Communication hiérarchique de l’Education nationale en période de confinement

Le mail a modifié la manière dont la hiérarchie de l’Education nationale communique avec ses subordonnés, en particulier avec les professeurs. Depuis une semaine, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale, a communiqué trois fois par vidéo, Madame Gavini-Chevet, la rectrice de l’académie de Normandie, nous a envoyé un courrier et les corps d’inspection des mails accompagnés de nombreuses pièces jointes. En 1986, quand j’ai commencé à enseigner, nous ne recevions jamais rien du ministre, ni du recteur et seulement nos rapports d’inspection des corps d’inspection.

Pour quelle utilité ? Aujourd’hui, le confinement de la France dû au coronavirus amène à mettre en place « la France apprenante », à savoir un enseignement à distance généralisé. Il s’agit là d’une expérience inouïe au sens ancien du terme, c’est-à-dire de totalement nouveau. Que certains aient besoin du soutien de la hiérarchie, cela est indéniable.

En même temps, à mes yeux, cette communication sur le numérique éducatif peut revêtir deux aspects contre-productifs. Premièrement quand elle liste TOUT ce qu’on peut faire avec le numérique pédagogique. Deuxièmement quand elle devient prescriptive sur les manières d’enseigner.

Dans le premier cas, elle contribue à l’infobésité que génère l’internet et entraine la dispersion de l’enseignant, voire un manque de confiance en soi. A avoir trop d’outils, trop de ressources, le pédagogue ne sait plus par quel bout commencer, quelles priorités dégager. Tout simplement, il ne sait plus quoi faire… au risque de perdre des élèves qui, pour l’instant, ont avant tout besoin d’être rassurés et non pas dispersés. Comment aller à l’essentiel du besoin d’apprentissage quand on nous bombarde de pléthore d’expériences, certes toutes intéressantes, mais qui partent dans tous les sens?

Dans le second cas, elle empêche ou, au minimum, freine le partage des expériences entre les enseignants de terrain et justement leur hiérarchie. Quel professeur osera dire, après coup, qu’il ou elle n’est pas allé(e) dans le sens des prescriptions, préconisations parce que cela… ne fonctionnait pas avec les élèves et leurs moyens techniques, intellectuels et émotionnels ? Qui osera alors dire, j’ai essayé telle ou telle chose ? Si cela a bien fonctionné, quelques uns franchiront peut-être le pas. Mais ceux qui ont échoué à mettre en place ce type d’enseignement, oseront-ils le dire ? Oseront-ils faire remonter leurs besoins, leurs manques, leurs doutes ?

Aujourd’hui, je crois que cette communication descendante de la hiérarchie de l’Education nationale risque de passer à côté de la chance unique que présente ce confinement : à savoir, la possibilité d’un échange entre les enseignants de terrain et le ministère de l’Education nationale sur une vaste expérience d’enseignement à distance encore jamais tentée auparavant à l’échelle de la France.