« La tête ne sert pas qu’à retenir les cheveux » de Sabine Panet et Pauline Penot

teteAprès le « Le coeur n’est pas un genou que l’on peut plier »,  nous retrouvons les femmes de la famille Bocoum.

De retour du Sénégal à Villepinte en banlieue parisienne, les filles de la famille Bocoum poursuivent leur chemin entre traditions et émancipation, entre préjugés et liberté. Dado, l’aînée, scientifique reconnue, est amoureuse mais elle devra affronter de potentiels beaux-parents racistes; Awa, la cadette découvre lors d’un examen médical qu’elle est excisée. Pourquoi une telle pratique ? Pourquoi ne s’en souvient-elle pas ? Pourquoi n’en a-t-elle jamais parlé avec sa mère, Aminata ? Comment protéger ses petites soeurs ? Ernestine se lance dans les castings et en découvrent bien vite les limites…mais sans compter sur sa détermination et la fraîcheur de son humour. Enfin, du chaos à l’apaisement, la visite de la grand-mère Nawdé ne passera pas inaperçue…

Ni jugement ni voyeurisme ni fatalisme mais de l’intelligence, de l’humour sur fond de réconciliation. Une lecture épanouissante qui rend heureux. 

« Bluebird » de Tristan Koëgel

bluebirdElwyn est fils d’immigrés irlandais, Minnie, fille d’un chanteur itinérant noir. Ils se rencontrent dans une plantation, et tombent amoureux. Ils ont 13 ans, et ne savent pas que leur vie est sur le point de basculer. Quelques jours plus tard, en effet, Minnie assiste au passage à tabac de son père par des hommes du Ku Klux Klan. Effondrée, elle saute dans le premier train, en partance pour Chicago.

Voici un roman porté par la musique, par le blues des années 40 aux Etats-Unis : une époque marquée par l’apartheid et les agissements du Ku Klux Klan. On se laisse emporter par cet amour d’ado impossible au pays de la ségrégation. Tour à tour offusqué par la cruauté de certains Blancs, ou enjoué par la solidarité des ouvriers de la plantation, le lecteur accompagne tantôt Minnie dans les cabarets de Chicago, tantôt Elwyn sur le fleuve Mississipi jusqu’au jour où ils se retrouveront…

Un pur moment de bonheur…

Mariannick, doc.

Sur le blog autour de la musique

« En attendant Bojangles » de Olivier Bourdeaut

« Arrive un vagabond » de Robert Goolrick

goolrickC’est au cours de l’été 1948 que Charlie Beale arriva à Brownsburg. Il était chargé de deux valises — l’une contenait quelques affaires et des couteaux de boucher, l’autre une importante somme d’argent. Charlie y tomba deux fois amoureux. D’abord, il s’éprit de cette ville paisible de Virginie dont les habitants semblaient vivre dignement, dans la crainte supportable d’un Dieu qu’ils avaient toutes les raisons de trouver plutôt bienveillant à leur égard. Une preuve parmi d’autres : il n’y avait encore jamais eu de crime à Brownsburg. La deuxième fois que Charlie tomba amoureux fut le jour où il rencontra Sylvan Glass.

Ce n’est pas seulement l’histoire d’une passion tragique dont il s’agit, mais l’histoire d’une Amérique profonde, à la société traditionnelle dirigée par une religion puritaine, société où les Blancs et les Noirs ne se mélangent pas. Dans cet enfermement, deux « étrangers » voient leur destin basculer dans l’horreur.

A travers les yeux de Sam, l’enfant témoin du drame, le lecteur plonge dans une atmosphère de plus en plus pesante. Seules les sorties de Charlie au bord de l’eau fraîche et vivifiante calme le feu intérieur qui couve.  Robert Goolrick décrit aussi bien les décors que les âmes. On ne peut échapper au charme de ce livre…

Mariannick, doc.

« Des grains en or » d’Isabelle Peltier Mignot

Au début du XXe siècle, au Brésil, vingt années après l’abolition de l’esclavage, alors que la production de café est à son apogée, un grand besoin de mains-d’œuvre favorise l’immigration vers cette terre promise où l’or se cueille à la main. Après 52 jours de voyage depuis le Japon, le navire Kasatu-Maru accoste au port de Santos au Brésil en 1908. Pour Uta et ses compagnons, l’espoir est grand mais l’avenir incertain. Avec leur famille fuyant la misère du Japon à la fin de l’ère Meiji, ils sont venus récolter le café, promesse de fortune. Ils ne savent pas encore quelles difficultés ni quel avenir les attendent dans ce pays où tout est si différent, la langue, les coutumes, le climat. Leur volonté, leur courage et leur sens de l’honneur les aideront à affronter les périodes de crises économiques, de guerre puis de rejet ethnique afin de conquérir ce monde en contribuant à son développement agraire et tertiaire.

Cette histoire rappelle le livre de Julie Otsuka « Certaines n’avaient jamais vu la mer ».

« Certaines n’avaient jamais vu la mer » de Julie Otsuka

Elles avaient entre 13 et 20 ans, étaient presque toutes vierges, se trouvaient sur un bateau qui les amène vers les États-Unis, la plupart rêvent encore. Elles vont rejoindre le mari qu’on leur a imposé dont elles ne connaissent que les lettres et quelques photos. A l’arrivée, la réalité est très loin de leurs rêves.Ces jeunes Japonaises subiront une double peine : celle des femmes attachées à un labeur pénible et à des maris pas toujours compréhensifs ; elles subiront aussi l’indifférence des Américains, l’éloignement de leurs enfants qui ne partagent pas la même culture, puis l’humiliation et le rejet des Blancs et enfin l’angoisse des enlèvements à l’entrée en guerre des Américains contre leur pays.À la façon d’un choeur antique, fort de leurs multiples voix, elles racontent leurs vies. Une véritable clameur jusqu’au silence de la guerre, et l’oubli.

Le talent de Julie Otsuka vient de son écriture poétique, incantatoire qui arrive à nous transporter en mille lieux dans cette Amérique du début du XXè siècle. Son mérite est aussi de faire remonter de l’oubli la tragédie vécue par des milliers de femmes. Ce livre mérite complètement le Prix Femina 2012. A lire absolument ! L’an dernier, j’ai lu un autre livre sur la triste condition de ces immigrés Japonais du début du siècle mais au Brésil cette fois.

« Des grains en or » d’Isabelle Peltier-Mignot.

Mariannick, doc.