Ponce et la tauromachie spectacle

Billet d’humeur publié sur le site de la FSTF en réaction à des opinions publiées  sur ce même site :

Je me suis toujours insurgé contre l’idée qu’il y a deux tauromachies irréconciliables qui n’auraient rien à voir l’une avec l’autre : la tauromachie spectacle et la tauromachie vérité.

Personnellement, je vais chaque année à Vic ou dans d’autres arènes pour voir des toros-toros et les tiers de piques qui vont avec.

J’allais aussi il y a peu de temps encore voir Morante pour le plaisir de le voir dessiner quelques splendides véroniques sans trop d’espoir pour la muleta.

Je suis aussi allé parfois voir le binôme Adalid-Sánchez. J’appréciai la torería et les estocades de Fandiño.

Parmi les tenants, voire les organisateurs de la tauromachie vérité, j’en vois souvent dans le callejón de courses on ne peut plus « toreristes » pendant les ferias estivales. Ils y prennent visiblement pas mal de plaisir, en particulier quand c’est Ponce qui torée.

Et c’est bien là la seule vérité que je connaisse : si on aime la tauromachie espagnole à pied et tout ce qui la compose on est obligé de voir un certain nombre de courses par an, diverses et variées.

Militant du poder et défenseur du tercio de piques, je constate que le monde n’est pas tel que je souhaiterais qu’il soit mais tel qu’il est. La vérité c’est que la caste et la « baston » (celle d’un Lamelas par exemple quoique très méritoire) ne suffisent pas. Une autre vérité c’est que le genio est un défaut (même si une dose de caractère est appréciale) et que la noblesse est une qualité, quoi qu’on en dise. Elle ne l’est cependant que si elle est accompagnée de force et de bravoure.

Ponce est sorti cette année par la Grande Porte de Madrid, il a triomphé à Bilbao avec un encaste qui les autres figuras rejettent et a coupé trois oreilles à Linares avec les toros de Samuel Flores.

Après plus de 25 ans d’alternative il est en passe d’être consacré triomphateur de la saison. On ne torée pas comme il le fait sans amour du toreo donc du toro et de la tauromachie. Prétend-il la suppression du tercio de piques, des banderilles et de l’estocade ? Serait-il un anti déguisé de lumières ? C’est ce que j’ai eu l’impression de lire dans certains propos.

En quoi est-ce dégradant pour la tauromachie de la revêtir de sons et de lumières ? Nous avons besoin d’expérimenter de nouvelles voies. Sans faire n’importe quoi, l’événementiel est primordial pour attirer le chaland, que ce soit via une goyesque ou par une affiche sortant de l’ordinaire : un mano a mano Ponce vs Tomás ? Si c’était moi qui choisissait le bétail ce serait deux pedrazas, deux alcurrucenes et deux victorinos. Mais même avec 6 toros de Victoriano del Río ce serait un événement, donc on en parlerait.

Oui Vic, Céret, Parentis font très bien les choses mais voir la tauromachie par ce seul triangle c’est passer à côté de beaucoup de choses car les meilleurs toreros ont le pouvoir de tomber dans la facilité, celle de ne pas affronter les élevages les plus durs mais ils sont surtout les auteurs du bon toreo, celui qu’on voit malheureusement assez rarement avec des toreros modestes face à du bétail compliqué.

Je regrette comme beaucoup l’absence ou la rareté de « gestes » des toreros-étoiles mais je leur reconnais un talent indéniable et leur personnalité est l’un des attraits de la tauromachie qui n’est plus au moins depuis plus d’un siècle une science appliquée où il ne conviendrait de donner des passes que dans un but technique comme préparation à l’estocade. D’ailleurs, au risque de me fâcher avec la moitié de l’afición, avec un toro à la défensive, à l’époque de Guerrita où le toreo se faisait encore sur les pieds, il était impensable d’enchaîner des passes sur un même côté et le classicisme le plus absolu voudrait qu’on le prépare à l’estocade par un macheteo qui peut revêtir lorsqu’il est bien fait une grande dose de torería. Mais j’arrête là car je suis fatigué de répéter des choses perçues par certains comme des inepties alors que pour d’autres ce ne sont que des évidences. Ce qui est irréconciliable ce sont certaines idées ou représentation des choses.

Pour ma part, ce qui m’a plu de point de vue conceptuel dans la corrida de Malaga en 2017 c’est l’utilisation de la cape (l’instrument de base du toreo) au dernier tiers comme avait voulu le faire le grand Ordóñez et surtout la série offerte à Conde qui a permis de confirmer les limitations dudit torero mettant de cette manière mieux en valeur l’animal.


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