Jan 9 2024

France 2024

La saison 2024 se dessine :

ARZACQ a ouvert la temporada comme à l’accoutumée le 18 février avec une novillada de premier échelon.

En ARLES, le 30 mars, novillos de différents élevages pour Niño Julián et Navalón [v-o] puis Castella [o-oo], Luque [oo] et Ortega (Zalduendo); le 31 M. Román [v-o] VS Marco [oo] (V Gallon) puis corrida mixte avec Ventura, Manzanares et Talavante [oo-oo] (Jandilla); le 31 Leal [oo], Marín et Clemente [o] face à des toros de La Quinta.

AIGNAN annonce une corrida de Baltasar Ibán  avec Uceda, Canton [o] et Parejo [o] finalement reportée au 7 avril.

MUGRON renouvelle également sa confiance en Baltasar Ibán pour sa novillada du lundi de Pâques avec Peñaranda, Chicharro [o-oo] et Bastos [o].

Le 6 avril, pour la novillada de SAINT-PERDON au Plumaçon, lot de Valdellán pour Medina, Calzada et Andrades [v-o].

GARLIN poursuit la saga Pedraza un an de plus et pour notre plus grand plaisir; ce sera le 14 avril avec notamment les novilleros C. Torres et A. Palacio [o].

Le 20 avril, à SAINT-MARTIN, novillada de Valverde pour Jaume et Nino et corrida de Saltillo pour Lamelas, D. Castaño et Tibo. GAMARDE organisera sa corrida annuelle un peu plus tard que d’habitude, le 21 avril, avec Urdiales et Clemente et du bétail de Castillejo de Huebra.

Le 1er mai, novillada de Palha à AIRE sur l’Adour pour Peñaranda, Cerrato et Cirugeda.

A ALÈS, les 11 et 12 mai, élevages cent pour cent français pour une feria en deux corridas et une novillada ; toros de Valverde, Tardieu et Pagès-Mailhan le samedi pour El Rafi, Olsina et Fonseca et de Yonnet le dimanche pour Morenito, Gerpe et Tibo.

A VIC, le 18 mai novillos de Raso de Portillo pour Seseña, Melli et Calzada puis toros de Cuadri pour Robleño, Esaú et Pilar; le 19 traditionnelle corrida-concours avec Vara, Chacón et Castilla puis toros de Dolores Aguirre pour Lamelas, Damián et Gerpe; le 20 Le Lartet en non -piquée puis Morenito, Román et El Rafi (Los Maños).

Enrique Ponce fera son retour en France le 17 mai à NÎMES accompagné de Talavante et Galán (Juan Pedro). Le 18 Castella, Roca et El Rafi (Garcigrande); le 19 Lalo, M. Román et Navalón (Piedras Rojas) puis Castella, De Justo et Rufo (V. Del Río); le 20 Leal, F. Adrián et Solalito (V. María).

Le 2 juin, à CAPTIEUX, nsp puis novillos de Jalabert et La Golosina pour Jarocho, T. Barroso et Bastos.

Le 14 juin, à ISTRES, Luque, et (Jandilla); le 15, pour la novillada, Nino et Marco (Juan Pedro) puis Castella, Valadez et Parejo (V. del Río); le 16 Rafi, Olsina et Martínez (Pagès-Mailhan) puis Ponce, Galván et Clemente (Juan Pedro).

Le 16 juin, corrida de Peñajara à AIRE.

Le 22 juin à La BRÈDE, Uceda, Salen et Cantón (Margé). Le 23 à SAINT-SEVER affiche galactique : toros de Santiago Domecq pour S. Castella, D. Luque et F. Adrián.

Les 29 et 30 juin, à BOUJAN, novillos de Turquay et Valverde pour Moreno, Chicharro et Cid de María et de Guadaira pour Navas, Nino et Navalón. Le 29 également, à MIMIZAN, toros de Z. Moreno pour Rafaelillo, Luque et El Rafi.

A CERET, le juillet, toros de Sobral pour D. Castaño, Del Pilar et Castilla; le 7 novillos de Barcial pour Calzada et Andrades et toros d’Escolar pour Robleño, Pilar et Flores. Le 7 également, Canton, Rafi et Lamothe devant des toros de Pagès-Mailhan à EAUZE.

A MONT de MARSAN, le 17 juillet Morante, Luque et Cantón (Pto S. Lorenzo); le 18 Castella, Marín et Lamothe (V. Del Río); le 19 Robleño, Morenito et Lamelas (concours); le 20 T. Barroso et Marco Pérez (Paralejo) puis De Justo VS Clemente face à des toros de La Quinta et le 21 Escribano, Adame et Borja pour le retour du fer de Victorino Martín.

Le 27 juillet, à TYROSSE, lot de Gallon pour sa corrida annuelle et le lendemain à ORTHEZ, novillada de Barcial et corrida-concours portugaise avec Flores, Del Pilar et Gerpe. Le 28 également, utreros de José Escolar à HAGETMAU après non-piquée d’Alma Serena la veille. Le même week-end, à BEAUCAIRE, défi I. Y T. Vázquez VS M. de Albaserrada pour Corbacho, Calzada et Alcolado puis D. Aguirre VS Valverde pour D’Alva, Andrades et Hargous.

Le 9 août, à SOUSTONS, novillos de Montalvo. Le 11 MILLAS poursuit un an de plus avec la formule de la novillada-concours avec des élevages français.

Les élevages pour DAX seront V. del Río, Jandilla, Juan Pedro, Pedraza, Margé, Santiago Domecq, La Quinta et une novillada de Montealto. Ponce, qui a coupé à ce jour 59 oreilles et une queue qui lui ont permis de sortir à 17 reprises par la Grande Porte dacquoise, sera présent le premier jour, 14 août,  pour sa despedida du sud-ouest.

On sait également que BÉZIERS renouvelle sa confiance à Miura et BAYONNE à Pedraza.

ROQUEFORT a programmé une novillada de Valverde pour le 15 août.

Les 24 et 25 août, novillos de Los Maños et El Retamar à PARENTIS.

Le 8 septembre, à DAX, mano a mano avec Castella et Luque (Jandilla).

Pour les VENDANGES nîmoises, solo de Luque face aux laquintas. Les autres affiches devraient être composées de Morante et Manzanares pour l’alternative de Lalo en plus d’une mixte avec Léa, Castella et Clemente.


Oct 14 2023

Saison espagnole

Au-delà de la frontière, une claire révélation dans le haut du pavé : Fernando Adrián avec une double grande porte à Madrid et des succès en série dès qu’il a eu l’occasion de montrer l’étendue de son talent (visible à Vieux-Boucau en septembre). Un départ, celui d’El Juli, qui continue à triompher sans passionner l’afición mais en restant une tête d’affiche attrayante. Morante a écrit une page d’histoire à Séville en avril et n’a ensuite donné que des détails quoiqu’ inoubliables, avant d’annuler de nombreux contrats en raison d’une tendinite coriace. Roca Rey reste l’empereur, le torero que les gens en général mais aussi beaucoup d’aficionados aussi veulent voir car il ne déçoit pas. Luque a été royal mais il ne lui manque plus qu’un couronnement définitif à Madrid. De Justo a retrouvé son niveau après un succès à Séville puis dans la capitale avec aussi des faenas mal conclues notamment en France où il n’a pas eu énormément de « suerte », lui qui pourtant la charge si bien. Talavante a eu de grands succès cet été, en particulier celui de Bilbao. J’ai par ailleurs déjà évoqué le retour gagnant de mon tocayo Sebastián qui a connu un crescendo constant avec une reconnaissance dans sa Séville adoptive. Rufo a confirmé après son entrée fulgurante dans la cour des grands, se mettant au niveau des figuras à de nombreuses reprises mais la temporada prochaine sera décisive pour prouver qu’il est le grand  torero qu’on pressent. Marín est installé dans la hiérarchie depuis plusieurs saisons, il pourrait rivaliser avec le précédent mais aussi avec le détenteur du sceptre, Andrés I, s’il lui en donne la possibilité dans des arènes fondamentales. Le toreo doit impérativement provoquer les rivalités, c’est dans son ADN et c’est une des clés de sa survie.

Chez les artistes, Ortega réussit à faire devenir réalité son toreo onirique, à la cape comme muleta en main (Malaga, Séville, où il entendit la musique au premier tiers, Grenade, Santander et surtout Valladolid : bon bilan pour un torero de ce type absent de Madrid ce qui a peut-être eu le don de provoquer chez lui une réaction de pundonor), alors qu’Aguado ne réussit à convaincre que lorsqu’il fait un effort semble-t-il contraire à sa nature autant que son toreo semble facile, naturel et fluide.

En corridas dures, Borja Jiménez se taille la part du lion avec un triomphe madrilène retentissant pour la clôture. Damián Castaño veut lui aussi une part du gâteau, pas la meilleur ni la plus belle mais il y a une place à côté d’un torero comme Ecribano qui devrait occuper le premier poste dans cette niche de respect où il a été injustement traité, à n’en pas douter. Il devrait même avoir quelques opportunités face à du bétail plus doux car il ne mérite pas non plus de s’y cantonner. Rafaelillo reste un spécialiste chevronné, aux formes plus mobiles toutefois que le précédent. El Cid n’a pas convaincu les pontes de bureau mais a pourtant montré une meilleure version de lui-même qu’à la fin de son étape précédente et face à du bétail compliqué sa main gauche n’ayant rien perdu de sa superbe.

Certains jeunes méritent d’être encouragés, notamment les Mexicains Valadez et Fonseca – torero varié et complet le premier, diestro bouillonnant le second – mais aussi le Vénézuélien Colombo ou le Colombien De Castilla. Il y a aussi des déceptions partielles, peut-être provisoire comme pour Téllez. De Manuel, malgré une oreille à Madrid et un triomphe à Valence ne s’est pas hissé au sommet comme cela était envisageable. Partie remise? D’aucuns ont eu leur moment, sortant parfois des oubliettes pour un triomphe local qui invite à des délocalisations au-delà de leur Andalousie natale : Miranda, Esaú, Galván ou Crespo.

Deux toreros prometteurs viennent de prendre l’alternative : Víctor Hernández et Jorge Martínez. On a amorcé à n’en pas douter un changement générationnel qui ne sera définitif qu’à coups de triomphes. A eux de faire leur preuve comme d’autres l’ont déjà fait.

Parmi les autres toreros de l’ancienne génération, Manzanares est en demi-teinte, Perera n’a pas oublié son métier mais les jeunes générations s’ouvrent en effet un chemin par le truchement d’un toreo plus pur ou plus enjoué. Ferrera, Urdiales ou Ureña qui ont été des triomphateurs absolus ces dernières années sont un peu passés au second plan sans être dans le creux de la vague, chose qui peut arriver à tout moment dans cette profession si exigeante. Ils ont eu des moments comme la faena d’une beauté tragique du dernier face à des victorinos lors de l’ultime course de la feria de San Isidro mais il y a eu un manque de continuité ou d’opportunités. Uceda Leal a de son côté été très convainquant à Madrid et ailleurs. Pour les toreros d’époque attendus comme ce qu’ils sont, José Tomás a été aux abonnés absents et on attend maintenant le retour de Ponce.

Chez les novilleros, il y a un certain nombre de noms intéressants, en plus de García Pulido, clair triomphateur de la saison : Sergio Rodríguez, vu à Parentis, Ismael Martín, Jorge Molina et bien d’autres (la liste ne se prétendant pas exhaustive), comme Marcos Linares, vainqueur du concours andalou ou Alejandro Peñaranda (lauréat des nocturnes madrilènes et auteur d’une très bonne prestation à Valence en fin d’année) ou Nek Romero (en vue chez lui et à Arnedo) sans oublier le vainqueur du fameux Zapato de oro, Daniel Medina. De manière assez subjective sans doute, deux novilleros m’ont particulièrement surpris : Fabio Jiménez, aux formes très personnelles et Alejandro Chicharro, auteur d’une véritable geste à Villaseca, mais une nouvelle génération aussi prometteuse que choyée apparaît : Manuel Román et Samuel Navalón avant l’arrivée prochaines du prodige Salmantin Marco Pérez et de l’artiste Sévillan Javier Zulueta. C’est en suscitant l’espoir en novilladas que l’afición se régénérera : espérons qu’on retrouve quelque chose qui s’apparente aux rivalités des années 50 et qu’on soit capable de s’enthousiasmer pour suivre leur évolution sans manquer d’indulgence.

Au niveau du bétail, en plus de ceux déjà cités, Santiago Domecq a confirmé, tout comme La Quinta (quoi que décevants pour leur présentation sévillane) et bien sûr Victorino Martín s’est montré au mieux dans ses deux versions : noblesse aussi absolue que piquante ou virevoltes sauvages. Murteira Grave semble quant à lui sur le point de revenir au premier plan. Mention spéciale pour un élevage aussi brave que confidentiel, hélas : Araúz de Robles. Pour les élevages prisés par les figuras, García Jiménez gravit encore un échelon et Juan Pedro Domecq semble opéré une mue progressive avec parfois des toros avec genio; chose surprenante. 

Une bonne nouvelle après le retrait du projet de loi abolitionniste en France, le retour des toros à Gijón et dans un certain nombre de localités où la politique s’était mêlée d’empêcher des gens de vivre au nom d’une certaine supériorité morale. En revanche la situation dans les villages est de plus en plus problématique, en partie à cause des coûts mais aussi parce que les aficionados veulent de la qualité et préfèrent se déplacer pour la trouver; en ce sens le modèle à suivre est Villaseca de la Sagra, en sus de certaines arènes françaises bien-sûr. Par ailleurs, la Justice espagnole a aussi permis au pass culture d’intégrer la Corrida ce qui lui avait été refusé par le ministère de la Culture dont elle dépend pourtant !


Sep 22 2023

Saison 2023 en France

Cette année aura été la saison du retour du plus grand torero français de tous les temps quoi qu’on pense de lui : Sébastien Castella, qui semble meilleur torero que jamais et ce malgré un temps d’adaptation pour revenir au premier plan, ce qu’avait également connu Talavante l’an passé après sa retraite temporaire, le Biterrois a donné un grand coup de poing sur la table à Madrid qui l’a replacé sur le devant de la scène avant de montrer ce dont il était capable au pays de son enfance.

Thomas Dufau s’en est quant à lui allé dignement après l’une des plus belles carrières du Sud-Ouest;  quatre autres toreros se sont détachés parmi lesquels Juan Leal (Béziers, Bayonne) qui se maintient à un niveau constant, même en Espagne sans parvenir à percer complètement puis El Rafi (La Brède, Châteaurenard, Saintes Maries, Dax, Nîmes) et Adriano (Arles par deux fois, Istres, Châteaurenard ou Nîmes) qui gravissent des échelons et enfin Clemente (Gamarde, Arles, Istres, La Brède, Arles) qui a explosé au niveau tricolore et pour lequel la saison prochaine sera décisive. N’oublions  pas Olsina, à l’avantage chez lui à Béziers et qui mérite une place. Lamothe  et Solalito ont pris l’alternative : le chemin sera dur et le temps mettra chacun à sa place. Il en va de même pour l’espagnol francisé Parejo.

Une saison de plus, c’est Daniel Luque qui aura été le triomphateur de ce côté-ci des Pyrénées malgré son forfait du mois d’août (Vic, Mont de Marsan par deux fois, Arles et surtout Nîmes devant les laquintas). Roca Rey s’est produit avantageusement en Arles, à Istres, Mont de Marsan, Bayonne ou Nîmes mais c’est sans doute dans les plus grandes arènes espagnoles qu’il a donné sa pleine mesure.

Dans les corridas âpres, Lamelas continue à donner le meilleur de lui-même, notamment lors de la feria du Riz, et Morenito de Aranda a accepté de s’y cantonner faute de mieux, en montrant qu’il est un torero de haut niveau qui a encore des choses à dire.

A Céret, Cortés, Castaño et Del Pilar ont été les plus en vues, trois toreros qu’on devrait voir plus souvent. Escribano s’est aussi peu prodigué ici qu’en Espagne et c’est d’autant plus dommage au vu de sa prestation bayonnaise.

Du côté de l’escalafón inférieur, Pulido s’est fait remarqué (Garlin, Hagetmau, St Perdon) autant qu’en Espagne. Chez les Français, Nino et plus encore Lalo sont attendus la saison prochaine pour monter en puissance.

Pour ce qui est du bétail les élevages qui ont donné le plus de satisfaction sont sans doute La Quinta, Ibán et Pedraza, ce dernier avec une plus grande irrégularité qu’auparavant mais avec de bons lots à Dax et Bayonne.


Oct 25 2022

Temporada 2022

Pour commencer, côté bétail, la confirmation que La Quinta est dans un grand moment. Les pupilles des frères Conradi ont triomphé à peu près partout mais les meilleurs moments ont eu lieu en Arles avec deux vueltas, à Santander où Hurón a été gracié et surtout à Dax avec deux vueltas et l’indulto de Sardinero. On retiendra aussi une bonne corrida de Baltasar Ibán à Vic et celle de Pedraza à Mont de Marsan ainsi qu’un bon lot de los Maños chez eux. Dans un autre style, Victoriano del Río fournit des toros à faena, à Madrid notamment (trois Grandes Portes) pour toreros capables d’en tirer la quintessence. Après le coup de poker cérétan de l’an passé, Reta donne de l’émotion à Estella dans une corrida d’un autre temps où Santero se détache et permet au torisme le plus intransigeant de se revigorer.

Pour la temporada française, un clair triomphateur : Daniel Luque qui s’est aussi hissé sur le podium ibérique mais sans remplir les arènes. Séville et Dax (dans son solo puis en septembre) auront été ses faits d’armes les plus marquants mais il a aussi obtenu un trophée d’un victorino à Valence avant de triompher pleinement en Arles (4 oreilles et une queue) ou à Mont de Marsan.

Le torero qui surprend le plus, avec ses 25 ans d’alternative, c’est Morante qui a eu la volonté de toréer comme à la belle époque, ses 100 corridas, avec fraîcheur, parce qu’il torée avec plaisir, en baissant son cachet pour défendre son art et face à des encastes variés (peut-être une prise de conscience tardive), le tout avec une maîtrise que seules donnent des années au sommet et bien-sûr la verve qu’on lui connaît. Quand d’autres pérorent, lui s’exprime avec puissance dans un savant mélange de sagesse et de passion, toujours selon son humeur, recréant des images d’un autre temps en imprimant sa personnalité. Tout un cours de sévillanisme qui surgit le mieux in situ, chez lui, dans le temple du toreo où il s’est vidé par deux fois cette saison, remplissant nos rétines d’étoiles car son toreo n’est pas de ce monde, c’est une succession de marbres auxquels il insuffle non pas la vie mais la sienne propre comme s’il était lui-même sa Galatée et comme pour faire sienne la phrases de José Tomás (dont les deux événements à guichet fermé ne sont qu’autant d’anecdotes et dont on aimerait également que propos et faits coïncident plus), à savoir que pour celui qui s’habille de lumières, « Vivre sans toréer, ce n’est pas vivre ». Pour ses grands jours, aucune rivalité possible. Les autres toreros n’ont plus qu’à dire : « Eteins et on s’en va ». Ces jours-là, il donne tout, il en va de sa raison de vivre, de sa vie même, qu’il met en jeu pour se recréer dans la suerte, se sentir éternel quelques instants alors qu’il est au bord de tout perdre mais sans héroïsme dévoyé, sans témérité ostentatoire, juste par offrande à l’idée d’une beauté absolue. Mais bien-sûr on peut s’en passer, tout cela n’est pas si important. Comme l’écrivait Sartre, la nature peut tout aussi bien se passer de l’homme. Tout peut être relativisé, jusqu’à ne plus rien laisser, ni la vie et bien-sûr ni la mort, l’un n’allant pas sans l’autre, nous autres qui la ritualisons l’avons bien compris.

Redescendons sur terre après ce panégyrique, le numéro un du toreo, celui qui triomphe le plus souvent et qui plus est de manière incontestable, c’est bien Roca Rey. Le jeune péruvien a gagné en maturité sans perdre de cette fougue et de ce don de soi qui font se remplir les arènes. Lui frôle parfois la témérité et parvient à émouvoir par le côté tragique quand la voie de l’esthétisme se ferme. Ses prestations les plus marquantes ont eu lieu à Séville, à Pampelune, à Bilbao surtout et à Madrid mais la liste de ses triomphes n’en finit plus.

La confirmation de la saison s’appelle Tomás Rufo qui s’offre les deux Grandes Portes les plus improbables : Séville et Madrid, pour sa première saison complète. Parviendra-t-il à rivaliser avec le Roi du toreo? Si c’était le cas, ce serait un nouvel âge d’or qui se dessinerait mais nous n’en sommes pas là. La révélation de cette année a pour nom Ángel Téllez, dans un toreo pur, parfait, de face et à la corne opposée qui le projette au premier plan. L’Absent, ou presque, sur blessure, j’ai nommé Emilio de Justo, a semblet-il fait des émules et on ne peut que se féliciter de ce retour au classicisme. L’autre révélation c’est Leo Valadez qui pourrait être le grand torero dont l’afición mexicaine a besoin.

Ensuite il y a beaucoup de déceptions, des demi-triomphes sporadiques au sens où, à la fin de la saison, il ne reste plus rien dans les mémoires, ou si peu, de toreros qui ont plus donné dans le passé et qui empêchent encore le renouvellement des générations. Mais cette profession est d’une grande dureté et une fatigue passagère ne présage pas pour d’autres d’un déclin définitif. Malgré quelques faenas réussies, Talavante est une des grandes déceptions. C’est un retour en demi-teinte. Après un début de saison inespéré, El Juli a fait son train-train, un peu comme Manzanares ou Perera, ce dernier peinant plus à rentrer dans les ferias. Urdiales, Ureña ou Ferrera n’ont pas été à la hauteur non plus de leurs dernières saisons même s’ils donnent des tardes intéressantes de-ci de-là. Marín est un très bon torero mais il émeut peu, comme Lorenzo mais un ton en-dessous. Aguado et Ortega malgré les oppotunités et leurs qualités intrinsèques n’ont pas brillé.

Il y a aussi des toreros qui peu à peu gravissent des échelons et qui un jour peuvent exploser : Garrido ou Colombo entre autres.

Chez les Français, Leal reste le plus en vue même s’il n’a pas été reconduit dans certaines ferias où il avait pourtant triomphé dans le passé. On a permis à Clemente de se faire une place et il ne s’en est pas privé. Dufau a triomphé à Mont de Marsan et Salenc à Bayonne, notamment. El Rafi et Canton ont aussi eu leur moment.

Parmi les spécialistes des fers les plus âpres, certains toreros ont du mal à garder le rythme et il y a eu de véritables déroutes que nous passerons sous silence. Les spécialistes les plus en vue restent les toreros éprouvés : Gómez del Pilar (deux fois une oreille à Madrid), López Chaves, Alberto Lamelas, Sánchez Vara, Javier Cortés et encore et toujours Manuel Escribano et Rafaelillo pour un retour gagnant. Pinar, irrégulier, a brillé à Béziers face aux miuras. Une des seules « nouveautés » de la saison est Adrián de Torres qui a surgi à Cenicientos.

En novilladas, le Mexicain Fonseca a fait le plein avant de prendre l’alternative puis ont pris le relais une génération de toreros prometteurs qui, espérons-le, vont mettre à la porte ces vieux consuls qui vivent assez confortablement de leurs rentes : Martínez, Alarcón, Molina, Hernández mais aussi Peseiro vu à Céret face une brave novillada d’Alejandro Vázquez. Chez les français, Yon Lamothe a pleinement confirmé sa saison passée et c’est en Espagne qu’il devra triompher l’an prochain pour se placer sur une rampe de lancement. Solalito reste un espoir qui apprend son métier.

S’il fallait décerner un prix aux quadrilles, celui au meilleur picador reviendrait sans doute à Oscar Bernal et celui du meilleur banderillero à Fernando Sánchez. Mention spéciale à la carrière de José Antonio Carretero : chapeau.

L’année 2022 sent aussi le roussi pour nous, pauvres malades barbares que nous sommes. Mexico a fermé ses portes, la Colombie toute entière devrait suivre et la France met la question sur la table même si les arènes font le plein et que le numéro de corridas reste stable. En Espagne, la saison a été bonne dans le circuit majeur mais les arènes mineures ouvrent de moins en moins leurs portes. Le public serait-il fatigué de spectacles peu sérieux ? Le modèle de Villaseca de la Sagra ou celui des aficionados des Tres puyazos à San Agustín de Guadalix est celui qu’il faut suivre, l’exemple français en somme. Cocorico (mais pas trop).


Sep 2 2022

Roca Rey

Andrés Roca Rey est né dans la capitale péruvienne le 21 octobre 1996. A 25 ans, il a déjà écrit une page de l’histoire taurine, ce qui lui vaut amplement une première rétrospection. Véritable phénomène dépassant l’orbite taurine en ces temps d’ostracisme, sa courte carrière est en effet fulgurante. Son toreo a parfois cassé les shémas pré-établis et il est actuellement le seul à remplir les arènes (José Tomás mis à part mais dans de très rares occasions). Il a une personnalité charismatique dont l’aguante est la traduction la plus torera. Le Roi s’est d’ores et déjà taillé un empire car il n’a pas de rival, tant dans l’ancienne génération qu’il ringardise un tant soit peu, que dans la nouvelle où les talents ne manquent pourtant pas, Ginés Marín en tête. Tomás Rufo, peut-être, on ne peut pour l’heure que le souhaiter, sera-t-il capable d’établir la comparaison ? Andrés est un roc, son toreo est solide, dominateur mais il ressemble parfois aussi à un roseau, flexible jusqu’à l’élasticité, il fait passer une masse de plus d’une demi-tonne dans des trous de souris, se jouant des terrains, toréant la mort comme s’il s’agissait d’un jeu, leurrant le toro de son seul bout de tissu en oubliant son corps tout en connaissant la douleur infligée par la corne. Torero en or, il révèle un grand nombre de toros, en se plaçant au plus près, en supportant le frôlement des pointes et en conduisant la charge puis en recommençant jusqu’à apprendre au toro. Voilà le sens de la phrase : « Torear no es engañar al toro, es desengañarlo ». C’est en ce sens que certains indultos sont dus aux toreros qui permettent de découvrir un toro pour peu que celui-ci consente à se livrer. Depuis El Juli aucun torero n’était arrivé avec autant de force et c’est celui-ci qui lui a cédé le sceptre après vingt années passées sur le trône.

Il reçoit son premier coup de corne en août 2013 à Villarcayo alors qu’il n’en est qu’au premier stade de son apprentissage. C’est en France que le petit péruvien, dont l’oncle était torero à cheval, alors sous la houlette d’un faiseur de rois comme José Antonio Campuzano, fit ses débuts avec les cavaliers au castoreño, précisément à Captieux, le 1er juin 2014, obtenant un triomphe retentissant avec trois trophées. Les aficionados de notre pays auront aussi l’occasion d’apprécier sa projection à Hagetmau, Béziers ou Bayonne, sans jamais repartir bredouille.

Après un rodage de 12 spectacles en Europe, l’année suivante sera suffisante pour arriver avec la préparation et la force suffisantes pour l’alternative en en rajoutant 22 de plus. Lors de sa présentation à Madrid, le 19 avril, il sort insolemment en triomphe par la Grande Porte, avant d’en faire de même à Aire sur l’Adour (dans une tout autre catégorie bien-sûr) puis à Séville (par la porte des quadrilles) et un certain nombre d’autres « places » comme Captieux , Tarascon ou Roquefort pour la France et outre-Pyrénées Santander, Villaseca et surtout Bilbao (trois oreilles).

Le 19 septembre 2015 il fit son entrée dans la cour des grands sans complexe, au contraire, en défiant l’establishment de la montera. C’était encore en territoire « gaulois », ou plutôt gallo-romain, dans l’amphithéâtre nîmois, parrainé par Enrique Ponce et sous les yeux de Juan Bautista. Il obtint là son premier triomphe de matador avec un trophée de chaque adversaire de Victoriano del Río, dont Pocosol, le toro de la cérémonie d’ouverture. Sa présentation en Espagne, tout aussi triomphale, a lieu trois jours plus tard à Logroño. Cette dynamique se poursuivra dans ses Amériques, notamment à Lima le 29 novembre puis à Cali malgré un coup de corne reçu dans la Mexicaine Guadalajara, son baptême du sang en tant que matador.

Le début de saison 2016 est imparable avec un triomphe à Valence puis Arles et le 13 mai suivant, il confirme son doctorat des mains de Sébastien Castella et en présence d’Alejandro Talavante et sort pour la première fois par la Grande Porte madrilène en coupant les deux oreilles d’un animal de Conde de Mayalde. Les succès se succèdent comme à Grenade, Alicante, Burgos puis Pampelune (5 oreilles en tout), Mont de Marsan, Valence à nouveau, Santander, Vitoria, Pontevedra, Huesca, Béziers, Dax, Saint-Sébastien avant de connaître un coup d’arrêt en plein mois d’août, à Malaga.

En 2017, il commence bien la temporada à Valence puis essorille un toro à Séville le 5 mai avant d’obtenir un appendice lors de la feria de San Isidro puis de sortir par la Grande Porte de Pampelune pour la troisième fois. En France, c’est à Béziers qu’il obtient sa meilleure prestation avant Bilbao (3 oreilles en deux corridas) puis un trophée pour la feria du Pilar.

Il triomphe pour la troisième année consécutive pour les Fallas 2018 avant de toucher du poil à Séville (il recommencera pour San Miguel) comme à Madrid. C’est toutefois à Pampelune qu’il obtient son plus gros triomphe (6 oreilles en deux corridas) avant de les enchaîner en été comme à Saint-Sébastien, Malaga et surtout Bilbao où il coupe les deux oreilles d’un toro de Victoriano del Río puis Valladolid, Murcie, Albacete et Salamanque. Au bout du compte, il montre à qui de droit que le n°1, à partir de là, c’est lui, qui remplit les arènes et donc qu’on cherche à engager en premier pour quelque feria que ce soit.

En 2019, il arrive à se hisser encore un cran au-dessus pour écraser la concurrence (peut-être au-dessus des ses moyens, de ceux d’aucun être humain), il triomphe encore en Valence en début de saison puis coupe les deux oreilles d’un toro de Cuvillo à Séville le 3 mai alors que la queue avait été sollicitée (plus une autre une semaine plus tard) puis celles d’un toro de Parladé le 22 à Madrid juste après avoir été retourné et blessé par son premier. S’il se remettra bien du coup de corne peu profond, la lésion aux cervicales le poursuivra et s’aggravera même au point de devoir interrompre sa saison début juillet. L’année du confinement est pour lui une page blanche et la suivante qui n’est qu’une demi-saison ne le montre pas aussi pléthorique.

Il faut attendre le « retour à la normalité » pour voir Roca Rey donner sa pleine mesure avec un toreo plus mature que donne probablement l’assurance d’avoir atteint le sommet alliée à la volonté de vouloir y rester et la certitude d’en être capable, vienne qui vienne essayer de l’y déloger. Les changements de trajectoire intempestifs dans le dos ou par bernadinas se sont plus aussi systématiques, les formes deviennent plus classiques. Même sans obtenir de trophées à Madrid où l’épée lui a joué des tours, il est apparu à tout moment en figura, tenant son rang. Cette saison 2022 est assurément l’une des tout meilleures de sa jeune carrière avec un succès à Valence pour l’ouverture de la saison dans les grandes arènes, un double trophée à Séville où il frôle à nouveau la Porte du Prince, cinq oreilles à Pampelune et une grande faena face au toro Jaceno de Victoriano del Río, jusqu’à sa prestation épique de Bilbao du 25 août où il ressort de l’infirmerie blessé pour obtenir les deux oreilles après celle coupée à feu et à sang à son premier. Mais contrairement à la saison précédente, ce n’est pas que dans les cols de montagne qu’on voit Roca Rey dans sa pleine mesure : il arrache les oreilles par poignées, avec les dents s’il le faut, à peu près partout, pour culminer sa saison par une nouvelle Grande Porte madrilène le 12 octobre en essorillant un toro de Victoriano del Río.

Le 21 avril 2023 il obtient une sortie par la Porte du Prince qui lui avait tendu les bras à plusieurs reprises. Le 11 juin, vêtu d’un habit lie de vin et fil noir pour honorer la mémoire de El Yiyo il frôle la sortie en triomphe par la plus grande des portes en toréant blessé et en se faisant prendre tragiquement mais en se relevant pour s’imposer coûte que coûte, vaille que vaille et ainsi maintenir son rang. 

 


Jan 13 2022

Jaime OSTOS

 

La décennie 60 aura été marquée par un grand nombre de bons toreros parmi lesquels figure en bonne place « El Corazón de León«  qui vient de nous quitter à l’orée de ses 90 printemps.

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Jaime Ostos Carmona est né à Écija (Sevilla) le 8 avril 1933 et son décès est survenu le 8 janvier 2022.

C’est dans sa petite ville qu’il toréa sa première novillada non piquée, le 1er juin 1952 avant de se présenter en novillada formelle au printemps suivant à Osuna puis à Séville le 5 juillet en coupant trois trophées. Ce n’est que deux ans plus tard, le 23 juin 1955 qu’il le fit à Madrid avant de prendre l’alternative à Saragosse des mains de El Litri et en présence d’Antonio Ordóñez, le 13  octobre de l’année suivante. Il la confirma le 17 mai 1958 avec Antonio Bienvenida comme parrain qui lui cèda Famosito de Juan Cobaleda auquel il coupa une oreille, en présence de Gregorio Sánchez. Cette année là il reçut deux coups de corne puis un autre très grave à Pampelune en 1960. L’année précédente avait été l’une des plus triomphales de sa carrière. Le 16 mai 1961 il réalise à Madrid une grande faena puis un toro lui inflige une blessure en août. En 1962 il est à la fois le triomphateur de la feria d’Avril et de San Isidro où il obtient deux francs succès, les 16 et 23 mai mais reçoit un coup de corne à Saragosse en fin de saison, ce qui ne l’empêche de finir en tête de l’escalafón. En 1963 il est encorné pas moins de trois fois, la plus grave étant la blessure de Tarazona de Aragón, au point de recevoir l’extrême onction. Il coupa ensuite deux oreilles à Séville le 25 avril 1965, saison où il reçoit encore deux nouveaux coups de cornes. Il triomphera à nouveau dans la capitale andalouse le 23 avril 1968 et surtout le 23 mai où il essorille doublement son lot de Garrido. Son dernier succès sévillan aura lieu le 30 septembre 1972 avant son retrait de 1974. Il réapparaître cependant en 1977 puis lors des saisons 1979 et 1980 avant un dernier retour en 1985-86.

Jaime Ostos a été un torero d’un grand courage qui, chose rare, semblait croître à chaque blessure. Il fut un véritable exemple de pundonor mais n’était pas pour autant exempt de certaines qualités artistiques qui en font un torero très complet quoique relativement méconnu dans l’actualité. A Séville il est assurément considéré comme un torero de premier plan avec ses 26 oreilles obtenues et une sortie par la Porte du Prince.


Oct 12 2021

Temporada 2021

La saison n’aura vraiment commencé qu’au mois de juin mais au bout du compte un parfum de normalité se respire à nouveau. Malgré une concentration des spectacles sur trois mois et demi les chiffres atteignent presque ceux d’avant-crise, en France du moins où la jauge a disparu à la mi-septembre pour la feria du Riz. Cela a été possible grâce aux efforts de tous mais il est certain que quelques uns y auront laissé des plumes : difficile de rentrer dans ses frais avec les restrictions imposées, d’autant plus que beaucoup d’aficionados vieillissants, même vaccinés, ont préféré la sécurité d’un fauteuil douillet devant des corridas à huit euros le mois qu’un long déplacement et des gradins inconfortables pour un billet de 50 l’unité. Il est vrai que les cinémas ou les théâtres vivent la même chose.

Bref, cette saison atypique a un leader inattendu, le fantasque Morante qui s’est montré plus en verve que ces dix dernières années réunies et qu’on préfère muleta en main que dans des prises de position politiques qui sont loin de nous servir. Ses meilleures faenas ont eu lieu à Jerez, Linares, Alcalá de Henares et Mérida en plus de celle de Séville où il a montré sa facette passionnée, à corps perdu mais basée sur une technique éprouvée. En toute fin de saison il triomphe également à Jaén. Bien-sûr il lui arrive de retomber dans ses travers comme dans son solo du Puerto face aux toros de Prieto de la Cal mais si on pouvait craindre le pire face aux miuras, il s’en est sorti suffisamment  bien pour que ce geste figure en bonne place dans son CV. Ce qui est cependant remarquable cette saison ce sont ces oreilles isolées coupées en y croyant là où en d’autres temps rien ne se serait passé comme à Madrid face à un toro de Alcurrucén avec beaucoup de « transmission ».

Celui qui était attendu, Roca Rey, après une année blanche, est apparu moins fringant, parfois vulgaire mais toujours aussi courageux et capable mais irrégulier, gestionnaire parfois : une saison de reprise sans doute et le constat qu’il lui reste malgré tout beaucoup à apprendre.

L’ancien numéro un, El Juli bien-sûr, est un puits de science mais s’il ne l’a jamais mise au service de l’art (pas vraiment de la lidia non plus, sauf à ses débuts) il l’utilise désormais pour réduire le danger au maximum tel Lagartijo ou Guerrita à la fin de leurs carrières. Il est toutefois une marque déposée et ses lumières brillent encore pour certains voire pour lui-même quand il arrive à se motiver et se rappelle qui il a été. Même à ces moments là, ce n’est pas une insulte de dire qu’il n’enthousiasme pas un amoureux du toreo.

C’est tout le contraire pour le véritable triomphateur de la saison, j’ai nommé Emilio De Justo, qui s’est définitivement hissé au plus haut par un toreo de pureté et de vérité face à du bétail de différents encastes et dans des arènes de diverses sensibilités. En France c’est à nouveau à Dax qu’il est le plus convaincant avant de conquérir l’amphithéâtre arlésien. Il a aussi triomphé pleinement à Almería, Cuenca, Santander ou Salamanque.

Le meilleur représentant du classicisme, Diego Urdiales, s’est lui finalement pleinement imposé à Séville après Bilbao ou Madrid les années précédentes. Ceux qui peuvent en dire autant ne sont pas très nombreux.

Daniel Luque n’a pas encore complètement explosé mais cela ne saurait tarder tant il est devenu régulier et engagé. Il maintient son cartel en France grâce à ses deux triomphes dacquois et un à Bayonne et obtient des succès importants au Puerto ou à Gijón (pour la dernière feria sans doute avant un changement de municipalité) avant de couper une oreille de poids à Madrid.

Un autre torero continue à avancer pour lequel on pouvait craindre qu’il ne s’agisse que d’un feu de paille (même pour ceux qui le suivons depuis sa confirmation, il y a 5 ans) : c’est Juan Ortega, capable d’une pureté cristalline qui ne ressemble qu’à elle-même. Il est enfin reconnu dans son coin du sud : Jerez , El Puerto et Séville.

L’autre torero andalou, par les origines et les manières, qui est en verve, Pablo Aguado, plus naturel mais aussi plus léger, a connu pour l’instant un destin bien différent, choyé chez lui d’où il a été projeté, il a dû être opéré du genou et n’a pas pu montrer tout l’étendue d’un talent qui a besoin de mûrir mais celui-ci a éclaté sporadiquement de-ci de-là, comme à Arles, El Puerto ou Ronda.

Manzanares a quant à lui progressé à la cape et il s’est montré plus engagé que de coutume, au moins dans les arènes importantes, comme en témoignent les trois oreilles obtenues à Séville en autant de corridas. En France aussi il a récolté quelques triomphes, comme à Béziers ou Nîmes, montrant qu’il voulait se maintenir en première ligne malgré la poussée de la concurrence.

Parmi les jeunes, le plus en vu reste Marín qui sort par la Grande Porte madrilène le 12 octobre en essorillant un toro de Alcurrucén.

D’autres ont connu une saison plus anodine ou moins fracassante que ces derniers temps. Ferrera avait misé gros mais ne réussit complètement son pari qu’à Mont de Marsan même s’il signe une excellent faena à Nîmes bien qu’il obtienne un trophée d’un sobrero de Pallarés offert en septième position après une corrida décevante d’Adolfo Martín. Pour ce qui est de Ureña, il touche du poil à Séville avant de s’abandonner une nouvelle fois à Madrid mais avec moins de succès. Perera n’est plus une nouveauté mais il reste le torero dominateur que l’on connaît quoique devant des toros qui demandent peu à l’être. Dommage.

La révélation de l’année s’appelle Tomás Rufo lui qui a donné un bel aperçu de la dimension qu’il peut atteindre dès son alternative à Valladolid.

Parmi les autres grands, José Tomás reste aux abonnés absents et Ponce a pris un peu de repos après avoir pris sur ses épaules, tel Atlas, le poids de la temporada précédente. Talavante s’est rappelé à notre bon souvenir pour une occasion unique, en Arles (empochant sans doute le plus gros chèque de la saison, à guichet fermé).

Parmi les spécialistes des fers âpres, Chaves se maintient, Del Pilar gagne des positions et Lamelas confirme sa disposition à Mont de Marsan et à Saint-Martin de Crau. Ecribano surtout, avec un franc succès à Séville, mais aussi Chacón, ont connu de meilleurs moments mais ils s’accrochent pour continuer à exister dans des corridas qui usent même les cuirs les mieux tannés. Il y aussi Cortés, le jeune Castaño, Damián de son prénom, Pinar et surtout Serrano qui poursuit son ascension à base de volonté.

Chez les Français, El Rafi a pris une alternative heureuse avant de s’imposer à Nîmes puis Solera est devenu également matador en pays arlésien avec un franc succès.

D’autres donnent des coups de heurtoir pour ne pas être oubliés : Leal bien-sûr, deux fois Consul avant de triompher pleinement à Bayonne, mais aussi Younès et Salenc sans oublier Dufau.

Chez les novilleros, Solalito a fait une saison régulière alors que Montero a globalement  déçu mais c’est Parejo qui a fait une entrée remarquée dans l’escalafón inférieur comme Lamothe mais aussi Tristan.

En Espagne, des Mexicains ont brillé comme Aguilar ou Fonseca, ce dernier triomphateur à Villaseca et dans le Nord auxquels il faut opposer la jeune génération ibérique comme le protégé de Padilla, Manuel Perera, vainqueur ex-aequo du circuit du Nord (une réussite de la FTL sur laquelle il faudra revenir), irréprochable de  responsabilité et présent aux moments clés (deux fois une oreille à Séville) malgré qu’il ait été durement châtié en début saison et les gagnants des autres circuits régionaux : Martínez en Andalousie ou Diosleguarde en Castille et Léon mais aussi à Madrid.

Côté bétail, Pedraza a encore de beaux restes malgré sa recherche d’une meilleure noblesse, La Quinta a sorti la corrida de l’année à Dax et Miura a renoué avec ses origines à Sanlúcar. En novilladas, Cebada Gago a sorti une bonne novillada à Villaseca et Raso de Portillo à Vic. Citons aussi un fer ostracisé  par les figuras mais qui n’a rien perdu de son allant : Torrealta, notamment à Santander.


Juil 6 2021

Au pays des toros (41)

Jusqu’à présent, tous les articles de cette rubrique avait été consacrés à des arènes espagnoles pittoresques mais il en est une au Portugal qui mérite d’y figurer dans la mesure où elle se trouve à la frontière et y pratique la corrida à pied avec mise à mort et ce de manière légale, à titre dérogatoire, depuis 2002 : il s’agit de Barrancos, dans l’Alentejo, près d’Olivenza.

Non loin de là se trouve un village au charme fou et aux arènes sises dans la cour de son château comme cela se fait aussi beaucoup de l’autre côté de la frontière, en Estrémadure : Monsaraz

Voir aussi les articles 36 ou 2 dans la même rubrique.


Juil 2 2021

Premier bilan

Les choses reprennent progressivement leur cours, en demi-jauge le plus souvent mais la situation s’améliore clairement. On revient progressivement vers la normalité. Pour résumer ce début de saison :

Roca Rey a repris son rang à Madrid (Vistalegre et Aranjuez) et Luque a poursuivi son ascension dans les mêmes lieux.

Le meilleur toreo a été incontestablement à la charge de De Justo en corridas et de Rufo en novilladas (à Vistalegre comme à Mugron), un torero comme il y en sort peu, une pépite qu’il faut suivre. Mention spéciale dans la même catégorie à Manuel Perera dont le courage ne sait pas altéré malgré malgré l’horreur qu’il a vécu à Madrid et à laquelle on a assisté atterrés en mai.

On attend les triomphes de Ferrera dans une saison à quitte ou double où il a pris des engagements difficiles, en torero, même dans sa gestion de carrière. Espérons que ses choix soient payants.

En France, El Rafi a pris une alternative avec succès avant d’ouvrir la Porte des Consuls et Juan Leal a confirmé être le torero français le mieux en vue.

Les artistes sont intermittents, ce qui est un double pléonasme : Morante est le leader inattendu de l’escalafón (la nouvelle génération le motive et il défend mieux le toreo avec la cape que dans ses prises de position politiques), Ortega accuse peut-être la pression (on va finir par le surnommer Pinchauvas), Urdiales triomphe à Burgos après un début de saison difficile et Aguado  est bien revenu de blessure en triomphant à Grenade.

Ponce annonce par surprise un retrait indéfini et les figuras depuis 20 ans sont toujours là, un ton en-dessus, un ton en-dessous : El Juli, Manzanares ou Perera mais aussi Finito qui a reverdi ses lauriers comme disent les Espagnols, sauf à l’épée.

Cayetano nous rappelle à Alicante qu’il n’est pas qu’un « médiatique » lui qui est le triomphateur des Sanfermines 2019, ne l’oublions pas.

Ureña sera-t-il capable de maintenir le niveau ? Il est plus facile de monter au sommet que de s’y maintenir. Dans ses arènes de Las Ventas, en septembre, il jouera son va-tout.

López Simón a quant à lui été plutôt discret comme Román, Garrido ou Fortes (qui a à nouveau des problèmes physiques).

Chez les jeunes Marín est là mais n’éclate pas encore complètement, tout comme Lorenzo mais un cran en-dessous et on attend une vraie opportunité pour Miranda qui possède assurément une vraie personnalité. Les sud-américains Colombo, Luis David ou Galdós méritent aussi de pouvoir montrer leur évolution.

Du côté des absents, on attend un signe de Talavante et bien-sûr de José Tomás.

Dans l’escalafón quasi parallèle des corridas dures, Escribano a montré à Madrid  qu’il avait retrouvé son meilleur niveau et que Serrano est à prendre en compte. Rafaelillo lui aussi est toujours là et on n’a plus qu’à attendre de voir ce que vont donner les toreros du goût de l’afición française comme López Chaves, Del Pilar ou Pacheco sans parler de Lamelas ou Robleño et du novillero Montero lorsque leur tour viendra. Pinar ne devrait pas être oublié de ce côté-ci des Pyrénées lui qui a triomphé à Burgos des victorinos et obtenu une oreille d’un miura à Castellón.

Côté bétails une déception pour Pedraza en Arles après celle de Dax en septembre mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives.


Juin 30 2021

Début de saison espagnole

ÉTÉ

Pour le dernier week-end du mois de juin on se serait presque cru dans une saison normale avec une corrida à Madrid (la première de la saison), quatre dans des capitales de province plus deux novilladas piquées, sans parler du rejoneo. Si la temporada semble prendre un rythme de croisière, le plus souvent en demi jauge, il a fallu deux mois et demi où les atermoiement ont succédé à des hésitations qui restent de mise tant il est vrai qu’on navigue à vue. Les affiches sont annoncées à moins de deux semaines de l’événement et pour le mois de juillet seules sont certaines à cette heure en Espagne les courses de Lodosa [bonne corrida de Pincha] et Tudela (sérieux doutes par rapport à la crise sanitaire), Olivenza, Manzanares, Arévalo et Soria, Santander (3 corridas), Algésiras et Jerez mais en août le programme s’étoffe avec MURCIE qui renoue avec la tauromachie à Molina de Segura et Calasparra après Moratalla ou LA RIOJA à Alfaro. Une dizaine de petites villes de LA MANCHE accueilleront des corridas mais Cuenca organise une feria complète. L’ancien double royaume de CASTILLE et LEÓN qui en plus de son circuit de novilladas accueillera des toros à Vitigudino, Cantalejo, Briviesca ou Illescas mais surtout de vrais ferias à Roa de Duero et la très touriste Cuéllar. En ESTRÉMADURE une affiche est à nouveau proposée pour le 15 à Almendralejo en plus de Pedro Muñoz, Herrera del Duque ou Fuente de León. Pour les ferias (purement taurines), il y aura Huelva, El Puerto, Malaga, Almería ou Linares au sud (en plus d’une bonne douzaines de spectacles isolés dans toute la géographie andalouse) et Gijón au nord respectivement. Inca a été la scène du retour de la tauromachie aux BALÉARES et Catalayud le sera pour l’ARAGON. Le bastion du Toro qu’est la madrilène Cenicientos  donnera sa traditionnelle feria mariale composée de deux corridas et une novillada. Rien cependant dans des arènes importantes comme Valence, Bilbao et Saint-Sébastien sans parler de la galicienne Pontevedra.

En France on n’est pas si loin d’une saison normale (voir l’onglet SAISON 2021), reste maintenant à savoir si l’affluence sera bonne surtout pour les ferias déplacées à des périodes atypiques.

PRINTEMPS

Comme l’an dernier, l’Andalousie a été la première à annoncer des cartels en ce début d’année : Ubrique, Jaén (victorinos), Morón et Sanlúcar (deux corridas chacune) mais aussi Constantina, Niebla, Utrera ou Cazorla et surtout Cordoue qui a célébré  deux corridas et une novillada. SEVILLE dont l’empresa avait prévu 8 corridas et une novillada au printemps mais avec une capacité autorisée de 40% celles-ci n’auront finalement lieu qu’en septembre, à partir du 18. Trois corridas ont été programmées à Grenade dont les dates ont été déplacées de deux semaines. Las Navas de San Juan sera quant à elle le théâtre de deux novilladas piquées en août (deux autres étaient prévues en juin). Dans cette catégorie, en plus des courses du Circuit de la Fondation du Toro de Lidia a également eu lieu un spectacle à Montoro.

Il y a eu aussi un certain nombre de courses dans des villages des deux Castilles (avec un cartel de figuras à Brihuega) mais c’est Tolède qui ouvre la première ses portes avant Valladolid parmi les arènes importantes, avant les ferias de León, Burgos, Zamora mais aussi Ségovie ou Cuéllar fin juin. La Vieille Castille bat donc la nouvelle même si l’une des meilleures ferias de novilladas est déjà programmée à Villaseca entre le 5 et le 12 septembre : défi polychrome et fers de La Quinta, Cebada, Ibán, Jandilla et Monteviejo pour les 6 spectacles programmés.

En Estrémadure où on a déjà pu voir une apothéose de De Justo à Almendralejo et aussi une corrida à Mérida, la première dans des arènes de deuxième catégorie et en attendant Badajoz fin juin qui devrait être, on l’espère, le début du plein régime. Avec Yecla (Murcie) la tauromachie gagne du terrain mais le nord se fait attendre, sauf à Tudela mais pas de Sanfermines cette année, même en version réduite. La région de Valence retrouvera des bous fin juin, après un an et demi, avec les ferias de Castellón et d’Alicante.

MADRID, il n’y a pas de San Isidro à Las Ventas malgré le festival du 2 mai mais à Vistalegre avec 9 courses à pied et une novillada (Matilla devance ici Casas sur le terrain de l’audace) en attendant une feria d’Automne XXL. Dans cette région également des corridas sont prévues à Leganés et Aranjuez en plus du circuit de novilladas. Finalement Las Ventas va rouvrir ses portes le 26 juin en corrida formelle avec le fer du A couronné avant un mano a mano très attendu entre Ferrera et De Justo le 4 juillet.

La Tournée de Reconstruction version 2021 a commencé quant à elle fin avril à Zafra et le circuit de promotion des novilladas devrait compter trente cinq dates sur six circuits différents dont cinq spectacles au nord et quatre sur la zone méditerranéenne. De plus, un accord a été trouvé avec le syndicat des toreros pour réduire les coûts d’organisation.