Texte de Mary Shelley, Frankenstein (1818)
En quoi cette description de la créature rend-elle compte de l’échec scientifique ?
Citation | Analyse | Interprétation |
La naissance du monstre (lignes 1 à 15) | ||
Ce fut par une nuit lugubre de novembre que je contemplai l’accomplissement de (mon œuvre terminée). | Récit à la première personne
Indication temporelle Adjectif dévalorisant (Périphrase méliorative) |
Le lecteur est plongé dans le point de vue du personnage. Le docteur a enfin fini son invention mais le cadre installe une ambiance angoissante. |
Dans [une anxiété proche de l’agonie], je rassemblai autour de moi les instruments qui devaient me permettre de faire passer l’étincelle de la vie dans la créature inerte étendue à mes pieds. | [hyperbole]
antiphrase |
L’exagération annonce un mauvais pressentiment
Au moment de donner naissance à la créature, Victor Frankenstein a peur. Grâce à la science, il s’est doté d’un pouvoir divin : celui d’insuffler la vie |
Il était déjà une heure du matin ; une pluie funèbre martelait les vitres et ma bougie était presque consumée, lorsque à la lueur de cette lumière à demi éteinte, | champ lexical de la noirceur | L’obscurité qui domine cet extrait annonce l’horreur à venir. C’est dans les ténèbres que la créature voit le jour. |
je vis ouvrir l’œil jaune et terne de cet être : sa respiration pénible commença, et un mouvement convulsif agita ses membres. | Adjectifs dévalorisants qui renvoient aussi à l’idée de souffrance | La symbolique de cette naissance est très forte puisqu’elle annonce le désespoir qui va l’envahir, les meurtres qu’il va commettre, son suicide mais également l’assassinat de son créateur : Victor Frankenstein. |
Comment décrire mes émotions en présence de cette catastrophe, ou dessiner le malheureux qu’avec un labeur et des soins si infinis je m’étais forcé de former ? | Questions partielles
Périphrases pour désigner sa créature |
Ces questions trahissent l’incompréhension qui s’empare du docteur. Il est face à un véritable désastre scientifique. |
Ses membres étaient bien proportionnés et j’avais choisi ses traits pour leur beauté. Pour leur beauté ! Grand Dieu ! | exclamations | Les exclamations révèlent l’effarement du docteur qui prend conscience qu’il a créé un monstre. |
Sa peau jaune couvrait à peine le tissu des muscles et des artères ; ses cheveux étaient d’un noir brillant et abondants ; ses dents d’une blancheur de nacre ; mais ces merveilles ne produisaient qu’un contraste plus horrible avec les yeux transparents qui semblaient presque de la même couleur que les orbites d’un blanc terne qui les encadraient, que son teint parcheminé et ses lèvres droites et noires. | Termes mélioratifs
Termes péjoratifs |
Certains traits de son visage sont présentés comme réussis mais paradoxalement ils rendent plus effroyables les autres éléments décrits Le docteur comprend, à cet instant, qu’il a donné le jour à un monstre. |
L’échec du docteur Frankenstein (lignes 15 à fin) | ||
Les accidents variés de la vie ne sont pas aussi sujets au changement que les sentiments humains. | Présent de vérité générale | L’écrivaine intervient et cherche à expliquer le brusque revirement du savant : Frankenstein est bouleversé par le résultat de sa création. Sa joie se métamorphose en immense déception. |
Depuis près de deux ans, j’avais travaillé (sans relâche) dans le seul but de communiquer la vie à un corps inanimé. Je m’étais privé de repos et d’hygiène. | CC temps
(CC de manière) CC de but |
Il semble avoir mis son existence entre parenthèses pour faire progresser la science. Il insiste sur l’intensité de son travail. Son expérience était devenue une obsession. |
Mon désir avait été d’une ardeur immodérée et maintenant qu’il se trouvait réalisé, la beauté du rêve s’évanouissait, une horreur et un dégoût sans bornes m’emplissaient l’âme. | Hyperbole
Métaphore Rythme binaire |
L’adverbe : « maintenant » marque une rupture dans le texte. La fureur créatrice de Victor Frankenstein disparaît au profit du désespoir. En effet, le décalage entre l’aspiration, le projet scientifique et la réalité est mis en exergue par la métaphore : « la beauté du rêve s’évanouissait » et par le rythme binaire : « une horreur et un dégoût sans bornes m’emplissaient l’âme » |
Incapable de supporter la vue de l’être que j’avais créé, je me précipitai hors de la pièce et restai longtemps dans le même état d’esprit dans ma chambre sans pouvoir goûter de sommeil. | Adjectif négatif
Verbe de mouvement |
Le docteur ne peut supporter son échec et refuse d’affronter sa créature. L’adjectif : « incapable » indique que sa déception est si grande qu’il ne peut l’accepter. Finalement, il s’agit d’une double défaite : scientifique et personnelle. Le docteur est touché dans son orgueil. Il pensait faire progresser la science et a échoué. Le verbe de mouvement : « je me précipitai hors de la pièce » révèle qu’il abandonne l’être créé. Il fuit devant l’atrocité qu’il a façonnée et c’est cette fuite qui va faire naître, chez la créature, un profond sentiment de rejet et d’abandon. |
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