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HLP Histoire et violence 1 Corrigé de l’interprétation du texte d’Hemingway

Question d’interprétation littéraire :

En quoi ce texte rend-il compte du dilemme auquel tout soldat est confronté ?

Dilemme = choix difficile ; Pour le soldat, se pose le problème de tuer ou non.

Dans ce texte, le personnage hésite entre cesser de tuer, parce qu’on n’en a pas le droit, et continuer à tuer, parce que cela permet de défendre une cause juste (la liberté du peuple contre la tyrannie franquiste).

 

Ce dilemme apparait à travers la structure même du texte, constitué des nombreuses interrogations intérieures que se pose le personnage Robert Jordan. Les nombreuses phrases interrogatives (treize en vingt lignes), à la forme directe, soulignent l’état de doute du protagoniste. Les verbes introducteurs à la forme pronominale, comme « se demanda-t-il à lui-même » ligne 1, « se dit-il » répété aux lignes 7, 9 et 19, et « il se répondit » ligne 20 rappellent régulièrement au lecteur que ces questions correspondent aux réflexions intérieures du personnage. C’est un véritable discours intérieur auquel se livre Robert Jordan, que la magie de l’écriture donne à lire au lecteur.

 

C’est le jeu de questions – réponses qui permet de poser les termes du dilemme dès le premier paragraphe. On trouve à la fois l’idée que tuer est interdit, à travers le vocabulaire exprimant un jugement de valeur comme « tu as le droit de tuer » ligne 2 ou « c’est mal de tuer » ligne 5, et l’idée que tuer est une nécessité (« mais il faut bien ») pour défendre une cause. Ces deux idées sont bien présentées comme antithétiques, grâce aux réponses opposées « non » ligne 2 et « oui » aux lignes 5 et 6, ainsi qu’à la répétition de la conjonction « mais » qui martèle l’opposition aux lignes 2, 3 et 5. Le dilemme est donc clair : faut-il défendre une cause juste mais devoir tuer ? Ou faut-il ne pas tuer, mais laisser s’installer le fascisme ?

 

C’est l’opposition entre la nécessité et le droit qui rend compte du dilemme dans le deuxième paragraphe. Le personnage voit le fait de tuer comme une obligation « il faut tuer parce que c’est nécessaire » ligne 9. L’emploi d’un complément de cause montre bien que Robert Jordan cherche à expliquer ses actes criminels. Il les voit comme le seul moyen de défendre une cause qu’il croit juste. Mais il considère aussi que l’on n’a pas le droit de tuer, ce qui transparait dans les formules d’interdiction « on ne doit pas croire » ligne 8 et « il ne faut pas croire » ligne 10. L’alternance des phrases affirmatives et négatives souligne le dilemme du soldat : défendre « le droit [du peuple] de se gouverner à son gré » ligne 8 donne-t-il « le droit de tuer » ligne 9 ?

 

Ce dilemme prend toute sa dimension avec la focalisation de Robert Jordan sur une question particulière : combien de personnes a-t-il tuées ? Si la question apparait dès la première ligne « combien en as-tu tués ? », c’est dans le troisième paragraphe que cette question devient obsessionnelle, répétée aux lignes 11, 12 et 15. C’est une question dérangeante car elle met le soldat face à ses actes, ce qui explique ses premières réponses : « je ne sais pas » ligne 1 et « je ne tiens pas à m’en souvenir » ligne 11. Le lecteur perçoit clairement les incohérences des réponses que le personnage se fait à lui-même. A la question « tu le sais [combien tu en as tués] ? ligne 12, il répond « oui », ce qui exprime une certitude, mais cela s’oppose à la réponse suivante, incertaine : « on ne peut pas être sûr du nombre ». Ces réponses contradictoires, associées au champ lexical du meurtre (neuf occurrences du verbe « tuer » en vingt lignes, ainsi que l’emploi du terme fort « abattre » ligne 16 et de l’euphémisme « retirer la vie à un autre » ligne 25), souligne le dilemme du soldat, à travers cette question qui le tourmente du nombre de personnes qu’il a tuées.

 

De la même manière, l’insistance sur l’importance du nombre de victimes lors de l’attaque d’un train, avec la répétition de l’adverbe « beaucoup » ligne 13 (« en faisant sauter un train, on en tue beaucoup. Vraiment beaucoup. ») fait que l’on s’étonne du chiffre annoncé ensuite « plus de vingt » ligne 14. Si ce chiffre est déjà conséquent, il semble faible par rapport à ce à quoi l’on pouvait s’attendre. On peut alors se demander si une part de lui-même ne cherche pas à se mentir, ce qui est confirmé dans le paragraphe suivant, qui se termine sur cette injonction « tâche de bien piger et ne te mens pas à toi-même. » Cette insistance sur le nombre de victimes souligne la question du droit de tuer.

 

Et Robert Jordan finit par ne plus vouloir se poser la question, question qui pourtant le poursuit. C’est l’idée que l’on retrouve dans le dernier paragraphe, où deux faces du personnage se confrontent. Alors qu’une part de lui-même souhaite agir sans se poser de questions, l’autre part veut être sûre de son droit. Cette confrontation apparait avec la répétition de l’impératif « écoute » aux lignes 19 et 20, employé tour à tour par une part de sa conscience. Une partie de lui-même essaie de taire ses doutes « tu ferais mieux de ne pas penser à ça ». Mais l’autre partie l’oblige à y faire face, « écoute-moi, toi ! » ligne 20. Tout le dernier paragraphe est une incitation à la réflexion, avec l’emploi du tutoiement dans des phrases affirmatives et négatives qui deviennent ainsi des ordres et des interdictions : « Tu es en train de faire quelque chose d’important » ligne 21, « tu n’as pas le droit de faire les choses que tu fais » ligne 23. Il pose dans une même phrase la condition « si ce n’est pas clair dans ton esprit » ligne 23, la cause « puisque toutes sont criminelles » ligne 24, et la concession ligne 25 « à moins que ce ne soit pour empêcher que quelque chose de pire n’arrive à d’autres gens », s’obligeant ainsi à réfléchir à ses actes en pesant toutes les circonstances du problème.

 

Ce texte rend donc bien compte du dilemme auquel est confronté tout soldat en plaçant le lecteur au cœur du discours intérieur d’un personnage engagé dans un combat. Le jeu de questions-réponses et les contradictions qui traversent le protagoniste mettent en valeur l’écartèlement de celui-ci entre le désir de défendre une cause qui lui semble juste et la douleur de faire une action criminelle en tuant des gens, pour certains innocents.


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