Distinguer l’apprentissage collaboratif de l’apprentissage coopératif.

France Henri et Karin Ludgren-Cayrol dans leur ouvrage « L’Apprentissage collaboratif à Distance » font la distinction entre l’apprentissage coopératif et l’apprentissage collaboratif.

Certes, il y a des points communs entre les deux approches. Elles reposent toutes deux sur la conception socio-constructiviste de l’apprentissage. Au plus près de situations réelles, les apprenants rassemblés en groupes doivent participer chacun individuellement à la réalisation d’une tâche. Les objectifs visés sont aussi les mêmes : il s’agit de développer l’autonomie et l’interaction, mais aussi des compétences de haut niveau telles que l’analyse, la synthèse, la résolution de problèmes et l’évaluation.

Cependant, tous les apprenants n’ont pas le même degré d’autonomie et de maturité ni le même sentiment de responsabilité dans le cadre d’un travail en groupe. La collaboration n’est pas acquise par tous, surtout pas encore par les jeunes apprenants, et s’apprend : par ce que les auteures appellent l’apprentissage coopératif.

Dans ce dernier cas, la manière dont les membres du groupe travaillent ensemble est strictement encadrée par le formateur. C’est lui qui organise, supervise, guide et contrôle (alors que dans un dispositif collaboratif, le groupe prend en charge sa propre régulation). C’est aussi lui qui définit très précisément les buts à atteindre et les démarches à suivre (alors que dans un cadre collaboratif, chaque apprenant détermine son parcours). Et l’enseignant prend tout cela en charge parce qu’il doit établir des procédures qui favorisent les contacts sociaux, le sentiment d’appartenance et l’engagement de chacun par rapport au groupe. Au terme de la séquence, il procède à une évaluation sommative du groupe sur la tâche à exécuter.

On peut se demander quel est l’intérêt de ce genre de réflexion dans un blog dont l’objet est l’usage des TIC dans l’enseignement. Or il ressort de nombreuses lectures mais je ne citerai ici que l’article de Rémi Thibert publié dans la revue de l’Ifé de novembre 2012 et intitulé « Apprentissages et Numérique : Web 2.0 » que c’est dans les activités de type socio-constructiviste que l’apport des TIC est le plus productif. Et comme mon idée, ce n’est pas seulement d’utiliser les TICE, mais de le faire efficacement, cette démarche s’impose.

Réflexions autour de l’ouvrage de France Henri, Karin Ludgren-Cayrol : « L’Apprentissage collaboratif à Distance ». 2001 (Presses de l’Université du Québec)

A l’origine, je me demandais ce que pouvaient être des pratiques collaboratives d’enseignement avec les TIC. Je cherchais un manuel pratique contenant toutefois des pistes théoriques à méditer. Je n’ai pas été déçue. D’où cet article : conçu au départ comme une fiche de lecture, il est devenu questionnement introspectif de pédagogue. En tout cas, une chose est sûre : ce livre fera l’objet d’autres fiches de lecture.

Dans « L’Apprentissage collaboratif à Distance », tous les mots du titre ont été pesés. L’apprentissage, ce n’est pas l’enseignement. Collaboratif ne veut pas dire participatif. A distance ne se définit pas par mise de cours en ligne, mais par création d’environnements d’apprentissage virtuels où les apprenants collaborent.

Dans une première partie, les auteures passent en revue les théories pédagogiques qui leur ont permis de développer leur réflexion et leurs pratiques. Elles présentent d’abord une définition claire et efficace du constructivisme, du psycho-cognitivisme, du socio-cognitivisme et de la théorie de la flexibilité cognitive. Puis, elles en exposent les avantages pour ce qui touche de l’apprentissage à distance.

Elles aboutissent à la conclusion que la meilleure efficacité est obtenue grâce aux principes du socio-constructivisme que le meilleur outil à exploiter dans le cadre collaboratif est le forum.

Cette réflexion dont je n’esquisse ici que quelques traits mène à une redéfinition du métier d’enseignant partagé entre deux rôles qui peuvent ou non être investis par la même personne. Il y a d’une part l’expert et d’autre part le formateur.

Et là, de nouveau, l’usage des TICE pose la question des pratiques pédagogiques. Certes, j’utilise les TIC pour préparer mes cours. Je peux aussi les utiliser pour faire cours. Je peux aussi demander aux élèves de les utiliser. Mais cela m’interroge plus loin : je le fais dans quel but ? Pour me faciliter la vie ? C’est possible. Pour que les élèves apprennent quelque chose ? Cela est vivement souhaitable. Mais qu’ils apprennent quoi au juste ? Et comment ? Utiliser les TICE interroge les pratiques et les choix pédagogiques. Pour moi, la question est devenue incontournable.