Cours de philosophie – Première partie

Préambule


Ce cours, s’appuyant sur le programme officiel des classes terminales générales, propose une introduction à la philosophie. L’approche mise en œuvre confronte trois hypothèses qui permettent de modéliser les principales controverses philosophiques tant dans le champ théorique que pratique. Les positions modélisées lors du traitement d’un problème philosophique sont ensuite exemplifiées à partir de textes d’auteurs de la tradition philosophique. Ce cours developpe au-delà d’une simple confrontation d’hypothèses les éléments d’une orientation philosophique pragmatiste.

 

Introduction



Pourquoi y-a—il de la philosophie ? Et quel l’intérêt de l’étude de cette discipline ? L’hypothèse de réponse que l’on formulera ici à cette question est la suivante: la philosophie naît de l’étonnement face à la diversité des opinions répondant à une même question. Cet étonnement qui fait surgir un doute, déclenche une enquête, visant à le faire cesser. Cette enquête est philosophique lorsqu’elle pose explicitement la question des valeurs qui sont à l’oeuvre dans nos pratiques: pourquoi désirons nous connaître ? Quelle est la valeur de la  recherche de la vérité ? Quelles sont les valeurs de la culture ? En vertu de quelles valeurs est-ce que je dois agir ? Cela ne signifie pas nécessairement que pour le philosophe, ces valeurs sont premières et que ce sont elles qui orientent nos actes, mais qu’il s’interroge au moins sur leur origine. De fait, c’est ce qui distinguerait la science de la philosophie. La science moderne s’attache à connaître la réalité, mais elle ne se pose pas la question de la valeur du savoir scientifique et donc du fait que l’on puisse consacrer sa vie à la connaissance scientifique. La philosophie est une recherche de savoir, mais orienté vers l’action. L’étymologie grecque signifie ainsi: « amour de la sagesse », ce qui signifie: recherche d’un savoir pratique, un savoir sur les valeurs de l’action: comment dois-je vivre ? Néanmoins, on le verra, cette opposition entre un savoir orienté vers la connaissance du réel et un savoir de la pratique est peut-être moins strict qu’il n’y paraît.

Cette recherche d’un savoir pratique est d’autant plus vital que nous vivons en société. Nous devons donc être capable d’agir collectivement au risque sinon de sombrer dans la guerre civile. L’enquête philosophique peut contribuer à nous y aider sur plusieurs points. D’une part, elle permet de mieux comprendre les sous-bassement, les présupposés, et la logique interne des différentes positions qui s’affrontent au sein de la société. Mais, la portée de la philosophie ne se limite pas à cela. Elle permet d’analyser la cohérence argumentative de ces différentes positions. Enfin, elle permet de proposer des hypothèses de solution à expérimenter. Cette dernière dimension appelle deux remarques. La première, c’est que la démarche philosophique ne se réduit pas à une simple connaissance d’argumentations, mais qu’elle est orientée vers une recherche de la vérité. Néanmoins, l’hypothèse qui sera formulée ici, c’est que cette recherche de vérité ne peut pas se limiter à une simple discussion argumentative, mais qu’elle suppose également une expérimentation pratique. Ce dernier aspect constitue la limite d’un cours de philosophie, parce qu’au-delà d’hypothèses théoriques, les philosophies sont des manières de vivre.

Le problème philosophique qui sera posé ici est le suivant: dans quelle mesure, face à la pluralité des opinions, sommes nous capable d’établir une connaissance objective et rationnelle sur le réel  capable de produire un consensus ? Le discours rationnel désigne ici celui s’appuyant sur une connaissance du réel capable d’être argumentée à autrui de manière à le convaincre.

L’approche de la philosophie proposée ci-dessous consiste à partir de trois hypothèses qui constituent les prémisses de trois positions qui ont des implications sur l’ensemble des champs philosophiques: épistémologie, ontologie, culture, politique, anthropologie et morale seront examinés. Chaque notion peut-être conceptualisée c’est-à-dire définie par rapport à l’une de ces trois hypothèses. C’est de l’existence de ces différences de conceptualisation qui naît alors un problème philosophique. On s’attachera ci-dessous à développer le type d’argument sur lequel peut s’appuyer une position et à l’exemplifier à partir d’un auteur de la tradition philosophique.

 

Préalables: Axiomatisation

 

Avant d’entrer dans le cours proprement dit, il s’agit ici de présenter les trois hypothèses

base qui orientent la réflexion à laquelle s’adjoint l’hypothèse pragmatique qui constitue

la quatrième hypothèse:


1) Hypothèse 1: Les sens + le vivant (sensualisme)

Il peut paraître évident de partir de la sensibilité. En effet, il semble à première vue que j’acquière mes connaissances par les sens.

La sensibilité est commune à l’être humain et aux animaux. L’être humain est donc un être vivant, un animal.

Limites:

La sensibilité ne permet pas de fonder une connaissance objective. En effet, les sensations sont subjective c’est-à-dire relative à chaque sujet qui l’éprouve.

Si on réduit l’être humain à la sensibilité, on ne comprend pas ce qui le différencie des autres animaux.


2- Hypothèse 2: La raison + la matière (rationalisme matérialiste)

Il est possible de supposer que l’être humain acquiert des connaissances également par le raisonnement. Plutôt que de fonder la connaissance sur la sensibilité, on peut alors tenter de la fonder sur le raisonnement.

Les sciences de la nature s’appuient sur le raisonnement nous conduisent à avoir une connaissance de la nature qui diffère de notre connaissance sensible. La nature est composée de matière. Mais la matière telle que la conceptualise la physique n’est pas la matière telle que je la perçois avec mes sens.


Limites:

Néanmoins, le raisonnement s’appuie sur des prémisses. Or ces prémisses ne peuvent pas être fondées sur un raisonnement sans régression à l’infini.


3- Hypothèse 3: Intuition intellectuelle + esprit (idéalisme)

Pour fonder le raisonnement, il est possible de supposer que l’être humain est un capacité de posséder des intuitions intellectuelles qui lui permettent de saisir de manière immédiate des vérités premières qui permettent ensuite de déduire par raisonnement d’autres vérités.

Ces vérités qui sont saisies de manière intellectuelles sont de l’ordre de la pensée et non de la matière. Il existe donc en dehors de la matière, une autre réalité, l’esprit.


Limites:

Néanmoins, il est possible que ces premiers principes qui paraissent évidents ne soient que des opinions relatives issues de l’habitude.


4- Hypothèse 4: Action + vivant (pragmatisme)

Nos connaissances seraient tirées de l’expérimentation empirique, de notre pratique.

L’être humain est un être vivant dont l’action tend comme celle de tout les êtres vivants à assurer sa propre survie. Néanmoins, l’être humain n’est pas mu par un instinct immuable, mais il possède une intelligence qui lui permet de raisonner et de tirer de ses expériences pratiques singulières des règles générales.

 

N.B:  On verra durant le développement du cours qu’il est possible de complexifier

les hypothèses sensualistes et idéalistes en leur adjoignant le raisonnement.

 

Première partie:

La connaissance de la réalité

 


Notions: La vérité, l’interprétation, la démonstration, théorie et expérience, raison.

 

Chapitre I- Les conditions de possibilité de la connaissance

 

Face à la diversité des opinions et si la philosophie est une enquête orientée vers la vérité, il est nécessaire de s’interroger sur les conditions de possibilité permettant de mener une telle enquête: Qu’est-ce que la vérité ? Comment puis-je la connaître ? Pour commencer, il est possible de partir de l’opinion commune sur le sujet. Quand est-ce que le langage courant je dis qu’une affirmation est vraie ? Prenons l’affirmation suivante: « il y a une table dans cette pièce ». Cette affirmation est vraie s’il y a effectivement une table dans la pièce. C’est-à-dire que nous semblons être d’accord pour qualifier d’affirmation vraie, une proposition qui correspond à la réalité. Le vrai ce serait la correspondance avec la réalité. Pourtant, prenons un autre exemple, lorsque je dis: « ce tableau est un faux ». La vérité consiste-t-elle ainsi dans la correspondance avec la réalité ou dans l’authenticité ? Je ne veux pas dire que ce tableau n’existe pas, mais qu’il n’est pas authentique. Autre constatation: si je dis « si a = b et si b = c alors a = c », ce raisonnement vrai, mais ne correspond pas à un objet de la réalité. La vérité consiste-t-elle dans la correspondance avec la réalité ou dans la cohérence de mon raisonnement ?

Par ailleurs, si l’on revient à cette première affirmation: « il y a une table dans cette pièce », il semble que ce qui me permet de l’affirmer, c’est le fait que je la vois. Ce qui permet alors de déterminer la vérité, ce sont nos sens. Mais lorsque je dis, « il fait froid dans cette pièce », il peut arriver que quelqu’un d’autre dise: « non, il fait chaud ». Par conséquent, est-ce que mes sens me permettent réellement de connaître la vérité ? La détermination de la vérité peut-elle se fonder sur la connaissance sensible ?

 

1- La relativité de la connaissance sensible: l’hypothèse sensualiste relativiste.

 

Arguments du réalisme naïf:Je vois une table dans la pièce et j’affirme que  « « l’affirmation « il y a une table dans cette pièce » » est vraie ». L’évidence sensible, c’est-à-dire celle issue des sens, serait donc la source de certitudes subjectives qui seraient également des certitudes objectives. Cette position est appelée « réalisme naïf ». Toute connaissance issue des sens est vraie. La science partirait alors de l’observation par les sens de la réalité. Par exemple, le biologiste observe la faune et la flore qui l’entoure afin de l’étudier. Prouver quelque chose, ce serait alors le montrer. Ainsi, sur la foire, le vendeur nous fait la démonstration que son produit nettoyant enlève toutes les tâches. Démontrer est ici synonyme de montrer.

 

Arguments du sensualisme relativiste: Il peut sembler évident de commencer par cette hypothèse: elle semble la plus immédiate. Pourtant, elle pose un certain nombre de problèmes. La certitude sensible est subjective et relative. Elle est une certitude pour moi, mais pas nécessairement pour quelqu’un d’autre. Par exemple, le fait d’avoir froid ou chaud dans une même pièce apparaît comme  relatif en fonction des personnes.  Une autre hypothèse trouble les philosophes depuis l’antiquité. Il arrive que nous soyons victimes d’illusions d’optiques, comme les mirages. Or serait-il possible que tout ce qui nous apparaît ne soit qu’une gigantesque illusion sensible ? Si la réalité est relative à l’apparence sensible, alors la réalité varie en fonction du point de vue de chacun et des circonstances. Ainsi, les opinions propres à chaque cultures, les lieux communs, seraient alors relatifs à nos expériences sensibles et auraient été figés dans le langage, par l’habitude. Celui qui serait sage, serait celui qui aurait le plus d’expérience, qui aurait le plus observé, qui aurait accumulé le plus de savoir sensible. Nos raisonnements ne seraient ainsi que des habitudes relatives.

 

Arguments d’un sensualisme vitaliste: Le monde apparaît comme étant alors relatif à notre point de vue. Mais comment se construit cette perception relative. Il est possible de faire l’hypothèse que si nous sommes des êtres doués de sensibilité, c’est que nous sommes des êtres vivants. Ce qui distinguerait alors ces êtres ne serait pas seulement leur sensibilité, mais la force interne qui les fait agir. Notre perception de la réalité peut-être alors analysée comme relative aux valeurs vitales qui sont l’effet de cette force. En tant qu’être vivant, nous tendons à nous conserver en vie. Notre perception peut alors apparaître comme relative à ce qui nous permet de nous conserver en vie. Notre perception est donc une interprétation relative de la réalité. Elle ferait intervenir en plus des sens des évaluations qui sont l’effet de la projection de notre force vitale sur notre environnement. Il n’y a donc pas de signification vraie en soi dans la réalité, les interprétations ne sont que des perspectives.

La vérité n’est pas alors la correspondance à la réalité, mais au contraire il s’agit d’exprimer contre les habitudes communes du langage, la perspective vitale la plus singulière, la plus authentique. Il s’agit de « devenir, ce que l’on est ». La vérité n’est plus une connaissance de la réalité, mais l’expression d’une interprétation authentique de la réalité.

 

Texte:Nietzsche: Relativité de la perception

 

La connaissance suppose le recours à l’intuition sensible, or celle-ci est nécessairement subjective et relative.

 

C’est seulement grâce à sa capacité d’oubli que l’homme peut parvenir à croire qu’il possède une « vérité » au degré que nous venons d’indiquer. S’il ne peut pas se contenter de la vérité dans la forme de la tautologie, c’est-à-dire se contenter de cosses vides, il échangera éternellement des illusions contre des vérités. Qu’est-ce qu’un mot ? La représentation sonore d’une excitation nerveuse. Mais conclure d’une excitation nerveuse à une cause extérieure à nous, c’est déjà le résultat d’une application fausse et injustifiée du principe de raison. Comment aurions-nous le droit, si la vérité avait été seule déterminante dans la genèse du langage, et le point de vue de la certitude dans les désignations, comment aurions-nous donc le droit de dire : la pierre est dure – comme si « dure » nous était encore connu autrement et pas seulement comme une excitation toute subjective !   (Nietzsche, Extrait de Vérité et mensonge au sens extra-moral)

 

Remarque: Il est possible de noter que l’hypothèse sensualiste relativiste est bien souvent aujourd’hui remplacée par une variante qui est celle du tournant linguistique. Nos affirmations sont relatives à la médiation du langage. En effet, l’hypothèse sensualiste supposait que nous n’avons accès qu’à des sensations et jamais directement à la réalité. L’hypothèse du tournant linguistique, c’est que notre accès à la réalité est toujours relatif au langage.

 

Objection: Néanmoins, l’affirmation « toute réalité est relative à nos sens ou à notre langage » se heurte à une objection. En effet, cette affirmation est elle aussi relative à nos sens et à notre langage. Par conséquent, cette affirmation ne vaut que pour moi et n’importe qui d’autre peut la contredire. Elle se heurte donc au principe de non-contradiction. Le principe de non-contradiction est un des principes de base du raisonnement. Il consiste à affirmer qu’une même réalité, dans le même temps et sous le même rapport, ne peut pas être elle-même et son contraire. Sans ce principe de non-contradiction, il nous deviendrait impossible de discuter et de défendre une opinion contre un autre interlocuteur.

 

2- Le recours au raisonnement: l’hypothèse rationaliste

 

Arguments: La science moderne s’est construite en rompant avec l’opinion immédiate issue des sens et avec les traditions issues des connaissances empiriques. La représentation que nous fournit la science moderne du réel dépasse les connaissances sensibles. Par exemple, nos sens ne permettent pas de percevoir les atomes. L’hypothèse matérialiste rationaliste consiste à supposer que le réel est organisé selon un certain nombre de principes rationnels tels que le principe de non-contradiction et le principe de causalité (toute chose doit avoir une cause). L’être humain est une partie de cette réalité et son esprit fonctionne donc selon les mêmes principes. La vérité comme adéquation entre la réalité et l’esprit humain est garantie par le critère de la cohérence. En effet, si le réel est rationnel, il devrait donc être possible de démontrer la réalité par le raisonnement sans s’appuyer sur l’intuition sensible. Démontrer, cela consiste donc dans ce cas à établir la vérité d’une proposition par la cohérence du raisonnement.

 

Exemple: le jugement et le syllogisme

 

Un jugement: Les hommes [sujet] sont [copule] mortels [prédicat]: à un sujet est attribué un prédicat par l’intermédiaire d’une copule.

 

Exemple de raisonnement: Le syllogisme

 

Tous les hommes sont mortels [prémisse majeure]           si a est b

Socrate est un homme [prémisse mineure]                         si c est a

Socrate est mortel [conclusion du raisonnement]      alors  c est b

 

La logique est la discipline qui étudie les formes du raisonnement indépendamment de leur contenu

 

En effet, la relativité de la connaissance sensible pose un second problème qui est celui de l’induction. L’observation sensible nous donne accès à une connaissance de la réalité, mais celle-ci est toujours relative à un cas particulier. Par la généralisation, c’est-à-dire l’induction à partir de cas particuliers, je ne peux pas obtenir d’énoncés universels c’est-à-dire valables pour tous les cas. Il n’est donc pas possible de partir de l’observation pour établir la réalité. Il faut s’appuyer uniquement sur le raisonnement, sa cohérence et la déduction. La science ne peut donc pas partir de l’observation, mais uniquement du raisonnement. L’expérience scientifique elle-même apparaît comme une théorie matérialisée. A travers les instruments scientifiques et le dispositif expérimental, c’est un cadre théorique qui est à l’oeuvre.

Connaître la réalité, cela consiste donc à l’expliquer. C’est-à-dire établir les causes efficientes, motrices, qui rendent compte de l’existence d’un fait. Tout fait est déterminé par un fait antérieur. La cause finale, l’explication par le but, n’est pas rationnelle: un fait postérieur ne peut pas déterminer un fait antérieur. La réalité est organisée selon une structure mathématique.

 

Texte de Leibniz (XVIIe):

 

Les grands principes du rationalisme moderne:

le principe de non-contradiction, le principe de raison suffisante, la distinction entre vérités de raison et vérités de fait.

 

31.  Nos raisonnements sont fondés sur  deux grands principes,  celui de la contradiction en vertu duquel nous jugeons  faux ce qui en enveloppe, et vrai ce qui est opposé ou contradictoire au faux.

32.  Et  celui de la raison suffisante,  en vertu duquel nous  considérons qu’aucun fait ne saurait se trouver vrai, ou existant, aucune énonciation véritable,  sans qu’il y ait une raison suffisante pourqu’il en soit ainsi et non pas autrement. Quoique  ces raisons le plus souvent ne puissent point nous être connues.

33. Il y a aussi deux sortes de  vérités,  celles de  Raisonnement et celles de Fait. Les vérités de Raisonnement sont nécessaires et leur opposé est impossible, et celles de Fait sont contingentes et leur opposé est possible. Quand une vérité est nécessaire, on en peut trouver la raison par l’analyse, la résolvant en idées et en vérités plus simples, jusqu’à ce qu’on vienne aux primitives.

(Extrait de La Monadologie).

 

Objections: Néanmoins, les présupposés du rationalisme moderne se heurtent à un certain nombre de limites. La première consiste à se demander si le raisonnement permet de déduire la réalité. La cohérence peut-elle être le critère de la vérité ? En effet, on peut s’apercevoir qu’un raisonnement peut être cohérent d’un point de vu formel et faux du point de vue de son contenu: « Tous les objets bleus sont beaux. Tous les arbres sont bleus. Donc tous les arbres sont beaux ». Le raisonnement formellement correct, mais il est matériellement faux du point de vue de notre intuition sensible. La cohérence permet seulement d’établir la validité logique. Le raisonnement ne permet pas de déduire l’existence d’un être. Il ne suffit pas qu’une chose soit possible, c’est-à-dire non-contradictoire, pour quelle soit. Certains philosophes, tels Descartes, ont ainsi tenté de s’appuyer sur une démonstration de l’existence de Dieu pour pouvoir déduire l’ensemble de la réalité sans recourir à la connaissance sensible. Dieu est l’être qui possède toutes les qualités. Donc l’existence est contenu dans la définition de Dieu puisqu’un être parfait sans existence ne serait pas parfait. Donc Dieu existe. Il s’agit de la preuve ontologique. Mais cette preuve se heurte à une objection, formulée par Kant, qui fait qu’il ne s’agit pas d’une démonstration, mais seulement d’une argumentation. Dieu serait le seul être pour qui l’existence serait contenu dans sa définition: or rien ne permet d’assurer que l’existence puisse au moins pour un existant être une propriété au même titre que d’avoir un angle droit pour le triangle rectangle. Ainsi, entre le billet de cinquante euros que nous avons dans notre poche et celui auquel nous pensons, il n’y a pas de différence au niveau de la définition. La seule différence, c’est l’existence.

La seconde limite consiste dans le fait de réussir à établir que les règles de rationalité de notre esprit sont également les règles de rationalité de la réalité qui se situe en deçà de l’apparence sensible. Cette hypothèse se heurte à l’argument du cercle vicieux. Pour établir que notre rationalité correspond à la structure rationnelle du monde, il faut utiliser un raisonnement. Par conséquent pour établir la validité d’un raisonnement, nous utilisons un autre raisonnement. Comment alors garantir même la vérité du principe de non-contradiction ?

 

3- La recherche d’un fondement transcendant: l’hypothèse idéaliste.

 

Arguments: S’il n’est pas possible de garantir la vérité d’une démonstration à partir de sa cohérence, il s’agit alors d’en fonder les prémisses et ainsi les principes du rationalisme. En effet, la vérité matérielle de la démonstration repose sur ses prémisses. Or la vérité du contenu des prémisses ne peut être ni fondé par les sens, ni par la raisonnement comme nous l’avons vu. Il existe donc une troisième hypothèse qui consiste à supposer que les êtres humains possèdent une faculté de connaissance intuitive, mais qui n’est pas de l’ordre des sens. Cette faculté de connaître nous permet une connaissance immédiate sans raisonnement des premiers principes conduisant ainsi à fonder les démonstrations.

Si cette fondation n’est pas tirée de l’expérience ou de la structure de la réalité, alors elle suppose l’accès à une connaissance transcendante, supérieure à la réalité. Néanmoins, cette hypothèse semble bien mystérieuse. Qu’est-ce qui nous permettrait de l’étayer ?

Il existe un type de connaissance vraie qui semble pouvoir correspondre à cela, ce sont les mathématiques. En effet, les mathématiques ne sont pas issues de l’expérience sensible. Les figures géométriques ne sont pas tirées de nos perceptions sensibles: personne n’a jamais vu un carré parfait. Ce sont des objets d’idéaux. En outre, les mathématiques, à la différence de la logique, ne sont pas de simples raisonnement formels. La découverte de démonstrations mathématiques supposent des intuitions qui ne sont pas contenues dans le simple raisonnement formel. Les chiffres ont des propriétés qui dépassent les propriétés de la logique. Par exemple, A= A: c’est de la logique. En revanche: 1 + 1 = 2, 2 + 1 = 3, mais 1 + 0 = 1: cela suppose que le zéro a des propriétés qui ne sont pas celles des autres chiffres. Les raisonnements logiques ne sont que de simples tautologies, en revanche les raisonnements mathématiques supposeraient des intuitions.

 

Texte: Pascal (XVIIe), Pensées: Le coeur et la raison (c’est-à-dire intuition intellectuelle et raison):

 

L’être humain possède deux voies d’accès à la vérité: l’intuition intellectuelle (foi religieuse et évidences intellectuelles) et le raisonnement. L’intuition est supérieure à la raison.


« Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur ; c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part, essaye de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l’incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu’il y a espace, temps, mouvements, nombres, est aussi ferme qu’aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie, et qu’elle y fonde tout son discours. (Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un doit le double de l’autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies.) Et il est aussi inutile et ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir y consentir, que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre, pour vouloir les recevoir. Cette impuissance ne doit donc servir qu’à humilier la raison, qui voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude, comme s’il n’y avait que la raison capable de nous instruire. Plût à Dieu que nous n’en eussions au contraire jamais besoin, et que nous connussions toutes choses par instinct et par sentiment. Mais la nature nous a refusé ce bien; elle ne nous a au contraire donné que très peu de connaissances de cette sorte; toutes les autres ne peuvent être acquises que par raisonnement. »

 

La connaissance scientifique ne repose par alors uniquement sur le raisonnement, mais également sur l’intuition qui vient fonder les premiers principes. Ce qui fait le critère de la vérité par intuition, c’est son évidence. La certitude subjective de cette évidence constitue également le critère de sa certitude objective.

De même, les sciences humaines s’intéressent aux actions humaines. Or les actions humaines et les discours – écrits ou oraux – semblent se caractériser par le fait que leurs auteurs leur attribut une signification. Or on l’a vu précédemment, les sciences naturelles modernes se caractérisent par un implicite rationaliste qui consiste à éliminer l’explication par la finalité. Or comprendre la signification d’un geste ou d’une parole, cela consiste à considérer qu’ils veulent dire quelque chose, qu’ils sont orientés selon un certain but. Interpréter un acte, un geste, cela consiste à en comprendre le sens. L’acte de comprendre consiste dans la saisie immédiate du sens. La compréhension au sens des sciences de l’esprit consiste dans une intuition intellectuelle des fins de l’acte. Elle se distingue de l’empathie qui est une intuition d’ordre sensible.

 

Objection: Néanmoins, il est possible d’effectuer une objection, comme le fait Leibniz, à la position d’idéaliste intuitionniste qui fonde la connaissance sur l’intuition intellectuelle: si l’évidence est le critère de l’intuition vraie, quel est le critère de l’évidence ? Même si on énonce des critères à l’évidence, quels seront alors les critères de ces critères et ainsi à l’infini ? La tentative de fonder sur une transcendance idéale la connaissance se heurte à l’argument de la régression à l’infini. Un des exemples qui a servi de point d’appui à l’hypothèse idéaliste étaient les mathématiques euclidiennes dont la vérité était sensée s’appuyer sur des premiers principes vrais. Néanmoins, le développement de géométrie non-euclidienne a constitué un argument contre les thèses de l’intuitionnisme au profit des positions formalistes. Il semblait en effet possible de développer à partir d’autres postulats des géométries différentes et tout aussi susceptibles de s’appliquer à la réalité.

 

Les tropes d’Agrippa (philosophe sceptique):

a) contradiction des opinions, b) régression à l’infini,  c) relativité des sens, , d) tout premier principe n’est qu’une hypothèse, e) diallèle ou cercle vicieux


Agrippa en ajoute cinq autres à ceux-ci; il les tire de la différence des doctrines, de la nécessité de remonter à l’infini d’un raisonnement à un autre, des rapports, du caractère des principes et de la réciprocité des preuves. Celui qui a pour objet la différence des doctrines montre que toutes les questions que se proposent les philosophes ou qu’on agite généralement sont pleines d’incertitudes et de contradictions. Celui qui se tire de l’infinité établit qu’il est impossible d’arriver jamais, dans ses recherches, à une vérité incontestable, puisqu’une vérité est établie au moyen d’une autre, et ainsi à l’infini. L’argument emprunté aux rapports repose sur ce que jamais un objet n’est perçu isolément et en lui-même, mais bien dans ses rapports avec d’autres; il est donc impossible de le connaître. Celui qui porte sur les principes est dirigé contre ceux qui prétendent qu’il faut accepter les principes des choses en eux-mêmes, et les croire sans examen ; opinion absurde, car on peut tout aussi bien poser des principes contraires à ceux-là. Enfin celui qui est relatif aux preuves réciproques s’applique toutes les fois que la preuve de la vérité cherchée suppose préalablement la croyance à cette vérité : par exemple si, après avoir prouvé la porosité des corps par l’émanation, on prouve ensuite l’émanation par la porosité. (Diogène Laërce, Vie et doctrine des philosophes illustres)

 

Objections: L’enquête philosophique se trouve-t-elle réduite au scepticisme ? S’arrête-t-elle à peine commencée ? Cependant, la position sceptique souffre elle-aussi de points faibles: le sceptique devrait douter lui-même de son propre doute et ainsi à l’infini. En outre le scepticisme apparaît comme intenable dans la pratique.

 

Texte- Hume:

 

Le scepticisme extrême est détruit par la pratique, par l’action


« Un pyrrhonien ne peut s’attendre à ce que sa philosophie ait une influence constante sur l’esprit; ou, si elle en a, que son influence soit bienfaisante pour la société, Au contraire, il lui faut reconnaître, s’il veut reconnaître quelque chose, qu’il faut que périsse toute vie humaine si ses  principes prévalaient universellement et constamment. Toute conversation et toute action cesseraient immédiatement, et les hommes resteraient dans une léthargie totale jusqu’au moment où l’inassouvissement des besoins naturels mettrait une fin à leur misérable existence. Il est vrai, un événement aussi fatal est très peu à craindre. La nature est toujours trop puissante pour les principes. Bien qu’un pyrrhonien puisse se jeter, lui et d’autres, dans une confusion et un étonnement momentanés par ses profonds raisonnements, le premier et le plus banal événement de la vie fera s’envoler tous ses doutes et tous ses scrupules, et il le laisse identique, en tout point, pour l’action et pour la spéculation, aux philosophes de toutes les autres sectes et à tous les hommes qui ne se sont jamais souciés de recherches philosophiques. Quand il s’éveille de son rêve, il est le premier à se joindre au rire qui le ridiculise […]. (Enquête sur l’entendement humain –  XVIIIe)

 

4- La connaissance évaluée par ses conséquences pratiques: l’hypothèse pragmatiste

 

L’hypothèse pragmatiste a pour origine l’hypothèse sensualiste relativiste, mais elle introduit la médiation de l’action. Nous ne sommes pas simplement des êtres sensibles, mais également des êtres vivants en capacité de se mouvoir. Nos perspectives sensibles sont expérimentées dans la pratique. La valeur d’une hypothèse est évaluée à partir de ses conséquences pratiques.

L’expérimentation pragmatiste se caractérise par un certain nombre de points. L’être humain, en tant qu’être vivant, tend à se conserver en vie. La vérité correspond donc à ce qui nous utile. Mais on pourrait alors objecter qu’un mensonge peut nous être utile et ne pas correspondre à la réalité. Néanmoins, l’hypothèse pragmatiste consiste à supposer que ce qui nous est réellement utile l’est parce qu’il correspond à la réalité. L’hypothèse selon laquelle l’erreur pourrait être utile est considérée comme absurde. En effet, un être vivant ne peut pas survivre en agissant d’une manière contradictoire avec son milieu, à savoir avec la réalité.

Les opinions issues des perspectives sensibles sont expérimentées dans l’action. L’expérimentation permet de réfuter une opinion, mais elle ne permet pas de la vérifier. Celle-ci peut toujours être réfutée par une expérience ultérieure. Outre l’expérimentation du fait que nous sommes des êtres sociaux, ces expérimentations sont menées collectivement et sont discutées collectivement. Le résultat de l’expérimentation doit résister à la discussion argumentée.

Le pragmatisme introduit un primat de l’action sur la théorie puisque c’est à l’aune de leurs conséquences pratiques que les hypothèses sont évaluées. Le pragmatisme n’introduit pas une rupture entre les faits et les valeurs. Les faits supposent des valeurs, par exemple, d’ordre épistémiques, mais les valeurs sont elles-mêmes argumentées à partir de faits.

La rationalité, tout comme les connaissances rationnelles, est le produit des règles issues de l’expérimentation et de la discussion.  La vérité est donc une situation idéale dans laquelle il y aurait adéquation entre nos connaissances et la réalité. Il n’y a pas d’incommensurabilité entre nos paradigmes, en effet dire qu’ils sont incommensurables suppose justement que l’on soit capable de les comparer.

 

Texte: James, Vérité et utilité:

 

Le vrai est utile, mais l’utilité n’est réelle que si elle correspond à la réalité:


Admettez qu’il n’y ait dans les idées vraies rien qui soit bon pour la vie; admettez que la possession de ces idées soit un désavantage positif et que les idées fausses soient seules avantageuses : alors il vous faut admettre que la notion de la vérité conçue comme chose divine et précieuse, et la notion de sa recherche conçue comme obligatoire, n’auraient jamais pu se développer ou devenir un dogme. Dans un monde où il en irait ainsi, notre devoir serait plutôt de fuir la vérité ! Dans le monde où nous sommes, au contraire, de même qu’il existe certains aliments qui ne sont pas seulement agréables au goût, mais bons pour les dents, bons pour l’estomac, bons pour les tissus; de même, exactement de même, il existe certaines idées qui ne sont pas seulement agréables à penser, ou simplement agréables comme servant de point d’appui à d’autres idées auxquelles nous tenons : il existe des idées qui nous sont en outre une aide précieuse dans les luttes de la vie pratique. S’il y a bien une vie qu’il soit réellement bon de mener plutôt que toute autre; et s’il y a bien une idée qui, obtenant notre adhésion, puisse nous aider à vivre de cette vie-là, eh bien ! il nous sera réellement meilleur de croire à cette idée, pourvu que la croyance s’y attachant ne soit pas, bien entendu, en opposition avec d’autres intérêts vitaux d’un intérêt supérieur.

(Le pragmatisme, Leçon II)

 

Remarque: C’est une thèse fort répandue que de penser que les philosophes pragmatistes sont anti-réalistes c’est-à-dire qu’ils pensent que la vérité est utile même si elle ne correspond pas à la réalité. Or comme le rappelle William James, dans L’idée de vérité, il s’agit plutôt d’une déformation de la position pragmatiste par les adversaires du pragmatisme philosophique.

 

Tableau distinguant différentes disciplines:

 

Ces disciplines sont-elles orientées vers la recherche de la vérité ? Cherchent-elles à établir la preuve de la vérité par le raisonnement ou par les faits ?

 

Logique La logique s’intéresse uniquement à la validité d’un discours, sa cohérence.
Mathématique Les mathématiques ne sont pas réductibles à la logique: le théorème de Gödel marque un échec dans les tentatives de réduire les mathématiques à la logique formelle
Sciences physiques etSciencesde la vie Les sciences physiques et les sciences de la vie s’appuient sur des hypothèses qui peuvent être contre-intuitives.Elles font appel à des expériences scientifiques pour tester ces hypothèses.Les sciences de la vie font néanmoins intervenir davantage l’observation que les sciences physiques qui sont davantage mathématisées.

 

Sciences humaines Les sciences humaines ne permettent pas généralement de tester les hypothèses et les théories par des expériences. Le recueil de données empiriques occupe une place importante: témoignages, observations…
Philosophie Discours argumentatif s’appuyant sur des prémisses vraisemblables, mais orienté vers la recherche de la vérité.
Rhétorique Discours argumentatif orienté uniquement vers le fait de parvenir à persuader l’interlocuteur. La rhétorique s’appuie sur des prémisses vraisemblables.

 

Transition:

 

Après avoir essayé d’élucider les conditions de possibilité épistémiques de l’enquête philosophique, le chapitre suivant est consacré aux hypothèses qu’il est possible de formuler sur la réalité et à défendre celles que nous tenons comme les plus rationnellement justifiées.

 

 

 

Chapitre II: Le vivant: entre matière et esprit.

 

Les hypothèses ontologiques:

 

Le thème du vivant  constitue une porte d’entrée intéressante pour penser les problèmes liés à la connaissance de la réalité. En effet, les êtres humains sont des êtres vivants. Or les êtres vivants peuvent-ils être réduits à des choses matérielles ? Les êtres vivants peuvent-ils être étudiés comme on étudie des minéraux ou possèdent-ils une spécificité irréductible ? Or même si on admet que les êtres vivants ne sont pas réductibles à la matière inerte, pour autant les êtres humains sont-ils réductibles eux-même à des êtres vivants ou possèdent-ils également une spécificité ?

Néanmoins pour tenter d’éclairer ces problèmes philosophiques, il est nécessaire en préalable d’apporter quelques éléments sur les sciences pré-modernes.

 

1- La représentation du monde dans les sciences avant la période moderne

 

En remettant en cause l’explication par la finalité, la science moderne a profondément transformé la représentation du monde par rapport à ce qu’elle était dans l’Antiquité et la période médiévale.  Le monde y apparaissait en effet comme un cosmos ordonné en fonction d’une fin et indiquait donc des valeurs. Il n’y avait pas de distinction entre fait et valeur. Dans le monde pré-moderne, chaque réalité était explicable en fonction de son but, voire de son utilité pour l’être humain. Par exemple, si nous avons des yeux, c’est pour voir: l’oeil est expliqué par sa finalité c’est-à-dire par sa fonction, son but.

La différence entre le minéral et le vivant tient par exemple chez Aristote a un principe d’organisation, l’âme, qui donne forme à la matière. Les âmes végétales, animales et humaines se distinguent par leurs finalités. Ainsi l’être humain possède les facultés contenues dans les deux premières, mais la particularité de son âme – dite intellective – est d’avoir pour fin la pensée. De fait, la finalité la plus haute que puisse se donner l’être humain est de pouvoir penser. De manière générale, la notion d’âme a été certainement induite de la différence entre le corps vivant et le corps mort: ce dernier semble avoir perdu le souffle qui l’animait. La science aristotélicienne, dominante à l’époque médiévale, est qualitative, non-mathématisée, accordant une place importante de ce fait l’observation sensible.

 

Au contraire, un univers infini, dont la terre n’est plus le centre, remet en cause la vision de la connaissance scientifique comme donnant une représentation de la réalité orientée selon l’utilité qu’elle a pour l’être humain.

 

2-  L’hypothèse matérialiste rationaliste sous-tendant les sciences modernes

 

Le rationalisme de la science moderne conduit ainsi à rompre avec le subjectivisme de la sensibilité et de l’évaluation. La matière n’est plus définie comme ce qui est perçu par les sens, mais ce qui est connu par l’analyse rationnelle. La remise en cause de l’explication par la finalité conduit à ne plus s’appuyer sur l’hypothèse d’une explication à partir d’un sens (une signification et un but) qui aurait été mis par un être transcendant Dieu dans la réalité matérielle. Il ne s’agit plus alors d’interpréter le monde relativement à un dessein intelligent ou d’une providence divine, mais comme un système de causes efficientes et d’effets. La science moderne rompt également avec l’utilitarisme de l’hypothèse sensualiste. Connaître ne consiste plus à déterminer ce qui peut être utile pour les êtres humains.

La logique de la science moderne conduit ainsi à traiter la nature en générale, donc le vivant et l’être humain, comme un mécanisme. La nature dans son ensemble peut être pensée sur le modèle de la machine.

Ainsi, en ce qui concerne le vivant, ce n’est pas, par exemple, pour voler que les oiseaux ont des ailes, mais c’est parce qu’il ont des ailes qu’ils volent. C’est l’organe qui crée la fonction et non la fonction qui crée l’organe. Il s’agit également de rompre avec l’analyse des actions des êtres vivants comme s’ils cherchaient ce qui est utile à leur survie. Leurs actions ne sont que l’effet d’un mécanisme. De fait, les êtres vivants sont analysés comme des machines et pourraient être réductibles à des machines. De même, avec la théorie de l’évolutionnisme transformisme de Darwin qui fait de l’évolution le produit d’une adaptation des individus à leur milieu, celle-ci n’apparaît plus comme orientée par l’intelligence divine, mais comme le produit de conditions naturelles.

De même, l’esprit humain semble se caractériser par sa capacité à penser en termes de finalité. Nous supposons que les actes des autres individus ont du sens car leur auteur aurait une certaine intention et poursuivrait un certain but. Or, la science moderne se caractérise par sa tentative d’éliminer la finalité de la nature. Ainsi, il serait possible de rendre compte de la pensée à partir du fonctionnement du cerveau humain. La pensée serait réductible à la matière. En effet, pour que l’esprit puisse agir sur le corps humain, il faut supposer qu’il soit matériel. Les opérations de l’esprit seraient réductibles à des mécanismes. Il serait ainsi possible à terme de construire des robots pouvant penser. De même, serait envisageable à terme que les neurosciences nous permettent de lire dans l’esprit humain à partir de l’étude du cerveau humain.

 

Texte de La mettrie, L’homme machine:

 

L’homme est un être entièrement matériel, sa pensée n’est que l’effet d’un mécanisme. Il n’est pas différent d’une machine. 

 

Mais puisque toutes les facultés de l’âme dépendent tellement de la propre organisation du cerveau et de tout le corps, qu’elles ne sont visiblement que cette organisation même ; voilà une machine bien éclairée ! Car enfin quand l’homme seul aurait reçu en partage la Loi Naturelle, en serait-il moins une machine ? Des roues, quelques ressorts de plus que dans les animaux les plus parfaits, le cerveau proportionnellement plus proche du cœur, et recevant aussi plus de sang, la même raison donnée ; que sais-je enfin ? des causes inconnues, produiraient toujours cette conscience délicate, si facile à blesser, ces remords qui ne sont pas plus étrangers à la matière, que la pensée, et en un mot toute la différence qu’on suppose ici. L’organisation suffirait-elle donc à tout ? Oui, encore une fois. Puisque la pensée se développe visiblement avec les organes, pourquoi la matière dont ils sont faits, ne serait-elle pas aussi susceptible de remords, quand une fois elle a acquis avec le temps la faculté de sentir ? L’âme n’est donc qu’un vain terme dont on n’a point d’idée, et dont un bon esprit ne doit se servir que pour nommer la partie qui pense en nous. Posé le moindre principe de mouvement, les corps animés auront tout ce qu’il leur faut pour se mouvoir, sentir, penser, se repentir, et se conduire en un mot dans le physique, et dans le moral qui en dépend.

Objection: Pourtant, l’objection qui est faîte à la thèse matérialiste, c’est qu’elle ne permet pas de comprendre comment la matière produit des propriétés qu’elle ne possède pas en particulier la finalité.

 

3- L’hypothèse idéaliste face à la science moderne: le dualisme

 

L’hypothèse dualiste de l’idéalisme consiste à admettre les principes du rationalisme matérialiste pour tout ce qui touche la matière inerte, mais à supposer que l’esprit humain n’est pas régit par les règles qui sont celles de la matière. En effet, l’esprit humain n’a pas les propriétés de la matière car il n’est pas matériel. C’est pour cela qu’il n’est pas déterminé par les principes de causes et d’effets. C’est pourquoi l’esprit humain est capable d’orienter ses actions en fonction de buts à atteindre et en particulier en fonctions de valeurs. Ainsi, si les ordinateurs sont capables de calculer, il ne sont pas capables d’effectuer des traductions qui consistent à choisir le bon sens d’un terme en fonction de la signification que l’on pense que l’auteur du texte y a mise.

Néanmoins, l’élimination de la finalité concernant les êtres vivants s’avère difficile. Le paradigme mécaniste ne rend pas compte de la capacité du vivant à se reproduire et à croître. A-t-on vu des montres faire des petits ? En effet, comment rendre compte de l’existence de l’oeil sans introduire le but que constitue la vue ? L’hypothèse que formule Kant consiste à analyser la finalité dans le vivant non comme une réalité, mais comme une idée régulatrice de l’esprit humain. L’analyse scientifique du vivant ne pourrait se passer pour rendre compte du vivant d’introduire une explication en faisant « comme si » il y avait de la finalité.

 

Texte de Descartes, Discours de la méthode, Partie V:

 

Il n’y pas de différence entre un animal et une machine. En revanche, un être humain ne peut être réduit à une machine car sa pensée n’est pas pré-programmée. 


            Je m’étais particulièrement arrêté à faire voir que, s’il y avait de telles machines qui eussent les organes et la figure extérieurs d’un singe ou de quelque autre animal sans raison, nous n’aurions aucun moyen pour reconnaître qu’elles ne seraient pas en tout de même nature que ces animaux ; au lieu que, s’il y en avait qui eussent la ressemblance de nos corps et imitassent autant nos actions que moralement il serait possible, nous aurions toujours deux moyens très certains pour reconnaître qu’elles ne seraient point pour cela des vrais hommes. Dont le premier est que jamais elles ne pourraient user de paroles ni d’autres signes en les composant, comme nous faisons pour déclarer aux autres nos pensées. Car on peut bien concevoir qu’une machine soit tellement faite qu’elle en profère quelques-unes à propos des actions corporelles qui causeront quelques changements en ses organes, comme si on la touche en quelque endroit, qu’elle demande ce qu’on veut lui dire; si en un autre, qu’elle crie qu’on lui fait mal, et choses semblables ; mais non pas qu’elle les arrange diversement pour répondre au sens de tout ce qui se dira en sa présence, ainsi que les hommes les plus hébétés peuvent faire. Et le second est que, bien qu’elles fissent plusieurs choses aussi bien ou peut-être mieux qu’aucun de nous, elles manqueraient infailliblement en quelques autres, par lesquelles on découvrirait qu’elles n’agiraient pas par connaissance, mais seulement par la disposition de leurs organes. Car, au lieu que la raison est un instrument universel qui peut servir en toutes sortes de rencontres, ces organes ont besoin de quelque particulière disposition pour chaque action particulière ; d’où vient qu’il est moralement impossible qu’il y en ait assez de divers en une machine pour la faire agir en toutes les occurrences de la vie de même façon que notre raison nous fait agir. Or, par ces deux mêmes moyens, on peut aussi connaître la différence qui est entre les hommes et les bêtes. Car c’est une chose bien remarquable, qu’il n’y a point d’hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter même les insensés, qu’ils ne soient capables d’arranger ensemble diverses paroles, et d’en composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées ; et qu’au contraire il n’y a point d’autre animal tant parfait et tant heureusement né qu’il puisse être, qui fasse le semblable. Ce qui n’arrive pas de ce qu’ils ont faute d’organes, car on voit que les pies et les perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c’est-à-dire, en témoignant qu’ils pensent ce qu’ils disent ; au lieu que les hommes qui, étant nés sourds et muets, sont privés des organes qui servent aux autres pour parler, autant ou plus que les bêtes, ont coutume d’inventer d’eux-mêmes quelques signes, par lesquels ils se font entendre à ceux qui, étant ordinairement avec eux, ont loisir d’apprendre leur langue. Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu’elles n’en ont point du tout.

 

Objection: Néanmoins si l’hypothèse d’une réduction de l’esprit et du vivant à la matière n’apparaît pas satisfaisante pour rendre compte de l’ensemble de leurs propriétés, à l’inverse la thèse dualiste d’un esprit indépendant de la matière s’avère également insatisfaisant. Outre le fait qu’on ne comprend pas comment l’esprit peut agir sur le corps, cette thèse conduit à extraire l’être humain du reste du règne naturel et à en faire un être de nature différente. Or, n’est-il pas possible d’introduire plutôt entre la matière, le vivant et l’esprit, plutôt qu’une différence de nature, une différence de degrés ?

 

4- L’hypothèse hylozoïste: un monisme vitaliste


L’hypothèse hylozoiste n’est pas une hypothèse scientifique, mais une hypothèse philosophique. Elle consiste à penser la réalité, ou du moins la terre, sur le modèle d’un organisme vivant. La nature serait alors animée par une poussée vitale qui caractériserait également la matière apparemment inerte et les êtres vivants jusqu’à l’être humain. Cette vision de la réalité comme une grande totalité vivante ne correspond pas au modèle de la science moderne. Elle s’y oppose dans sa tendance à réintroduire une forme d’animisme – une force obscure qui serait inexplicable – . Cette force peut apparaît comme une poussée aveugle orientée vers aucune finalité externe si ce n’est se maintenir et croître. Elle s’y oppose également par le fait qu’en pensant la nature sur le modèle de l’organisme vivant: cette conception réintroduit de la finalité dans la nature. Mais également, elle semble réintroduire des valeurs liées aux normes vitales du vivant remettant alors en cause la division entre fait et valeur.

Cette hypothèse semble davantage s’adresser aux poètes qu’aux scientifiques sérieux, même sous la forme de l’hypothèse Gaia. La philosophie ne retomberait-elle pas ici dans des formes de mentalités primitives pré-modernes ? Pourtant, on peut se demander dans quelle mesure, la science actuelle n’est pas inspirée davantage par le modèle de l’organisme vivant plutôt que par celui de la machine. Avec la notion de système, en particulier dans les sciences de l’écologie- écosystème, biosphère…- est-ce que cette hypothèse de la réalité pensée comme une totalité vivante n’apparaît pas comme un modèle heuristique afin de tenter de mieux comprendre le réel ?

 

Extrait: Diderot, Entretien avec D’Alembert:

 

L’existence de la vie et de la pensée conduirait à considérér que la matière inerte est déjà sensible et pensante, mais à un degrés moindre que le vivant et l’être humain. 


Si vous avouez qu’entre l’animal et vous il n’y a de différence que dans l’organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi ; mais on en conclura contre vous qu’avec une matière inerte, disposée d’une certaine manière, imprégnée d’une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement on obtient de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée. Il ne vous reste qu’un de ces deux partis à prendre ; c’est d’imaginer dans la masse inerte de l’œuf un élément caché qui en attendait le développement pour manifester sa présence, ou de supposer que cet élément imperceptible s’y est insinué à travers la coque dans un instant déterminé du développement. Mais qu’est-ce que cet élément ? Occupait-il de l’espace, ou n’en occupait-il point ? Comment est-il venu, ou s’est-il échappé, sans se mouvoir ? Où était-il ? Que faisait-il là ou ailleurs ? A-t-il été créé à l’instant du besoin ? Existait-il ? Attendait-il un domicile ? Homogène, il était matériel ; hétérogène, on ne conçoit ni son inertie avant le développement, ni son énergie dans l’animal développé. Écoutez-vous, et vous aurez pitié de vous-même ; vous sentirez que, pour ne pas admettre une supposition simple qui explique tout, la sensibilité, propriété générale de la matière, ou produit de l’organisation, vous renoncez au sens commun, et vous précipitez dans un abîme de mystères, de contradictions et d’absurdités.

 

Remarque: On trouve chez William James, par exemple dans son ouvrage, Un univers pluraliste, l’hypothèse d’un monisme vitaliste comme horizon de l’action pragmatiste. Le pragmatisme ne part pas de l’affirmation d’une unité ontologique du monde, mais cette hypothèse constitue l’horizon du pragmatisme. En effet, le monde contemporain n’est plus le cosmos clos des anciens, mais un univers infini. Cette force vitale qui traverse la réalité se traduit chez l’individu dans une tendance à l’action qui les poussent à survivre et au-delà à augmenter leur puissance d’agir.

 

 

Conclusion – transition:

 

            Cette première partie a conduit à montrer comment l’interrogation sur les conditions de possibilité du connaître amènent à dégager trois hypothèses de base: la connaissance par intuition ou par raisonnement et au sein de la connaissance par intuition, la connaissance par intuition sensible et la connaissance par intuition intellectuelle. Ces trois hypothèses induisent des hypothèses anthropologiques et ontologiques plus générales: sur l’existence du vivant, de la matière et de l’esprit.

Après avoir mis en avant dans cette première partie l’importance de l’action dans le processus de détermination de la vérité par l’expérimentation, et s’être intéressé au réel dans sa totalité, la seconde partie de l’enquête porte plus spécifiquement sur un aspect de la réalité: les cultures humaines.

[ Complément : La compréhension en sciences humaines (une hypothèse idéaliste).

Sciences humaines comme sciences de l’esprit et interprétation.

Il existe un courant en sciences humaines (sociologie, histoire…) qui considèrent que ce type de sciences doit être distingué des sciences de la nature : il s’agit des tenants de la méthode compréhensive. Les sciences de la nature renvoient au principe de la physique reposant sur le présupposé d’une organisation rationnelle de la matière. Néanmoins, pour les tenants de la méthode compréhensive, les êtres humains ne sont pas que des êtres matériels, ils ont également un esprit. Ils ne peuvent pas être étudiés selon les mêmes méthodes que les objets naturels réductibles à la matière.

Les sciences de la matière supposent une méthode explicative qui consiste à considérer que toute action à une cause motrice (ou efficiente). Au contraire, les êtres humains ont un esprit c’est-à-dire qu’ils agissent en fonction d’intentions (de buts) qui sont fixés par leur conscience. Cela a trois conséquences. Leurs actions ont un sens – une signification et une finalité – qui est lié aux intentions subjective de l’acteur. Les actions peuvent être orientées en fonction de finalités morales : idéaux, valeurs… Les actions ne sont pas déterminées uniquement par des causes motrices corporelles, mais également par des buts qui sont fixés par la conscience. Il existe donc un libre-arbitre, une liberté dans les actions humaines qui rend impossible la stricte explication causale.

Les sciences humaines supposent donc que le scientifique comprenne les actions humaines. La compréhension consiste dans la saisie immédiate et globale du sens -donc par intuition intellectuelle – d’une action ou d’un discours humain. Pour comprendre les actions, il faut donc les interpréter. En effet, l’interprétation consiste dans l’art de déterminer le sens. La compréhension est globale tandis que l’interprétation porte sur une partie. Cet art de l’interprétation s’appelle l’herméneutique. Le cercle herméneutique désigne le fait que pour comprendre le tout, il faut avoir interprété les parties, mais que pour interpréter les parties, il faut semble-t-il avoir compris l’ensemble. L’interprétation suppose donc que celui qui interprète possède des éléments de pré-compréhension en commun avec l’auteur de l’action ou du discours. L’interprétation s’appuierait sur le partage d’une tradition commune préalable.

La vérité scientifique en sciences humaines tiendrait donc dans la détermination du sens réel donné par les acteurs à leurs actes. Néanmoins, la détermination du sens réel pose problème dans la mesure où les intentions sont intérieures et que l’on n’a donc pas nécessairement accès au sens donné par l’acteur. En outre, celui-ci peut mentir sur ses intentions réelles. Néanmoins, cela ne disqualifie pas nécessairement l’interprétation. En effet, il est possible de dissocier « sens » et « vérité ». En effet, un discours peut avoir un sens sans être vrai et présenter un intérêt intellectuel, celui de nous donner à penser. Par exemple, un mythe religieux ou une oeuvre d’art n’est pas vraie au sens où elle correspondrait au réel, néanmoins la recherche de l’ interprétation de leurs différents sens stimule notre réflexion sur le sens de l’existence condition humaine. L’interprétation est donc lié à une propriété du langage humain qui est de ne pas être composé de simples signaux univoques, mais de symboles équivoques et donc qui impliquent de l’interprétation.

Texte : Max Weber, La sociologie compréhensive.

La sociologie compréhensive se donne pour objectif l’interprétation de la logique du sens visée subjectivement par l’acteur.

Comme tout devenir, le comportement humain (« externe » ou « interne ») manifeste au cours du développement des enchaînements et des régularités. Ce qui, du moins au sens plein, est propre uniquement au comportement humain, ce sont des enchaînements et des régularités dont le développement se laisse interpréter de façon compréhensible. Une « compréhension » du comportement humain obtenue par interprétation comporte tout d’abord une « évidence » spécifique qualitative de degré très variable. Le fait qu’une interprétation possède un degré particulièrement élevé d’évidence ne prouve encore rien en soi quant à sa validité empirique. En effet, un comportement individuel semblable quant à son développement extérieur et à son résultat peut dépendre des constellations de motifs les plus diverses, dont les plus évidents du point de vue de la compréhension ne sont pas toujours ceux qui se trouvaient effectivement en jeu. La « compréhension » d’une relation demande toujours à être contrôlée, autant que possible, par les autres méthodes ordinaires de l’imputation causale avant qu’une interprétation, si évidente soit-elle, ne devienne une « explication compréhensible » valable. C’est l’interprétation rationnelle par finalitéqui possède le plus haut degré d’évidence. Nous appelons comportement rationnel par finalité celui qui s’oriente exclusivement d’après les moyens qu’on se représente (subjectivement) comme adéquats à des fins saisies (subjectivement) de manière univoque. (Essai sur quelques catégories de la sociologie compréhensive” (1913)).]

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