Oct 24 2015

Temporada 2015

Les saisons se suivent et ne se ressemblent pas. Alors que l’an dernier Perera et Fandiño se tiraient la bourre, en 2015 ces deux là ont fait pâle figure et c’est dans un premier temps Castella qui paraissait faire main basse sur la saison avant de se faire décoiffer par l’ouragan López Simón que personne n’attendait à pareille fête. Trois triomphes à Madrid et une soif visible de toréer où que ce soit, à base de sitio et de liaison l’ont catapulté au firmament. Se convertira-t-il en torero d’époque ?

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Mais le torero de Barajas n’est pas le seul à incarner le renouveau. Il y a trois jeunes à prendre en compte : Garrido profite de toutes les opportunités, Del Álamo s’accroche et Fortes torée avec un pathétisme tragique qui fait mal, surtout à lui.

Joselito Adame confirme même s’il n’est pas très bien traité par les empresas et quatre toreros issus des corridas dures font un bond en avant. Diego Urdiales est rentré dans une nouvelle catégorie, en particulier en étant le 5e torero à triompher pleinement à Bilbao en 20 ans, et la question est maintenant de savoir s’il sera capable d’émouvoir autant avec son toreo classique face à des charges moins vibrantes. Paco Ureña aussi a passé un cap en donnant le meilleur de lui-même et en profitant des opportunités à Pampelune ou à Bilbao avant de signer la faena de l’année, ni plus ni moins. Ses larmes de joie après une série divine resteront dans les annales comme un symbole du sentiment d’éternité que vivent parfois certains toreros et qu’ils nous font ressentir. Manuel Escribano, quant à lui, a fait mentir tous ceux qui comme moi pensaient qu’il avait atteint son sommet, en réalisant une grande saison face au bétail le plus compliqué. Il en va de même pour Rafaelillo qui s’est joué le type à de nombreuses reprises, en « lidiant » mais aussi et surtout en toréant avec personnalité, notamment à Madrid et à Valence, même si les aciers lui ont joué de mauvais tours.

Il y a ensuite Enrique Ponce qui fait honneur à sa carrière pour ses 25 ans d’alternative en se montrant au sommet dans n’importe quel type d’arènes et en ne s’occupant que de lui-même, à son rythme mais toujours avec afición. C’est aujourd’hui un torero qui a presque mis tout le monde d’accord, même s’il a tardé à convaincre. Il convient de rappeler que c’est un torero qui a triomphé face à du bétail « encasté », souvenons-nous de Lironcito, l’un des toros les plus braves « lidié » à Madrid et d’un certain nombre de toros de Núñez ou Albaserrada.

Dans le top 10 de la saison, en essayant d’être objectif, je ne vois que deux toreros du G5, et pas aux premiers postes : Talavante qui s’installe définitivement dans un rôle de figura qui le quittera plus tant qu’il possédera un poignet aussi magique et El Juli qui montre quelques signes de déclin entre son toreo en carré et son saut caractéristique au moment de l’estocade.

Les autres ? Morante est un torero à part qui réalise le meilleur toreo de cape de l’histoire de la tauromachie et qui sert des détails quand il le peut et quand il le veut. Manzanares a été régulier mais à un très bas niveau pour son rang et Perera comme Fandiño ont fait une saison en demi-teinte. El Cid reste très cérébral et s’il est encore capable d’utiliser sa technique il n’émeut plus parce qu’il n’est pas mû par la passion. Padilla s’essouffle aussi et parmi les toreros installés El Fandi reprend du souffle avec une régularité sidérante qui le fait terminer à nouveau en tête du classement.

D’autres toreros mûrs montrent que s’ils n’ont plus l’attractivité de la nouveauté c’est toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Cela est valable pour Morenito de Aranda avec une très bonne prestation à Madrid qui lui vaut une Grande Porte sans discussion, Juan Bautista qui dépasse la technique pour dire le toreo qui est le sien ou Abellán qui donne toujours ce qu’il est.

Les vieilles gloires ont aussi fait parler d’elles : El Soro à Valence, Espartaco et Dávila Miura à Séville ou Cayetano (moins vieux) à Ronda mais le plus gros mérite revient à ceux qui réussissent à émerger en ces temps où on ne donne plus sa chance à personne : Pepe  Moral, le torero révélation de l’an passé se montre plus grand que le Roi à Dax, Iván Vicente et Sánchez Vara profitent de leur passage dans la capitale pour revendiquer une place et des jeunes crient leur envie d’être : Javier Jiménez, Miguel Ángel Delgado, José Carlos Venegas et aussi, pour moi, le colombien Sebastián Ritter. D’autres méritent aussi qu’on leur fasse un peu plus confiance : De Mora, Pinar, Nazaré ou Galván.

Parmi les invisibles, Luque, Aguilar, Castaño ou Robleño ont été les plus décevants. Pour Dufau cette saison n’a pas vraiment été celle de la consécration mais il aura sans doute tiré des leçons. On imagine que Juan Leal également.

Deux novilleros importants ont pris l’alternative : Roca Rey va à n’en pas douter se transformer rapidement en figura et de Posada de Maravillas on peut espérer qu’il sera plus qu’un torero esthétique et qu’il se convertira en trois ou quatre saisons en grand artiste pour relever Morante de ce poids. Les autres ont encore beaucoup à prouver : Galdós, Vanegas, Adame et Castilla n’ont pas été les plus choyés et c’est pourtant ceux qui sont sortis du lot. Pour les autres, on attendra de voir.

Côté bétail, Cebada Gago offre un novillo de vuelta à Boujan, une grande novillada à Blanca ou à Calasparra et une grande corrida à Mont de Marsan après avoir sorti un toro de vuelta en début de saison à Valdemorrillo et un autre à Vic. Pedraza confirme pour la deuxième année consécutive avec de terribles toros pour les chevaux, bien qu’étant d’encaste Domecq, à Azpeitia comme à Dax et dans la novillada de Roquefort. Dans un autre registre, Cuvillo obtient deux vueltas à Valence et sort une grande corrida à Séville puis à Cordoue, Xérès ou Saragosse. Baltasar Ibán a sorti une corrida intéressante à Madrid, d’excellentes novilladas à Mugron et Arnedo et de bonnes corridas à Talavera et Arles. Mais la plus grosse bonne surprise vient sans doute des Saltillo, à Madrid. Los Maños sort un toro de vuelta puis une bonne novillada à Saragosse. Alcurrucén continue à sortir des toros de triomphes majuscules : un pour Castella à Madrid et un autre pour Urdiales à Bilbao. Valdellán a déçu à Orthez mais s’est très bien comporté à Vic ou à Aire dans la novillada-concours. Fuente Ymbro s’est montré régulier à un bon niveau, à Séville ou à Madrid comme dans un certain nombre de novilladas, comme à Castellón ou Arnedo. Ana Romero sort des lots très intéressants à Azpeitia en corrida et à Arnedo en novillada. Adolfo Martín sort quelques toros intéressants, souvent avec le sceau de la noblesse d’autres fois comme lors de l’Automne madrilène avec celui de la fiereza. Il y aussi des élevages émergeants qui ne cessent de confirmer en novilladas, je pense notamment à Villamarta ou Guadalmena. A noter les intéressantes courses de Valverde à Alès et Concha y Sierra à Aignan, en plus de la caste des Granier à Vic.