Fév 7 2015

Toristes et toreristes (I)

DES SENSIBILITES DIFFERENTES

Pour les néophytes, quelques définitions plus ou moins neutres :

L’aficionado torista va avant tout voir des toros, il exige un animal imposant (au trapío parfois démesuré pour la taille et les cornes) et spectaculaire par sa puissance et sa dangerosité (un toro de poder et de caste ou tempérament) qui rendra toute réalisation artistique difficile, voire impossible. Il est très critique envers le torero. Il privilégie le tercio de piques, la caste sur la bravoure, la lidia sur le toreo et donc les toreros lidiadores et largos.

Le « torisme », compris dans son acception la plus stricte confine à l’intégrisme dans un véritable manichéisme. Elle utilise à propos de certains toros le substantif de chèvres, utilise volontiers le terme de vedettes pour parler des figuras et considère in fine que les corridas auxquelles ils participent configurent une tauromachie spectacle dénuée de tout intérêt, de sens et même de danger.

L’aficionado torerista “se met à la place” de l’homme, il est plus sensible au travail et à l’art de celui-ci qu’au taureau. En tout cas il préfère un toro harmonieux, pas trop grand et aux cornes relativement modestes plutôt dirigées vers l’intérieur, noble et avec une charge longue et répétée (la bravoure) pour favoriser le toreo, en particulier celui des toreros au style le plus marquant. Il considère la pique comme un mal nécessaire, une formalité qui doit être écourtée le plus possible, et il valorise surtout les suertes de cape et de muleta.

Mais à trop rechercher l’Œuvre, par définition exceptionnelle, on obtient souvent, il est vrai, un spectacle sans saveur avec un toro sans force.

Il y a sans doute des excès dans les deux camps. Entre « intoréabilité » et invalidité, sauvagerie et toro bobo, piques et lidia perçues comme une fin en soi et passes stéréotypées et sans consistance peut-être y a-t-il un juste milieu.

Là où on peut donner raison aux toristas, c’est quand le toro est invalide, qu’il tombe lamentablement, parfois même avant d’avoir été piqué ou lorsque le toreo est obligé de toréer au fil de la corne et à mi-hauteur, toréant à la faveur du toro comme disent les taurins, ce qui exclut toute profondeur. Il est vrai que les taureaux sans force, déclassés ou « descastés », à la charge molle, sont aujourd’hui la norme. Lorsqu’ils ont un fond de bravoure on pourra parler de ‘bravitos’ mais je rechigne à les appeler braves.

Dans l’autre extrême certains éleveurs, en accord avec l’idéologie torista, choisissent la sauvagerie brute et la puissance contre le groupe équestre avec des charges décomposées qui sont loin de l’idée de bravoure, tout au plus cherchent-ils la caste dans son sens négatif. Le toreo moderne, celui qui a évolué tout au long du XXe siècle est impossible avec de tels animaux mais ce qui est certain c’est que ces éleveurs ont un grand mérite à élever ces animaux d’un autre temps et qu’ils permettent de préserver une tauromachie variée, une tauromachie dans son sens étymologique où, comme au XIXe siècle, prime avant tout le combat.

Les élevages

On peut classer ceux-ci en 3 catégories (avec toutes les polémiques qu’un tel classement peut impliquer), des plus durs au plus doux. Voici une liste non exhaustive :

– José Escolar, Victorino et Adolfo Martín pour l’encaste Albaserrada, Prieto de la Cal pour celui de Veragua, Dolores Aguirre pour l’encaste Atanasio Fernández, Cuadri, Guardiola, Pérez de Vargas, Cebada Gago, Palha, Miura ou l’encaste Santa Coloma dans son ensemble

– Entre les 2, des élevages comme Fuente Ymbro (Domecq), Alcurrucén et Joselito (Núñez), Samuel Flores ou Baltasar Ibán (Contreras)

– L’encaste Domecq bien sûr mais avec des nuances (du sous-Domecq à des élevages de qualité comme Núñez del Cuvillo ou El Pilar), Valdefresno ou Puerto de San Lorenzo (Lisardo Sánchez), Torrestrella ou Torrealta

Les toreros :

– Les spécialistes : Castaño, Robleño, Rafaelillo, Ferrera, Urdiales…

– Les toreros faisant ou ayant à plusieurs reprises fait un « geste » : Ponce, El Juli, El Cid (de moins en moins pour ces trois), Juan Bautista, Fandiño…

– Les figuras qui ne toréent qu’une seule catégorie de toros : José Tomás, Manzanares, Morante, Talavante (son geste face à 6 victorinos 6 à Madrid n’a pas été un succès, loin de là, et il n’a pas montré l’intention de recommencer), Castella (malgré une oreille dacquoise coupée à un toro de Don Victorino), El Fandi…