Les « Humanités » en danger ! Lettre ouverte aux cuistres qui nous gouvernent.

    La réforme du Collège menace directement l’enseignement des Langues Anciennes qui va devenir caduc, « ultra facultatif », assaisonné aux sauces douteuses de gouvernants qui méprisent la culture et le véritable humanisme. Faut-il rappeler à cet égard que notre Ministre de la Culture n’avait jamais ouvert un livre de notre Prix Nobel de l’année, Patrick Modiano ? De quoi devenir nostalgiques d’une ère, qui nous paraît subitement très lointaine, où les ministres de l’Enseignement et de la Culture avaient des Lettres, une brillante culture ! Où sont André Malraux, Jack Lang ? Ils nous paraissent aussi lointains que les « neiges d’antan » du bon François Villon !

  Appelées à devenir des « Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) » [sic!], mises en concurrence avec tous les autres projets de l’établissement, dont la Direction aura la charge de faire le « choix », selon les moyens qui lui auront été accordés, les langues grecque et latine vont faire les frais du dispositif, au même titre qu’en Lycée elles ont déjà beaucoup souffert de l’instauration des Enseignement d’exploration en classe de seconde… Concrètement, cela signifie la disparition de l’enseignement des Langues et Cultures de l’Antiquité là où elles sont présentes aujourd’hui, car leur maintien ne tiendra qu’au bon vouloir local, après d’inévitables tensions entre ces disciplines et d’autres nouveaux projets. Ce que les élèves apprendront de nos deux cultures « mères » sera réduit à l’état de rudiments, vague vernis dont ils n’auront qu’un maigre souvenir et qu’un faible usage.

  Sans doute ces messieurs et dames qui nous gouvernent ne considèrent-ils ces piliers de la culture humaniste que comme des gadgets désuets, des hochets pour quelques vieux dinosaures nostalgiques, des colifichets pour « happy few » ! Je pourrais leur produire les témoignages de tous ces élèves jeunes, dynamiques, acteurs d’un monde qu’ils construisent pour l’Homme, qui, « nourris de latin et de grec », nous disent leur satisfaction, au terme d’un cursus universitaire d’Histoire, de Droit, de Lettres, de Langues, mais surtout de Médecine, entre autres, d’avoir noué ce contact précieux avec les racines, structures linguistiques, avec cette pensée, cette philosophie qui ont fondé les plus beaux principes de la Culture Occidentale.

Hélas, c’est le propre des présomptueux et des inconscients que de faire fi des racines et legs du passé: ils croient n’avoir nulle dette envers quiconque et détenir la science infuse… Pourtant, il n’y a qu’à regarder la dérive de leur barque, sur les eaux saumâtres d’une société matérialiste et ultra-libérale à laquelle ils ont rendu les armes et pour laquelle ils ont apostasié leurs idées et leurs idéaux, cette barque ne leur obéit plus, et, tel l’esquif de Rimbaud, nul doute que « sa quille éclate » et qu’elle ne finisse engloutie, « sous les yeux horribles des pontons », dans la lumière amère des « aubes navrantes »…

  Umberto Eco, le grand humaniste italien, écrivait à la fin du XXème siècle que nous entrions dans un nouveau Moyen-Age, à commencer par les Temps obscurs et l’éradication de la culture au bénéfice d’une idéologie dominante qui s’apparente à une forme de barbarie… L’influence des modèles,  américain et autres, de systèmes essentiellement acquis au modèle de société ultra-libéral et néo-capitaliste fait des ravages et se voit mise en oeuvre par ceux-là même dont on pouvait penser, à condition de croire en leurs paroles, qu’il défendraient les valeurs de l’humanisme et de la culture, de la société à visage humain. Apparemment, ceux qui les ont crus se sont trompés, parce qu’ils les ont trompés.

  Mais le propre de l’Humanisme est de croire envers et contre tout que l’Homme est doué de raison, aussi, il nous reste la faculté de signaler notre indignation, notre désaccord, la possibilité d’adresser un signal d’alerte à ceux qui s’apprêtent à commettre une faute irréparable et à affaiblir davantage encore l’enseignement français: signons la pétition adressée à Madame la Ministre, en suivant le lien ci-joint:

https://secure.avaaz.org/fr/petition/Madame_la_Ministre_Latin_et_grec_ancien_pour_tous_les_eleves_dans_tous_les_etablissements/?pv=15

pétition

Le sujet du Concours général de Composition Française 2015

« On n’est pas écrivain pour avoir choisi de dire certaines choses mais pour avoir choisi de les dire d’une certaine façon. Et le style, bien sûr, fait la valeur de la prose. Mais il doit passer inaperçu. Puisque les mots sont transparents et que le regard les traverse, il serait absurde de glisser parmi eux des vitres dépolies. »
Jean-Paul Sartre, Qu’est ce que la littérature ?

Vous analyserez et discuterez cette réflexion en vous appuyant sur des exemples précis.

 

Tel est le beau (mais difficile !) sujet que votre camarade Raphaël Becques (1° ES2) a affronté ce mardi dans la capitale des Flandres au titre du célèbre et annuel Concours Général de  Composition française

De quoi relativiser un peu vos appréciations sur les sujets du récent Bac blanc de Français !smiley

Paul Eluard – Liberté…

Liberté

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom 

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom 

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom 

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul EluardAu rendez-vous allemand, 1945, Les Editions de Minuit

Dédicace à tous ceux dont la liberté est entravée, qu’elle soit physique, morale, d’expression. Dédicace à Charlie Hebdo et à Dieudonné, à tous ceux, toutes celles que diverses instances, pour divers motifs veulent empêcher de s’exprimer librement. Qui que ce soit, d’où qu’il ou elle s’exprime, quoi qu’il ou elle pense, doit être libre de s’exprimer normalement. La liberté d’expression est une, entière, indivisible, inaliénable… ou n’est pas ! Elle ne souffre aucune demi-mesure, aucune hypocrisie.