Délibération du Comité d’éthique éducative, XXIIe siècle :

Président* (P) : – Voici le cas qui nous est soumis :

Cas pratique : Des parents d’enfants en situation de handicap se plaignent que des établissements scolaires demandent à ce que les enfants soient soumis à une compensation thérapeutique comme préalable à l’accès à l’école. Les parents arguent que cette demande est abusive et discriminatoire.

Spécialiste recherche et développement (RD) (représente dans cette affaire les établissements scolaires) : – Il me semble que la demande peut se comprendre. En effet, nous avons à l’heure actuelle des nouvelles technologies médicales de compensation qui couvrent à peu près toutes les situations de handicap. Des aides sociales sont accordées aux familles pour pouvoir faire bénéficier leurs enfants de ces nouvelles technologies. De manière générale, la scolarisation d’élèves en situation de handicap vient alourdir le coût économique pour l’ensemble de la collectivité du système scolaire. Il me paraît tout à fait valable de demander aux familles d’avoir recours aux technologies d’augmentation thérapeutique comme condition de scolarisation.

Militant Anti-validisme (A-O) (représente des associations de personnes handicapées anti-validistes) : – Cette mesure nous semble au contraire discriminatoire. Elle conduit à considérer que le handicap en soi est une déficience. La personne handicapée, pour avoir accès à une scolarisation, devrait de ce fait accepter une dépendance aux technologies d’augmentation thérapeutique. Le recours aux technologies d’augmentation thérapeutique doit être laissé à la libre appréciation des familles et des enfants. Je signale à titre de précédent les oppositions parmi la communauté sourde au XXe siècle aux implants cochléaires.

RD : – C’est toujours la même histoire. Un fauteuil roulant cela peut être également considéré comme une technologie d’augmentation thérapeutique. Je ne crois pas qu’il y ait des associations de personnes en situation de handicap qui militent contre les fauteuils roulants.

A-O : Vous connaissez notre position. Nous adhérons au modèle social du handicap et non au modèle médical du handicap. Les technologies d’amélioration thérapeutiques laissent entendre que le handicap trouverait sa cause avant tout dans une déficience médicale de la personne et non pas dans un ensemble de problèmes sociaux. Or considérer que pour accéder à l’école, une personne en situation de handicap doit se soumettre à des opérations médicales, nous paraît abusif.

Défenseur* des droits humains (DH) : – C’est vrai que les conventions des droits soulignent le principe de non-discrimination qui doit s’appliquer également aux personnes en situation de handicap.

RD : – Cela ne me semble pas discriminatoire dans la mesure où ces opérations sont prises en charge à 100 % par la sécurité sociale.

A-O : C’est discriminatoire parce que vous imposez aux personnes en situation de handicap pour accéder à l’école de devoir devenir des valides. Le handicap n’est pas une déficience, c’est une différence. La société doit être en capacité d’accepter les différences. Elle doit aussi reconnaître la liberté de choix des personnes en situation de handicap de ne pas se caler sur les normes des valides, comme si être valide, c’était la norme. Une personne en situation de handicap peut décider d’avoir recours à une thérapeutique ou de ne pas y avoir recours.

R-D : – Mais dans ce cas, elle peut assumer également les conséquences de ses choix. Il est possible dès lors que certains cursus de formation ne leurs soient pas accessibles par exemple pour des raisons de sécurité.

A-O : – Mais justement ce que nous contestons, c’est la manière même dont l’on va définir l’accessibilité. Il est possible qu’un cursus de formation ne soit pas accessible parce que des aménagements n’ont pas été mis en œuvre. Et contre l’argument qui est le votre de voir la personne en situation de handicap comme un poids social, il est possible que les aménagements matériels demandés par les personnes en situation de handicap fassent également avancer les conditions de formation des personnes valides.

R-D : Mais déjà, vous voyez bien que l’idée que le handicap soit considéré comme une simple différence au même titre que la couleur de cheveux ne tient pas la route. Les implications d’un handicap sur la vie d’une personnes et sur ces capacités ne sont pas de même nature. Elles portent atteintes à l’égalité des chances.

A-O : – Nous ne nions pas la possibilité pour les personnes d’avoir recours aux techniques médicales, mais nous disons que le handicap ne doit pas être traité sur le plan politique avant tout comme un problème médical, mais comme un problème social.

Président* : – Ce que je constate, c’est que vous semblez être tous les deux d’accords sur l’idée de compensations, mais vous ne les définissez pas de la même manière. L’un considère que les compensations doivent prendre la forme d’une intervention médicale dont la responsabilité est à l’initiative de la personne en situation de handicap. L’autre considère que les compensations doivent prendre la forme d’aménagements matériels qui sont de la responsabilité de la collectivité. On a dans un cas une conception plus individualiste de la responsabilité du handicap – une déficience physique qui frappe une personne – et de l’autre une conception plus sociale – le handicap est la conséquence d’une forme d’organisation sociale.

NB: Le cas des personnes handicaptés est souvent évoqué par les tenants de l’idéologie transhumaniste, comme l’exemple du coureur Sud-Africain, Oscar Pistorius qui était doté de prothèse lui permettant de courir aussi rapidement que les valides et qui avait demandé à concourir contre les valides, et non pas en paralympique.