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Phèdre de Racine (1677), Acte I, fin de la scène 3

ŒNONE

Hippolyte ? Grands dieux !

PHÈDRE

C’est toi qui l’as nommé !

ŒNONE

Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace !

Ô désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !

Voyage infortuné ! Rivage malheureux,

Fallait-il approcher de tes bords dangereux !

PHÈDRE

Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée

Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,

Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;

Athènes me montra mon superbe ennemi :

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;

Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;

Je sentis tout mon corps et transir et brûler :

Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables !

Par des vœux assidus je crus les détourner :

Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;

De victimes moi-même à toute heure entourée,

Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :

D’un incurable amour remèdes impuissants !

En vain sur les autels ma main brûlait l’encens !

Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,

J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,

Même au pied des autels que je faisais fumer,

J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.

Je l’évitais partout. Ô comble de misère !

Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.

Contre moi-même enfin j’osai me révolter :

J’excitai mon courage à le persécuter.

Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,

J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;

Je pressai son exil ; et mes cris éternels

L’arrachèrent du sein et des bras paternels.

Je respirais, Œnone ; et, depuis son absence,

Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence :

Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,

De son fatal hymen je cultivais les fruits.

Vaines précautions ! Cruelle destinée !

Par mon époux lui-même à Trézène amenée,

J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :

Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.

Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :

C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.

J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;

J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;

Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,

Et dérober au jour une flamme si noire :

Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats :

Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas.

Pourvu que, de ma mort respectant les approches,

Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches,

Et que tes vains secours cessent de rappeler

Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.

Correction des recherches autour de Phèdre de Racine

I] A propos de Thésée

Ouvrez la page suivante :

https://eduscol.education.fr/odysseum/thesee-heros-vainqueur-du-minotaure

 

De qui Thésée est-il le fils ?

Son père est Égée, le roi d’Athènes, et sa mère est Æthra, la fille du roi de Trézène. On lui donne aussi pour père le dieu Poséidon.

Quel est son meilleur ami, qu’il admire ?

Il admire son cousin Héraklès.

Comment se fait-il reconnaitre par son père ?

Il vient à Athènes porteur des sandales et de l’épée que son père avait laissés sous un rocher avant sa naissance.

Comment réussit-il à vaincre le minotaure ?

Il se fait passer pour l’un des hommes offerts en sacrifice au monstre. Il obtient l’aide d’Ariane, la fille de Minos. Celle-ci lui donne l’épée de son père et une bobine de fil. Il peut ainsi tuer le minotaure et ressortir du labyrinthe.

Qui est sa première femme ? Dans quelles circonstances celle-ci meurt-elle ?

Sa première femme est Antiope, une Amazone qu’il a enlevée. Cet enlèvement déclenche une guerre : les Amazones envahissent l’Attique. Thésée les combat et sa femme l’accompagne. Antiope sauve son mari en se sacrifiant pour lui.

Quelles femmes Thésée a-t-il successivement enlevé ?

Il emporte Ariane consentante mais l’abandonne sur une île. Selon certaines versions, il enlève Antiope l’amazone. Avec son ami Pirithoüs il enlève Hélène princesse de Sparte encore enfant et tente d’enlever Perséphone !

Que concluez-vous du personnage de Thésée ?

C’est un personnage qui fait preuve de force et de courage hors du commun (il tue de nombreux brigands ainsi que le minotaure et ne craint pas de descendre aux Enfers…). Mais c’est aussi un personnage inconstant et oublieux : il abandonne Ariane, oublie de hisser la voile blanche (ce qui entraine la mort d’Egée). Ses actes entrainent une succession de malheurs : mort de son père, invasion de l’Attique, supplice de son ami aux Enfers, chute d’Athènes aux mains de Castor et Pollux… et mort de son fils par sa malédiction trop prompte !

 

 II] A propos de Phèdre

Ouvrez la page suivante :

https://eduscol.education.fr/odysseum/phedre-epouse-de-thesee-et-belle-mere-dhippolyte

De qui Phèdre est-elle la fille ? et la sœur ?

Phèdre est la fille de Minos, roi de Crète, et de Pasiphaé, « celle qui brille pour tous ». Elle a pour grands-pères Zeus par son père et Hélios, le Soleil, par sa mère.

Qui rend Phèdre amoureuse d’Hippolyte ? Pourquoi ?

C’est Aphrodite qui rend Phèdre amoureuse d’Hippolyte. Elle se venge d’Hélios qui l’a ridiculisée en prévenant son mari Héphaïstos qu’elle était l’amante d’Arès. Phèdre est donc victime du fatum, le destin régi par les dieux et contre lequel on ne peut rien.

Quels effets produit sur Phèdre son amour pour Hippolyte ?

Son amour hors du commun la tourmente physiquement et psychologiquement : perte d’appétit, insomnies, douleurs… Ce sont des symptômes que l’on retrouve dans la pièce de Racine.

III] A propos de la tragédie

Qu’est-ce que la Catharsis ? Et la Mimesis ?

La catharsis est la purification de l’âme ou la purgation des passions du spectateur par la terreur et la pitié qu’il éprouve devant le spectacle d’une destinée tragique. (source : CNRTL)

Pour Aristote, montrer les passions au théâtre aide le spectateur à se libérer de ses propres passions. Au XVII° siècle, on donne au théâtre une fonction morale. En montrant les conséquences tragiques des passions, on dissuade le spectateur de céder aux siennes.

La mimésis d’après Aristote est l’imitation de la nature, ou sa transformation par l’art, plus spécifiquement par le théâtre, la poésie.

Ce principe est repris au XVII° siècle par les auteurs classiques. Il s’agit d’imiter la réalité afin que les spectateurs oublient l’illusion théâtrale. La mimésis gouverne donc la notion de vraisemblance.

Elle est encore au XVII° siècle l’imitation des Anciens, des auteurs antiques. Cet esthétisme gréco-romain doit cependant être adapté à l’époque de Louis XIV, notamment aux règles de bienséance. (Source : cours Julien)

On peut rajouter que la mimesis passe au théâtre par le dialogue théâtral, qui reprend le discours tel qu’il est dit, de plus joué par des comédiens.

Quelles sont les caractéristiques d’une tragédie classique ?

Elle suit les règles de bienséance, de vraisemblance et des trois unités. L’histoire prend place à l’époque antique et les personnages sont haut-placés (rois, princes…) Enfin elle cherche à produire une catharsis chez le spectateur.

 

Que désigne l’hubris ? Pourquoi est-ce important à l’époque du classicisme ?

L’hubris désigne la notion de démesure. Toute personne qui agit par orgueil et de manière démesurée fait preuve d’hubris. Cette notion est importante à l’époque classique où l’on recherche l’idéal de l’honnête homme -non pas au sens actuel – mais au sens de l’homme raisonnable, mesuré, posé.

IV] A propos de Jean Racine

En quel siècle a -t-il vécu ? Au XVII° siècle

En quoi l’éducation janséniste qu’il a reçue a-t-elle eu un impact sur son travail de dramaturge ?

Cette éducation lui a apporté une solide culture classique et notamment la connaissance des œuvres grecques (et pas seulement latines). Elle l’a influencé aussi dans sa vision pessimiste et rigoriste du monde. On comprend qu’il se soit inspiré des œuvres antiques pour écrire ses pièces et qu’il ait donné une fonction morale à ses œuvres.

A quelle époque de sa vie a-t-il écrit Phèdre ? En quoi cette pièce amène-t-elle un changement dans sa vie ?

Il écrit Phèdre à une période où il est déjà très connu pour ses pièces et apprécié du roi Louis XIV. Pourtant sa pièce va amener des controverses et va être en concurrence avec une autre pièce sur le même thème : Phèdre et Hippolyte de Nicolas Pradon.

Cela va amener Racine à s’éloigner du théâtre. Après cela, il n’écrira plus que deux pièces religieuses à la fin de sa vie.

Recherches documentaires autour de Phèdre de Racine

I] A propos de Thésée

Ouvrez la page suivante :

https://eduscol.education.fr/odysseum/thesee-heros-vainqueur-du-minotaure

De qui Thésée est-il le fils ?

Quel est son meilleur ami, qu’il admire ?

Comment se fait-il reconnaitre par son père ?

Comment réussit-il à vaincre le minotaure ?

Qui est sa première femme ? Dans quelles circonstances celle-ci meurt-elle ?

Quelles femmes Thésée a-t-il successivement enlevé ?

Que concluez-vous du personnage de Thésée ?

II] A propos de Phèdre

Ouvrez la page suivante :

https://eduscol.education.fr/odysseum/phedre-epouse-de-thesee-et-belle-mere-dhippolyte

De qui Phèdre est-elle la fille ? et la sœur ?

Qui rend Phèdre amoureuse d’Hippolyte ? Pourquoi ?

Quels effets produit sur Phèdre son amour pour Hippolyte ?

III] A propos de la tragédie

Qu’est-ce que la Catharsis ? Et la Mimesis ?

Quelles sont les caractéristiques d’une tragédie classique ?

Que désigne l’hubris ? Pourquoi est-ce important à l’époque du classicisme ?

IV] A propos de Jean Racine

En quel siècle a -t-il vécu ?

En quoi l’éducation janséniste qu’il a reçue a-t-elle eu un impact sur son travail de dramaturge ?

A quelle époque de sa vie a-t-il écrit Phèdre ? En quoi cette pièce amène-t-elle un changement dans sa vie ?

Découvrir Phèdre

Vous pouvez lire la pièce en cliquant ici.

Vous pouvez regarder le film de Pierre Jourdan de 1968 qui propose une adaptation du texte de Racine.

Vous pouvez aussi regarder la mise en scène proposée par Patrice Chéreau en 2003.

Correction du Devoir final sur Lucrèce Borgia de Victor Hugo

L’histoire de Lucrèce Borgia :    /5

1 Quels sont les deux affronts subis par Lucrèce au premier acte ?

Les amis de Gennaro insultent Lucrèce en rappelant devant Gennaro tous les crimes qu’elle a commis sur leurs familles.

A la fin de l’acte, Gennaro retire la première lettre du nom « Borgia » sur le fronton du palais, le transformant ainsi en « orgia ».

2 Gennaro est arrêté et comparait devant Don Alphonse qui le condamne à mort. Qui met à exécution la condamnation et comment ? Puis qui le sauve et pourquoi ?

C’est Lucrèce elle-même qui met à exécution la condamnation, devant Don Alphonse, en versant du vin empoisonné à Gennaro. Elle a préféré cette solution plutôt qu’une mort par l’épée car ainsi, une fois Don Alphonse parti, elle peut donner un contre-poison à Gennaro et ainsi sauver celui qui est son fils mais ne le sait pas.

3 De quelle manière Lucrèce se venge-t-elle des amis de Gennaro à la fin de la pièce ?

Elle les empoisonne tous lors d’une soirée. Mais elle n’avait pas prévu que Gennaro viendrait. De ce fait il est lui aussi empoisonné.

4 En quoi cela amène-t-il sa mort ?

Quand Gennaro comprend ce qu’a fait Lucrèce, il venge son ami Maffio en la frappant. Alors seulement elle lui avoue être sa mère.

L’étude d’extraits :            /2X3

Analyse chaque extrait proposé, et propose une interprétation.

Cette étude avait été faite en classe. Il fallait montrer votre compréhension de la scène et votre capacité à analyser des passages. Dans les éléments de correction ci-dessous, vous repérerez les analyses en italique et les interprétations soulignées.

– « Elle me fait horreur ! Oui, elle me fait horreur ! »

L’emploi d’exclamations répétées, avec le « oui » insistant et le mot « horreur » qui a un sens très fort et renvoie à la terreur ressentie face à un monstre, souligne le sentiment violent ressenti par Gennaro envers Lucrèce, un sentiment de haine et de dégoût.

– « Par où ai-je pu mériter l’amour d’une Lucrèce Borgia ? Cela n’est-il pas une honte et une calamité ? »

L’emploi de phrases interrogatives, dont une interro-négative, permet à Gennaro d’exprimer son incompréhension concernant l’amour que Lucrèce lui porte, mais aussi encore une fois son dégoût et sa répugnance grâce à la formule binaire au vocabulaire fort et dépréciatif « une honte et une calamité ».

– «voilà donc son exécrable palais ! Palais de la luxure, palais de la trahison, palais de l’assassinat, palais de l’adultère, palais de l’inceste, palais de tous les crimes, palais de Lucrèce Borgia ! »

Le champ lexical du crime permet d’exprimer une fois encore l’étendue des exactions commises par Lucrèce. Ce vocabulaire employé dans des exclamations non verbales, avec l’anaphore du mot « palais » montre la force de la haine de Gennaro. Le palais devient pour le jeune homme le symbole de la monstrueuse Lucrèce.

Rappel : analyser c’est étudier comment la phrase est construite (syntaxe, figures de style, vocabulaire…) / Interpréter c’est présenter le sens et l’enjeu du texte, montrer ce que veut faire l’auteur en écrivant cette phrase.

 

La mise en scène :    /5

Entre la mise en scène de Podalydès (avec la gondole) et celle de David Bobée (avec l’eau), laquelle préfères-tu ? Développe ta réponse en expliquant au moins trois choix de mise en scène qui expliquent ta préférence.

Tu pouvais évoquer :

– le choix des lumières (plus sombres chez Podalydès)

– les décors et leur emploi (la gondole pour Venise et la mort ou l’eau pour Venise et l’insulte)

– les costumes (classiques ou contemporains)

– le jeu des comédiens

– l’emploi ou non de masques

 

La fin de la pièce :     /4

Victor Hugo a choisi de clôturer sa pièce de manière brutale avec la mort de Lucrèce alors qu’elle apprend à Gennaro qu’elle est sa mère. Que penses-tu de cette fin ? Aurais-tu préféré autre chose ? Justifie ta réponse en expliquant ce que tu aurais aimé ou en quoi tu apprécies cette fin.

L’important ici est de justifier sa réponse. On peut aimer cette fin qui laisse le spectateur libre d’imaginer la suite : Gennaro va-t-il se laisser mourir ou boire le contre-poison ? Va-t-il tenter de sauver sa mère ? …

On peut aussi trouver que cette fin n’en est pas vraiment une et qu’on aurait préféré une suite qui permette de savoir ce que deviennent les personnages. A vous de proposer quelle fin vous auriez voulu pour Gennaro et Lucrèce.

Devoir final sur Lucrèce Borgia de Victor Hugo

Soignez l’écriture, l’orthographe et la syntaxe pour répondre.

 L’histoire de Lucrèce Borgia :    /5

1 Quels sont les deux affronts subis par Lucrèce au premier acte ?

2 Gennaro est arrêté et comparait devant Don Alphonse qui le condamne à mort. Qui met à exécution la condamnation et comment ? Puis qui le sauve et pourquoi ?

3 De quelle manière Lucrèce se venge-t-elle des amis de Gennaro à la fin de la pièce ?

4 En quoi cela amène-t-il sa mort ?

 

L’étude d’extraits :            /2X3

Analyse chaque extrait proposé, et propose une interprétation.

– « Elle me fait horreur ! Oui, elle me fait horreur ! »

– « Par où ai-je pu mériter l’amour d’une Lucrèce Borgia ? Cela n’est-il pas une honte et une calamité ? »

– «voilà donc son exécrable palais ! Palais de la luxure, palais de la trahison, palais de l’assassinat, palais de l’adultère, palais de l’inceste, palais de tous les crimes, palais de Lucrèce Borgia ! »

Rappel : analyser c’est étudier comment la phrase est construite (syntaxe, figures de style, vocabulaire…) / Interpréter c’est présenter le sens et l’enjeu du texte, montrer ce que veut faire l’auteur en écrivant cette phrase.

 

La mise en scène :    /5

Entre la mise en scène de Podalydès (avec la gondole) et celle de David Bobée (avec l’eau), laquelle préfères-tu ? Développe ta réponse en expliquant au moins trois choix de mise en scène qui expliquent ta préférence.

 

La fin de la pièce :     /4

Victor Hugo a choisi de clôturer sa pièce de manière brutale avec la mort de Lucrèce alors qu’elle apprend à Gennaro qu’elle est sa mère. Que penses-tu de cette fin ? Aurais-tu préféré autre chose ? Justifie ta réponse en expliquant ce que tu aurais aimé ou en quoi tu apprécies cette fin.

Essai : La lecture peut-elle suffire pour apprécier et comprendre pleinement une pièce de théâtre ?

1 Au brouillon, on analyse le sujet.

– Question ouverte : une réponse par oui ou non, à justifier

– mots-clés : pièce de théâtre (œuvre littéraire destinée à être jouée), lecture (action de lire un texte ; le lecteur construit seul sa compréhension du texte)

– mots-outils : suffire, pleinement (suffire : ne pas avoir besoin d’autre chose > si elle ne suffit pas, de quoi d’autre a-t-on besoin ? / pleinement : cela suppose qu’on peut comprendre et apprécier partiellement une pièce de théâtre par la lecture, mais est-ce suffisant ? Peut-on tout apprécier et tout comprendre uniquement par la lecture ?)

Et on finit par reformuler le sujet :

Découvrir une pièce de théâtre par la lecture, est-ce suffisant pour apprécier pleinement l’œuvre ?

Lire des mots sur une page suffit-il à apprécier une œuvre destinée à être jouée ?

Comment faire pour découvrir une pièce de théâtre dans sa globalité ? La lecture suffit-elle ou la représentation est-elle nécessaire ?

2 Au brouillon, on choisit quelle réponse on veut donner et on cherche des éléments justifiant cette réponse. Pour chaque élément, on cherche un ou deux exemples d’appui.

Ce qu’apporte la lecture :

– une écriture riche qui se suffit à elle-même. Le lecteur trouve du plaisir à s’arrêter, au moment où il le souhaite, afin de profiter d’une phrase particulièrement bien écrite

Exemple : la métaphore dans la réplique de Gubetta à propos de Gennaro endormi ; « un visage sans yeux, c’est un palais sans fenêtres ». ou les mots de Ruy Blas à son ami « Je jetais mes pensées / Et mes vœux vers le ciel en strophes insensées. »

– le texte laisse libre le lecteur d’imaginer sa propre mise en scène en fonction de ses goûts et de ses connaissances, sans restriction.

Exemple : pour Lucrèce Borgia de Victor Hugo, on peut imaginer le visage de chaque personnage, leurs costumes, les décors. On peut en oublier que c’est un décor et placer ses personnages dans un véritable palais, ou sur une vraie place…

– La lecture permet de naviguer dans l’œuvre à sa guise. On peut relire une phrase difficile, revenir en arrière pour vérifier un événement, relire plusieurs fois un passage qu’on aime.

Exemple : vouloir relire la tirade du Cid de Corneille qui raconte au roi sa bataille contre les Maures.

Ce qu’apporte la représentation :

– la représentation fait vivre le texte : les comédiens donnent vie aux personnages, tous comme leurs costumes précisent leur rang social. Les décors eux concrétisent les lieux de l’histoire.

Exemple : dans la mise en scène de Podalydès pour Lucrèce Borgia, de V. Hugo, la gondole sert à la fois à symboliser le lieu (Venise) et la mort que sème la monstrueuse Lucrèce.

– La représentation place le spectateur en immersion ; celui-ci peut être davantage touché et ému par ce qui est représenté sur scène.

Exemple : Le jeu des comédiens rend plus poignant le dilemme de Rodrigue dans Le Cid de corneille ou les supplications de Lucrèce à son mari pour sauver son fils dans la pièce de Victor Hugo.

– la représentation donne du sens : des mots difficiles qui nécessiteraient l’emploi d’un dictionnaire peuvent être compris par l’attitude des comédiens et le contexte posé par les décors et la mise en scène.

Exemple : souvent les élèves comprennent mieux une pièce qu’ils voient jouer plutôt qu’en la lisant. « Et je le dis ici pour Dieu qui voit mon âme, /J’aimerais mieux, plutôt qu’être à ce point infame, / Vil, odieux, pervers, misérable et flétri, / Qu’un chien rongeât mon crâne au pied du pilori. » Extrait de Ruy Blas de Victor Hugo. Le vocabulaire soutenu peut rebuter certains à la lecture, mais passe facilement dans la bouche d’un comédien.

3 Toujours au brouillon, à partir des idées trouvées, on choisit son plan, en fonction de la réponse qu’on veut donner à la question de départ.

Dans un essai, on n’est pas obligé de peser le pour et le contre.

Je vous propose ci-dessous plusieurs exemples de plans d’essai :

Pour répondre « oui la lecture suffit pour apprécier pleinement une pièce de théâtre », on montre ce que la lecture apporte :

1 la richesse du texte écrit

2 libre-cours à l’imagination du lecteur

3 liberté du lecteur

Pour répondre « non, la lecture ne suffit pas pour apprécier pleinement une pièce de théâtre », on montre que la représentation apporte des éléments que la lecture ne peut apporter :

1 la représentation fait « vivre » le texte

2 la représentation place le spectateur en immersion

3 la représentation donne du sens

On peut enfin choisir de nuancer sa réponse : « oui la lecture permet d’apprécier une pièce de théâtre, mais la représentation rajoute encore au plaisir. »

I Ce qu’apporte la lecture

1 la richesse du texte écrit

2 la liberté du lecteur

II Ce qu’apporte la représentation

1 la représentation fait « vivre » le texte

2 la représentation donne du sens

4 On peut enfin rédiger au propre en organisant son travail (introduction, développement, conclusion) et en soignant la langue (écriture, orthographe, syntaxe). Une relecture finale permet les derniers correctifs.

 

 

 

Lucrèce Borgia : comparer trois variantes de la fin de la pièce

Relisez cette fin de la pièce de Victor Hugo.

Lucrèce Borgia, fin de l’acte III, scène 3, jouée à partir du 2 février 1833

DONA LUCREZIA. […] Oh ! Grâce ! Ne me tue pas, mon Gennaro ! Vivons tous les deux, toi pour me pardonner, moi, pour me repentir ! Aie quelque compassion de moi ! Enfin cela ne sert à rien de traiter sans miséricorde une pauvre misérable femme qui ne demande qu’un peu de pitié ! —un peu de pitié ! Grâce de la vie ! — et puis, vois-tu bien, mon Gennaro, je te le dis pour toi, ce serait vraiment lâche ce que tu ferais là, ce serait un crime affreux, un assassinat ! Un homme tuer une femme ! Un homme qui est le plus fort ! Oh ! Tu ne voudras pas ! Tu ne voudras pas !

GENNARO. ébranlé. Madame…

DONA LUCREZIA. Oh ! Je le vois bien, j’ai ma grâce. Cela se lit dans tes yeux. Oh ! Laisse-moi pleurer à tes pieds !

UNE VOIX AU-DEHORS. Gennaro !

GENNARO. Qui m’appelle ?

LA VOIX. Mon frère Gennaro !

GENNARO. C’est Maffio !

LA VOIX. Gennaro ! Je meurs ! Venge-moi !

GENNARO. relevant le couteau. C’est dit. Je n’écoute plus rien. Vous l’entendez, madame, il faut mourir !

DONA LUCREZIA. se débattant et lui retenant le bras. Grâce ! Grâce ! Encore un mot !

GENNARO. Non !

DONA LUCREZIA. Pardon ! écoute-moi !

GENNARO. Non !

DONA LUCREZIA. Au nom du ciel !

GENNARO. Non !

Il la frappe.

DONA LUCREZIA. Ah !… tu m’as tuée ! — Gennaro ! Je suis ta mère !

FIN

 

Comment imagines-tu ce qui va se passer juste après la dernière réplique ? Lucrèce meurt-elle sur le coup ? Comment réagit Gennaro ? Se parlent-ils ? Gennaro boit-il le contre-poison ?…

 

Lisez la variante ci-dessous.

Lucrèce Borgia. Variante de fin n°1. Publiée en 1884 à partir des manuscrits de 1832.

GENNARO. Vous ma mère ! […] J’ai tué ma mère ! Vous êtes ma mère ! Oh ! Que de crimes mis à nu par ce seul mot !

DONA LUCREZIA. Une mère incestueuse !

GENNARO. Un fils parricide !

DONA LUCREZIA. Gennaro !

GENNARO. Oui, je suis parricide ! Oui, c’est bien moi qui ai fait cela, moi qui suis là, moi qui parle ! Mon Dieu ! Que cela est étrange d’être parricide !

DONA LUCREZIA. Mon fils, reviens à toi !

GENNARO. Parricide ! Oh ! Est-ce que ces murailles me souffriront ici sans m’écraser ? On m’avait dit que les parricides étaient des êtres tellement monstrueux que les plafonds de marbre se précipitaient d’eux-mêmes sur leurs têtes. Et moi, je marche, je respire, je vis, je suis ! Maudissez-moi, ma mère ! Etendez votre bras sur moi ! Le bras d’une mère levé pour maudire son fils doit faire crouler le ciel !

DONA LUCREZIA. Mon fils, ce meurtre n’est pas ton crime, c’est ma faute !

GENNARO. Est-ce que je n’ai pas quelque chose de changé dans le visage ? Cela se voit-il, dites-moi, quand on est parricide ? Regardez-moi bien, ma mère ! Est-ce que je ressemble encore aux autres hommes ? Il est impossible que je n’aie pas un signe sur le front ! Comment est-il fait, ce signe ? Oh ! N’est-ce pas ? On se rangera devant moi désormais, on se détournera, on ne me fera pas de mal, on me laissera passer comme une chose sacrée, comme la proie vivante de la fatalité, les toits où j’aurai dormi s’écrouleront, la trace de mes pas ne pourra s’imprimer dans la neige, ni sur le sable, tout ce que j’aurai touché s’évanouira, les mères frapperont leurs enfants sur mon passage pour qu’ils se souviennent toute leur vie de m’avoir vu. N’est-ce pas que c’est terrible ? Cela se fera pour moi. Cela s’est bien fait pour Caïn[1]. Je vais devenir un homme comme il y en a dans les contes. Tenez, vous voyez bien que ce sang que j’ai sur les mains ne veut pas s’effacer ? Regardez-moi bien. (Montrant son front.) Je vous dis qu’il est impossible que je n’aie pas quelque chose là.

DONA LUCREZIA. Tu n’as rien ! Ta tête se perd, mon Gennaro !

GENNARO. Il y a un mot, vous dis-je, qui est écrit là, et que je sens bien, moi !

DONA LUCREZIA. Non. Quel mot ?

GENNARO. Quel mot ? Parricide !

 

Sur quel aspect cette fin insiste-t-elle ? Avec cette fin, selon vous, Gennaro va-t-il boire le contre-poison ? Pourquoi ?

 

Lisez la variante ci-dessous.

Lucrèce Borgia. Variante de fin n°2. Publiée en 1884 à partir des manuscrits de 1832.

Après l’avoir frappée, Gennaro découvre ses lettres sur le corps de Lucrèce et comprend qu’il s’agit de sa mère. Il est en pleurs.

DONA LUCREZIA, d’un air sombre. Gennaro ! Ne pleure pas tant Lucrèce Borgia.

GENNARO. Lucrèce Borgia ? Vous appelez-vous Lucrèce Borgia ? Est-ce que je sais si vous vous appelez Lucrèce Borgia ? Ma mère est ma mère ! Voilà tout ! Pourquoi ne m’avez- vous pas dit plus tôt que vous étiez ma mère ?

DONA LUCREZIA. Le Valentinois ne t’aurait pas laissé une heure de vie. Et puis je craignais d’exposer ta tendresse filiale au choc redoutable de mon nom.

GENNARO. Pourquoi ne me l’avoir pas dit au moins tout à l’heure ?

DONA LUCREZIA. Avant le coup j’ai essayé, tu n’as pas compris. Après le coup, je ne devais plus rien dire.

GENNARO. Ma mère ! Ma mère ! Maudissez-moi !

DONA LUCREZIA. Je te pardonne, mon fils ! Je te pardonne ! Mon pauvre enfant, ne te crois pas plus coupable que tu ne l’es. Qui est-ce qui est juge de cela si ce n’est moi ? Je voudrais bien que quelqu’un osât te blâmer, quand je ne me plains pas, moi ! O mon Gennaro, je fais plus que te pardonner, je te remercie ! Quelle plus heureuse mort pouvais-je avoir ? Là ! Mets ta tête sur mes genoux, et calme-toi, mon enfant ! Il faut bien toujours finir par mourir ; eh bien, je meurs près de toi. Tu m’as blessée au cœur, mais tu m’aimes. Mon sang coule, mais tes larmes s’y mêlent. Oh ! Je dirai à Dieu, s’il m’est donné de le voir, que tu es un bon fils !

GENNARO. Vous me pardonnez ! Ah ! Vous êtes bonne ! Oh ! Il faut que vous viviez ! Laissez-moi appeler du secours. Vous guérirez, ma mère bien-aimée ? Vous vivrez, vous serez heureuse !

DONA LUCREZIA. Vivre, non. Heureuse, je le suis. Tu sais que je suis ta mère, et je ne te fais pas reculer d’horreur, et tu m’aimes, et tu pleures avec moi. Je serais bien difficile, te dis-je, si je n’étais pas heureuse !

GENNARO. Il faut vivre, ma mère !

DONA LUCREZIA. Il faut mourir. Ma poitrine se remplit, je le sens. Mon fils, mon fils adoré !… Oh ! Comprends-tu la joie que j’ai à te dire tout haut et à toi-même : mon fils ! Mon fils, embrasse-moi !

Il l’embrasse. Elle jette un cri.

Oh ! Ma blessure ! Quelle misère ! Ce que je souhaitais le plus au monde, un tendre embrassement de mon fils, sa poitrine serrée contre ma poitrine, cela m’a fait du mal ! C’est égal ! Embrasse-moi, mon fils ! La joie passe encore la douleur !

GENNARO. Oh ! Mon Dieu ! Tout n’est pas désespéré peut-être. Le ciel ne serait pas juste de ne nous réunir que pour nous séparer plus cruellement, et de vous reprendre tout de suite. Ma mère, un peu de secours vous sauverait. Laissez-moi courir…

DONA LUCREZIA. Ne me quitte pas. Ne gâte pas mes derniers instants. Restons seuls. Devant les autres, je ne pourrais pas t’appeler mon fils. Comment peux-tu croire qu’aucun secours humain ne me sauverait ? Est-ce que tu ne t’aperçois pas que ma voix baisse ? Tiens, ma main est déjà froide. Touche-la. Gennaro ! Mon fils ! Je veux mourir dans tes bras. Je suis contente ainsi. Ne pleure pas, je ne souffre presque plus. Presque plus, je t’assure. Tiens, vois-tu, je souris. Oh ! J’ai été si à plaindre ! Ce moment où nous sommes, cette heure qui te semble à toi si affreuse et si lugubre, juge, mon enfant, c’est l’heure la plus heureuse de ma vie !

GENNARO, avec désespoir. Ma mère ! Oh ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Conservez-moi ma mère !

DONA LUCREZIA, sanglotant tout à coup et le serrant dans ses bras. Ah ! C’est vrai pourtant ! Hélas ! Hélas ! Tu vas perdre ta mère, mon pauvre enfant ! […] Adieu ! Je sens que cela monte et que je vais m’éteindre. Oh ! Un peu d’air ! Un peu d’air ! Ta main ! Ta main ! Oh ! J’étouffe ! Viens, approche-toi. Tout près.

GENNARO. Me voici, ma mère.

DONA LUCREZIA. Soulève-moi. — Il me semble que tout est expié[2] maintenant et que je puis me hasarder à lever les yeux au ciel.

Elle étend la main sur lui.

Mon Dieu ! Si une femme comme moi a encore le droit de bénir quelqu’un, je bénis l’enfant innocent de mes entrailles, mon Gennaro ! Adieu ! Adieu, mon fils ! Vis longtemps et sois heureux ! Ah ! Que viens-tu de jeter et de briser à terre ?

GENNARO. Le contre-poison.

 

Comment expliques-tu le geste final de Gennaro ?

Quelle fin préfères-tu ? Justifie ta réponse.

 

[1] Caïn est un personnage biblique (cf. Genèse, 4). Il a tué son frère Abel par jalousie et Dieu l’a maudit et l’a condamné à être « errant et vagabond » sur la terre.

[2] Expier (terme religieux) : « expier ses péchés » signifie « réparer ses fautes » par le repentir et la pénitence.

 

Cours proposé à des Secondes, conçu et adapté à partir d’une proposition de M. Sylvain Leroy (que je remercie) pour des Premières L.

Lucrèce Borgia : mises en voix et choix de mises en scène

Travaux de groupes

Chaque groupe travaille sur l’un des extraits suivants.

Chaque groupe réfléchit à une mise en scène  et l’exposera ensuite à la classe.

Deux élèves du groupe mettent en voix l’extrait (choix sur les pauses, les intonations, la force de la voix…).

1er Extrait acte I, partie 1, scène 2

GUBETTA.

Parlez moins haut, madame. —Je ne m’appelle pas ici Gubetta, mais le comte de Belverana, gentilhomme castillan ; vous, vous êtes madame la marquise de Pontequadrato, dame napolitaine. Nous ne devons pas avoir l’air de nous connaître. Ne sont-ce pas là les ordres de votre altesse ? Vous n’êtes point ici chez vous ; vous êtes à Venise.

DONA LUCREZIA.

C’est juste, Gubetta. Mais il n’y a personne sur cette terrasse, que ce jeune homme qui dort ; nous pouvons causer un instant.

GUBETTA.

Comme il plaira à votre altesse. J’ai encore un conseil à vous donner ; c’est de ne point vous démasquer. On pourrait vous reconnaître.

DONA LUCREZIA.

Et que m’importe ? S’ils ne savent pas qui je suis, je n’ai rien à craindre ; s’ils savent qui je suis, c’est à eux d’avoir peur.

GUBETTA.

Nous sommes à Venise, madame ; vous avez bien des ennemis ici, et des ennemis libres. Sans doute la république de Venise ne souffrirait pas qu’on osât attenter à la personne de votre altesse ; mais on pourrait vous insulter.

DONA LUCREZIA.

Ah ! Tu as raison ; mon nom fait horreur, en effet.

 

2° Extrait acte I, partie 1, scène 2

GUBETTA.

Je dis que c’est un jeune homme qui dort couché sur un banc, et qui dormirait debout s’il avait été en tiers dans la conversation morale et édifiante que je viens d’avoir avec votre altesse.

DONA LUCREZIA.

Est-ce que tu ne le trouves pas bien beau ?

GUBETTA.

Il serait plus beau, s’il n’avait pas les yeux fermés. Un visage sans yeux, c’est un palais sans fenêtres.

DONA LUCREZIA.

Si tu savais comme je l’aime !

GUBETTA.

C’est l’affaire de don Alphonse, votre royal mari. Je dois cependant avertir votre altesse qu’elle perd ses peines. Ce jeune homme, à ce qu’on m’a dit, aime d’amour une belle jeune fille nommée Fiametta.

DONA LUCREZIA.

Et la jeune fille, l’aime-t-elle ?

GUBETTA.

On dit que oui.

DONA LUCREZIA.

Tant mieux ! Je voudrais tant le savoir heureux !

GUBETTA.

Voilà qui est singulier et n’est guère dans vos façons. Je vous croyais plus jalouse.

DONA LUCREZIA. contemplant Gennaro.

Quelle noble figure !

GUBETTA.

Je trouve qu’il ressemble à quelqu’un…

DONA LUCREZIA.

Ne me dis pas à qui tu trouves qu’il ressemble ! — Laisse-moi.

 

3° extrait Acte I partie 1 scène 4

DONA LUCREZIA.

Cette terrasse est obscure et déserte ; je puis me démasquer ici. Je veux que vous voyiez mon visage, Gennaro.

Elle se démasque.

GENNARO.

Vous êtes bien belle !

DONA LUCREZIA.

Regarde-moi bien, Gennaro, et dis-moi que je ne te fais pas horreur !

GENNARO.

Vous, me faire horreur, madame ! Et pourquoi ? Bien au contraire, je me sens au fond du cœur quelque chose qui m’attire vers vous.

DONA LUCREZIA.

Donc tu crois que tu pourrais m’aimer, Gennaro ?

GENNARO.

Pourquoi non ? Pourtant, madame, je suis sincère, il y aura toujours une femme que j’aimerai plus que vous.

DONA LUCREZIA. souriant.

Je sais, la petite Fiametta.

GENNARO.

Non.

DONA LUCREZIA.

Qui donc ?

GENNARO.

Ma mère.

DONA LUCREZIA.

Ta mère ! Ta mère, ô mon Gennaro ! Tu aimes bien ta mère, n’est-ce pas ?

GENNARO.

Et pourtant je ne l’ai jamais vue. Voilà qui vous paraît bien singulier, n’est-il pas vrai ? Tenez, je ne sais pas pourquoi j’ai une pente à me confier à vous ; je vais vous dire un secret que je n’ai encore dit à personne, pas même à mon frère d’armes, pas même à Maffio Orsini. Cela est étrange de se livrer ainsi au premier venu ; mais il me semble que vous n’êtes pas pour moi la première venue.

 

4° Extrait Acte I partie 2 scène 1

DONA LUCREZIA.

Tout est-il prêt pour ce soir, Gubetta ?

GUBETTA.

Oui, madame.

DONA LUCREZIA.

Y seront-ils tous les cinq ?

GUBETTA.

Tous les cinq.

DONA LUCREZIA.

Ils m’ont bien cruellement outragée, Gubetta !

GUBETTA.

Je n’étais pas là, moi.

DONA LUCREZIA.

Ils ont été sans pitié !

GUBETTA.

Ils vous ont dit votre nom tout haut comme cela ?

DONA LUCREZIA.

Ils ne m’ont pas dit mon nom, Gubetta ; ils me l’ont craché au visage !

GUBETTA.

En plein bal !

DONA LUCREZIA.

Devant Gennaro !

GUBETTA.

Ce sont de fiers étourdis d’avoir quitté Venise et d’être venus à Ferrare. Il est vrai qu’ils ne pouvaient guère faire autrement, étant désignés par le Sénat pour faire partie de l’ambassade qui est arrivée l’autre semaine.

DONA LUCREZIA.

Oh ! Il me hait et me méprise maintenant, et c’est leur faute. — Ah ! Gubetta, je me vengerai d’eux.

GUBETTA.

À la bonne heure, voilà parler. Vos fantaisies de miséricorde vous ont quittée, Dieu soit loué ! Je suis bien plus à mon aise avec votre altesse quand elle est naturelle comme la voilà. Je m’y retrouve au moins.

 

5° Extrait Acte II partie 1 scène 4

DON ALPHONSE.

Pourtant, dona Lucrezia, un serment…

DONA LUCREZIA.

Ne me donnez pas de ces mauvaises raisons-là. Je ne suis pas une sotte. Dites-moi plutôt, mon cher Alphonse, si vous avez quelque motif d’en vouloir à ce Gennaro. Non ? Eh bien ! Accordez-moi sa vie. Vous m’aviez bien accordé sa mort. Qu’est-ce que cela vous fait ? S’il me plaît de lui pardonner. C’est moi qui suis l’offensée.

DON ALPHONSE.

C’est justement parce qu’il vous a offensée, mon amour, que je ne veux pas lui faire grâce.

DONA LUCREZIA.

Si vous m’aimez, Alphonse, vous ne me refuserez pas plus longtemps. […]

DON ALPHONSE.

Je ne puis, chère Lucrèce.

DONA LUCREZIA.

Vous ne pouvez ? Mais enfin pourquoi ne pouvez-vous pas m’accorder quelque chose d’aussi insignifiant que la vie de ce capitaine ?

DON ALPHONSE.

Vous me demandez pourquoi, mon amour ?

DONA LUCREZIA.

Oui, pourquoi ?

DON ALPHONSE.

Parce que ce capitaine est votre amant, madame !

DONA LUCREZIA.

Ciel !

DON ALPHONSE.

Parce que vous l’avez été chercher à Venise ! Parce que vous l’iriez chercher en enfer ! Parce que je vous ai suivie pendant que vous le suiviez ! Parce que je vous ai vue, masquée et haletante, courir après lui comme la louve après sa proie !

 

6° Extrait Acte III scène 3

GENNARO. prenant un couteau sur la table.

C’est-à-dire que vous allez mourir, madame !

DONA LUCREZIA.

Comment ! Que dites-vous ?

GENNARO.

Je dis que vous venez d’empoisonner traîtreusement cinq gentilshommes, mes amis, mes meilleurs amis, par le ciel ! Et parmi eux, Maffio Orsini, mon frère d’armes, qui m’avait sauvé la vie à Vicence, et avec qui toute injure et toute vengeance m’est commune. Je dis que c’est une action infâme que vous avez faite là, qu’il faut que je venge Maffio et les autres, et que vous allez mourir !

DONA LUCREZIA.

Terre et cieux !

GENNARO.

Faites votre prière, et faites-la courte, madame. Je suis empoisonné. Je n’ai pas le temps d’attendre.

DONA LUCREZIA.

Bah ! Cela ne se peut. Ah bien oui, Gennaro me tuer ! Est-ce que cela est possible ?

GENNARO.

C’est la réalité pure, madame, et je jure dieu qu’à votre place je me mettrais à prier en silence, à mains jointes et à deux genoux. — Tenez, voici un fauteuil qui est bon pour cela.

DONA LUCREZIA.

Non. Je vous dis que c’est impossible. Non, parmi les plus terribles idées qui me traversent l’esprit, jamais celle-ci ne me serait venue. —Hé bien, hé bien ! Vous levez le couteau ! Attendez ! Gennaro ! J’ai quelque chose à vous dire !

GENNARO.

Vite.

DONA LUCREZIA.

Jette ton couteau, malheureux ! Jette-le, te dis-je ! Si tu savais… —Gennaro ! Sais-tu qui tu es ? Sais-tu qui je suis ? Tu ignores combien je te tiens de près ! Faut-il tout lui dire ? Le même sang coule dans nos veines, Gennaro ! Tu as eu pour père Jean Borgia, duc de Gandia !

GENNARO.

Votre frère ! Ah ! Vous êtes ma tante ! Ah ! Madame !

 

7° Extrait Acte III scène 3

DONA LUCREZIA.

Gennaro ! Par pitié pour toi ! Tu es innocent encore ! Ne commets pas ce crime !

GENNARO.

Un crime ! Oh ! Ma tête s’égare et se bouleverse ! Sera-ce un crime ? Eh bien ! Quand je commettrais un crime ! Pardieu ! Je suis un Borgia, moi ! à genoux, vous dis-je ! Ma tante ! À genoux !

DONA LUCREZIA.

Dis-tu en effet ce que tu penses, mon Gennaro ? Est-ce ainsi que tu paies mon amour pour toi ?

GENNARO.

Amour ! …

DONA LUCREZIA.

C’est impossible. Je veux te sauver de toi-même. Je vais appeler. Je vais crier.

GENNARO.

Vous n’ouvrirez point cette porte. Vous ne ferez point un pas. Et quant à vos cris, ils ne peuvent vous sauver. Ne venez-vous pas d’ordonner vous-même tout à l’heure que personne n’entrât, quoi qu’on pût entendre au dehors de ce qui va se passer ici ?

DONA LUCREZIA.

Mais c’est lâche ce que vous faites là, Gennaro ! Tuer une femme, une femme sans défense ! Oh ! Vous avez de plus nobles sentiments que cela dans l’âme !

 

 

Lucrèce Borgia : Comparaison de mises en scène (acte I scène 5)

Les mises en scène :

Lucrèce Borgia par Denis Podalydès octobre 2018

 

Lucrèce Borgia par David Bobée

https://ms-my.facebook.com/france3cotedazur/videos/635073724001151/

passage de 29.30 à 33.30

 

Les explications des metteurs en scène :

– interview de Podalydes sur le site « théâtre contemporain »

https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Lucrece-Borgia-10410/ensavoirplus/idcontent/94335

– Explications de David Bobée :

https://www.youtube.com/watch?v=YzQzoW3ojgs

https://www.youtube.com/watch?v=ckbkQInTXWs

Note d’intention de D.Bobée https://libretheatre.fr/lucrece-borgia-mise-scene-david-bobee/

 

Avis sur la mise en scène

Avis cultur@max sur la mise en scène de Podalydes

https://culturmax.wordpress.com/2018/11/26/lucrece-borgia-comedie-francaise-denis-podalydes/

Critique de Denis Sanglard

http://unfauteuilpourlorchestre.com/critique-%E2%80%A2-lucrece-borgia-par-david-bobee-au-chateau-de-grignan/

Renvois à différentes critiques de la mise en scène de D.Bobée

https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Lucrece-Borgia-11511/critiques/

 

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