L’herbier des CE2 de Tresses

Pour terminer l’année scolaire en beauté, voici quelques vues de l’herbier réalisé par la classe de CE2 de Tresses suite à leur visite à la Commanderie de Sallebruneau dans le cadre du projet Jardins et Patrimoine.

Sur un fond coloré à l’encre, les élèves ont collé les feuilles récoltées dans le jardin médiéval à côté de reproductions décalquées de planches botaniques. Ils ont travaillé les initiales des noms en s’inspirant des lettrines médiévales et ont inscrit les propriétés des plantes. Ce travail coopératif a permis de constituer un herbier collectif dont les pages sont affichées à l’école !

 

La Mandragore, une plante mystérieuse

La Mandragore

Quelle est donc cette plante au nom étrange ? Pourquoi est-elle mystérieuse ?

La mandragore appartient à la famille de la tomate, les solanacées. Elle possède de grandes feuilles et paraît inoffensive… et pourtant !

Mandragora, Giorgio Bonelli, Hortus Romanus juxta systems Tournefortianum paulo, XVIIIe s., New York Public Library

Depuis l’Antiquité, chez les Égyptiens, les Arabes, les Grecs et les Romains, elle est considérée comme une plante magique ! Une idée qui persiste au Moyen Âge et même bien après.

On pense depuis longtemps qu’elle peut apporter richesse, fertilité et guérison à celui ou celle qui en possède une racine. Des qualités qui sont très appréciées ! C’est pourquoi elle est recherchée. Originaire d’Orient, elle est plutôt rare en Occident, ce qui renforce son côté mystérieux.

Mais pour quelle raison la pense-t-on magique ?

C’est sous terre qu’il faut regarder : ses racines peuvent atteindre près de 60 cm de long, prenant une forme qui peut faire penser à une silhouette humaine, c’est ce qui lui a valu cette image de légende ! Il y aurait des mandragores mâles et des mandragores femelles qui vivent sous terre. Il paraît même qu’elle brillerait la nuit comme une lanterne rouge…

Mandragora, Recueil botanique, New Haven, Yale Medical Library, vers 1400

Seulement, il serait très compliqué de la déraciner : lorsqu’on l’arrache, elle pousse un cri tellement terrifiant qu’il peut être mortel ! Aussi, pour s’en procurer, on dit qu’il faut attacher un chien à sa racine et s’éloigner pendant que ce dernier la fait sortir de terre et qu’elle pousse son terrible hurlement… Cette pratique est encore attestée dans certaines régions italiennes au XIXe siècle. Les auteurs anciens décrivent aussi toute une série de rites pour la cueillir sans risque : tracer des cercles autour, réciter des prières ou des incantations,…

>> Harry Potter a lui aussi rencontré la mandragore et son cri !

Mandragore, Tacuinum sanitatis, XVe s., Vienne

Avec cette sombre destinée, la plante est alors liée à la magie noire : elle serait utilisée par les sorcières sous forme d’onguent pour le corps. Les Grecs l’appelaient même « plante de Circé », une magicienne très puissante de la mythologie. D’ailleurs, Jeanne d’Arc, condamnée pour sorcellerie, fut accusée d’avoir cueilli de la mandragore.

Ceux qui arrivent à s’en procurer doivent alors la laver soigneusement et l’envelopper dans une étoffe riche pour qu’elle apporte ses bienfaits.

A-t-elle eu d’autres usages non « magiques » ?

La mandragore fut également utilisée par ceux qui ne croyaient pas en ses capacités magiques. C’est une plante qui est très efficace contre les maux de tête, la fièvre et les ballonnements. Des médecins l’ont également exploitée pour ses racines narcotiques.

Il se trouve que la plante possède des propriétés hallucinogènes, ce qui expliquerait toutes ces idées et ces anciens usages !

A la commanderie de Sallebruneau (Gironde) se trouve une mandragore. Viendrez-vous vérifier sa légende ? Il vaut mieux venir une nuit de pleine lune…

Sources

Michel Botineau, Les Plantes du jardin médiéval, Belin, 2003

Sur la terre comme au ciel : jardins d’Occident à la fin du Moyen Âge (catalogue d’exposition, Paris, musée de Cluny, 6 juin – 16 septembre 2002), RMN, 2002

On trouve également la mandragore dans la série télévisée britannique Merlin, épisodes 1 et 2 de la saison 3 « Le poison de la mandragore » !

Enregistrer

Enluminure

Afin de découvrir l’art médiéval, voici quelques documents proposés par Bernard Pradier pour la réalisation d’un atelier d’enluminure en classe, à partir d’une initiale calligraphiée. Vous retrouverez le document ci-dessous :

Réaliser une lettrine_jardins et patrimoine

Ce document s’accompagne d’un corpus d’images et d’exemples réalisés par une classe de l’école de Saint-Aubin-de-Médoc en 2015.

Vous retrouverez l’intégralité du dossier dans la Dropbox « EchangesCLEM_EnseignantsJardins (accès également par le lien ci-dessous) :

https://www.dropbox.com/sh/cbejek1ghbl37pd/AABf89_mawg-pwtXls3mR966a?dl=0

Alors à vos pinceaux !

L’origine des plantes

Une grande majorité des plantes à l’époque médiévale est originaire du pays, de la région. Mais certaines plantes sont importées de contrées plus lointaines. Elles ont en effet parfois suivi les grandes routes commerciales et ont été rapidement assimilées par le peuple des paysans et des jardiniers. Pour résumer, la moitié des plantes consommées en France sont d’origine française (voire européenne), un tiers vient de méditerranée et le reste vient d’ailleurs.

Dans le paysage du Moyen Age, il faut éliminer toutes les plantes qui proviennent des Amériques : pomme de terre, tomate, courge, potiron, haricot, tabac, tournesol, vanille, piments. Du japon vient l’anis étoilé et la cannelle, mais cette dernière était déjà importée au Moyen Age depuis l’Inde et la Chine.

L’importation des herbes exotiques

Les romains sont véritablement le point de départ de l’importation des herbes exotiques. En effet, lors de leurs conquêtes, ils furent en contact avec de nombreuses terres éloignées d’où ils rapportaient les graines qui étaient inconnues chez eux.

Au Moyen Age, les herbes originaires d’Inde et de Chine transitaient par la Route de la Soie, la route des épices. Ainsi furent importées les graines de cerfeuil, d’anis, de marrube, d’oxalis, de pourpier, de ciboule (originaire de Sibérie). La « route des épices » a donc eu une très grande importance pendant tout le Moyen Age, pour l’alimentation mais aussi la médecine.

Aux côtés de ces plantes, les herbes du sud de la Méditerranée sont également implantées et acclimatées. C’est le cas par exemple du cumin et du souci qui sont introduits au XIIe siècle.

Très vite, les jardiniers vont recueillir les graines et les acclimater : aneth, cerfeuil, épinard, mélisse, deviennent alors des éléments familiers de la gastronomie.

Liste des plantes cultivées à Sallebruneau (Frontenac)

Liste des plantes officinales, tinctoriales et textiles

cultivées dans le jardin d’inspiration médiévale

de Sallebruneau

Commanderie Hospitalière de Sallebruneau commune de Frontenac)

 

Absinthe (grande) : Artemisia absinthium L. (Composées); Wermuda (6) ; (herbe aux vers, herbe sainte (7) ; atonie digestive, action tonique sur les voies digestives (feuilles, sommités fleuries)(3, 5) ; souverain remède contre les langueurs (6), «elle conforte l’estomac et les nerfs» (Ecole de Salerne) (9).

Acanthe : Acanthus mollis L. (Acanthacées) ; servait à soigner les blessures, les brûlures (7).

Achillée millefeuille : Achillea millefolium L. (Composées) ; Garwa (6) ; (herbe aux coupures, herbe aux charpentiers (7, 8), herbe de la Saint-Jean (9) ; surtout utilisée pour les qualités qu’elle développe au niveau génital et circulatoire (sommité fleurie)(5), «il a des vertus subtiles et variées pour soigner les blessures» (6), anti-hémorragique, emménagogue, vermifuge (7), entre dans la composition de nombreux onguents (9).

Continuer la lecture

Le plan du jardin

Choix du plan du jardin

La disposition retenue est celle de rectangles bordés soit de santoline, soit de buis. La santoline a été choisie par P. Lieutaghi à Salagon pour sa croissance rapide et son aptitude à la taille.

Le Jardin de Sallebruneau

Le Jardin de Sallebruneau

Le jardin est entouré par des murets à l’image des jardins médiévaux qui sont toujours clos de murs ou de haies :

  1. pour des raisons matérielles, afin de protéger les cultures des animaux sauvages ou domestiques, des maraudeurs et du vent,
  2. pour des raisons symboliques : la clôture délimite un espace sacré, le jardin bien clos ou hortus conclusus.

Plusieurs possibilités de répartition des plantes dans les rectangles ont été choisies :

  1. Association des plantes par familles botaniques : les Composées, les Ombellifères, etc.
  2. réunion des plantes cultivées au Moyen-Age à celles qui étaient récoltées à l’état sauvage,
  3. Rapprochement des plantes suivant leurs utilisations médicinales. On distinguait ainsi quatre grands groupes : celles retenues pour traiter les fièvres et les refroidissements, les plantes des femmes, celles destinées à soigner les maux de ventre ou faciliter la digestion, enfin celles aptes à favoriser la cicatrisation ou à résorber les traumatismes.
  4. Présentation des plantes  de manière harmonieuse en jouant sur les différentes tailles, le fait qu’elles soient annuelles ou pérennes, etc.

Nous avons adopté pour chaque rectangle l’une ou l’autre de ces dispositions. Chacun contient 4 à 5 plantes.

Choix des dimensions du jardin

Ce jardin devait respecter l’une des caractéristiques des herbularius, c’est-à-dire une superficie restreinte correspondant à un nombre relativement limité de plantes. Le jardin du prieuré de Salagon (Alpes de Haute-Provence) qui fait autorité dans ce domaine occupe environ un are.

A Sallebruneau, notre choix s’est porté sur un jardin médiéval et non pas vers un conservatoire de plantes médicinales. La taille alors choisie pour notre jardin correspond donc tout à fait à cet objectif.

Choix de l’emplacement du jardin

En Aquitaine, les dimensions d’une Commanderie sont bien inférieures à celles d’une abbaye. De plus, il n’existe pas une distribution des locaux de manière aussi précise que dans les établissements cisterciens par exemple. En effet, dans les établissements cisterciens, le jardin de simples ou herbularius était établi à proximité de l’infirmerie ou de l’apothicairerie monastiques. Voir les plans des abbayes de St Gall, vers 820, de Saint Bertin à Saint-Omer, IXème siècle, du prieuré de l’église du Christ de Canterbury, vers 1165).

Plan de l'abbaye de Saint Gall (détail

Plan de l’abbaye de Saint Gall (détail

Plan de l'abbaye de Saint Gall

Plan de l’abbaye de Saint Gall

Cette contrainte étant moins forte dans les Commanderies, nous avons implanté le jardin de Sallebruneau en tenant compte de trois facteurs primordiaux :

Le jardin de Sallebruneau

Le jardin de Sallebruneau

  1. le respect d’une relation spatiale directe avec la Commanderie ; l’emplacement choisi est à proximité du chevet de l’église et jouit d’une vue complète sur la façade est, en particulier sur le logis fortifié et sa belle échauguette,
  2. le développement sur la partie du site constituée par un bien communal : une aire non utilisée du cimetière de Sallebruneau appartenant ainsi que l’église de la Commanderie à la commune de Frontenac,
  3. des conditions de culture favorables (sol, ensoleillement).

Voici quelques liens très utiles :

http://www.encyclopedie-universelle.com/abbaye%20-%20jardins2.html

Les travaux réalisés dans le jardin

  • 1998 : (printemps) création du jardin : une trentaine de plantes sur 30 m2,
  • 1999 : première extension du jardin : 45 plantes sur 60 m2, clôture en pierres sèches,
  • 2000 : nouvelle extension à 120 m2 : 55 plantes,
  • 2001 : remaniements, extension des bordures de santoline et de buis, nouvelles plantes tinctoriales et textiles, 65 plantes,
  • 2002 : nouvelle extension à 150 m2,
  • 2003-2009 : extension à 300 m2 et introduction de nouvelles espèces végétales : actuellement 90 espèces végétales différentes.

Historique de la création du jardin de Sallebruneau

Descriptif de la création du jardin

Nous avons voulu créer un jardin qui aurait pu appartenir à la Commanderie de Sallebruneau, édifiée entre le XIIIème et le XVème siècles et située sur le passage des pèlerins allant à Saint Jacques de Compostelle. Ce projet qui a pris naissance en 1998 coïncidait avec notre souhait de mettre en valeur le site. En effet, les opération de travaux de sauvegarde ont été entrepris sur la Commanderie depuis plus de vingt-cinq ans puis plus récemment sur ses abords : dégagement d’un ancien lavoir et d’un puits. La création du jardin contribue ainsi à élargir les connaissances sur la vie quotidienne et  la symbolique du Moyen-Age, déjà amorcée avec les éléments architecturaux. Dans un premier temps, notre choix de plantes s’est orienté vers les simples, herbes utilisées pour la préparation de remèdes.

Lorsqu’on décide de créer un tel jardin on se heurte à de nombreuses difficultés : les sources historiques sont réduites, les enluminures sont en nombre restreint et sont relativement imprécises. Ainsi on ne connaît pas parfaitement la composition des jardins médiévaux. Mais on peut penser qu’un jardin de simples ( ou Herbularius) était nécessaire à la Commanderie,  halte sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle. De plus, les connaissances en herboristerie des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, puis des Chevaliers de Rhodes qui administraient cette Commanderie faisaient autorité à leur époque.

La surface réduite de ce jardin ne peut prétendre rassembler toutes les espèces qui ont compté au Moyen Age. Toutefois, il ne faut pas oublier que l’herbularius médiéval ne comprenait qu’un nombre restreint de plantes, 16 par exemple dans celui de l’abbaye de Saint-Gall. En général, seules les espèces rares ou étrangères à la contrée étaient cultivées. Quant aux autres plantes, elles étaient ramassées dans la campagne environnante.

Ce jardin a été créé à partir du printemps 1998. Aucune source écrite ou iconographique n’a été trouvée sur un tel jardin de Commanderie. Nous avons choisi les végétaux en fonction des données disponibles dans les listes ou inventaires établis au Moyen-Age, soit entre 795 environ (le Capitulaire De Villis de Charlemagne) et la version la plus récente du livre des Simples Médecines (début du XVIè siècle). Les références bibliographiques correspondantes peuvent être trouvées dans l’article donnant la liste des plantes. Depuis le printemps 2000, des plantes tinctoriales, textiles ou principalement alimentaires à l’époque médiévale ont été ajoutées. Actuellement, 75 plantes sont cultivées dont la quasi-totalité des simples mentionnées dans le « De villis » ou dans l’herbularius de Saint-Gall.

Ce jardin, patrimoine vivant, évolue sans cesse. Les plantes grandissent, dépérissent, s’adaptent, se déplacent, s’échappent vers d’autres territoires ou meurent. Nous les soignons, les protégeons. Le jardin vit et lorsque les visiteurs parcourent les étroites allées, s’arrêtant çà et là, c’est vraiment un jardin partagé.