Le toreo de proximité

Il convient tout d’abord de faire une distinction entre le concept de tauromachie moderne qui est le cadre de la Corrida telle que nous la connaissons aujourd’hui et qui voit le jour dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle et le toreo moderne, c’est-à-dire la dernière évolution importante de l’art de toréer qui commence dans les années 80 du XXe siècle bien qu’elle prenne appui sur des formes antérieures. Bombita déjà toréaient dans la proximité et Villalta se plaçait entre les cornes comme le fit par la suite Procuna.

Depuis les années 70 et l’apparition d’un toro plus volumineux, donc moins mobile, une nouvelle manière de toréer est apparue, d’abord avec Dámaso González, dont nous nous souviendrons dans ce que nous avons appelé le “tic-tac”, avant de se développer dans les années 90; il s’agit du toreo de proximité, complètement antinomique avec le toreo classique (mais non pour autant dénué d’intérêt), dans lequel le summum est d’appeler le toro de loin. Précisons une fois de plus que, s’ils sont liés, le toreo statique et le toreo de proximité ne sont exactement pas la même chose. Ils se réalisent à des moments différents dans la faena, ce qui induit un passage de la liaison des passes à leur isolement et aussi un rapprochement des cornes.

Cette manière de toréer consiste à donner des passes d’une en une, à la fin de la faena, en réduisant les distances au maximum, en se situant entre les cornes d’un toro complètement à l’arrêt, aplomado, mais qui peut charger de temps en temps si on le laisse respirer. C’est quand l’animal n’est plus capable de courir que cette tauromachie perd tout son sens, la Corrida étant basée, dans son nom même, sur l’idée de course.

A part les passes données d’une en une, la passe circulaire, également appelée bilbaína (la muleta tenue de la main droite et placée de dos) est très pratiquée, ou la circulaire inversée (du côté gauche et de dos, donc de la main droite et terminant par une passe de poitrine), que d’aucuns appellent dosantina, bien que la passe inventée par Manuel Dos Santos n’appartenait pas à ce genre de toreo, l’appel se faisant de loin.

Dans l’actualité, outre « El Juli » qui ne rechigne pas à utiliser le toreo de proximité pour faire le travail et couper les oreilles, deux toreros importants se sont distingués ces dernières années dans cette spécialité : Castella et Perera.

Castella est un torero d’un courage froid au-dessus de la moyenne qui lui permet une quiétude impressionnante. Son répertoire de cape est assez étendu et il construit ses faenas sur la même base : un début par une passe changée dès que le toro s’y prête pour finir par manoletinas et plus souvent par le toreo de proximité qu’il affectionne. Il se maintient depuis de nombreuses années parmi les figures et il est incontestablement le plus grand torero qu’ait connu notre pays. Le fait d’avoir bien appréhendé le toro de notre temps n’y est pas étranger. Il est particulièrement apprécié à Madrid qui non seulement reconnaît son courage mais aussi l’alliance réussie d’un certain classicisme avec cette nouvelle tauromachie à l’arrêt.

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Le torero d’Estrémadure a lui aussi un courage froid et un style qui a certaines similitudes avec celui d’Ojeda même s’il a aussi et à ses débuts surtout bu aux fontaines des tauromachies de Tomás et de Castella. Il aime alterner le toreo de distance et celui de proximité. Très varié à la cape et avec la muleta il a l’habitude de commencer par estatuarios ou pases cambiados dans le dos et il finit souvent par bernadinas. Entre les deux il est capable de toréer avec profondeur et sa tauromachie mériterait sans doute d’être confrontée à des animaux puissants car il exige beaucoup à ses adversaires. S’il sait tirer profit d’un animal à l’arrêt il a aussi besoin, en début de faena d’un toro mobile.

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Sans cependant être de farouches partisans de cette manière de toréer, la majorité des toreros s’y adonnent, ne serait-ce que pour arracher une petite oreille avec un toro parado. Nous avons vu que même Rincón l’a utilisé dès 1992.

Par ailleurs, deux toreros ont inventé autant de nouvelles suertes qui peuvent s’inclure dans ce concept du toreo de proximité : la poncina et la luquecina.

La première est l’alliance du toreo au genou ployé si cher à Enrique Ponce et de la passe circulaire, allongeant le tracé en faisant passer le poids du corps d’un genou à l’autre. Il arrive même parfois à en lier plusieurs. 

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La deuxième est l’héritière du toreo de proximité par le haut (ou à mi-hauteur) de Dámaso González, la muleta prise à l’envers et sans l’épée avec un changement de main pour faire passer le toro des deux côtés (1’50).

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