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C’est quoi, commenter un texte littéraire sans paraphrase?

Posted by on 5 janvier 2015

Petits conseils pour vos commentaires littéraires

SUPPORT: Les Illusions perdues de Balzac, le premier jour de Lucien au théâtre parisien.

[…] Le plaisir qu’éprouvait Lucien, en voyant pour la première fois le spectacle à Paris, compensa le déplaisir que lui causaient ses confusions1. Cette soirée fut remarquable par la répudiation2 secrète d’une grande quantité de ses idées sur la vie de province. Le cercle s’élargissait, la société prenait d’autres proportions. Le voisinage de plusieurs jolies Parisiennes si élégamment, si fraîchement mises, lui fit remarquer la vieillerie de la toilette de Mme de Bargeton, quoiqu’elle fût passablement ambitieuse : ni les étoffes, ni les façons, ni les couleurs n’étaient de mode. La coiffure qui le séduisait tant à Angoulême lui parut d’un goût affreux comparée aux délicates inventions par lesquelles se recommandait chaque femme. – Va-t-elle rester comme ça ? se dit-il, sans savoir que la journée avait été employée à préparer une transformation. En province il n’y a ni choix ni comparaison à faire : l’habitude de voir les physionomies leur donne une beauté conventionnelle. Transportée à Paris, une femme qui passe pour jolie en province, n’obtient pas la moindre attention, car elle n’est belle que par l’application du proverbe : Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Les yeux de Lucien faisaient la comparaison que Mme de Bargeton avait faite la veille entre lui et Châtelet3. De son côté, Mme de Bargeton se permettait d’étranges réflexions sur son amant. Malgré son étrange beauté, le pauvre poète n’avait point de tournure4.
Sa redingote5 dont les manches étaient trop courtes, ses méchants gants de province, son gilet étriqué, le rendaient prodigieusement ridicule auprès des jeunes gens du balcon : Mme de Bargeton lui trouvait un air piteux. […]

1- maladresses 2- embarras abandon 3- le baron du Châtelet. Mme de Bargeton le préférera à Lucien 4- allure, élégance 5- veste de soirée.

      CE QU’IL FAUT FAIRE:            

  • Cherchez l’intérêt littéraire de cet extrait, son originalité ou sa conformité aux codes d’écriture d’un roman réaliste, pour l’extrait qui nous intéresse. Faites bien le rapprochement avec la question préalable, sur le corpus, que vous avez étudiée: comment le milieu social influence-t-il le destin et les rêves des héros réalistes?                  
  • Arrêtez-vous sur les détails des mots et des phrases employées: pourquoi l’auteur répète-t-il l’épithète « étrange » deux fois? Pourquoi emploie-t-il si fréquemment l’énumération ainsi que l’anaphore de l’adverbe de négation « ni« ? Pourquoi utilise-t-il si fréquemment des antithèses (à la mode versus démodé)? Etc…
  • Observez la focalisation dans l’extrait (suivez les couleurs!): qui raconte? comment le voit-on?: soyez attentif au changement de narrateur! On passe de la focalisation interne (narrateur-personnage =Lucien) à un narrateur omniscient, qui juge avec amusement ses personnages, pour revenir, à nouveau, à une focalisation interne (narrateur-personnage = Mme de Bargeton). Il faut vous demander pourquoi Balzac a choisi de changer si souvent le point de vue dans cet extrait? Que nous conte-t-il de la société parisienne et de son influence sur les protagonistes?                                                   

     CE QU’IL FAUT EVITER:

  • Proscrire absolument LA PARAPHRASE!  Ce n’est pas une insulte, ni une figure de style, encore moins du charabia, mais un défaut- bien pardonnable-lorsqu’on commence à apprendre le commentaire de texte. Mais qu’il faut bien vite abandonner pour réussir son commentaire de texte! Ce défaut consiste à répéter le contenu du texte avec ses mots, ou en reprenant plus ou moins bien ceux du texte, sans en donner une interprétation littéraire, sans rien ajouter d’intéressant au sens du texte. Bien souvent, vous vous contentez d’expliquer le sens premier du texte, le mot à mot, ce qui n’est pas le propos d’un commentaire littéraire. 

Petite application:

Lisez et comparez ces deux analyses d’un extrait du texte précédent : laquelle est une paraphrase du texte, laquelle apporte un commentaire littéraire pertinent? Pourquoi?

« Les deux protagonistes modifient leur jugement l’un sur l’autre au contact de Paris. L’auteur nous dit que Lucien éprouve du plaisir et du déplaisir à la fois lors de sa première venue à Paris. Il prend conscience que Paris est remarquable car les parisiennes sont belles et délicates. « Le voisinage de plusieurs jolies Parisiennes si élégamment, si fraîchement mises » lui font comprendre que Mme de Bargeton est démodée. Il se fait la remarque qu’elle est affreuse et voit combien la vieillerie de sa toilette manque d’élégance; les étoffes, les façons, les couleurs, rien n’est beau, alors que les parisiennes sont si délicates et fraîches. Pareillement, Mme de Bargeton pense que le pauvre poète a un air piteux, qu’il fait pitié à voir comparé aux jeunes du balcon. Elle le trouve ridicule, sans allure, mal habillé et sans tournure. Elle critique ses habits aux « manches trop courtes », « ses méchants gants de province » et « son gilet étriqué », ce qui veut dire que son ancien style de province ne lui convient plus et que Lucien ne lui plaît plus. »

« Cette scène est marquée par une évolution négative des regards. On passe dès la première phrase du « plaisir » d’être au spectacle à Paris, au « déplaisir » que cause le décalage des codes et des habitudes. Tout va dans le sens d’une désillusion, d’une dégradation réciproque de la perception. Dès lors, le texte est bâti sur des jeux d’antithèses opposant les Parisiennes à Mme de Bargeton : aux « délicates inventions » des coiffures de ces « jolies » dames s’oppose celle de sa maîtresse, « d’un goût affreux » ; aux adverbes valorisants pour caractériser la toilette des femmes de Paris (« élégamment », « fraîchement ») correspondent « les vieilleries de la toilette » de Mme de Bargeton, une toilette dont la syntaxe et le rythme régulier marqué par l’anaphore « ni » soulignent avec une insistance cruelle le caractère démodé : « ni les étoffes, ni la façon, ni les couleurs n’étaient de mode. » Parallèlement, le regard de Mme de Bargeton détaille l’aspect « prodigieusement ridicule » de Lucien, à travers des adjectifs dévalorisants : « méchants » ; « étriqué ». Il y a donc symétrie dans l’évolution des regards des deux héros.

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