Etude comparative entre le RTM et ses homologues espagnols (III.2.)

III. DIFFERENCES avec le REGLEMENT ESPAGNOL

PRESIDENCE
Le président est désigné par le maire (et souvent de manière indirecte par les organisateurs) et il doit prendre en compte l’opinion des assesseurs (qui sont indistincts : il n’est pas obligatoire qu’il y ait un vétérinaire). Il n’y a aucune mention d’un possible substitut.
Les prérogatives partagées entre le président et le délégué de la C.T.E.M. (le président de cette commission sans doute) ne sont pas bien définies pour ce qui est du contrôle des papiers des acteurs : Sécurité Sociale française ou espagnole (d’après ce qui est exprimé dans l’article 91) et cartes d’identité ou professionnelle (art. 57).
Il doit au moins être présent pour le tirage au sort des lots et bien-sûr pour « l’isolement » des bêtes qui a lieu à la suite, mais aussi, supposément, pour l’examen préliminaire (qui n’est pas nommé avec clarté mais plutôt implicitement) même si son avis n’est pas déterminant puisque les décisions sont collégiales (le triumvirat formé par le président et ses assesseurs d’une part, les délégués de la C.T.E.M. de l’autre et aussi par le délégué de l’U.V.T.F., le cas échéant, c’est-à-dire par une assemblée comprenant jusqu’à 7 personnes). Dans la pratique la décision de la C.T.E.M. est prépondérante.
Le président doit inspecter l’arène (les lignes en particulier) avec le délégué de la C.T.E.M. quand, en Espagne, c’est seulement l’équivalent de celui-ci qui réalise cette tâche.
Dans l’article 70 il est aussi censé vérifier que le couloir circulaire de l’arène est occupé par des personnes accréditées.
Il est expressément responsable de la musique, qui ne devra pas jouer avant la fin de l’évacuation de la dépouille (art. 39).
Un alguacilillo doit être attentif et à la disposition du président (art. 40).
Il a surtout la possibilité d’interrompre la suerte des piques s’il juge le châtiment disproportionné (art. 73.6.).

INTEGRITE et SANCTIONS
Une pratique très commune dans les petites arènes et qui n’est pas inscrite dans le RTM est la substitution des cercles concentriques par un arc en forme de serrure où sont rajoutés trois marques qui indiquent trois distances de mise en place : proche, intermédiaire et lointaine. Dans certains cas, il est possible de voir des animaux provoqués depuis la porte du toril ce qui met parfois les gens debout dans une suerte qui recouvre alors toute sa beauté, ce qui peut aussi arriver, avec un toro manso mais « encasté », quand le piquero sort au centre (les terrains « extérieurs »), comme ce qui s’est produit lors de la dernière feria de Vic-Fezensac de la part de Gabin Rehabi qui montait Destinado de Bonijol pour affronter un toro Dolores Aguirre, et bien qu’une partie du public n’ait pas compris dans un premier temps qu’il est non seulement parfaitement licite (ce qui est effectivement admis autant dans le règlement espagnol que dans le français) de dépasser les lignes dans des cas comme celui-ci mais qu’il s’agit, qui plus est, d’une véritable démonstration de courage.
Le règlement français reprend l’ancienne manière de piquer, d’une manière quelque peu romantique (comme dans celui du Pays Basque d’ailleurs), puisqu’il explique que le picador doit piquer « dans le haut du morrillo » (malgré la faute d’orthographe, avec un R simple, de l’article 73.4, comme exemple d’une rédaction en général peu soignée du RTM). La manière de provoquer l’animal est décrite plus précisément vu que le picador doit l’appeler « perpendiculaire au cercle extérieur », ce qui dans certaines arènes est effectivement la norme.
Le responsable de la surveillance des animaux est l’entreprise organisatrice (art. 47) et on ne mentionne nullement les forces de l’ordre pour cette mission.
Comme une réminiscence du règlement de 1992 « l’arreglado » des cornes de deux toros par corrida est autorisé et celles-ci ne rentreront pas dans le tirage au sort pour l’analyse (Communiqué de l’Association Française des Vétérinaires Taurins du 8 mars 2005). L’obligation d’annoncer cette opération n’existe pas puisqu’elle ne figure pas expressément dans le règlement (art. 58), ce qui dénote un manque de sérieux dans des conventions pour le moins très libres.
De plus, malgré son nom, la Commission de Contrôle ne réalise pas un véritable examen post mortem (art. 58 : deux vétérinaires, celui de la C.T.E.M. et celui de l’A.F.V.T. mandaté par l’U.V.T.F., accompagnés d’un représentant de cette dernière) et le président technique en est de toute manière exclu, ses prérogatives étant de ce fait bien diminuées. Il convient de noter que le vétérinaire apparaît pour la première fois comme personnage indispensable mais seulement dans les arènes de première catégorie où cette commission est obligatoire.
Une analyse systématique se pratique sur deux paires de cornes dans ces mêmes arènes (qui sont nommées mais non-définies) bien que dans la pratique, comme cela a déjà été dit, le choix des pointes se fait par tirage au sort après l’apartado (le lobby des éleveurs n’est pas étranger à cela, lequel ne reconnaît d’ailleurs pas la méthode d’analyse utilisée dans le laboratoire de Toulouse même si elle est considéré par d’autres comme étant plus précise que celle qui est employée à Madrid) et non « désignées » comme le précise le règlement (art. 58.c), entre les 4 paires restantes après le possible et très pratiqué « arreglado » (sans qu’il soit apparemment possible d’en inclure d’autres) ce qui est tout simplement une double anomalie. De plus, pour qu’il y ait sanction, les deux cornes doivent avoir été convaincues de manipulation. Et pourquoi pas une seule ?
Pour l’analyse annuelle, le président de l’U.V.T.F. et le président de l’A.F.V.T. inviteront les éleveurs et des représentants de plusieurs associations (d’aficionados, on suppose). Le président d’une C.T.E.M. peut également demander à son maire, après avoir rempli un procès-verbal (pas de manière systématique), l’envoi de cornes à ces analyses annuelles, mais ce que ne dit pas le règlement c’est que dans ce cas les frais sont à leur charge.
Lors de la dernière Assemblée Générale de l’U.V.T.F., en novembre 2014, il a été décidé que les analyses seront également réalisées dans les catégories de corridas qui en étaient jusqu’alors exclues comme les corridas-concours, les corridas mixtes (il faut souligner que contrairement au règlement aragonais ce type de corrida n’est pas défini dans l’alinéa correspondant) et celles appelées de défi où les animaux combattus sont de deux ou trois élevages différents.
Les sanctions légères sont dérisoires (60€ tout au plus pour une infraction de première catégorie) qu’il faut comparer aux 450€ prévus dans le règlement navarrais et qui peuvent, par exemple, être imposés pour un changement de tercio sans autorisation) mais seulement théoriques : rien n’est écrit à ce propos (le règlement espagnol est copié sans aucun type d’adaptation ni aucune préoccupation pour l’appliquer) et, dans la pratique, aucune sanction n’est prononcée (les avancées qui se sont produites en France semblent uniquement obtenues grâce à des incitations). Seule une AG de l’U.V.T.F. peut prononcer une suspension, dans des cas exceptionnels, comme pour les élevages de Palha et de Juan Pedro Domecq, condamnées pour afeitado en 2005. Mais malgré les imperfections de ce système le nombre de cornes analysées est infiniment supérieur à celui qui est pratiqué en Espagne tant en valeur absolue que relative (28 paires en Espagne en tout dans les 3 années antérieures à 2014 contre 50 paires en France pour la seule saison 2013 ). L’article 92 précise aussi la possibilité pour le président de l’U.V.T.F. de demander une sanction de la part de l’U.C.T.L. mais les faits devraient être exceptionnels pour que cette association d’éleveurs prenne des mesures quand il est bien connu qu’elle agit bien souvent de façon très corporatiste.
Il existe un Corps de Présidents et Assesseurs de Corridas mais il n’est pas inscrit dans le RTM comme dans certains règlements espagnols (Castille-et-Léon en particulier). Il s’agit d’une création de la F.S.T.F. (Fédération des Sociétés Taurines Françaises) et de 42 présidents à partir de fin 2012. Le Document d’Assistance à la Présidence qu’ils ont rédigé stipule qu’un tour de piste posthume, et a fortiori une grâce, ne devrait pas être accordé avec moins de trois piques, et il précise que l’une des attributions du président est de rappeler avant le paseo l’importance d’un premier tiers réalisé en suivant les règles et allant crescendo, ce qui implique de renoncer à la mono-pique (rappelons qu’il en faut obligatoirement deux pour n’importe quelle arène) et, au contraire, d’infliger un châtiment limité dans la première rencontre. La manière de pratiquer la suerte de piques en France est principalement due, le règlement mis à part, aux prix décernés en monnaie sonnante et trébuchante (plus intéressants pour les professionnels que les prix symboliques car ils ne travaillent pas que pour l’amour de l’art comme l’ancienne noblesse), dans des spectacles isolés et non pour un abonnement complet, et à ce dialogue préalable indispensable pour contrecarrer l’image que les piqueros eux-mêmes ont de leur profession comme un reflet des goûts de certains publics modernes qui n’ont rien connu d’autre (même dans certaines arènes importantes) que la suerte sans âme qui est devenu la norme, sifflée pour avoir perdu sons sens.

PRINCIPALES ABSENCES
Rien n’est indiqué sur le diamètre de l’arène et il est certain que celle de Vic-Fezensac, bien qu’étant de première catégorie française, ne pourrait pas célébrer de corridas en Espagne en respectant le règlement.
Il n’y a pas non plus quelque mention que ce soit sur le signalement de la date de la ferrade ou celle de l’embarquement.
Le RTM omet de parler du Livre Généalogique français qui cependant existe bel et bien pour les élevages de l’Association des Eleveurs Français de Taureaux de Combat (A.E.F.T.C.). Il demande simplement le certificat de naissance (art. 43) « attestant de leur inscription au livre généalogique du pays d’origine » (art. 48).
Le procès-verbal final, qui est le principal document en matière de garanties sur l’intégrité du spectacle, n’y figure pas non plus, en partie parce que l’obligation de pratiquer l’examen post mortem n’apparaît pas non plus, mais cela reste malgré tout surprenant et même quelque peu choquant.
Même si elle n’existe pas sous cette appellation, la France dispose d’une entité comparable à la Commission Consultative des Affaires Taurines avec l’Observatoire National des Cultures Taurines (O.N.C.T.), présidé par l’écrivain et ancien matador André Viard et qui réunit toutes les parties impliquées dans les diverses tauromachies. Cette entité a permis l’inscription de la Corrida au Patrimoine Culturel Français, ce qui suppose la reconnaissance du fait culturel taurin même s’il s’agit d’une procédure plus administrative que juridique.


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