Atelier réalisé à Valence, le 10/10/19 à l’invitation de l’OCCE: 

L’animatrice propose au groupe de choisir un sujet: 

Un membre du groupe se souvient d’une fois où un enseignant avait demandé sur un post-it d’une formation: « Que faire des glandeurs ? ».

La notion de « glandeur » provenant du langage familier indique un jugement péjoratif des enseignants à l’égard de certains élèves. Dans le vocabulaire courant, les glandeurs sont ceux qui ne travaillent pas.

Analyse sociologique:

Les « glandeurs » à l’école ont-ils un profil sociologique particulier ?

Il est possible de s’appuyer sur Travailler à l’école d’Anne Barrère. La sociologue effectue une typologie de quatre types d’élèves:

  • Les bosseurs: Les bosseurs sont des élèves qui travaillent et ont de bonnes notes. Ce sont en particulier des filles de classe moyenne supérieure.
  • Les forçats: Les forçats sont des élèves qui travaillent beaucoup et ont des résultats à peine suffisants. Ce sont le plus souvent des filles de milieux populaires ou de la petite classe moyenne.
  • Les touristes: ils ne travaillent pas trop à l’école et pourtant ils réussissent. C’est plutôt la figure des garçons de classe moyenne supérieure. Celle que Bourdieu a désigné sous le terme d’héritier avec le concept de « grâce ».
  • Les fumistes: Ils ont arrêté de travailler et n’ont pas de bons résultats scolaires. Ce sont plutôt des garçons de milieux populaires. On peut faire également un lien entre les fumistes et la culture anti-école des enfants d’ouvrier chez Paul Willis, dans L’école des ouvriers.

Pour completer Les rapports à l’école

La typologie d’Anne Barrère montre qu’il n’y a pas nécessairement de corrélation entre travail et réussite scolaire. Elle met à mal l’illusion méritocratique qui classe les élèves selon la quantité d’effort de travail fournie. L’école ne note pas le travail, mais la performance scolaire.

Dilemme ethique: 

L’enseignant-e doit-elle s’occuper des glandeurs car tous les élèves ont le droit à son aide ou au contraire doit-il/elle se consacrer en priorité aux élèves qui travaillent et qui de ce fait serait plus méritant-e-s ?

En outre, il est possible de se demander si l’on doit traiter de la même manière les fumistes et les touristes.

Les valeurs en jeu: 

Il est possible de considérer que cette situation sur le plan éthique met en jeu des valeurs qui sont hiérarchisées différemment selon les enseignants:

  • Le principe d’égalité: tous les élèves doivent être traités de manière identique
  • La discrimination positive: les élèves doivent être aidés davantage lorsqu’ils viennent de milieux sociaux moins favorisés pour lutter contre les inégalités sociales
  • La méritocratie: l’enseignant doit se consacrer en priorité aux élèves qui travaillent car ils font plus d’efforts.
  • L’efficacité: il faut faire avancer tout le groupe, les glandeurs ralentissent le groupe. Donc il faut les délaisser.

L’animatrice demande aux participant-e-s d’hierarchiser les valeurs et de justifier leur hiérarchie de valeurs. 

Remarques:

  • Il est possible de remarquer au cours de l’atelier comme l’a montré Lyse Langlois que certaines personnes ne refléchissent jamais aux problèmes éthiques en faisant intervenir les inégalités sociales (Ce que Lyse Langlois appelle l’éthique de la critique).
  • Il est possible également de remarquer que les personnes avouent moins facilement publiquement leur recours au principe d’efficacité car cela apparait peu moral au vu des idéaux éthiques de l’enseignement. Néanmoins, il est interessant également de souligner que l’utilitatarisme de l’enseignant-e va être d’autant plus grand qu’il ou elle subit des contraintes institutionnelles qui lui rendent plus difficile le fait de s’occuper des élèves qui présentent plus de difficultés de travail.