Repousser les limites « around the clock »

Profil social selon les revenus. Ici hauts revenus à 8 heures. Mobiliscope 2017

 

L’annonce d’une conférence de Julie Vallée autour du projet Mobiliscope à l’IFERISS a mobilisé toute mon attention. « L’Institut Fédératif d’Etudes et de Recherches Interdisciplinaires Santé et Société est une fédération de recherche inter-universitaire dont l’objectif principal est de promouvoir et de dynamiser l’activité scientifique autour des thématiques Santé Société dans une approche interdisciplinaire. » Basée à Toulouse III, ce laboratoire de recherche s’intéresse lui aussi à la ville. Il invite en mars une chargée de recherche du CNRS, Julie Vallée, qui viendra présenter l’outil informatique.

Mobiliscope est un outil créé par le laboratoire Géographie-cités UMR 8504 du CNRS. Il évolue, et en attendant d’avoir une version libre sur Toulouse, nous allons voir au niveau de la région parisienne ce que cela donne.

Les plus de 65 ans répartis sur le territoire à 8 heures du matin. Mobiliscope 2017

Jusqu’à présent, la cartographie statique montrait un état des choses à un moment donné, figé. Par exemple, la répartition des personnes selon l’âge était montrée en rapport au lieu de l’habitat, mais pas dans le courant de la journée. Or, les populations se déplacent et c’est tout l’intérêt de cet outil.

Où sont les 35-44 ans à 8 heures du matin. Mobiliscope 2017

Pouvoir cerner une population à travers le temps, de manière dynamique, c’est mesurer l’impact des politiques de la ville sur le territoire. Lorsque l’on s’intéresse aux populations les plus pauvres, savoir si elles sont plutôt fixes ou bien si elle se déplacent durant la journée sont des données importantes. Cela permet aussi de voir les rapports humains autrement. Sur le tableau du bas à droite nous voyons comment la population se disperse (ou pas) sur le cycle de 24 heures.

Population à haut niveau d’éducation à 8 heures, Mobiliscope 2017

Sur la carte ci-dessus nous voyons comment est répartie spatialement la population à haut niveau d’éducation. Elle est particulièrement représentée sur les arrondissements de Paris, en dehors des 19 et 20ème arrondissements, et dans les Yvelines. Mais le tableau du bas à droite montre que cette population se déplace au cours de la journée. Le 9ème arrondissement est celui présenté dans notre exemple.

Où se trouvent les plus bas niveau d’éducation à 8 heures, Mobiliscope 2017

Dans la carte et les tableaux ci-dessus nous voyons comment se répartie la population qui dispose du plus bas niveau d’éducation tout au long de la journée. Elle bouge peu au contraire des classes moyennes (haute et basse) qui se déplace beaucoup. Ce que l’on appelle les « populations captives » nécessitent des offres sociales particulières. Par exemple, comment toucher certaines catégories si elles se déplacent ou si elles ne se déplacent pas ?

Les populations au plus bas revenus sont plutôt dans villes du nord est de la région parisienne, traditionnellement la Seine-Saint-Denis, Mobiliscope 2017

Les plus bas revenus sont des population plutôt figées. Ici, dans le 9ème arrondissement, cela correspond à la deuxième bande en jaune-vert, et nous voyons que la classe « moyenne basse » se déplace dans la journée. Cela pourrait signifier qu’elle ne travaille pas sur son lieu de résidence puisqu’elle est davantage présente aux heures de travail (8 à 17 heures).

Difficile de résumer cet outil tant il est puissant et dynamique. Une version toulousaine est annoncée que nous attendons avec impatiente. D’autres villes suivront… J’invite tous les étudiants à aller s’en rendre compte par eux-mêmes.

La version incluant Toulouse sera mise en ligne en mars !

=> Géographie-cités (2017). Mobiliscope (Version 2). Available from https://mobiliscope.parisgeo.cnrs.fr/.

Poser les limites des incivilités

DAE détruit, place des Carmes, Toulouse, © NJ 2019

Voilà ce que j’appelle une incivilité : détruire un appareil pouvant sauver une vie humaine, en l’occurrence un défibrillateur automatique externe ou DAE. En France, sur les 46.000 personnes faisant un arrêt cardiaque 80% meurent  à 30 jours (https://restenvie.com). L’utilisation du défibrillateur dans les quatre minutes est un moyen d’augmenter les chances de survie à 30 jours. S’en prendre à du matériel de survie est une atteinte aux règles de civilité. Mais quelles sont-elles ?

Le réseau des transports en commun toulousain affiche sans scrupule une communication sur ses portes de métro depuis avril 2018 :

« Manger, boire, fumer, vapoter… Ensemble tirons un trait sur les incivilités ! »

Avons-nous franchi une limite dans la communication ? Je m’explique : le caractère « incivile » d’un comportement n’est à ce jour pas clairement défini par le législateur. Je reviens sur un travail de recherche déjà ancien dans lequel j’essayais de qualifier le terme d’incivilité (écrit en 2006).

« Le terme d’incivilité renvoie à une absence ou un manque de civilité, à un oubli des convenances ou d’un savoir-vivre. Sebastian Roché définit ces formes de micro-agressions comme des « actes qui ne sont ni des vols (cambriolages ou vols de voiture), ni des agressions, ni des menaces » (Roché, 1998, p. 21). Si elles ne sont pas classées dans les agressions physiques, on ne peut négliger le fait que ces actes témoignent d’une violence symbolique les plaçant du même coup au rang des agressions symboliques. Ces micro – agressions que sont les actes d’incivilités travaillent sur le long terme, comme il en est des formes de harcèlement moral. »

Ce travail concernait la questions des incivilités face à la jeunesse dans une intercommunalité en Haute-Loire.

« Le lien avec le sentiment d’insécurité n’est ni direct ni immédiat, et ne découle pas d’une réalité observable. Les différents travaux consultés ne permettent pas d’affirmer à coup sûr qu’il existe un lien étroit entre incivilité et insécurité. Les observations que nous avons menées durant cette étude vont dans le même sens. Reste que les incivilités « pèsent sur la collectivité et endommagent la vie sociale » (Ibidem). »

« Assimilées à la délinquance, et en particulier à la délinquance des jeunes, les
incivilités ont vraisemblablement connu une explosion durant ces dernières années. Ceci a eu pour conséquence d’interpeller les pouvoirs publics et d’aboutir à la loi sur la lutte contre les incivilités, votée en mars dernier. Les incivilités, ou plutôt leur perception dans le champ du politique, sont apparues dans les années 1990. La frontière avec les délits empêche d’apporter une définition précise des actes d’incivilité bien que le sens commun éprouve une certaine facilité à en établir la liste. Le sénateur Xavier Raufer apporte sa contribution dans ce sens : feu de poubelle, tags et graffitis, injures sur la voie publique, petite dégradation de biens comme des sièges, des cabines de téléphones, des bris de glaces, pour celles qui constituent une infraction. Il en est encore qui restent en dehors du Code pénal comme le non-respect des règles de vie en société, l’abandon d’objet dans l’espace public (bouteilles de bière, papiers de cigarettes), ou le rassemblement de jeunes dans les halls d’immeubles. C’est à propos de cette deuxième catégorie que le législateur s’est penché afin d’essayer de résoudre la difficile question de la lutte contre les incivilités. »

« Le projet de loi pour l’égalité des chances, voté en mars 2006, aborde cette question dans la redéfinition des articles 26 et 27 — qui deviendront les articles 50 et 51 — de la lutte contre les incivilités. L’intervention d’Eliane Assassi lors de la séance au sénat du 3 mars 2006 expose la liste des contraventions dorénavant considérées comme des incivilités : « la divagation d’animaux dangereux, les menaces de violences, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, l’excitation d’animaux dangereux, la diffusion de messages contraires à la décence, l’abandon d’ordure et de déchets, enfin, les destruction, dégradations et 17 détériorations légères ». Reste qu’à ce jour, nous sommes en attente du décret du Conseil d’État devant établir cette liste. »

A ma connaissance, ce décret n’a jamais été signé et nous sommes toujours dans l’attente d’une liste précise. S’agissant du fait de boire ou de manger dans l’espace public, nous pouvons nous interroger sur cette qualification d’incivilité que l’entreprise de transports publics range à côté d’une interdiction sanctionnée par le code pénal (fumer et vapoter, Loi du 15 novembre 2006). L’entreprise prend donc la liberté d’ajouter « manger et boire » deux fonctions qui ne relèvent pas des mêmes besoins physiologiques.

En effet, d’autres réactions ont vu le jour aux lendemains du début de la campagne. Au 30 avril, le journal Actu.fr relatait ainsi que « s’il est désormais acquis que fumer est une incivilité, que Tisséo mette les actions de boire et manger dans cette case a semble-t-il étonner certains usagers des transports toulousains et susciter quelques réactions sur les réseaux sociaux… »

« Et pourtant, « il est bien interdit de consommer boissons et aliments à l’intérieur des véhicules, confirme Tisséo. C’est une règle édictée par rapport à l’hygiène et au confort des passagers qui pourraient être incommodés par les odeurs d’alimentaires. C’est une règle pour éviter les débordements et c’est une règle qui est appliquée avec une forme de souplesse selon les circonstances. Si une femme est enceinte, il est admis qu’elle puisse boire dans une rame de métro par exemple. Le but de ces règles simples, c’est juste que tout se passe bien dans les véhicules sans être trop coercitif » . » (Actu.fr David Saint-Sernin du 30 avril 2018).

Bon, l’information n’est pas toute fraîche, mais au regard du premier événement, il faut savoir faire la part des choses et affuter sans cesse son esprit critique. L’écart entre manger en sandwich et détruire un DAE est tout de même inquiétant.

Dans un supermarché, Toulouse, © NJ 2019

Et puis en faisant quelques courses, je me retrouve nez à nez avec ce calicot placardé sur le mur d’un supermarché. « Non aux incivilités » est-il écrit en blanc sur fond rouge, mais pas de manière agressive. Dessous, un article 4, sans référence, indique que la « liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Et puis une belle phrase avec une belle faute de typographie renvoyant à deux articles du code pénal dans sa version de 1881 (ces articles ont été modifiés par la Loi 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, art. 170). Cette information concerne en premier lieu les clients et le personnel du magasin et s’applique en fait à tous citoyen.

Avoir recours à ces messages laisse penser que la limite doit être surveillée comme le lait sur le feu, et que son maintient n’est jamais évident. Pourtant, l’amalgame entre des actes pénalement condamnables et des actes de moindre ampleur ne règle rien. Pourquoi avons-nous besoin de rappeler les règles de civilité partout où nous allons ? Parce qu’elles sont transgressées. Alors que certains parlent d’une société en déclin, comme Jane Jacob dans Retour à l’âge des ténèbres, faut-il y voir ici des traces ? Voilà un sujet qui pourrait être développé et donner lieu à un mémoire de master.

 

Références :

Jacob J., Retour à l’âge des ténèbres, Montréal, Boréal, 2005

Jouenne, N., Une certaine jeunesse, Incivilités et sentiment d’insécurité en milieu rural périurbain, Communauté de communes Les Marches du Velay, 2006, 112 p.

Saint Sernin, D. Est-il interdit de boire et de manger dans les transports en commun à Toulouse ?, Actu.fr du 30 avril 2018

La grille d’analyse

Cycliste en livraison, Toulouse, © NJ 2018

Il y a différents moyens ou outils pour analyser un phénomène social, comme l’analogie, la comparaison, la juxtaposition, le croisement, le récit ethnographique, etc.

Dans un premier temps, nous allons regrouper les éléments à analyser : notes de terrain, entretiens, images (description des images). Puis nous allons répartir les éléments dans leur unité, avec pour principe une phrase une idée, dans un tableau à double entrée. Un exemple de croisement de données est montré ci-dessous.

Sur une grande feuille A3, ou dans un tableur Excel, nous poserons les idées les unes sous les autres, en ligne, et les agents sociaux en colonne. Le croisement des unes et des autres donnera une idée de la variation même de l’idée. Par exemple, à partir de trois entretiens et d’une seule question, que pouvons-nous dire ?

– Comment avez-vous pris la décision d’utiliser un vélo pour vous rendre à votre travail ?

Exemple d’analyse par tableau croisé
Noël Jouenne en plein travail, © MZ

La réponse à cette question nous donne trois propositions différentes que l’on peut essayer de croiser. Le vélo tient une grande place dans la vie des trois informateurs. Dans le premier entretien,  il s’agit de répondre à une attente : « c’était l’occasion de dire adieu à cette routine », dans le second, le vélo fait partie de la vie quotidienne de l’informateur :  » m’a accompagné tout au long de ma vie », et dans le troisième, l’informateur appartient déjà au « milieu vélo » avant son recrutement.

De là, nous pouvons émettre l’hypothèse que la pratique cycliste s’adresse d’abord à ceux qui ont une expérience de la bicyclette. A partir de là, nous pouvons réorienter les entretiens en cherchant des informateurs qui ne pratiquent pas la bicyclette. Nous pouvons également nous rapprocher des associations qui proposent un apprentissage de la bicyclette, type vélo-école. Mais globalement, les gens qui utilisent un vélo pour se rendre à leur travail ont fait ce choix sans se dire qu’ils allaient apprendre à faire du vélo.

Dans le cours de la rédaction, nous pouvons invoquer les trois réponses, pour nuancer nos propos. Ici, nous pouvons retravailler la parole des informateurs pour rendre cette parole plus fluide, sans toutefois rien changer aux mots prononcés. L’entretien 3 sera soumis à cette tâche car la parole est davantage saccadée et il est important d’en restituer la logique. Voilà ce que cela peut donner :

« Je connaissais la personne qui s’occupait du recrutement parce qu’on se connaissait déjà dans le milieu du vélo. Elle m’a proposé de rejoindre le groupe pour assurer un complément de revenu, c’était la base du contrat. »

Ici, on met l’accent sur l’interconnaissance et le réseau qui a permis à cet informateur d’être recruté chez un livreur à vélo. On apprend également que l’informateur faisait déjà du vélo, et qu’il appartenait au « milieu du vélo » que l’on peut peut-être comprendre comme le milieu cycliste de la compétition, par exemple. Une question plus précise pourra être posée dans le cours de l’entretien, si nécessaire.

A vous de jouer !

Voir dans les précédents billets :

=> Le terrain et les analogies

=> L’écriture du mémoire 3

=> L’écriture du mémoire 2

=> L’écriture du mémoire

=> Compter pour prouver

=> Quel plan ?

=> Problématique et hypothèses

=> Dégager une problématique

 

Où en sont les étudiants ?

Traces-empreintes, © NJ 2018

Au terme du premier semestre universitaire, les étudiants se sont appuyés sur une idée principale pour trouver une orientation vers un sujet possible. Ils ont essayé de construire un sujet à partir d’une idée et des échanges entre pairs et enseignants. A plusieurs reprises, ils ont eu l’occasion de tester ces idées, grâce à des séances de présentation.  Ils ont ensuite trouvé le terrain de leur enquête, lieu où ils effectuent leur collecte de donnée, et lieu d’interaction entre eux-mêmes et les autres. Petit à petit ils ont façonné les grands traits de leur objet de recherche.

Les voilà enfouis sous un monceau d’informations, sous des lectures et des notes. Dans la phase qui arrive, ils terminent leur collecte de données, et commence à en faire une analyse précise. Pour cela, ils s’appuient sur leurs lectures, car ils ont pointé des concepts qui va leur servir de point d’articulation entre leur terrain, leurs idées, et leurs hypothèses. Ils vont maintenant forger une problématique qu’il renforceront encore par des lectures.

Rue Marceau, © NJ 2017

Qu’en est-il de nos étudiants Erasmus ? Peu de contact depuis leur départ, j’imagine qu’ils ne savent plus où donner de la tête, qu’ils courent entre la fac et leur domicile, qu’ils découvrent sans cesse de nouvelles alliances, à travers les cultures et les échanges multicolores.

A leur retour, ils auront cinq séances pour peaufiner leur mémoire, prendre les bonnes décisions et articuler le tout. Les exigences sont aujourd’hui les mêmes que pour les mémoires « at home », et il faudra donc rédiger 50 pages (ce qui est une petite moyenne, les mémoires faisant généralement entre 70 et 100 pages). Les étudiants Erasmus doivent donc collecter toutes leurs informations avant leur retour. Même si l’Internet permet de récupérer après coup des données (statistiques, vidéo, documents, etc.), les entretiens et l’iconographie (photographie, croquis, etc.) doivent impérativement être faits au moment de l’échange universitaire. En effet, il est difficile de retourner dans le pays pour faire un dernier entretien, et il ne faut pas compter sur les bonnes intentions des habitants laissant croire à des échanges possibles une fois rentré. Loin des yeux, loin du cœur dit-on en Auvergne.

Au retour, il restera la mémoire des événements vécus, les détails de quelques anecdotes, et si par chance les étudiants ont pris des notes, et des bonnes, ils pourront s’en servir pour retrouver des moments que l’analyse rehaussera.

Nous sommes déjà en février, il ne faut pas traîner…

Chiisakobé

Chiisakobé de Minetarô Mochizuki, d’après Shûgarô Yamamoto, Le Lézard Noir, 2016-2017

Les frontières culturelles trouvent leurs limites entre les peuples. L’histoire en quatre tomes que raconte Minetarô Mochizuki en est une illustration. Cette adaptation du roman de Shûgorô Yamamoto (1903-1967) retrace en quatre volumes l’histoire de la reconstruction de l’entreprise d’architecture Daitomé suite à l’incendie d’un quartier de la banlieue de Tôkyô. Le fils Sigeji, architecte ayant effectué un tour du monde pour voir l’architecture se retrouve devoir reprendre l’entreprise de son père, suite à son décès dans le tragique incendie. Ce manga traite de la complexité des sentiments au Japon et des nombreux détails que l’on peut lire dans l’expression du visage pour essayer de comprendre les personnes.

Chiisakobé de Minetarô Mochizuki, d’après Shûgarô Yamamoto, Le Lézard Noir, 2016-2017

Ritsu, une jeune femme de vingt ans, s’installe dans la maison de Shigeji avec une bande d’orphelins, suite à l’incendie du quartier situé en marges de la ville. Shigeji est en deuil, mais il ne pourra dépasser cette épreuve que lorsqu’il aura achevé la reconstruction de l’entreprise familiale. Aussi, il accepte d’héberger les enfants rescapés car il éprouve des sentiments envers Ritsu mais évite de les montrer. Il en est de même pour Ritsu, dans ces relations subtiles et complexes que seuls les japonais peuvent avoir. Chacun épie l’autre et tire des conclusions à partir de petits détails. Petit à petit l’histoire avance et la reconstruction de l’entreprise d’architecture ne se fait pas sans heurt. Shigeji devra surmonter plusieurs obstacles. Pour ne pas mettre d’autres artisans dans l’embarras, Shigeji décide d’affronter seul l’adversité. Il parviendra à remonter la pente et dans une crise ultime, à avouer son amour pour Ritsu. Tout est lié : la découverte de l’architecture, le métier d’artisan architecte (maître-artisan spécialiste de charpente et de construction bois), la vie de famille, l’amour. Ce manga peut aussi être appréhendé comme un voyage initiatique à la recherche de ses propres limites et de celles des autres.

Grand jeu concours

Jardin japonais, Toulouse, avril 2009, © NJ

A destination des étudiants du séminaire Voir la Ville

Produire un texte illustré de deux images (horizontales 500 Ko chacune) portant sur un point particulier de la thématique développée durant le terrain d’enquête. Texte libre, style libre, etc. Le texte peut porter sur un point de méthode, une question épistémologique, une approche de la démarche, le développement d’une hypothèse, la mise en évidence d’un concept, etc.

Limite du texte à 3000 signes (espaces compris).

Le producteur du texte le plus original, le mieux rédigé, gagnera un exemplaire du dernier ouvrage de Colette Pétonnet Variation sur la Ville, éditions du CNRS 2018.

=> Envoyez-moi vos contributions avant le 30 janvier minuit (Greenwich)

Jean-Louis Siran nous a quitté

Jardin japonais, Toulouse, avril 2009, © NJ

C’est une formule lapidaire et bien euphémisée pour signifier que cet anthropologue vient de mourir, et qu’en ce début d’année, nous prendrons le temps de relire un de ses textes, lui qui a beaucoup travaillé sur la notion de marge.

Jean-Louis Siran a travaillé sur le périurbain, ce qu’il a appelé à l’époque de sa thèse les nouveaux villages. Son regard mérite une relecture à l’heure où on se penche sur les « captifs » du périurbain, ceux qui ont crié haut et fort qu’ils ne pouvaient plus vivre comme cela, tous les samedis de décembre. La question était peut-être déjà présente en 1980, date de de sa thèse, et sans doute aurait-il fallu lire ce texte et le comprendre.

Vers l’anthropologie est un texte plus récent qui reprend les notes de terrain qu’il effectua entre 1968 et 1974 en terre africaine. Elle nous donne un aperçu de l’homme et de ses espérances (ethnologiques ou anthropologiques). Ce texte est-il très lointain de la thèse de troisième cycle intitulée Nouveaux villages, nouvelles banlieue, dirigée par Louis-Vincent Thomas ? Rien de moins sûr. Voici une réflexion sur la notion de terrain. En conclusion, il écrit « Quand j’étais étudiant, nos professeurs nous enseignaient que l’ethnographie décrivait telle ou telle société, l’ethnologie opérant des synthèses régionales, et l’anthropologie les synthèses maximales. Mais non. L’ethnographie n’est qu’une méthode, un chemin, un mode de recueil des données. Et selon le mode de construction de ces données qu’on pratiquera, on sera ethnologue ou anthropologue. L’un est bien le contraire de l’autre : qu’on soit d’ici ou bien d’ailleurs, et où que l’on travaille, il faut choisir. »

Il est toujours intéressant pour soi d’écouter l’expérience de nos ainés. D’une part parce que cela évite de retomber dans les mêmes travers, et d’autre part, car l’expérience n’est pas reproductible, seulement communicable après coup. Notons aussi que Jean-Louis Siran fait figure de pionnier en matière d’étude du périurbain. Nous allons prévoir une séance autour de cet homme et de son travail.

 

LA NOTION DE GENTRIFICATION

Texte de Marianne Pommier

La gentrification, définie dans le Larousse comme une tendance à l’embourgeoisement d’un quartier populaire, fait partie entière des problématiques actuelles de la ville.

Le projet de la tour Occitanie, Illustration DR, © La dépêche

Souvent appelée dans les médias français « boboïsation », il s’agit d’un phénomène urbain, par lequel des quartiers dits « populaires » perdent de leur identité face à l’arrivée de nouveaux habitants, plus aisés financièrement. Ainsi, les aspects sociaux et économiques du quartier s’en trouvent modifiés, ne permettant pas aux habitants « originels » de rester par la suite.

La gentrification pourrait au début s’apparenter à une mixité sociale, permettant de réunir des personnes de diverses catégories socioprofessionnelles. Cependant, de par l’attractivité décuplée du quartier par les nouveaux arrivants, le prix du foncier augmente par pallier, jusqu’à uniformisation des revenus de la nouvelle population.

Ainsi, les premiers arrivants peuvent être des artistes intéressés par la vie d’un quartier populaire. Puis, cette nouvelle visibilité de la zone attire des investisseurs immobiliers, de secteur public ou privé, permettant un nouveau développement économique. Les commerces s’adaptent à cette nouvelle population ayant plus de moyens, devenant inaccessible pour les autres personnes. Par conséquent, on peut observer deux flux principaux de migrations liés à la gentrification : les habitants « originels » du quartier, qui se voient repoussés plus en marge de la ville ; et les nouveaux habitants, qui « prennent leur place » dans le quartier convoité.

En réhabilitant d’anciens domiciles, la question du mal-logement n’est pas pour autant traitée. Chaque réhabilitation destine le logement à une population ayant plus de revenus et ne permet pas de reloger les habitants les plus pauvres. Ainsi, la question de l’insalubrité semble réglée, mais il ne s’agit que d’une relégation loin des regards, où les seuls logements financièrement disponibles pour ces personnes « expulsées » sont ceux présentant les mêmes défauts. Cette migration se fait vers des quartiers plus pauvres, étant souvent plus en périphérie des villes, mettant donc les populations en difficulté encore plus à l’écart des centres urbains.

Les ramblas de Jean Jaurès, Xavier de Fenoyl, © La dépêche

A Toulouse, c’est dans le quartier Marengo que se recoupent les interrogations actuelles sur la gentrification. Les travaux, commencés cette année et rejoignant la vision de Toulouse 2030, doivent apporter au secteur de la gare une nouvelle mixité sociale.

Mais ce renouvellement urbain est vécu par certains habitants avec une crainte, celle d’être évincée du quartier pour laisser place à des catégories socioprofessionnelles plus élevées. Sur le site de la mairie de Toulouse, on peut lire que le projet de Toulouse EuroSudOuest est un tremplin pour la métropole Toulousaine, et que l’objectif serait d’ « étendre le centre-ville de Toulouse pour qu’il soit à la hauteur de son rang de capitale ». Et c’est justement dans ces mots que prend racine l’appréhension de gentrification : étendre le centre-ville, c’est donner la même qualité au quartier Marengo qu’au centre de Toulouse. Et ces qualités, comme dit précédemment, s’accompagnent d’une valorisation du foncier et donc d’une hausse des loyers, conduisant à un début de gentrification.

Ce programme visant à « valoriser les quartiers aux abords de la gare » remet donc en question le public auquel ces travaux sont destinés. Pour qui construit-on des ramblas sur les allées Jean-Jaurès ? A quoi servira le pôle multimodal à Matabiau ? Faisons-nous enfin venir la ligne grande vitesse jusqu’à Toulouse ? Les habitants actuels du quartier Marengo bénéficieront-ils de ces modifications, ou au contraire en seront-ils victimes ?

Pour aller plus loin =>

• http://www.hypergeo.eu/spip.php?article497

• https://www.mediacites.fr/toulouse/enquete-toulouse/2017/11/14/lombre-de-lembourgeoisement-plane-sur-le-futur-quartier-matabiau/

• http://www.gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=1199394

• https://www.toulouse.fr/web/projet-urbain/amenagements-urbains/centre-ville/un-centre-ville-mieux-partage/point-infos-toulouse-centre?p_p_id=101&p_p_lifecycle=0&p_p_state=maximized&p_p_mode=view&_101_struts_action=%2Fasset_publisher%2Fview_content&_101_assetEntryId=323095&_101_type=content&_101_urlTitle=toulouse-eurosudouest-un-projet-strategique-avec-l-arrivee-de-la-l-1&inheritRedirect=false

Retour de conférence gesticulée

Les membres d’Handi’Apt et l’équipe du séminaire (une partie), © NJ

Bien vue ! cette initiative de donner la conférence sous forme de balade dans le quartier de Bordeblanche. Océane et Mélanie nous ont rejoint place des Pradettes à 9h30. Petit problème d’organisation, mais après avoir laissés des consignes à l’accueil et au LRA, nous sommes partis tranquille espérant retrouver quelques auditeurs en route, hélas !

Un petit effectif donc pour cette « conférence gesticulée » qui nous emmena sur le site d’un futur projet d’inclusion. D’ici quelques mois, un ensemble collectif prendra place et accueillera des personnes handicapées, des personnes âgées, et bien portantes. Comment se fera l’inclusion ?

Sur le site de Bordeblanche, © NJ

Nous sommes allés au centre du terrain, entre nature et culture, puisque le but du jeu a été d’ouvrir ses sens à l’écoute des limites et des frontières. Nous avons cherché à délimiter le territoire, à le contourner et à mesurer le degré d’ouverture avec le quartier. De plus, le soleil était au rendez-vous, ce qui ne gâchait rien.

Comme nous étions peu nombreux, nous avons parcouru ensemble ces terres, puis avons envisagé de faire le tour du quartier. Par la rue Pierre Molette, nous avons pris le sens des aiguilles d’une montre, avons marché puis tourné à droite, etc. Un quartier pavillonnaire où d’anciennes toulousaines côtoient des maisons plus récentes, un artisan pâtissier à domicile, parfois une résidence sécurisée, parfois un établissement scolaire (école Germaine Tillon, l’ethnologue), la Dépêche du Midi, la bibliothèque, peu de commerces.

Bilan devant notre nouvel écran interactif, © NJ

De retour dans notre salle, en fin de matinée, Océane a utilisé le tableau blanc interactif pour nous aider à faire le bilan de cette matinée d’observations. En violet nous avons tracé le parcours effectué, en bleu nous voyons les sens d’inclusion, le cercle rouge indique la place des Pradettes, en jaune les voies rapides traversantes…

 

Handi’Apt et les limites de l’inclusion

 

Affiche Ville & Handicap

La démarche pédagogique très innovante qu’initient nos deux intervenantes se fera à partir d’un travail in situ sur le programme de Bordeblanche. En effet, Handi’Apt accompagne un groupement Architectes (David  Weidknnet de IDP) et Promoteurs sur un projet d’habitat intergénérationnel à Bordeblanche (phase concours) – Populations cibles : PSHM/P, personnes âgées et familles.

Une matinée qui s’annonce plutôt créative…

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