l’assèchement des marais de Bourgoin, d’autre part l’aménagement d’une route reliant Grenoble à Turin et passant par le col du Lautaret.

     Lors d’une précédente intervention devant la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne, Jean-Charles Guillaume a rendu compte de l’action de Joseph Fourier en ce qui concerne les marais de Bourgoin.

     Le samedi 5 mars à 16 h 30 il présente une intervention sur le thème «  Fourier, préfet de l’Isère et la route de France en Italie par le Lautaret » devant les adhérents de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne, 1 rue Marie Noël à AUXERRE. Ce thème n’a pas été spécifiquement traité sur notre site, ce sera donc l’occasion de découvrir les détails inédits que monsieur Guillaume est allé recueillir dans les archives de la préfecture de l’Isère.

Note : A notre connaissance, la SSHNY n’a pas encore de chaîne YouTube ; jusqu’à ce jour, la tradition est publier le texte des conférences dans les actes de la Société, au cours des années qui suivent. Pour les lecteurs impatients qui ne peuvent se libérer, il est possible de contacter Jean-Charles Guillaume pour qu’il réponde à leurs questions.

Une vue du col du Lautaret

Posted in activités associatives Tagged

Négatif Positif

Négatif/Positif

Positif\Négatif

      La Tour Eiffel, le Musée du Louvre, la Joconde, Guernica, l’Arc de Triomphe de l’Étoile, Notre-Dame… Lorsqu’un tour-opérateur vous fait découvrir une capitale, il vous promène de réalisation positive en réalisation positive, permettant à chacun de s’esbaudir à qui mieux mieux. Mais la réalisation positive est-elle plus pertinente que sa contre-partie négative ?

Guernica\Guernica

Le Guernica-positif, œuvre d’un artiste de génie, (que l’on peut actuellement -2022- découvrir au siège des Nations-Unies) parle-t-il mieux que sa contre-partie négative, petit village martyr d’Espagne ? Notre-Dame, telle qu’on pouvait la découvrir avant le 15 avril 2019 nous parlait-elle mieux que la ruine que des ouvriers, soutenus par un élan général, veulent ramener de l’autre côté du miroir ?

Notre-Dame, 15 avril 2019

     La vie et l’œuvre de Joseph Fourier sont placés sous le signe de la dualité. ‘Négatif/Positif’ : son acte de baptême existe encore / l’église paroisse Saint-Regnobert où il fut célébré a été détruite pendant la Révolution. Embarqué en Égypte, il assiste à la calamiteuse prestation de l’armée abandonnée sur place par son général en chef / il dynamise l’énergie de l’équipe scientifique dont il obtient l’assentiment de rédiger en commun la Description de l’Égypte. Nommé préfet en province, loin de ses pairs de l’Institut de France / il use de son temps libre pour affiner sa réflexion sur la chaleur. Le premier mémoire qu’il envoie à l’académie est-il ignoré1 / il obtient la création d’un prix sur le même sujet qui lui permet de proposer sa monumentale Théorie de la chaleur. Son acte de décès brûle le 24 mai 1871 dans l’incendie de l’Hôtel de ville2.

Hôtel de Ville en juin 1871 \ État civil reconstitué

Dans son œuvre, la dualité temps/fréquence, méthode qu’impulse la transformation qu’il découvre, s’appliquera magistralement à une autre dualité, onde/corpuscule.

Hugues Dufourt :

     Compositeur, musicologue et philosophe français, Hugues Dufourt est en mesure d’apprécier la trajectoire de Joseph Fourier pour en avoir plus particulièrement exploré les possibilités dans son domaine de recherche. « L’œuvre scientifique de Joseph Fourier est soumise à cette dualité, passant de l’ombre à la lumière, de la lumière à l’ombre. »

     On pourra suivre l’alternance de ces passages négatif\positif en prenant connaissance, sur le site du Mathouriste du texte inédit dans lequel il donne sa lecture de l’évolution de la perception de l’œuvre de Joseph Fourier. On verra Fourier célèbre/controversé ; créatif dont ‘on’  remet en cause la rigueur [les pairs contemporains de Fourier, mais aussi de plus contemporains, Dieudonné, le groupe Bourbaki…] / s’inscrivant dans une continuité de pensée avec les mathématiciens qui l’ont précédé.

     Hugues Dufourt a le mérite de traiter son sujet en philosophe ; il dégage les lignes de forces suivies par la recherche mathématique sur quatre siècles en évitant les formules mathématiques absconses au profane. Il met en évidence l’opposition continuité/rupture, si spécifique de l’apport de Fourier à la physique et à la mathématique. Au passage, il cite des sources qui permettront au lecteur scrupuleux d’enrichir une réflexion qui chez Dufourt se développe en s’appuyant sur une longue pratique acoustique et musicale. Au lecteur, à partir de là d’explorer les domaines de recherche divers auxquels Fourier se trouve mêlé de façon inattendue et féconde pour décrire « n’importe quel phénomène vibratoire »/des domaines qui « échappent à la périodicité », de creuser la dualité temps/fréquence qui sous-tend les domaines de recherche récents.

Concluons ce billet en illustrant les passages ombre/lumière de Fourier avec deux anecdotes :

Statue d’Auxerre :

L’érection d’une statue pour honorer la mémoire de Joseph Fourier est due à l’initiative testamentaire de Gau de Gentilly, c’est le côté positif. En 1942, l’occupant nazi à la recherche de bronze pour fabriquer canons et obus présenta ses exigences… et l’on fondit la statue. C’est le côté négatif. On espère maintenant un retour vers le positif et la réalisation d’un monument en remplacement de la statue disparue.

la statue fondue en 1942

 

 

emplacement de la statue (2010) – buste par Nacèra Kainou

Plaque sur sa maison natale

La plaque sur sa maison natale est, à elle seule, un condensé de négatif/positif. Produit des ateliers Guillet, sa réalisation est confiée aux ouvriers fondeurs qui préparent le texte en suivant une note manuscrite, certainement mûrement pensée, mais mal lisible, ce qui entraîne une erreur factuelle : le décès du 16 mai 1830, mal lu, devient alors décès du 16 mars 1830, avec une anticipation de deux mois.

Exposée aux quatre vents, la fonte s’oxyde, prenant avec le temps l’aspect négligé des vieux objets, peu enclins à attirer le regard du passant. En 2018, pour le 250e anniversaire de la naissance de Joseph Fourier, la municipalité, soucieuse de redonner de l’éclat à la plaque vétuste, l’a restaurée…. Ce qui était sans compter avec la matière : la fonte sous-jacente est très vite réapparue faisant disparaître, en quelques mois, toute trace de dorure.

plaque (en 2010)\(en 201Smilie: 8)

1Nous attendons, impatiemment, la comparaison de son contenu, en 1807, avec le texte du prix de l’Académie, de 1811, et celui de la Théorie de la Chaleur, de 1822, que le Mathouriste se propose de nous offrir. Nous serons attentif aux conclusions que le Mathouriste en tirera quant à l’évolution de la pensée de Fourier.

2 Notons que la fiche de décès de Joseph Fourier dans ‘l’état civil de Paris reconstitué’ est aussi en creux un témoignage que la Commune a existé. Cette Commune que longtemps les programmes d’histoire ont plus ou moins passée sous silence.

Posted in actualité, illustrations Tagged

Fourier et sa sépulture

Joseph Fourier, sa sépulture

     Nous l’avons rappelé dans le précédent article, 2022 est l’année du bi-centenaire de la publication de la Théorie de la Chaleur. Parmi les 52 commémorations retenues par le Service des anniversaires et commémorations historique « France Mémoire », parmi les 52 commémorations retenues, beaucoup de naissances et de morts, bien sûr, mais cinq rappellent des créations ou publications :

– La lecture des hiéroglyphes, de Champollion, 1822

– La Théorie de la Chaleur, de Fourier, 1822

 

 

– La Théorie ondulatoire de la lumière, de Fresnel, 1822

 

 

 

– Les Essais, de Montaigne, 1572

– Impression soleil levant, de Monet, 1872

 

Sur ces cinq, trois sont de la même année, et sont liées à Joseph Fourier. D’une part, les travaux de Fourier et Fresnel s’épauleront l’un l’autre, et leurs développements seront féconds. D’autre part, Joseph Fourier, préfet de Grenoble, a personnellement suivi et favorisé les études du jeune Jean-François Champollion (frère de son secrétaire Jacques-Joseph Champollion, biographe des Cent-Jours de Fourier).

Eh bien ! bonne nouvelle, la sépulture de Joseph Fourier sera rénovée l’année même de cet événement, en effet le 22 septembre dernier, le président de l’association Société Joseph-Fourier, Tadeusz SLIWA, son président d’honneur, Jean DHOMBRES, son sociétaire parisien, Roger MANSUY, et l’ancien président de la Société Mathématique de France, Stéphane SEURET qui suit de près les activités, étaient présents lors du second constat d’abandon de la tombe de Joseph Fourier au Père Lachaise. (voir ici un écho du premier constat)

La restauration de cette tombe, éclairée par les fouilles historiques du pilier du tourisme mathématique Alain JUHEL, pourra bientôt démarrer et aboutir au cours de l’année 2022.

Quelques détails son donnés dans un entrefilet de la revue « Quadrature » signé Roger Mansuy et l’historique complet sur le site du Mathouriste (tout au bas de cette page biographique, paragraphe : Quand Paris ne veut pas se souvenir…ou si peu! ).

2018 : premier constat de déshérence

Posted in activités associatives, actualité

bicentenaire Chaleur

1822 – 2022

la Théorie de la Chaleur

le livre qui n’aurait pu ne jamais paraître

 

L’Institut de France vient de dévoiler le calendrier des 52 commémorations de l’année 2022. C’est avec plaisir que la Société Joseph-Fourier y découvre que la publication de la Théorie de la chaleur en 1822 y est honorée.

 

 

 

 

1784 : Joseph, brillant élève du collège militaire d’Auxerre, écoute une conférence relatant les expérience de Buffon qui tente de déterminer l’âge de la Terre à partir du temps de refroidissement.

[article de l’Encyclopédie : Extrait de l’encyclopédie de Diderot : article ‘âge’ volume I page 169 /myth/ : Les Historiens, ou plutôt les Chronologistes, ont divisé l’age du Monde en six époques principales, /…/ Ceux qui ne font le monde âgé que de quatre mille ans, comptent de la création au déluge, 1 656 ; du déluge à la vocation d’Abraham, 426 ; depuis Abraham jusqu’à la sortie d’Egypte, 430/ …/

La question de déterminer l’âge de la Terre ne quittera plus Joseph Fourier.

1799 : « Du haut de ces Pyramides quarante siècles vous contemplent. »

Les Français découvrent en Égypte les restes d’une civilisation qu’ils estiment remonter à plus de 4 000 ans, alors qu’à l’époque l’église, s’appuyant sur un décompte d’années données par les écritures donne 4 004 ans comme âge de la Terre. La citation ci-dessus est donc un blasphème.

1803 : Joseph Fourier est préfet de Grenoble. Ses occupations ordinaires l’accaparent, il les remplit plutôt bien (voir les travaux d’asséchement des marais de Bourgoin), mais elles ne le satisfont pas. Pour se détendre du quotidien, il coordonne la publication de la Description de l’Égypte, mais l’avancée de l’ouvrage ne dépend pas de lui. A ses moment perdus, il revient vers ses préoccupations premières : il est maintenant sûr d’avoir les moyens de déterminer par le calcul le temps de refroidissement d’une sphère. Il peut en établir les équations théoriques, pour obtenir un résultat numérique, il lui faut déterminer, par l’expérience, la valeur des coefficients de ses équations (capacité de chaleur, conductivité interne, conductivité extérieure). Il réalise les expériences dans les locaux de la préfecture.

1807 : Joseph Fourier dépose ses conclusions sur le bureau de l’Académie de sciences pour les faire examiner par ses pairs. On peut penser qu’il s’agit de quelques pages résumant son projet et l’ossature de ses calculs (le manuscrit s’est égaré et n’a pas été retrouvé). Fourier s’adresse à ses pairs, il va à l’essentiel : les calculs qui permettent de résoudre les équations différentielles dont il a besoin. Le mathouriste a montré ce qu’il en est. Fourier distribue plusieurs copies. Isolé à Grenoble, le contact avec les savants parisiens lui manque. Il cherche une reconnaissance qu’il attend de Lagrange et Laplace qui vont examiner son mémoire. Le mémoire n’est pas publié. L’académie demande de retravailler le manuscrit. Fourier fait tant et si bien que l’Académie met le sujet au concours. Piqué au vif, puisque les calculs ne parlent pas d’eux-mêmes, il va reprendre ses explications par le début, sans omettre une ligne.

Fourier de retour à Grenoble entreprend de rédiger sa réponse qui, à sa livraison en 1810, formera un manuscrit épais de plus de 600 pages. Il entend donner tous les détails que Lagrange, Laplace, Monge, Lacroix, Biot et Poisson n’ont pas su/voulu/osé découvrir dans le mémoire de 1807 déposé à l’Académie.

Réaction d’humeur d’un chercheur incompris, cet ouvrage a été glorifié par Maxwell et était considéré comme « un poème mathématique » par Lord Kelvin.

1811 : Fourier est proclamé lauréat du concours proposé par l’Académie, mais contrairement à l’usage, le manuscrit n’en est pas publié ! Le travail de Joseph Fourier est commenté, il l’est, de façon plutôt glaçante, avec des réserves sur la rigueur de la méthode !

Lagrange et Laplace sont les experts mondiaux du calcul ; ils utilisent au mieux le calcul différentiel inventé par Newton et sont donc à même de valider l’emploi que Fourier fait de ce calcul. Fourier a l’intuition que l’usage qu’il fait du calcul différentiel est valable et que ses calculs convergent dans tous les cas. Pour convaincre Lagrange, il lui aurait fallu les arguments apportés plus tard, tout au long des XIX et XXe siècles.

Fourier tente de convaincre Laplace (celui-ci ébranlé sans doute ne critiquera plus… mais n’adhérera pas non plus).

Fourier devra patienter jusqu’à devenir secrétaire perpétuel de l’Académie et jouer de son poste pour obtenir sa publication en 1822. La publication, amputée des chapitres sur les expériences et surtout de la question de la chaleur de la Terre, qu’il a reprise en 1820 et reprendra de façon beaucoup plus approfondie en 1827, y liant les questions de son âge, de la température de l’espace, et introduisant pour la première fois une évaluation mathématique de l’effet de serre (découvert, de façon très limitée, par de Saussure), mais précédée d’une préface visionnaire où il propose un programme de recherche qui est toujours d’actualité.

Structure de la Théorie de la Chaleur :

Un discours préliminaire de 22 pages précise le cadre philosophique de la démarche.

Neuf chapitres divisés en sections.

Les premiers items rappellent des évidences et établissent déjà des résultats (de l’intérêt du double-vitrage)

Les calculs arrivent cependant vite et débouchent sur des formules ardues

Voir en action les coefficients d’une série de Fourier

Une illustration spectaculaire et grand public de la capacité des séries de Fourier à décrire une fonction quelconque est donnée par le dessin de la Jeune fille à la perle.

Posted in actualité, hommages

Fourier et les Nobel 2021

[22 octobre 2021] Ce blog vise à une information « légère » de l’actualité de Joseph Fourier. Les articles qui le composent, écrits au fil de la plume, visent l’information plus que le fond (voir par exemple l’article âge de la Terre) .  Un article de 2021 du Mathouriste  propose une synthèse très solidement documentée de l’étude de l’âge de la Terre, abordant, dans leur contexte les travaux des savants; depuis les précurseurs jusqu’aux prix Nobel 2021 en passant par les calculs de Fourier ; nous invitons donc tout lecteur intéressé à s’y reporter.

[6 octobre 2021]

Fourier et les Nobel 2021 de physique

     Le prix Nobel de physique 2021 est attribué par l’Académie royale des sciences de Suède « pour leurs contributions révolutionnaires à notre compréhension des systèmes physiques complexes » à Syukuro Manabe et Klaus Hasselmann « pour leur modélisation physique du climat de la Terre, la quantification de la variabilité et la prévision fiable du réchauffement climatique ». Et Giorgio Parisi « pour la découverte de l’interaction du désordre et des fluctuations dans les systèmes physiques de l’échelle atomique à l’échelle planétaire ».

Inutile de chercher bien loin cette année 2021 pour trouver le lien entre Joseph Fourier et les trois prix Nobel de physique : c’est Joseph Fourier qui a jeté les bases des travaux récompensés. Dans sa Théorie de la Chaleur (1822), Joseph Fourier établit, sans développer davantage, une formule permettant de calculer l’âge de la Terre. C’est un sujet qui le préoccupe et il y a certainement réfléchit comme le révélera Arago, mais les résultats sont ambigus et Fourier laissera à lord Kelvin le soin d’exploiter cette formule. Joseph Fourier va rechercher des causes du mauvais résultat obtenu et découvrir que l’atmosphère conserve sous forme calorifique une grande partie du rayonnement solaire reçu par la Terre. Il publie ses conclusions en 1824 dans « Mémoire sur les températures du globe terrestre et des espaces planétaires ». Ce mémoire jette les bases de ce qui deviendra l’Effet de serre et reste aujourd’hui encore la porte d’entrée aux études de ce sujet.

Le comité Nobel lors de la conférence annonçant les résultats ne l’a d’ailleurs pas oublié lorsqu’il retrace l’historique des avancées dans ce domaine et cite :

Joseph Fourier (1768-1830)

,

,

,

,

,

,

,

Svante August Arrhenius (1859-1927) 

,

,

,

,

,

Syukuro Manabe (1931- ) 

,

,

,

,

,

Edward Lorenz (1917-200Smilie: 8)

,

,

,

,

,

Klaus Hasselmann (1931- )

,

,

,

,

,

Giorgio Parisi (1948- )

 

Posted in actualité, actualité de la recherche, hommages

Fourier et les jeunes tiges

Fourier et les jeunes tiges

(Merci à Aain Juhel pour sa relecture, ses idées, ses propositions)

     Fourier est mort en mai 1830 ; il a imaginé, dès 1807, il avait 39 ans, les résultats qui l’ont rendu célèbre. Cet œuvre, accueilli avec réticence par l’Académie, a été justifié par des recherches théoriques au cours du XIXe siècle ; un peu oublié au début du XXe siècle, il revint sur le devant de la scène lorsque la puissance de calcul des ordinateurs permit de l’exploiter. En retour, les développements récents exploitent largement les possibilités qu’il offre.

     Il ne faudrait pas croire que le temps a usé le message de Joseph Fourier ; les plus éminents des mathématiciens d’aujourd’hui se réfèrent directement aux écrits de Fourier (Cédric Villani par exemple place Joseph Fourier en bon rang dans son Panthéon personnel) et l’on peut dire, sans risquer le démenti, que l’œuvre est toujours vivant, de plus en plus vivant. Fourier, mort en 1830, est un jeune homme qui parle encore à l’oreille de nombreux chercheurs et les inspire.

     En mathématique, la jeunesse n’est pas un obstacle à la qualité des travaux, c’est même une condition pour les voir honorés au plus haut niveau quand la médaille Fields, attribuée tous les quatre ans, depuis 1936, ne récompense que des mathématiciens de moins de quarante ans. Les tableaux ci-après se suffisent à eux mêmes :

Les Fouriéristes stricto sensu

NOM

Né en

Publie « séries trigo » en

À l’âge de

Joseph FOURIER

1768

1807

39

Johann P. G. DIRICHLET

1805

1829

24

Bernhard RIEMANN

1826

1854

28

Paul DU BOIS-REYMOND

1831

1873

42

Lipót FEJER

1880

1900

20

Henri LEBESGUE

1875

1902

27

Frigyes RIESZ

1880

1907

27

Ernst Sigismund FISCHER

1875

1907

32

George CANTOR

1845

1869

24

Laurent SCHWARTZ

1915

1948

33

Lennart CARLESON

1928

1966

38

Jean Pierre KAHANE

1926

1965

39

Karl T. W. WEIRSTRASS

1815

1885

70

…et quelques Ondelettistes :

NOM

Né en

Publie « ondelettes » en

À l’âge de

Yves MEYER

1939

1984

45

Ingrid DAUBECHIES

1954

1988

34

Stéphane MALLAT

1962

1988

26

Stéphane JAFFARD

1962

1991

29

Marie FARGE

1953

1992

39

Pierre Gilles LEMARIÉ-RIEUSSET

1960

1986

26

Ronald COIFMAN

1941

Circa 1990 ??

50

Les sujets d’actualité

      La vitalité des théories de Fourier peut aussi se mesurer à l’aune des réalisations qu’elle permet. Produit par des équipes nombreuses, qu’il faut honorer dans leur ensemble, ces résultats ne focalisent pas la lumière sur une personne particulière, ils n’en sont pas moins remarquables.

     Au fur et à mesure des publications dans la presse, le Mathouriste adapte et réactualise ses articles aux gré des nouveautés ; on pourra lire avec fruit les dernières explications qu’il donne concernant la compression de fichiers, l’exploitation des images, la recherche d’ondes gravitationnelles…

…parmi les toutes dernières modifications du Mathouriste :

– du côté du scanner, une nouvelle application « égyptienne » (avec Fourier on revient toujours vite vers l’Egypte) avec des révélations sur la mort de Ramsès III (suivre le lien vous permettra au passage de revisiter la technique du débruitage)

– plus théorique, sur le versant des ondelettes, un encadré « hors-texte », tente, en suivant Stéphane Mallat (né en 1962) dans son cours du Collège de France d’ouvrir sur une technique très pointue sans (trop de) technicité et il fait passer le message en privilégiant les dessins sur les équations.

      Les deux listes présentées en début de billet restent ouvertes et si l’on suit Mérouanne Debbah (né en 1975) dont le sujet de thèse, soutenue en 2002, porte sur l’application des matrices aléatoires au dimensionnement des réseaux sans fil, le développement prochain de la 5 G devra beaucoup aux recherches en analyse harmonique. Les travaux d’ Emmanuel Candès (né en 1970), de Terence Tao (né en 1975) médaille Fields 2006… peuvent, pour le domaine qui nous intéresse, receler des pépites que l’avenir révélera.

      Pour finir sur un clin d’œil, la notoriété de Fourier pénètre aussi les milieux artistiques : lorsque Gus Van Sant veut montrer aux spectateurs de son film Will Hunting que le héros est un authentique génie, il lui fait résoudre un « problème de Fourier ».

Posted in Non classé

Fourier et Buonarroti

Fourier et Buonarroti

(Grenoble, 1813-1814)

Depuis l’ouverture de ce site en 2012 Nous nous sommes beaucoup intéressés à l’œuvre scientifique de Joseph Fourier, œuvre qui reste très vivante et continue d’irriguer l’actualité. Les articles historiques sont plus rares… : les adhérents de l’association Société Joseph-Fourier se recrutent essentiellement chez les scientifiques, peut-être considèrent-ils que tout a été dit par Arago, par Champollion-Figeac, par Victor Cousin ou Émile Duché ?

Buanarroti (source Wikipedia)

       Ces idées reçues sont en passe d’être ébranlées : monsieur Jean-Marc Schiappa, historien, spécialiste de Babeuf (1760-1797), s’intéressant à Buonarroti (1761-1837), émule de Babeuf, nous interroge sur l’accueil fait à Buonarroti par le préfet Joseph Fourier lorsqu’il fut, en 1813, contraint de quitter Genève après avoir participé à la conspiration du général Malet et fit le choix de résider à Grenoble : « L’historiographie classique estime que le séjour grenoblois fut une pause des activités subversives de mon personnage [Buonarroti]. Après y avoir sacrifié, je n’y crois guère.

Cela ne correspond pas à son tempérament ni aux quelques récalcitrants grenoblois présents (et Buonarroti choisit cette ville quand il lui faut quitter Genève).

Trois semaines après son arrivée, Fourier écrit au Ministre qu’en fait Buonarroti est très calme et qu’il ne faut pas le surveiller. Écrire cela après une surveillance de vingt jours et quelques est assez surprenant…

Les possibles connexions maçonniques expliquent peut-être des choses. »

     Le questionnement de monsieur Schiappa et l’absence de réponse qui nous lui avons apportées mettent en évidence la nécessité de revenir aux sources archivistiques, à analyser le quotidien de la préfecture de l’Isère entre 1802 et 1815, à aller au-delà des publications du XIXe siècle. Monsieur Schiappa formule l’hypothèse d’un réseau maçonnique pour expliquer la bienveillance de Joseph Fourier vis à vis de Buonarroti dans sa réponse au Ministre.

Hypothèse pour hypothèse, nous en formulons une autre, qui s’appuie sur ce que nous connaissons de Joseph Fourier :

En messidor VII (juin 1799), en Égypte, Bonaparte en butte à l’hostilité du cheikh Ibrahim et de quatre oulémas en rébellion contre l’occupation française a chargé Joseph Fourier d’y voir de plus près. Consignes de Bonaparte « Vous vous mettez en relation avec eux. Mais pas de demi mesure, pas d’atermoiement. Il faut faire un exemple. Leur tête ou leur allégeance. » Quelques jours plus tard, Bonaparte, Fourier, le Cheikh et les Oulémas soupaient ensemble pour sceller une alliance qui ne se démentit pas jusqu’au départ des Français, fin 1801.

En 1813, Fourier reçoit donc, envoyé par le ministère, le dossier d’assignation à résidence de Buonarroti. Une réponse paresseuse eût été d’en déléguer le suivi aux services de police. Gageons que comme avec Ibrahim et les oulémas égyptiens, Fourier est allé au contact, se souvenant des engagements révolutionnaires de sa jeunesse, il put être sensible aux convictions sincères de Buonarroti et les deux hommes convenir d’un modus vivendi qui expliquerait la réponse assurée de Fourier au Ministre. Comme à son habitude, Fourier a recherché un compromis gagnant/gagnant : le préfet économise une surveillance épuisante à ses services, Buonarroti y gagne un temps sans tracasseries.

Hypothèse, bien sûr, qui devra subir la comparaison critique avec les documents entreposés sur les rayons des Archives départementales de l’Isère.

Posted in actualité de la recherche Tagged