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Lucrèce Borgia : mises en voix et choix de mises en scène

Travaux de groupes

Chaque groupe travaille sur l’un des extraits suivants.

Chaque groupe réfléchit à une mise en scène  et l’exposera ensuite à la classe.

Deux élèves du groupe mettent en voix l’extrait (choix sur les pauses, les intonations, la force de la voix…).

1er Extrait acte I, partie 1, scène 2

GUBETTA.

Parlez moins haut, madame. —Je ne m’appelle pas ici Gubetta, mais le comte de Belverana, gentilhomme castillan ; vous, vous êtes madame la marquise de Pontequadrato, dame napolitaine. Nous ne devons pas avoir l’air de nous connaître. Ne sont-ce pas là les ordres de votre altesse ? Vous n’êtes point ici chez vous ; vous êtes à Venise.

DONA LUCREZIA.

C’est juste, Gubetta. Mais il n’y a personne sur cette terrasse, que ce jeune homme qui dort ; nous pouvons causer un instant.

GUBETTA.

Comme il plaira à votre altesse. J’ai encore un conseil à vous donner ; c’est de ne point vous démasquer. On pourrait vous reconnaître.

DONA LUCREZIA.

Et que m’importe ? S’ils ne savent pas qui je suis, je n’ai rien à craindre ; s’ils savent qui je suis, c’est à eux d’avoir peur.

GUBETTA.

Nous sommes à Venise, madame ; vous avez bien des ennemis ici, et des ennemis libres. Sans doute la république de Venise ne souffrirait pas qu’on osât attenter à la personne de votre altesse ; mais on pourrait vous insulter.

DONA LUCREZIA.

Ah ! Tu as raison ; mon nom fait horreur, en effet.

 

2° Extrait acte I, partie 1, scène 2

GUBETTA.

Je dis que c’est un jeune homme qui dort couché sur un banc, et qui dormirait debout s’il avait été en tiers dans la conversation morale et édifiante que je viens d’avoir avec votre altesse.

DONA LUCREZIA.

Est-ce que tu ne le trouves pas bien beau ?

GUBETTA.

Il serait plus beau, s’il n’avait pas les yeux fermés. Un visage sans yeux, c’est un palais sans fenêtres.

DONA LUCREZIA.

Si tu savais comme je l’aime !

GUBETTA.

C’est l’affaire de don Alphonse, votre royal mari. Je dois cependant avertir votre altesse qu’elle perd ses peines. Ce jeune homme, à ce qu’on m’a dit, aime d’amour une belle jeune fille nommée Fiametta.

DONA LUCREZIA.

Et la jeune fille, l’aime-t-elle ?

GUBETTA.

On dit que oui.

DONA LUCREZIA.

Tant mieux ! Je voudrais tant le savoir heureux !

GUBETTA.

Voilà qui est singulier et n’est guère dans vos façons. Je vous croyais plus jalouse.

DONA LUCREZIA. contemplant Gennaro.

Quelle noble figure !

GUBETTA.

Je trouve qu’il ressemble à quelqu’un…

DONA LUCREZIA.

Ne me dis pas à qui tu trouves qu’il ressemble ! — Laisse-moi.

 

3° extrait Acte I partie 1 scène 4

DONA LUCREZIA.

Cette terrasse est obscure et déserte ; je puis me démasquer ici. Je veux que vous voyiez mon visage, Gennaro.

Elle se démasque.

GENNARO.

Vous êtes bien belle !

DONA LUCREZIA.

Regarde-moi bien, Gennaro, et dis-moi que je ne te fais pas horreur !

GENNARO.

Vous, me faire horreur, madame ! Et pourquoi ? Bien au contraire, je me sens au fond du cœur quelque chose qui m’attire vers vous.

DONA LUCREZIA.

Donc tu crois que tu pourrais m’aimer, Gennaro ?

GENNARO.

Pourquoi non ? Pourtant, madame, je suis sincère, il y aura toujours une femme que j’aimerai plus que vous.

DONA LUCREZIA. souriant.

Je sais, la petite Fiametta.

GENNARO.

Non.

DONA LUCREZIA.

Qui donc ?

GENNARO.

Ma mère.

DONA LUCREZIA.

Ta mère ! Ta mère, ô mon Gennaro ! Tu aimes bien ta mère, n’est-ce pas ?

GENNARO.

Et pourtant je ne l’ai jamais vue. Voilà qui vous paraît bien singulier, n’est-il pas vrai ? Tenez, je ne sais pas pourquoi j’ai une pente à me confier à vous ; je vais vous dire un secret que je n’ai encore dit à personne, pas même à mon frère d’armes, pas même à Maffio Orsini. Cela est étrange de se livrer ainsi au premier venu ; mais il me semble que vous n’êtes pas pour moi la première venue.

 

4° Extrait Acte I partie 2 scène 1

DONA LUCREZIA.

Tout est-il prêt pour ce soir, Gubetta ?

GUBETTA.

Oui, madame.

DONA LUCREZIA.

Y seront-ils tous les cinq ?

GUBETTA.

Tous les cinq.

DONA LUCREZIA.

Ils m’ont bien cruellement outragée, Gubetta !

GUBETTA.

Je n’étais pas là, moi.

DONA LUCREZIA.

Ils ont été sans pitié !

GUBETTA.

Ils vous ont dit votre nom tout haut comme cela ?

DONA LUCREZIA.

Ils ne m’ont pas dit mon nom, Gubetta ; ils me l’ont craché au visage !

GUBETTA.

En plein bal !

DONA LUCREZIA.

Devant Gennaro !

GUBETTA.

Ce sont de fiers étourdis d’avoir quitté Venise et d’être venus à Ferrare. Il est vrai qu’ils ne pouvaient guère faire autrement, étant désignés par le Sénat pour faire partie de l’ambassade qui est arrivée l’autre semaine.

DONA LUCREZIA.

Oh ! Il me hait et me méprise maintenant, et c’est leur faute. — Ah ! Gubetta, je me vengerai d’eux.

GUBETTA.

À la bonne heure, voilà parler. Vos fantaisies de miséricorde vous ont quittée, Dieu soit loué ! Je suis bien plus à mon aise avec votre altesse quand elle est naturelle comme la voilà. Je m’y retrouve au moins.

 

5° Extrait Acte II partie 1 scène 4

DON ALPHONSE.

Pourtant, dona Lucrezia, un serment…

DONA LUCREZIA.

Ne me donnez pas de ces mauvaises raisons-là. Je ne suis pas une sotte. Dites-moi plutôt, mon cher Alphonse, si vous avez quelque motif d’en vouloir à ce Gennaro. Non ? Eh bien ! Accordez-moi sa vie. Vous m’aviez bien accordé sa mort. Qu’est-ce que cela vous fait ? S’il me plaît de lui pardonner. C’est moi qui suis l’offensée.

DON ALPHONSE.

C’est justement parce qu’il vous a offensée, mon amour, que je ne veux pas lui faire grâce.

DONA LUCREZIA.

Si vous m’aimez, Alphonse, vous ne me refuserez pas plus longtemps. […]

DON ALPHONSE.

Je ne puis, chère Lucrèce.

DONA LUCREZIA.

Vous ne pouvez ? Mais enfin pourquoi ne pouvez-vous pas m’accorder quelque chose d’aussi insignifiant que la vie de ce capitaine ?

DON ALPHONSE.

Vous me demandez pourquoi, mon amour ?

DONA LUCREZIA.

Oui, pourquoi ?

DON ALPHONSE.

Parce que ce capitaine est votre amant, madame !

DONA LUCREZIA.

Ciel !

DON ALPHONSE.

Parce que vous l’avez été chercher à Venise ! Parce que vous l’iriez chercher en enfer ! Parce que je vous ai suivie pendant que vous le suiviez ! Parce que je vous ai vue, masquée et haletante, courir après lui comme la louve après sa proie !

 

6° Extrait Acte III scène 3

GENNARO. prenant un couteau sur la table.

C’est-à-dire que vous allez mourir, madame !

DONA LUCREZIA.

Comment ! Que dites-vous ?

GENNARO.

Je dis que vous venez d’empoisonner traîtreusement cinq gentilshommes, mes amis, mes meilleurs amis, par le ciel ! Et parmi eux, Maffio Orsini, mon frère d’armes, qui m’avait sauvé la vie à Vicence, et avec qui toute injure et toute vengeance m’est commune. Je dis que c’est une action infâme que vous avez faite là, qu’il faut que je venge Maffio et les autres, et que vous allez mourir !

DONA LUCREZIA.

Terre et cieux !

GENNARO.

Faites votre prière, et faites-la courte, madame. Je suis empoisonné. Je n’ai pas le temps d’attendre.

DONA LUCREZIA.

Bah ! Cela ne se peut. Ah bien oui, Gennaro me tuer ! Est-ce que cela est possible ?

GENNARO.

C’est la réalité pure, madame, et je jure dieu qu’à votre place je me mettrais à prier en silence, à mains jointes et à deux genoux. — Tenez, voici un fauteuil qui est bon pour cela.

DONA LUCREZIA.

Non. Je vous dis que c’est impossible. Non, parmi les plus terribles idées qui me traversent l’esprit, jamais celle-ci ne me serait venue. —Hé bien, hé bien ! Vous levez le couteau ! Attendez ! Gennaro ! J’ai quelque chose à vous dire !

GENNARO.

Vite.

DONA LUCREZIA.

Jette ton couteau, malheureux ! Jette-le, te dis-je ! Si tu savais… —Gennaro ! Sais-tu qui tu es ? Sais-tu qui je suis ? Tu ignores combien je te tiens de près ! Faut-il tout lui dire ? Le même sang coule dans nos veines, Gennaro ! Tu as eu pour père Jean Borgia, duc de Gandia !

GENNARO.

Votre frère ! Ah ! Vous êtes ma tante ! Ah ! Madame !

 

7° Extrait Acte III scène 3

DONA LUCREZIA.

Gennaro ! Par pitié pour toi ! Tu es innocent encore ! Ne commets pas ce crime !

GENNARO.

Un crime ! Oh ! Ma tête s’égare et se bouleverse ! Sera-ce un crime ? Eh bien ! Quand je commettrais un crime ! Pardieu ! Je suis un Borgia, moi ! à genoux, vous dis-je ! Ma tante ! À genoux !

DONA LUCREZIA.

Dis-tu en effet ce que tu penses, mon Gennaro ? Est-ce ainsi que tu paies mon amour pour toi ?

GENNARO.

Amour ! …

DONA LUCREZIA.

C’est impossible. Je veux te sauver de toi-même. Je vais appeler. Je vais crier.

GENNARO.

Vous n’ouvrirez point cette porte. Vous ne ferez point un pas. Et quant à vos cris, ils ne peuvent vous sauver. Ne venez-vous pas d’ordonner vous-même tout à l’heure que personne n’entrât, quoi qu’on pût entendre au dehors de ce qui va se passer ici ?

DONA LUCREZIA.

Mais c’est lâche ce que vous faites là, Gennaro ! Tuer une femme, une femme sans défense ! Oh ! Vous avez de plus nobles sentiments que cela dans l’âme !

 

 


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