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PETITE HISTOIRE DU ROMAN

OBJET D’ETUDE: Le personnage de roman, du XVIIè à nos jours:

 

  • LES ORIGINES DU ROMAN:

  Au Moyen Age jusqu’au XVIIIè, c’est un genre mineur, méprisé, qu’on a longtemps considéré comme un genre « mauvais genre » car:

 

écrit en langue romanela lingua romana rustica; c’est-à-dire la langue « vulgaire », celle du peuple opposée à celle des lettrés, qui utilisent  la langue noble par excellence,  le latin.  C’est là l’origine de ce genre littéraire appelé « roman »! Très vite, la langue romane a servi à rédiger des récits fictifs et divertissants comme les romans de chevalerie, comme Yvain ou le Chevalier au lion, de Chrétien de Troyes en 1176. Les héros cumulent qualités morales et physiques, et sont issus des héros épiques de l’Antiquité, tels Ulysse, Achille.

– apprécié du peuple, des femmes, qui étaient jugées peu dignes d’éducation pendant de longs siècles. Le roman porte l’image d’un genre de seconde classe, peu savant et populaire!

conte les aventures chevaleresques ou courtoises (histoire d’amour: la « fin’amor » médiévale), souvent rocambolesques et donc invraisemblables, comme dans Le Chevalier de la Charrette,  ou dans Tristan et Iseut. Même si les romans médiévaux sont porteurs d’idées, de morales intéressantes et sont le reflet des idéologies de leur temps, on déconsidérait ce genre jugé peu digne des élites. On leur reproche d’être irréalistes et immoraux, fondés sur le mensonge.

 Le XVIè voit émerger un nouveau type de roman: le roman parodique*, avec Cervantès en Espagne et son célèbre Don Quichotte, et les romans de Rabelais en France: Gargantua*, Pantagruel, qui se font l’écho des préoccupations des penseurs humanistes*.

Portée critique évidente: le roman n’est plus un simple instrument de distraction mais, sous des apparences folâtres et légères, aux personnages peu vraisemblables, il traite de sujets sérieux.

Lire ici le prologue de Gargantua et le symbole des silènes!  

  • ROMAN CLASSIQUE: XVII-XVIIIè

    ? le roman pastoral ou roman héroïque divertit une aristocratie opulente et puissante, vivant assez loin du roi et des soucis de la cour de Louis XIII (1610-1643). Ce sont des romans-fleuve qui mêlent des récits d’aventures invraisemblables et des scènes de rencontres amoureuses, dans un langage fleuri et galant. Les héros du roman pastoral sont curieusement des bergers et des bergères, aux habitudes de cour. Quant aux héros du roman héroïque, il reprennent les qualités des grands héros antiques, transposant la vie mondaine de la cour du XVIIè dans l’Antiquité.

  •  L’Astrée d’Honoré d’Urfé, roman pastoral  ou La Clélie de Mlle de Scudéry, roman héroïque, véritables phénomènes de société, furent en vogue dans les salons littéraires où se réunissaient la fine fleur des aristocrates cultivés, en particulier ces femmes savantes qualifiées de « précieuses » (dont Molière moquera les excès dans Les Précieuses ridicules) : on pourrait comparer l’attrait qu’ils provoquaient aux téléfilms actuels de télé-réalité, ou aux « telenovelas » sud-américaines, qui captivent un auditoire nombreux tous les soirs.
  • Ecoutez ici un extrait de La Clélie: l’épisode de La Carte du Tendre  
    Carte_du_tendre

    La Carte du pays de Tendre représente, sous forme allégorique, les différentes étapes de la vie amoureuse selon les Précieuses au XVIIè siècle. Gravure de François Chauveau, XVIIè

    ? La Princesse de Clèves (résumé ici, 1678) de Mlle de Lafayette, est un roman issu de cette prose galante, il fut le plus grand succès littéraire de la deuxième moitié du XVIIè: l’héroïne, Mlle de Chartres, mariée par convention à M. de Clèves qu’elle estime mais pour lequel elle n’éprouve aucun amour, rencontre un peu plus tard le véritable amour en M. de Nemours. Le roman retrace cet amour idéalisé et passionné dans un monde de cour très codifié, où l’individu se débat entre devoir moral et passion amoureuse. Ce roman est souvent qualifié de premier « roman psychologique » en raison de l’emploi du monologue intérieur qui permet au lecteur de connaître les pensées les plus intimes de l’héroïne, une nouveauté à l’époque, qui ouvre la voie au roman moderne.  

    Le personnage y devient un être aux qualités louables, un modèle idéalisé, qui permet aux lecteurs nobles de s’identifier. Son épaisseur psychologique s’affirmant, le lecteur s’y reconnaît d’autant mieux!                                                                                              

    Le roman critique et satirique: le roman va peu à peu gagner ses lettres de noblesse en abordant d’autres registres, d’autres domaines, au plus près de la société dont il était jusqu’alors éloigné.

  • Ce sont des romans qualifiés de « comiques », par opposition à héroïques, car ils caricaturent les moeurs de leur temps, et les tournent en ridicule. Ex: Le Roman comique de Scarron: le personnage est plus réaliste, souvent sans foi ni loi, loin des modèles antiques.
  • Début XVIIIè apparaît la mode de l’orientalisme sous la Régence de Philippe d’Orléans, la cour se libère et s’ouvre à d’autres civilisations. Montesquieu dans Les Lettres persanes (1721) critique les moeurs et les institutions de son temps à travers le regard d’un jeune Persan en visite en France. Les écrivains-philosophes des Lumières utilisent le roman au service du débat d’idées ou de leurs convictions personnelles: Diderot dans La Religieuse, Marivaux dans La Vie de Marianne ou l’abbé Prévost, à sa façon, dans Manon Lescaut, dans la veine des romans libertins. De même,  Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.

Le personnage se complexifie, et incarne l’idée que les Lumières se font de l’individu: un être de coeur et d’esprit, qui se forme et s’affirme comme sujet pensant au fil des expériences de la vie. Les héros prennent aussi la forme de porte parole de leur auteur, au service des idées des Lumières, dénonçant les injustices de leur temps.

 

  • ROMAN au XIXè: l’âge d’or du roman

C’est le grand siècle du roman, car il va dorénavant apparaître comme un genre noble, dans lequel les auteurs souhaitent briller.

? La veine romantique: début XIXè siècle:

  • Au début, il met en scène des héros en proie à l’angoisse qui s’interrogent sur la vie et en quête d’idéaux, parfois révoltés contre leur société: c’est le roman d’analyse psychologique du mouvement romantique: Adolphe de Benjamin Constant, René de Chateaubriand, Delphine de Mme de Staël. Les héros sont capables de tout par amour, se retirer dans un couvent de déception ou après une trahison, se laisser mourir! Ils sont aussi les témoins de leur époque, des violences de l’Histoire (changements violents de régime politique dans le sang: révolution française, révoltes de 1830, de 1848…). La veine historique est à la mode: Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, Notre-Dame-de Paris de Victor Hugo. Même Balzac, plutôt classé comme auteur réaliste, s’adonne à ses débuts à ce genre qu’il admire à travers Walter Scott, dans Les Chouans: ce roman est un drame politico-historique qui se passe en 1799 et peint les luttes sanglantes entre les chouans, paysans bretons favorables au retour du roi, et les révolutionnaires.

? Le roman réaliste, 1830-1850:

Voir le cours détaillé sur ce mouvement culturel et littéraire ici:http://lewebpedagogique.com/littlfip/realisme-naturalisme/

  • Destiné à peindre le réel, à ne rien embellir, le roman triomphe dans son désir de dire toute la vérité, d’étudier la société dans ses moindres détails par la peinture exacte et fidèle de la réalité: Le Père Goriot de Balzac, Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, Madame Bovary de Flaubert.
  • Le personnage reflète son milieu social, il s’agit de peindre des « types » sociaux, c’est-à-dire des personnages typiques représentatifs de leur classe sociale, à la manière des classifications zoologiques du XIXè siècle. C’est ainsi que Balzac charpente son immense oeuvre, La Comédie humaine, en 90 volumes! Les personnages sont définis par un trait de caractère très marqué, comme l’avare, la vieille fille, le père sacrifié… A travers ces caractères, Balzac dévoile les mécanismes comportementaux et sociaux par:
  • L’observation précise du réel: des sujets nouveaux comme la banalité de la vie quotidienne, les gens ordinaires, du peuple qui n’étaient pas considérés auparavant comme des objets artistiques.
  • La description des moeurs, des idées, de l’aspect du monde contemporain à travers l’étude détaillée des classes sociales: toutes les catégories sont représentées, du monde paysan, du monde ouvrier, des employés de maison à la petite bourgeoisie de province, sans oublier les classes privilégiées des grands bourgeois ou des aristocrates. Les champs lexicaux du corps, du caractère apportent des précisions sur les personnages.

Balzac affirme qu’il veut être « un historien des moeurs » voulant « faire concurrence à l’état civil »!

? Le roman naturaliste: fin XIXè, années 1880.

Ce mouvement prolonge le réalisme dans ses ambitions de peindre le réel avec vraisemblance et fidélité. Mais il va plus loin dans sa tentative de comprendre la société française, en auscultant à la manière d’un médecin, les moindres détails du quotidien. Le personnage devient un objet d’expérimentation: on cherche à montrer la double influence de l’hérédité et du milieu social sur la destinée du héros, dont le parcours est en quelque sorte déterminé dès sa naissance. C’est ce que Zola appelle le déterminisme social, dans sa grande théorie du roman naturaliste, dont il est le chef de file. Il retrace dans son grand oeuvre, Les Rougon-Macquart, en 20 volumes, la fresque d’une famille dont il veut retracer « l’histoire naturelle et sociale sous le second Empire ».

  • Gervaise, l’héroïne de L’Assommoir, jeune provinciale montée à Paris pour travailler comme blanchisseuse, se débat dans un milieu ouvrier ravagé par l’alcoolisme et la violence des rapports humains qui en découle, et connaîtra un sort misérable et tragique.
  • Etienne Lantier, son fils , sera le héros des révoltes de mineurs dans Germinal.
  • Nana, héroïne du roman éponyme, fille de Gervaise, cocotte et demi-mondaine qui règnera sur un Paris de débauche, incarne le dérèglement du sexe et des sens, hérité de la branche des Macquart, et s’adonne à une vie de luxe, de paresse, de débauche. Elle est pour Zola le symbole de la décadence de la société aristocratique et mondaine du second Empire, qui s’effondre à la fin du roman, alors que les troupes allemandes envahissent la France (guerre franco-prussienne de 1870)
  • Mouret, entrepreneur génial du roman Au Bonheur des dames, issu de la branche bourgeoise des Rougon, se prend de frénésie pour le commerce des grands magasins et met tout en oeuvre pour assujettir sa clientèle féminine aux caprices des achats inutiles: Zola peint là la fin d’un monde, celui des petits commerces familiaux coulés par la concurrence du grand capitalisme.

 ? LE ROMAN du XXè et XXIè: une diversité des formes

Le début du XXè siècle voit la défaite de cette veine réaliste; le modèle naturaliste s’essouffle et certains auteurs reviennent au merveilleux, à l’imaginaire et au symbolique, mettant au premier plan la vie psychologique des personnages: comme André Breton dans Nadja en 1928, où les descriptions jugées sans intérêt, sont remplacées par des photographies ou des collages d’images. Mais dans le contexte de l’entre-deux-guerres, l’intérêt pour la vie intérieure des personnages laisse sa place aux questions morales et philosophiques que soulèvent les grandes tragédies de l’Histoire (guerres mondiales, Shoah, nazisme et fascismes…). Le roman se fait l’écho de la crise des valeurs. On passe de la dénonciation d’un monde absurde, à l’engagement!

  • Le roman du moi: l’aventure intérieure, la vie psychique intéresse les auteurs de ce début de XXè siècle. De nombreux auteurs écrivent à la première personne pour sonder l’âme humaine: Marcel Proust dans son oeuvre A la Recherche du temps perdu, Svevo dans La Conscience de Zeno.
  • Ou, sous un mode plus poétique, Alain Fournier dans Le Grand Meaulnes, ou Colette dans Sido, Le Blé en herbe, content les premiers émois d’adolescents qui s’ouvrent au monde de la sensualité.
  • Le conflit intérieur est aussi un des thèmes des romanciers chrétiens de cette période: François Mauriac dans Le Noeud de vipère (drame familial autour de la question de l’héritage) ou dans Le Sagouin (un enfant disgracié physiquement et arriéré devient la victime de la haine de sa mère), Georges Bernanos dans Sous le soleil de Satan ou dans Le journal d’un curé de campagne, ou Julien Green.
  • Dans l’entre-deux-guerres, le roman historique ou politique revient en force: Voyage au bout de la nuit de Céline- le héros, Bardamu, soldat de la première guerre mondiale, pense l’absurdité d’un monde violent qui écrase l’individu-,  La Condition humaine de Malraux- retraçant les guerres civiles chinoises qui mirent aux prises, dans les années 20, parti communiste et parti nationaliste.  Le personnage retrace les faiblesses, les noirceurs et les espoirs de l’homme des années 20 et 30, engagé dans le monde, traversant de terribles épreuves.
  • Camus avec L’Etranger signe un roman novateur, à la portée philosophique, qui met en scène un antihéros déroutant, Meursault: le parti pris d’une écriture simple, qu’on a qualifié de « blanche » pour raconter la vie ordinaire de cet employé modeste à Alger qui, un jour, sans réelle raison, sur un plage, tire sur un arabe, place Camus dans la veine philosophique. Il met en scène à travers ce héros sa philosophie de l’absurde, qui cherche à penser l’homme de son temps, en proie à de terribles événements historiques, qui voit s’écrouler les valeurs auxquelles il croyait (le pacifisme, le règne d’une société plus égalitaire de partage…) Cependant, les auteurs qui décrivent l’absurdité du monde, choisissent de se révolter et de s’engager, afin de redonner du sens à la vie, que ce soit chez Camus, chez Sartre ou chez Malraux.
  • Dans les années 50, après la seconde guerre mondiale qui remet en cause les bases humanistes de la pensée occidentale, certains romanciers se tournent vers un jeu formel qui explore de nouvelles techniques de narration et joue avec les codes du roman traditionnel: c’est le mouvement du Nouveau Roman regroupant Michel Butor (La Modification, écrit à la deuxième personne du pluriel, « vous ».), Nathalie Sarraute (Enfance, Le Planétarium), Alain Robbe-Grillet (Les Gommes, La Jalousie). Le personnage devient une figure opaque, ne livrant pas son intériorité au lecteur comme auparavant, dépouillé de toute psychologie. Le récit privilégie parfois la description détaillée purement objective, vidée de tout jugement, de tout sentiment, ce qui déroute le lecteur. Parfois la notion même de personnage tend à s’effacer: on ne sait plus rien du héros, de son identité, de son intériorité, de sa position sociale…
  • A partir de la fin du XXè siècle, et la fin des grandes idéologies (effondrement du bloc communiste, dureté du modèle capitaliste), on parle de littérature « post-moderne », où le récit devient bien souvent celui d’une conscience, d’un individu qui se fait l’écho de la montée de l’individualisme, l’envahissement de l’économie dans nos vies, et l’essor des nouvelles technologies qui bouleversent les rapports sociaux des temps passés. Exemples: Michel Houellebecq dans Les Particules élémentaires, Laurent Gaudé dans Eldorado, ou l’oeuvre de Le Clézio qui oppose aux valeurs occidentales un ailleurs, celui des civilisations sud-américaines et africaines (Désert, L’Africain)

On retient que le personnage contemporain incarne aussi bien la médiocrité que l’héroïsme et qu’il interroge toujours le monde d’aujourd’hui et se fait souvent le relais de la vision du monde de son auteur!


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