La bonne conscience

             Protéger nos enfants ? Les protéger de nous-mêmes, de ce que nous sommes, de ce que nous aimons et souhaitons leur transmettre ? Avec le projet de loi visant à interdire l’entrée aux corridas de mineurs de moins de 16 ans la liberté se meurt encore un peu plus au bénéfice d’une prétendue protection.

            Il faut suivre une norme; la morale républicaine frappe à nouveau : après son côté laïcard voilà que c’est son côté paternaliste qui ressort.

            L’interdiction du voile à l’école est une chose mais pour les lieux publics il s’agit d’une restriction claire des libertés. Pourquoi ne pas interdire l’uniforme ecclésiastique, la kippa, les rastas, les turbans, les vêtements blancs des santeros cubains, les processions de semaine sainte, les tenues de communiants….

            Récemment, j’entendais à la radio qu’il y a actuellement un problème de recrudescence de violences sexuelles chez les mineurs. L’interdiction de la pornographie aux moins de 18 ans est-elle respectée ? Qui peut le croire ? Il y a là un problème réel. Hiérarchisons les priorités.

            Les mangas ne sont-ils pas violents ? Interdisons-les. Et ne parlons pas des jeux-vidéo !

            Accompagner papi à la chasse ? Interdit ! Regarder à la télé un lion manger une gazelle ? Interdit ! Tuer le cochon ou l’agneau en famille ? Interdit !

            Laisser un enfant SEUL devant une tablette voilà qui est violent. Ne pas l’écouter et donc ne pas répondre à ses interrogations (de plus en plus larges avec internet et l’avalanche de sujets déversés sans filtres), c’est ça qui peut perdre un enfant. L’éducation c’est un cadre et un accompagnement qui font de plus en plus défaut.

            Et que dire des vieux qu’on cache aux enfants dans certains mouroirs : violence par omission. On les empêche même parfois, là aussi pour les protéger, de leur dire un dernier adieu pour leur enterrement. On cache la mort au lieu de la mettre en scène pour mieux l’exorciser comme il a été fait, de différentes manières, dans toutes les civilisations pendant des siècles et des siècles. Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’Halloween est autre chose qu’une fête commerciale !

***

            Il y a quelques années de cela, j’avais retenu d’une conférence sur le thème de l’enfance et la tauromachie, que la violence symbolique est une nécessité dans la construction des individus et des civilisations. Pour résumer, le public de rugby est un public apaisé car il ressort d’un spectacle sportif où est mis en scène un combat comportant une violence régulée. A mettre en perspective avec le comportement d’une bonne partie du public de football censé être un sport de gentlemen. Il en va de même de celui du public de corridas, pacifique et stoïque en comparaison de celui des anti-taurins avec leur déferlement de haine à notre encontre quand ils nous honorent de ce qu’ils veulent être des haies de déshonneur sur le chemin des arènes. Une société sans violence est une pure utopie. Si on veut bannir toute violence orchestrée, celle-ci ressortira de manière absolument chaotique. Bref, il vaut mieux un bouc émissaire au sens propre avec sa valeur expiatoire et « exutorielle » que des boucs émissaires qui ont été cherchés de tout temps parmi des populations minoritaires accusées d’être responsables de tous les maux comme en témoignent un grand nombre de pogroms spontanés, en France notamment. Ce psychiatre spécialiste de l’enfance ajoutait qu’à son humble avis, à partir de dix ans un enfant pouvait tout à fait comprendre ce spectacle et commencer à appréhender son sens si tant est qu’on le lui explique, mais justement : le mineur n’est jamais seul aux corridas, il est toujours accompagné et nul n’y est traîné de force. Il s’adresse à un public avisé.

            Les anti-taurins ont hélas d’ores et déjà gagné le combat qu’il nous livre alors que nous n’aspirons qu’à vivre en paix et à assouvir notre passion, non pas notre soif de violence, comme ils disent. Car cette vision des choses prévaut clairement aujourd’hui : nous nous délectons de la souffrance animale, cela paraît évident à beaucoup. Ce texte n’est qu’un billet d’humeur et non une défense ordonnée de la Corrida mais il y a des choses à rappeler à nos détracteurs : la mort du taureau de combat ou toro (pour simplifier), bien que violente, est plus digne que la mort rapide dans un abattoir car, si on peut manger la viande du toro, on est là dans un rite sacrificiel certes mais surtout dans la célébration de la vie humaine qui recrée des mythes anciens en représentant d’une manière esthétisée la victoire de l’Homme sur la mort. Là où certains y voient un spectacle morbide et sanguinaire nous y voyons l’exaltation de la vie et la mise en valeur des qualités combattives du toro qui permettent parfois sa grâce ou le souvenir de son combat, nombreux étant les noms de toros dont on se souvient.

            Pour parodier Sartre, qu’on a vu parfois aux arènes d’ailleurs, mais qui parlait là de littérature, après tout, cela n’est pas si important, l’Homme peut fort bien se passer d’aller aux corridas… mais la nature peut tout aussi bien se passer de l’Homme. Il est clair pour quiconque a déterré un arbre pour le transplanter que cela représente un grand stress comme on dit maintenant à propos de tout et de n’importe quoi : il souffre. Voilà le combat du futur, s’occuper de la souffrance végétale. Pourquoi pas, après avoir stoppé, comme le propose L214, l’exploitation des animaux et leur consommation, arrêter de consommer des légumes et passer à l’alimentation du futur, des sachets de nourriture synthétique lyophilisée et remplie d’arômes.

            Au-delà de l’ironie, il y a une réalité objective à laquelle on accorde l’importance qu’on considère opportune. Même si on ne peut être contre que les procédures d’abattage soient respectées, il y a des exceptions à prendre en compte par rapport à l’idée d’une mort donnée gentiment (un oxymore dans tous les cas) ou « proprement » : l’abattage rituel, casher ou hallal, celui des poulets élevés à la maison, des homards ébouillantés, des poissons pris dans les filets… Même la pêche à la ligne n’entre pas dans le respect des droits des animaux autoproclamés.

            Et les droits humains, lorsqu’il y a conflit, ne sont-ils pas au-dessus de ceux-ci ? Les anti-spécistes répondent évidemment que non mais dans la déclaration universelle des droits de l’homme, article 27, il est indiqué : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté ». Nous n’obligeons personne à aller aux Corridas mais nous, peuple du taureau, des zones landaise ou camarguaise, parfois héritiers de l’immigration espagnole, voulons continuer à pouvoir transmettre notre culture et ses valeurs, notamment celles de courage et de don de soi si contraires aux temps présents. Ceux qui ne sont pas de cette culture disent qu’elle n’en est pas. Pour eux sans doute, mais tant que nous continuerons à remplir les arènes de France, plus de 50, elle perdurera. C’est à nous d’en décider. La Corrida est un fait social, pas un sujet de salons. Nous ne faisons de mal à personne, surtout pas à nos enfants. S’il-vous-plaît, ne nous attaquez pas dans ce que nous sommes, c’est d’une rare violence. Nous sommes des êtres sensibles quoiqu’en pensent ceux qui nous dépeignent comme des barbares. Goya ou Picasso, entre autres, nous ont transmis un message sur ce qu’est la tauromachie, permettez que de futurs artistes boivent aux mêmes sources et trouvent leur future inspiration ailleurs que dans la morale « bambinesque » qui est à la vie réelle ce que le château de Disneyland est à l’histoire. Permettez que nos enfants puissent continuer à s’inscrire dans une lignée, c’est-à-dire que le lien, historique, culturel et social mais aussi générationnel ne soit pas rompu.


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